Chapitre 27

Balbutiant quelques mots à Vincent, je me levai et rejoignis rapidement Axel à l'entrée du lycée. Je m'arrêtai soudainement lorsque je vis qu'il était accompagné de Mélina, véritable garce ambulante. Elle détestait Chloé depuis le collège et faisait tout pour lui faire du mal. Gênée de les voir tous les deux, je restai légèrement cachée pour les observer. De plus, de là où je me trouvais, j'entendais des bribes de conversations qui m'énervaient déjà.

Merci, c'est gentil.

J'adore tes fossettes quand tu souris, c'est juste adorable, franchement je craque, dit-elle tout en sortant une cigarette. T'aurais pas du feu, Axel ?

Il fallait que j'intervienne hors de question que cette chose s'approche trop près de lui, si Chloé les voyait ensemble, cela pouvait virer au massacre.

– Celui que tu as au cul ne te suffit pas pétasse ? crachai-je en croisant mes bras.

À peine avais-je prononcé cette phrase que leur visage se tournèrent vers moi. Autant Axel paraissait surpris autant Mélina semblait presque ravie de ma remarque et de ma présence. Cette brune avait tout l'attirail de la fille superficielle. Des yeux charbonneux rehaussés de faux cils, des lèvres pulpeuses surmontées de gloss et une tenue à faire passer les prostituées du bois de Boulogne pour des enfants de chœur. Elle et sa copine Anaïs avaient joué un rôle important dans mon manque de confiance en moi. Je les haïssais profondément, c'était devenu viscéral. Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la bouche pour prendre la parole, elle prit les devants plus rapidement.

– Tiens, tiens Lilou-Ann ! Au lieu de nous faire chier pourquoi tu ne retournes pas chialer sur la tombe de celui qui est mort par ta faute ? Étonnant de voir que tu es encore là, franchement t'es même pas capable de réussir sur tes deux tentati-

Outch, celle-là je ne l'avais pas vu venir !
Je n'eus pas le temps de réagir qu'Axel l'avait déjà plaquée contre un mur, lui lançant un regard plus que noir.

– Ajoute un mot de plus, Pot de Peinture et je m'arrange pour faire de ton année un enfer.

J'étais figée par sa remarque, je ne l'avais jamais vu aussi énervé, jamais si... agressif. Ses mains tenaient les épaules de celle, qui quelques minutes plutôt le complimentait. Bien que je haïssais profondément cette fille, je ne voulais pas qu'Axel se mette dans une telle situation et surtout qu'il s'attire des ennuis par ma faute, j'avais déjà donné. Je m'approchai calmement d'Axel, posant ma paume sur son avant-bras.

– Axel, laisse tomber s'il te plaît. Viens.

Il lui fallut quelques secondes pour réagir au son de ma voix. Mais lorsque son regard se posa sur moi, je le sentis se détendre sous mes doigts. Les siens se détachèrent petit à petit des clavicules de Mélina avant de retomber lourdement le long de son corps. Cette dernière partit rapidement sans demander son reste et c'était le mieux à faire, car je n'étais pas sûre de pouvoir me contrôler. Sans un mot, j'attrapai le paquet de Malboro qui dépassait de son blouson, en retirant deux. Je lui en tendis une, puis plaçai l'autre entre mes lèvres. D'un geste ancien, mais familier, je l'allumai et lui tendis le briquet. Fermant les yeux, je tirai une première latte dessus. La fumée traversa ma trachée balayant toute douceur au fond de ma gorge. Malgré tout, cette première bouffée eut l'effet escompté, je me détendis immédiatement. Je le regardai avalant lui aussi sa première aspiration. Ses épaules s'affaissèrent, relâchant peu à peu les muscles de son visage. Avant de porter une nouvelle fois sa cigarette à sa bouche, il se tourna vers moi.

– Quand ? demanda-t-il soudainement.

– De quoi ?

– La première fois ? Elle a dit deux tentatives, murmura-t-il gêné d'avoir osé aller aussi loin.

