Chapitre 26

Je descendais les escaliers, curieuse de cette venue. Même si au fond de moi, je me doutais déjà que Vincent devait se tenir sur le pas de la porte pour me soutenir. Il n'y avait que lui qui avait l'audace de venir sans me prévenir. Appuyant sur la clenche, je fus plus qu'étonnée. En effet sur le perron se tenait bien un homme, mais pas mon blond. La tête baissée, je compris rapidement que mon visiteur n'était pas bien.

– Axel ? demandai-je en avançant vers lui.

– Je suis désolé, Lou, je savais pas qui aller voir, souffla-t-il en plantant ses iris dans les miens.

Flashback — mi-févr. 2014
De violents coups me tirèrent soudainement de mon profond sommeil. J'attrapai à la va-vite mon téléphone pour voir l'heure qu'il était : trois heures quarante-cinq ! Je ne savais pas si la colère primait sur la surprise ou si c'était l'angoisse de savoir que quelqu'un tambourinait à la porte chez moi à cette heure-ci, mais je me sentais mal. Malheureusement, ce soir, il n'y avait que moi et Lau. Sans faire de bruit, j'enfilai un sweat et descendis les escaliers. Seulement en regardant à travers le judas, je fus estomaquée. Je ne comprenais rien. Que faisait-il ici ? Dehors en plein milieu de la nuit ? Ouvrant doucement le battant en bois, je le laissais rentrer. Il paraissait complètement anéanti et perdu. Voir l'homme que j'aimais aussi mal en point, me brisa le cœur.

– Je suis désolé, Lou, je savais pas qui aller voir, souffla-t-il en plantant ses iris dans les miens.

Sans un mot, je lui tendis la main et l'emmenai dans ma chambre. Je n'avais pas à lui demander la raison de sa venue. Il me l'avait fait comprendre trois jours auparavant en gravant sur mon arbre. Je devais lui laisser du temps pour s'ouvrir, du temps pour qu'il aille mieux... Parce que pour lui, j'étais prête à tout.
Fin du flashback

Il semblait épuisé et je ne comprenais pas les raisons de ce soudain changement par rapport à cette semaine. Je l'attrapai par les avant-bras pour le faire entrer. Tel un pantin, il se laissa guider dans l'entrée. Le voir aussi désarmé me déstabilisait, on était loin de l'image du garçon fort qu'il laissait transparaître d'habitude. Du coin de l'œil, je vis Luce me faire signe de monter pour ne pas être dérangés par elle ou Laurianne qui se trouvait déjà dans le salon. Je décidai donc d'aller dans ma chambre pour qu'il puisse me parler sereinement sans avoir peur d'être écoutés. Marchant devant lui, nous avancions jusqu'à mon antre dans un silence pesant. Entre mon stress et sa présence chez moi, je ne me sentais pas bien. Je peinais déjà à gérer mes propres émotions, en effet j'oscillai constamment entre rires et larmes, alors je me sentais quelque peu hésitante...

– C'est par ici, dis-je en désignant la porte de mon cocon, brisant ainsi ce calme.

– Je sais Lou.

Je me retournai surprise par sa remarque, mais en croisant ses yeux, je me rappelai soudainement qu'il m'avait ramenée suite à mon malaise au cimetière. J'ouvris le battant, priant pour que celle-ci soit à peu près en ordre. Je le laissai rentrer dans mon intimité, tandis que je me précipitai pour ranger quelques vêtements qui traînaient au sol, refaire mon lit et récupérer mon téléphone. Alors que je m'apprêtai à m'asseoir, je vis son regard se poser sur mon carnet. Je me relevai immédiatement et m'empressai de le refermer. Je savais que je pouvais paraître brusque, mais je me sentais honteuse. Même si je saisissais clairement l'intérêt de l'exercice, je n'en étais pas moins gênée.

– Désolé Lou, je ne vou – enfin je n'ai pas lu. Je-je. Bref désolé.

– Ne le sois pas. Je dois écrire tous les jours dans ce cahier selon la psy, elle pense que ça peut m'aider à avancer. Au lieu de ça, j'ai l'impression de paraître encore plus folle, lorsque j'écris dedans... avouai-je en me rasseyant.

– Tu n'es pas folle, dit-il calmement les mains dans son jean, sans lever le regard.

– Je t'assure que si, je parle à un carnet. Je pleure devant ce carnet. J'ai l'air parfaitement idiote, bizarre, dépressive, complètement timbrée...

– Putain, je suis désolé Lou ! Je n'aurais vraiment pas dû venir, tu as d'autres problèmes, je le sais...