– Je réponds à ta question, tu réponds à la mienne.

– Ça marche.

– Mon premier essai, c'était début juillet. Axel, dis-moi comment tu vas depuis samedi.

Il fallait absolument que je sois délicate et amener le sujet de façon douce, pour ne pas le voir se braquer. Pourtant je n'étais pas sûre de mon stratagème et encore moins de ma capacité à me dévoiler, même avec un tel enjeu.

– Mieux. Qu'as-tu fait ?

– Je me suis taillée les veines. Pourquoi es-tu venu chez moi ? répondis-je du tac-o-tac.

– Je ne savais pas vers qui me tourner et je savais que tu étais la seule qui pouvait me comprendre. Chloé est au courant ?

– Non et toi, est-elle au courant ?

– Non.

Il s'arrêta quelques instants ancrant son regard au mien. Je me sentis soudainement mal à l'aise, je savais que je n'aurais pas dû lancer ce petit jeu. J'avais peur de me brûler les ailes.

– Lilou, pourquoi me poses-tu toutes ces questions ?

– Parce que j'ai besoin de comprendre ta venue de samedi, pourquoi moi ? J'ai besoin de savoir qui tu as perdu et comment tu as fait pour surpasser tout ça ? Je ne sais pas Axel, je sais plus. Tu m'intrigues !

Voilà la bombe était lâchée. Avant de prononcer ces mots, je ne m'en étais pas rendue compte, mais oui Axel m'intriguait. Je voulais savoir d'où il venait, pourquoi il avait débarqué en juin dernier, qui il était, pourquoi il semblait renfermé... Tant d'interrogations et aucune réponse. Il était un véritable mystère pour moi, alors qu'au contraire ma vie était étalée au grand jour. Il savait qui j'étais, qui j'avais perdu, ce que je vivais, ce que j'endurais chaque jour. Il avait été là, depuis le départ de Zac, de près ou de loin, à travers Chloé en simple spectateur, témoin de ma déchéance devant sa tombe, acteur de ma perte à l'hôpital.

– Toi aussi Lilou, ajouta-t-il avant de jeter sa cigarette et de me laisser, seule avec sa remarque.

Je n'étais pas prête à entendre sa phrase. Que pouvait-il bien vouloir savoir de plus sur moi ? J'étais transparente. Il pouvait demander à qui il voulait ce qui m'était arrivé, celle que j'étais, tout le monde au lycée le savait. La sonnerie me sortit violemment de mes songes, m'obligeant à rejoindre le flot de mes camarades retournant à l'intérieur.

Jeudi 27 Novembre
Mon Zac,
dis-moi, est-ce que c'est plus simple là-haut ? Plus léger ?

Aujourd'hui Axel en a appris plus sur moi, mais le pire c'est que je me suis rendue compte qu'il m'intriguait. J'ai envie d'en savoir plus sur lui. J'ai l'impression qu'il est le seul à pouvoir comprendre ma souffrance, en dehors de Vincent.

D'ailleurs en parlant de lui, j'ai la sensation qu'il va mieux. Il est toujours à mes côtés, veillant précieusement sur moi. Je sais que sans lui, je me serais effondrée plus d'une fois au lycée. Plus notre relation avance, plus je suis en mesure de comprendre l'importance de sa présence pour toi. Il a repris les entraînements de rugby et ressort avec Baptiste. Il m'a proposé de venir, mais j'ai refusé. Je ne suis pas prête à passer une soirée chez lui avec vos copains... tes amis.

De mon côté, je viens de voir Lau danser dans le salon. Elle est si belle quand elle s'accorde à la musique. Son corps est en complète symbiose avec la mélodie, ça en devient magique.

La semaine prochaine, je l'accompagne de nouveau. Mais j'ai si peur de la douleur que cela peut provoquer, mais je dois essayer.

Ta mère, ton entourage, le lycée, la danse... J'affronte petit à petit nos moments.

Parce que nos souvenirs sont ma force...
Plus que tout.

Soufflant lourdement sur ma chaise, je fermai les yeux. Depuis plusieurs jours, j'étais angoissée, presque tétanisée à l'idée d'affronter mes souvenirs, angoissée à l'idée de replonger dans ma « dépression ». Je n'aimais pas ce mot, pourtant ma psychologue s'évertuait à me dire qu'il s'agissait d'une des phases du deuil et que je devais de fait accepter que je sois fragile moralement.

Si elle savait où elle pouvait se les mettre ses phases du deuil !

J'avais rendez-vous avec elle demain soir et je savais que je devais lui confier mon carnet. Elle allait certainement me prendre pour plus folle que je ne l'étais déjà. Soudainement, une vibration attira mon regard qui se posa sur mon téléphone.

* Lou, je suis désolé pour ne pas avoir eu l'honnêteté de signer mes autres messages. Je suis désolé d'être venu samedi et aussi pour ce midi. Je sais que je ne devrais pas être proche de toi, mais j'ai l'impression que tu es la seule qui comprend la colère qui m'habite. J'ai envie de te protéger, de te comprendre, de t'aider. Moi non, plus je ne sais plus rien.... Axel * — Inconnu

Merde !

Un poids venait de tomber violemment au creux de mon estomac. Tout devenait logique en voyant ce numéro. Il avait dû l'obtenir de Chloé et l'avait utilisé lorsque je m'étais rendue auprès de Baptiste. J'aurais dû m'en douter en lisant les messages. Je relisais silencieusement tous les SMS qu'il m'avait envoyés et tout s'emboîtait parfaitement.

* Tu n'es pas à l'hôpital, où es-tu ? *

* Lilou, dis-moi où tu es, je commence sérieusement à m'inquiéter. *

* Lilou, j'ai eu ta sœur au téléphone, elle est en panique, réponds s'il te plaît *

* Lilou, si tu ne réponds pas, je suis prêt à retourner la ville pour te retrouver. *

* Pourquoi t'as fait ça Lilou ? Si tu savais à quel point tu comptes pour les gens qui t'entourent... *

* Je ne suis pas un inconnu ni un surveillant supplémentaire, juste quelqu'un que tu as affecté sans le savoir. Prends soin de toi Lilou. *

* Je sais que tu es rentrée chez toi aujourd'hui, j'espère que cela n'a pas été trop dur de te retrouver face à tes sœurs. Ne baisse pas les bras, s'il te plaît *

* Pardonne-moi de ne pas réussir à faire plus pour toi *

Mon cerveau réfléchissait à toute vitesse. Je l'avais embarqué dans ma vie sans faire attention. Il avait raison, il était « juste quelqu'un que tu as affecté sans t'en rendre compte. ». Tout se chamboulait en cet instant. Nous étions irrémédiablement intrigués l'un par l'autre. Je voulais connaître son passé et lui voulait connaître l'ancienne moi. Même si ma curiosité était très forte, je ne pouvais pas le laisser entrer davantage dans mon intimité et je devais lui dire. Il y avait trop de choses en jeu, mon amitié avec Chloé, son histoire avec lui, lui et moi...

* Axel, je crois que nous partageons une peine identique, mais cela ne doit pas aller au-delà. Tu as Chloé et je ne peux pas me dévoiler. Je suis brisée, je ne suis bonne pour personne. À bientôt. Lilou-Ann *

Je m'installai dans mon lit, le cœur lourd. Ce garçon m'avait touchée, mais je ne pouvais rien ressentir pour lui. Je n'étais plus qu'une coquille creuse...

Le lendemain, je me réveillai dans le même état d'esprit. Vide. Chaque geste s'enchaînait par automatisme et sans réellement m'en rendre compte, j'étais là, assistant contre ma volonté à ce sport.

– Lilou-Ann, je vous rappelle que la natation est obligatoire et compte pour le bac ! hurla monsieur Léonard me sortant de ma léthargie.