Il faisait déjà demi-tour, sans même m'expliquer la raison de sa venue. Sauf que moi, j'avais besoin de réponses. Sans réfléchir, je me relevai et attrapai son bras, le stoppant immédiatement. Mon cœur battait à une vitesse folle. Je ne pouvais le laisser fuir. Je me devais d'être là pour lui, comme il l'avait été pour moi.

– Non, reste Axel, dis-moi, murmurai-je alors qu'il était dos à moi.

Ses épaules s'affaissèrent soudainement tandis que son souffle s'accélérait. Je savais que je touchais quelque chose de sensible.

– Tu te souviens quand je t'ai dit que le temps guérit les blessures ? me questionna-t-il en se retournant.

J'acquiesçai me rappelant parfaitement ce moment où j'avais encore une fois craqué auprès lui. Il se tenait devant moi, malgré tout j'avais l'impression qu'il était à des dizaines de kilomètres...

– Je t'ai menti, il ne les guérit pas. Il les apaise c'est vrai, mais il ne fait rien. Il est juste là pour te rappeler cette absence qui te ronge et qui te fait souffrir. Il te torture en te rappelant que tu aurais peut-être pu faire quelque chose pour éviter le pire. Dix ans que j'essaie de ne plus souffrir pourtant quand tout semble enfin aller mieux, quelque chose me rappelle qu'elle n'est plus à mes côtés.

Soufflée par sa confidence, je me sentais paralysée, touchée en plein cœur. Il ne se livrait jamais et pour une fois, il m'avait ouvert une partie de lui. Sa confession résonna en moi, apportant son lot de questions. Mais ce n'était clairement pas le moment alors sans un mot, je m'avançai vers lui et le pris dans mes bras. Seulement une odeur d'alcool me parvint et je ne pus m'empêcher de l'interroger.

– T'as bu Axel ?

– Oui, hier soir, murmura-t-il en se détachant. Je sais que ce n'est pas bien, mais je n'avais pas d'autre échappatoire. J'ai préféré noyer mes problèmes dans la vodka, un verre, puis un second et encore, je les ai enchaînés jusqu'à la fermeture. J'ai fini par dormir dans ma voiture et venir chez toi ce matin...

Sa voix se brisa entraînant mon coeur avec elle. Il allait mal et j'avais la sensation d'être totalement inutile face à sa détresse. Alors je fis ce que je connaissais de mieux, j'agissais comme le faisait ma grande sœur.

– Bon, file à la douche, je te sors ce qu'il te faut et Luce rajoutera un couvert pour ce midi.

Sans lui laisser le temps d'y songer, je le poussai en direction de la salle de bain et lui sortis le nécessaire pour qu'il puisse se laver. Dans la foulée, je descendis prévenir Luce du changement de plan pour le déjeuner.

– Pourquoi ? demanda soudainement mon aînée au moment où je m'apprêtais à remonter dans ma chambre.

– Pourquoi quoi ? répondis-je en me tournant vers elle.

– Pourquoi l'as-tu invité à rester ?

Je ne comprenais pas où était le souci. Il avait besoin d'aide et comme il l'a fait pour moi, je lui tendais la main, mais avant d'avoir pu formuler ma réponse, Luce reprit.

– Ce n'est pas un problème Lilou, bien au contraire. Je suis même ravie que tu l'aies fait, mais cela ressemble plus à l'ancienne toi, qu'à la nouvelle. Je suis contente, mais surprise c'est tout.

L'ancienne moi est morte avec lui, Luce...

À la place, je me contentai de hausser les épaules et de remonter dans ma chambre. Je savais que cela leur était impossible à comprendre, mais la Lilou-Ann d'avant n'existait plus...

En attendant Axel, je m'allongeai paisiblement sur ma couette tout en écoutant de la musique. Cette pause entraîna avec elle un tas d'interrogations : qui a-t-il perdu ? Dix ans de souffrance, comment a-t-il fait pour ne pas y mettre un terme ? A-t-il lui aussi tenté de fuir ses problèmes ? Chloé est-elle au courant ? M'en parlera-t-il un jour ?

Soudainement, je sentis le matelas s'affaisser me sortant immédiatement de mes pensées. En ouvrant les yeux, je le vis assis sur le bord de mon lit, la tête entre les mains. Comment l'aider alors que je ne savais rien et que j'étais moi-même au bord du gouffre ?

Sans un mot, je lui attrapai le bras et le fis s'allonger à côté de moi. Dans un parfait silence, je lui tendis un de mes écouteurs. Les premières minutes furent simples pourtant lorsque ma playlist enclencha « Kissing you », je ne pus m'empêcher de laisser glisser une larme le long de ma joue. J'avais déjà tant écouté cette chanson.