Ce professeur n'allait vraiment pas lâcher le morceau. Jusque-là, j'avais toujours pu échapper d'une quelconque façon à ce cours, mais ce matin-là, j'avais complètement oublié de demander à Luce de me faire un mot justifiant que je ne pouvais pas me baigner. Je n'étais pas de ces filles qui ne voulaient pas se mouiller les cheveux, j'avais juste une peur incontrôlée de l'eau depuis cinq ans. J'avais failli me noyer en partant avec ma cousine en vacances près d'un lac depuis je refusais de mettre un pied dans une piscine, un bassin ou à la mer. Je me mis à fixer mes jambes qui refusaient de faire un pas de plus, je ne pouvais pas, c'était trop dur. Je sentis quelqu'un s'approcher de moi. Au fur et à mesure, je distinguai plusieurs silhouettes qui tentaient en vain de me parler, sans y parvenir. Baptiste se positionna à mes côtés et caressa ma tresse, réussissant à me faire sortir de ma torpeur.

– Écoute-moi, Lilou, écoute ma voix et ne lâche pas ma main.

Mes pupilles remontèrent le long de son torse ruisselant rencontrant son regard. Il semblait à la fois inquiet pour moi, mais sûr de lui. Ses doigts se lièrent délicatement aux miens, me faisant frissonner. Il nous fit avancer petit à petit vers l'entrée du bassin.

– Maintenant Lilou, ferme les yeux et agrippe-toi à moi.

Il plaça mes bras autour de sa nuque avant de me soulever et de me porter. Je le sentis avancer puis commencer à descendre des marches. J'angoissai à l'idée de sentir l'eau sur ma peau. Les larmes commencèrent à couler silencieusement sur mes joues. Au premier contact sur mes pieds nus, je m'accrochai encore plus au cou de Baptiste, remontant le long de son corps pour couper court à cette sensation.

– Baptiste je t'en supplie, sors moi de là, demandai-je entre deux sanglots.

Par chance, je n'eus pas besoin de réitérer ma demande que mon ami était déjà hors de la piscine me ramenant d'un pas déterminé vers les vestiaires.

– Baptiste, revenez ici immédiatement ! hurla le professeur depuis le bassin.

Pourtant, cela ne l'arrêta pas. Il continua sa progression jusqu'à passer sous les jets d'eau en ma compagnie avant de me déposer sur un banc près de mon casier. Rapidement il tapa mon code et récupéra ma serviette pour me sécher. Ses doigts passaient sur mon corps mouillé par la douche et il finit par se positionner devant moi, caressant mon visage. J'étais une nouvelle fois honteuse d'avoir craqué face à lui.

– Lilou, regarde-moi s'il te plaît, chuchota-t-il, relevant mon menton de son index. Je suis désolé, je n'aurais pas dû te forcer à y aller. Je voulais simplement t'aider, pardonne-moi...

Il essuya de son pouce les dernières larmes qui coulaient le long de mes pommettes. Je ne pouvais pas en vouloir à cet homme qui de par sa douceur a su apaiser mes vieux démons.

– J'aimerais qu'on se voie chez moi ce soir pour se parler, si tu le veux bien.

J'acquiesçais silencieusement, ne souhaitant qu'une chose fuir de cet endroit que je détestais tant. Embrassant sa joue, je me relevai et me dirigeai dans une cabine pour me changer. Maladroitement je tentai d'enlever ce stupide maillot de bain qui ne me servait qu'à bronzer l'été et enfilai mes vêtements rapidement pour m'échapper de ce lieu qui m'oppressait.

L'air frais sur mon visage m'apaisa immédiatement, me soulageant de tous mes anciens souvenirs... Mon corps se détendit et mes pensées reprirent place dans ma tête. J'avais la sensation de pouvoir respirer de nouveau. Alors que je rejoignais tranquillement le lycée, j'aperçus au loin Chloé assise sur le banc devant l'entrée et soudainement toute ma conversation avec Axel me revenait de plein fouet. Elle ne savait rien sur nous, rien sur nos échanges. En cet instant, j'avais l'impression de trahir ma meilleure amie, celle qui était comme ma sœur. Comment réagirais-je si nos rôles étaient inversés ? Si Zac lui avait confié des choses que je ne savais pas ? La réponse était simple : mal !

Il fallait absolument que je lui parle. Je me dirigeai vers elle, d'un pas déterminé. Après une brève étreinte, je décidai de crever l'abcès par peur de ne pas réussir à le faire plus tard. Je lui proposai d'aller dans le parc juste à côté, je ne voulais pas nous exposer devant tout le monde. Une fois installées, je soufflai une dernière fois pour me donner du courage.

– Chloé, je crois que je te dois quelques explications. J'aimerais que tu me laisses tout t'expliquer s'il te plaît. C'est à propos d'Axel.

– Je sais que tu n'aimes pas Axel, Lilou. Je ne sais pas pourquoi, mais je sais que tu n'es pas à l'aise avec lui, dit-elle en m'observant.

– Non Chloé, ce n'est pas ça. Je ne sais pas par où commencer. Je n'ai pas été totalement honnête avec toi à son sujet.

Prenant une grande inspiration, je me jetai à l'eau en commençant par nos premières discussions houleuses, son attitude à la fête quand je me suis faite agressée, nos échanges qui s'en sont suivis quand nous nous croisions, le cimetière alors que je délirais complètement et qu'il m'a ramené chez moi après ça. Le fait qu'il ait été là pour m'emmener voir Baptiste, les messages que j'ai reçus lorsque j'étais à la cabane, son soutien à l'hôpital, nos conversations et sa venue samedi...

Je crois que je n'avais jamais vu Chloé aussi mutique et concentrée. J'aurai aimé une réaction de sa part, pourtant en cet instant son regard se perdait au loin, comme si elle avait oublié ma présence à ses côtés. Je commençai à paniquer. J'avais attendu trop longtemps pour lui parler de mes instants avec lui, j'avais beaucoup trop attendu. Et si je la perdais ? Et s'ils se séparaient par ma faute ? Et si Chloé ne s'en remettait pas ?

– Il t'a parlé, il s'est confié à toi... murmura-t-elle brisant le silence qui s'était installé.

– Je suis désolée Chloé, j —

– Il ne m'a jamais dit quoi que ce soit sur lui, il ne m'a jamais dit qu'il avait passé du temps avec toi, il était si distant dernièrement, il — il...

D'un seul coup, elle craqua, les larmes coulèrent le long de ses joues. Mon cœur se serra à cette vue, j'étais responsable de sa tristesse. Je l'attrapai doucement par les épaules pour la blottir contre moi. Je m'en voulais tellement de la mettre dans cet état. Elle m'avait avoué quelques semaines auparavant son attachement pour lui... Je ne sus combien de temps, nous étions là, mais lorsqu'au loin, j'aperçus certains lycéens, la seule idée qui me vint fut de la tirer par la main et de fuir. Je savais qu'il fallait quand même que je trouve une excuse pour notre absence. Farfouillant dans mon téléphone, je trouvai rapidement ce que je cherchais. Malheureusement, je tombai sur le répondeur.

– Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie d'Abigaël Serra, je ne suis pas disponible, veuillez laisser un message après le bip, merci !

– Bonjour, Abigaël, c'est Lilou-Ann, je voulais juste vous dire, Chloé ne se sentait vraiment pas bien, donc je la ramène chez vous et je resterai auprès d'elle jusqu'à ce soir. Au revoir !