« The strong will never fall
But watching stars without you my soul cried
Heaving heart is full of pain »

*Les forts ne tomberont jamais
Mais en regardant les étoiles sans toi, mon âme a pleuré
Le cœur battant est plein de douleur

Je fermai les yeux tentant désespérément de chasser mes larmes, sans y arriver. Alors que j'essuyai d'un revers de ma manche, les traîtresses qui s'étaient échappées, je sentis sa main se poser non loin, ses doigts cherchant les miens. Sa peau frôla la mienne avant de saisir ma poigne. Réunies, je pressai ma paume contre la sienne, comme pour évacuer ma douleur.

Flashback — Fin oct. 2013
Assise sur le banc des vestiaires, je le vis s'approcher et s'asseoir à mes côtés. Je sentis sa main se poser non loin, ses doigts cherchant les miens. Sa peau frôla la mienne avant de saisir ma poigne.

– Lilou-Ann, qu'est-ce qui se passe ? dit-il en se penchant vers moi. C'est Vincent ?

Ne me parle pas de cet imbécile, je le hais.

Il venait de mettre le doigt sur cet homme qui ne cessait de me torturer depuis la rentrée. Depuis que son meilleur ami m'avait accompagnée à l'infirmerie, ce type prenait un malin plaisir à m'humilier devant tout le monde.

– Ce n'est rien. Je suis juste fatiguée de ses piques. J'ai vraiment l'impression d'être une moins que rien, soufflai-je lasse de toutes ces confrontations.

Lors de notre séance de sport, il m'avait poussé, m'étalant lamentablement sur le sol. Bien sûr, il avait accompagné son geste d'une délicate remarque. Il avait donc souligné que je n'étais qu'une fille sans intérêt et que je devrais être honorée qu'il me parle. J'avais beau être une adolescente pleine de vie et souriante, il commençait à gagner du terrain sur mon moral.

– Lou, si tu te voyais au travers de mes yeux, tu saurais que rien n'est vrai, murmura-t-il.

Je tournai subitement mon visage vers le sien. À cet instant, la lueur dans ses yeux me fit chavirer et mon cerveau se mit en pause...
Fin du flashback

Avec ce contact, il venait sans le savoir de m'offrir une sensation longtemps disparue. Il me comprenait sans rien dire, sans devoir lui expliquer que chaque parcelle de mon être était détruite, il entendait la souffrance provoquée par ce souvenir douloureux.

Soudainement sa main lâcha la mienne comme s'il venait de réaliser quelque chose, je me tournai vers lui, enlevant au passage nos écouteurs respectifs. Haussant un sourcil pour obtenir une explication, je le vis ouvrir plusieurs fois la bouche avant de la refermer.

– Parle-moi Axel, s'il te plaît.

– Je... C'est dur Lou, lâcha-t-il avant de souffler un grand coup. Je pense que je devrais te laisser. J'ai trop de problèmes dans lesquels je ne voulais pas t'impliquer. Tu es trop fragile pour que je ne t'abîme encore plus. Si je te fais du mal, j'aurais la sensation de t'ôter le peu de vie qui te reste. Et je ne peux pas, c'est trop difficile...

Trop de problèmes, Axel ? Quoi ? Dis-moi ? Est-ce que Chloé en était un ?

Sans le vouloir, j'avais laissé ce garçon entrer dans ma bulle et je me rendis bien compte que je ne voulais pas le laisser affronter sa peine seul. Je ne pouvais pas. Cet homme était...

Et merde il vient de quitter ma chambre !

Je me précipitai alors pour sortir de la pièce et le poursuivre dans le couloir, pourtant le bruit de la porte d'entrée me fit comprendre qu'il était trop tard.

Je m'effondrai de nouveau dans les escaliers. Je n'étais même pas fichue d'aider quelqu'un. Je me sentais terriblement nulle. La tête dans les bras, je tentai de contenir difficilement mes larmes. Je sentis ma petite sœur s'approcher doucement de moi pour caresser le dos.

– Ça va aller Lilou, tu n'es pas seule. Il reviendra, j'en suis sûre. Allez viens, murmura-t-elle en me tendant sa main.

Après avoir tenté de me faire manger quelque chose, Lau m'obligea à me préparer. Après un rapide tour sous la douche, elle me força à m'occuper de ma crinière. Elle prenait son temps, s'appliquait à me lisser les cheveux. Voir son air concentré dans le miroir de la salle de bain, ses sourcils froncés et le bout de sa langue tirée me firent éclater de rire. Elle s'arrêta immédiatement se laissant aller à la rigolade. Je ne l'avais pas vu sourire depuis longtemps et cela me faisait très plaisir. Je n'avais peut-être pas sauvé Axel, mais j'avais réussi à toucher positivement ma sœur.