Le chemin en métro me semblait durer une éternité, Chloé se tenait à côté de moi, perdue. Elle était absente, son regard ailleurs, son corps ici. Prenant sa main dans la mienne, je nous laissai bercer par les mouvements de la rame, en tentant de nouveau de joindre sa mère. Mon cerveau ne cessait de tourner encore et encore. Des tonnes de questions envahissaient mon esprit sans arriver à obtenir une réponse. Sans prendre le temps de souffler, je nous conduisis à l'appartement de ses parents. Arrivées chez elle, je l'emmenai directement dans le salon avant de rejoindre la cuisine pour lui préparer du thé même si elle ne le voulait pas, nous devions parler. Je m'installai à ses côtés, le cœur battant à tout rompre.

– Je suis vraiment désolée Chloé, je sais que j'aurais dû te parler de tout ça avant. Mais j'avais honte aussi bien après la soirée que quand il m'a trouvé au cimetière... Je me sentais mal. La seule raison pour laquelle il m'a parlé c'est que tout comme moi, il a perdu un proche. Il tient à toi, parle-lui.

– Non Lilou, j'aurais dû m'en douter. Tu sais quand je l'ai rencontré je voyais bien que quelque chose ne collait pas, mais j'oubliais Zac avec lui. Je t'oubliais, j'oubliais toute cette merde qui nous entourait. Au début, ça se passait bien même s'il ne parlait jamais de lui, mais son attitude a changé après la fête. Je pensais que c'était de ma faute. Lorsqu'il a commencé à me poser des questions sur toi, ça aurait du me mettre le doute au lieu de ça je pensais que c'était sa façon de faire des efforts vis-à-vis de toi. Lilou, ça fait mal...

– Je suis tellement désolée Chloé.

Ce fut les derniers mots que nous échangions. Elle s'était murée dans le silence le reste de l'après-midi, refusant de manger ou de sortir. Je passai ma journée auprès d'elle la gardant dans mes bras, caressant ses longs cheveux, comme pour effacer tout ce que j'avais pu lui dire. Je souffrais pour elle, parce que je connaissais le prix de la trahison et du mensonge. J'espérai au plus profond de moi qu'une explication avec Axel puisse apaiser les choses, mais je compris rapidement qu'elle avait besoin de réfléchir à tout ça, sans personne et malheureusement je n'étais plus la bienvenue. Pour couronner le tout, j'avais en plus une séance chez ma psy. Après une dernière étreinte, je laissai ma meilleure amie, seule sur son canapé, démunie face à mes révélations...

Comme convenu, je partis en direction de mon rendez-vous en me trimballant avec mon carnet rangé au fin fond de mon sac. Elle voulait le voir et je devais avouer que cela ne me réjouissait en aucun cas. C'était la boule au ventre que je franchissais l'entrée du cabinet me retrouvant face à une salle d'attente, quasiment vide. Uniquement un garçon attendait sagement son tour, plongé sur son téléphone.

J'avais beau tenter de calmer mon stress, ma jambe bougeait inlassablement, finissant même par attirer le regard du jeune homme en face de moi, qui m'adressa un faible sourire rassurant.

– Lilou-Ann Morel !

Je ne l'avais pas entendue arriver pourtant, elle se tenait là dans l'embrasure de la porte me fixant. Je me levai attrapant mon sac à dos au passage. J'entrai dans son bureau pour la première fois. Elle avait accepté de ne pas me voir tout de suite après ma sortie de l'hôpital me laissant reprendre le cours normal de « ma vie ». Après les questions habituelles, elle s'engageait à présent sur le sujet du carnet. Elle pensait à tort que je n'avais pas respecté sa demande, mais lorsqu'elle vit les pages recouvertes de mon écriture soignée, elle parut soulagée.

De longues minutes s'écoulèrent dans le silence. Son regard navigua sur les lignes affichant tour à tour différentes expressions sur son visage, contrairement à moi où seule l'angoisse régnait en mon for intérieur.

– Je suis étonnée de voir tout ce que vous y avez écrit.

– Pourquoi ? demandai-je calmement.

– Je ne pensais pas que vous feriez cet exercice. De plus, la manière d'utiliser ce carnet est très intéressante Lilou-Ann. Je trouve que contrairement à ce que vous pouvez penser, vous n'êtes pas folle.