En contemplant mon reflet dans la psyché, je constatais que ces derniers jours m'avaient réellement fait du bien. Mes cernes avaient disparu, mon teint blafard s'était quelque peu coloré et mon corps avait repris un semblait d'humanité avec ma légère prise de poids. Je vérifiai une ultime fois ma tenue et enfilai mon trench. Fixant mes chaussures, je tentai de calmer ma respiration.

– Respire Lilou, c'est une bonne chose que tu parles avec Juliette. Tu sais aussi bien que moi qu'elle tient à toi comme si tu étais sa propre fille, me souffla Luce en me serrant contre elle.

– Je sais, mais j'ai peur. Je ne l'ai pas revu depuis..., ma voix se brisa, mais je tentai de me reprendre. En fait, j'ai peur de tous les souvenirs qui vont remonter en la voyant, j'ai peur de craquer devant elle.

– Lilou, vous devez vous voir. C'est nécessaire pour toutes les deux. Mais si tu as besoin, tu m'appelles Lilou. Je ne veux pas te voir arpenter les rues en ruminant ce rendez-vous. Est-ce que c'est clair ?

J'acquiesçai avant de prendre mon sac et de partir en direction du café où je devais la revoir. Casque sur les oreilles, je me vidai la tête au rythme incessant de ma musique. Je ne voulais pas réfléchir, je voulais m'évader et libérer mon esprit avant d'arriver à notre lieu de rencontre. Pourtant au moment où je relevai le regard, elle se tenait là, devant moi, affichant son sourire magnifique en me voyant. Je n'avais absolument pas imaginé nos retrouvailles de la sorte, mais lorsqu'elle me vit, elle m'ouvrit ses bras. Comme une enfant blessée, je m'y blottis sans prendre la peine de songer à mon geste.

– Lilou-Ann, chuchota Juliette, brisant le silence qui nous entourait. Je suis tellement contente de te voir, tu ne peux pas imaginer, souffla-t-elle en prenant mon visage en coupe.

– Bonjour Juliette.

– Viens, allons se mettre au chaud. J'ai beaucoup de choses à te dire.

Nous nous dirigions donc dans le café. Rapidement un serveur nous apporta nos commandes, alors que nous étions installées dans un coin tranquille, afin de ne pas être dérangées. Je touillai mon chocolat au lait, ne sachant pas comment entamer la conversation.

– Comment vas-tu, Lilou-Ann ?

Mal, mieux, dépressive, triste, vide, soutenue, détruite, entourée... Sans lui...

– Je ne sais pas Juliette. Je ne sais pas comment je vais, je ne sais plus, avouai-je en baissant le regard.

– Tu ne vas pas bien, je connais ce regard, Lilou-Ann. Il est bien loin de ceux que tu avais quand tu venais à la maison. Et puis tu sais, il avait le même quand il nous entendait nous disputer, son père et moi.

– Je suis désolée, Juliette, je ne voulais pas te rappeler de mauvais souvenirs...

Pauvre idiote, bien sûre que tu es un mauvais souvenir à toi toute seule !

– Oh non, non, tu es loin de me rappeler de mauvais souvenirs, bien au contraire. Te voir me rappelle à quel point, il était heureux à tes côtés, à quel point vous vous aimiez, et je suis soulagée qu'il ait connu ça avant de partir. Tu n'imagines pas comme je suis contente de pouvoir te voir.

Et voilà, elle venait de toucher la corde sensible. Je sentais mes yeux se remplir doucement lorsque ses mains se posèrent sur les miennes, les caressant délicatement.

– Lilou-Ann, cesse de torturer, je t'en prie. Il y a certaines choses dont il ne t'a pas parlé, mais sache que Zacharie n'a pas toujours été ce garçon pétillant. Son père était un homme bon au début de notre relation puis le temps, la routine et son travail l'ont changé. Je n'ai jamais été malheureuse, car je ne voyais qu'en lui le mari que j'aimais, mais pour Zac c'était différent. Comme tu le sais, Sylvain avait de gros soucis avec son entreprise. Il a alors cherché un exutoire à ses problèmes. Il a commencé à jouer, à s'endetter, c'était maladif. Il nous a entraînés dans sa chute. Rien n'était assez parfait, il n'a pas été violent, mais il nous a très souvent rabaissés, surtout Zac. Quand tu es entrée dans sa vie, dans notre quotidien, tu as tout balayé avec ton sourire, ta joie de vivre, ton rire, tes folies et ton amour inconditionnel pour lui. Tu m'as offert un second souffle. Tu as donné à Zac plus qu'il ne l'espérait, plus que je ne le souhaitais. Alors merci.