– Je pense que si, regardez j'écris à un — à un —.... À quelqu'un qui n'est plus là.

– Chacun fait son deuil comme il le peut. Chacun se livre comme il le peut. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaise approche pour se confier. Vous avez fait le choix de vous adresser à Zachary pour vous rassurer. Vous vous pensez folle, mais que pensez-vous des gens qui vont chaque jour sur la tombe de l'être aimé pour parler ? Sont-ils insensés ? Vous avez peut-être trouvé une façon d'avancer, certes à votre manière, mais je vois une lueur d'espoir, de lumière dans ces phrases...

– Bien sûr que non, c'est un réconfort... Mais aujourd'hui, je ne sais pas, j'ai eu l'impression de replonger dans le même état d'esprit qu'il y a cinq mois. Le vide.

– Pourquoi ?

– Je crois que j'ai peur de vivre, peur de vivre sans lui, de le trahir. Et cette journée a été très difficile. J'ai menti à ma meilleure amie pour un autre et je viens de tout lui avouer. Je me sens perdue, je nage de nouveau en eaux troubles. Et hier, Axel m'a dit quelque chose qui m'a faite réfléchir pourtant on ne peut pas. J'ai Zac, il a Chloé. Alors je me suis renfermée et maintenant je me sens vide, je crois. J'ai l'impression que me rapprocher d'un garçon serait le trahir. Mais j'ai la sensation qu'Axel comprend ce que je ressens, j'ai le sentiment qu'il sait ce que je vis et ça fait du bien de ne plus se sentir complètement seule. Je pense que lui aussi a perdu une part de lui... Comme moi.

– Lilou-Ann, si ce garçon vous aide à avancer arrêtez de le rejeter.

– Je ne peux pas.

– Réfléchissez-y. Mais pour le moment j'aimerais que vous continuiez à écrire dans ce carnet comme vous l'avez fait jusque-là. J'ai compris qu'aujourd'hui, vous n'étiez pas au mieux de votre forme alors je n'insisterai pas davantage.

Merci !

Je crois qu'elle avait parfaitement compris que je n'avais pas envie d'épiloguer sur le sujet. Je rassemblai rapidement mes affaires avant de quitter le cabinet. J'étais épuisée de cette journée, je sentais qu'il m'en faudrait peu pour craquer... Marchant dans la rue, la nuit était déjà tombée, malgré cela, je me sentais tout simplement à ma place, isolée, ici, cherchant des réponses... Je m'installai sur un banc le temps de souffler. J'espérais que la vie m'avait suffisamment abîmée pour me laisser tranquille à présent...

J'observai les passants presser le pas sur les pavés sans se rendre compte du monde qui les entoure. Si seulement certains pouvaient saisir l'importance de profiter de chaque minute que notre existence sur terre nous offrait. Je me mis à imaginer la vie de chacune de ces personnes, c'était une sorte de hobby que nous avions à l'époque quand Chloé se disputait avec son grand frère. Le visage des gens reflétait bien souvent leurs habitudes ou leur sentiment, à ce moment-là. Est-ce qu'ils pouvaient eux aussi lire en moi ? Voir la douleur qui me ronge ? Connaître les batailles que j'avais dû livrer ? Il fallait que je lutte, j'avais promis de ne pas me laisser abattre.

Nos souvenirs sont ma force ! Nos souvenirs sont ma force !

Les yeux fermés, je tentai de chasser toute cette tristesse qui m'avait envahie depuis la veille. Je n'avais pas le droit de baisser les bras, plus maintenant...

__________________
Coucou mes petits lecteurs,

Un chapitre très chargé avec plein de petits détails mais surtout on retrouve une Lilou plus piquante. Je l'aime beaucoup ainsi ^^

Alors vos avis sur Axel?
LA révélation pour Chloé?
Passage tout doux avec Baptiste?
RDV avec la psy?

Bref j'espère que ça vous a plu !
Bisous, bisous 🖤 ,
L.

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