J'avalai difficilement. Je peinai à assimiler toutes ses paroles. C'était si douloureux. Elle ne voyait en moi que le positif pourtant personnellement, je n'y arrivais pas.

– Merci, Juliette, c'est gentil. Mais je ne peux m'empêcher de me dire que c'est de ma faute, si je ne l'avais pas appelé ce soir-là, il serait — .

– Non Lilou-Ann, je te l'interdis, c'était un accident. Tu n'y es pour rien. Je veux que tu te mettes ça en tête, c'était un ac-ci-dent ! Je veux que tu arrêtes de t'autoflageller pour ça ! Il ne l'aurait jamais voulu et moi non plus ! cria-t-elle, alertant les autres personnes présentes dans le café.

Je l'observai en me rendant compte qu'elle était au bord des larmes. Elle but une gorgée de sa boisson amère, souffla un bon coup avant de reprendre plus calmement.

– Ce soir-là, il avait prévu d'y aller, il avait prévu de te rejoindre. Alors que tu l'aies appelé ou non n'aurait rien changé. Je sais juste qu'il est sorti le sourire aux lèvres, heureux de te voir. Tu as été la plus belle chose dans sa vie...

Il avait prévu d'y aller. Il m'avait pourtant affirmé qu'il ne pouvait pas venir à cette fête-là, car il devait passer du temps avec son père. Je ne comprenais plus rien. Voyant mon incompréhension, elle poursuivit doucement son monologue.

– Cela faisait déjà trois mois que Sylvain avait quitté la maison et ce jour-là, il avait invité Zacharie chez lui pour dîner, parler et tenter de recoller les morceaux. Il devait rester dormir, mais Zac avait refusé. J'ai donc insisté pour qu'il fasse l'effort. Ce qu'il a fini par faire en me disant que quoi qu'il arrive le seul endroit où il dormira, ce sera chez nous avec toi... Il était en train de se disputer avec lui quand tu l'as appelé, alors tu as été une échappatoire à sa situation... Je pense que même si tu ne l'avais pas appelé, il serait parti rapidement te rejoindre, il t'aimait de tout son être.

– Moi aussi Juliette. Je l'aime tellement que ça en est douloureux... Je sais plus où j'en suis. J'ai peur de l'avenir, j'ai peur de mes souvenirs, j'ai peur d'avancer, j'ai peur d'être bloquée...

– Avance Lilou-Ann. Je t'en supplie, avance... Tu es entourée de gens qui t'aiment, ne les rejette pas. Ils peuvent t'aider à aller de l'avant. Et puis tu sais aussi bien que moi que s'il était encore là, il te dirait de vivre, il voudrait te voir sourire, te voir rire, te voir profiter de chaque instant, te voir danser. Il serait tellement malheureux de savoir que tu as arrêté. Je me souviens de son visage pendant ta prestation, souviens-toi ce qu'il te répétait sans cesse Lilou-Ann. Tu es ma-gni-fi-que, intelligente, gentille, douce, drôle. Tu vaux mieux que cette tristesse qui t'empêche d'avancer...

Flashback — mars 2014
Sur scène, j'étais une fille différente. J'étais seule dans mon univers, guidée par mes gestes. Je ne réfléchissais plus, je vivais l'instant. Mon corps effectuait les derniers mouvements : développé, flick, break, hip fall... Allongée sur le sol, je reprenais ma respiration fermant les yeux, heureuse du moment que je venais de vivre. J'avais obtenu le solo final quelques semaines auparavant et j'espérai avoir été à la hauteur de cet honneur. Une fois le rideau tiré, je repris place en coulisse rejoignant les autres danseurs pour saluer le public.

Malgré le monde face à nous, l'unique personne que je voyais c'était lui, l'homme que j'aimais par-dessus tout. Le visage illuminé d'un sourire que je n'avais jamais vu que très rarement, il ne semblait n'y avoir que nous. De loin, je le vis articuler : Tu-es-ma-gni-fi-que !
Fin du flashback

J'avais enfoui ces moments le plus profondément possible pour ne pas avoir à les affronter. Il me manquait plus que tout et me remémorer tout ça me brisait.

– Lilou-Ann regarde-moi ! Tous ses gestes, tous ses mots, tous ses regards qu'il a pu t'offrir doivent t'aider à te relever. Tu étais sa force, il doit devenir la tienne. Bats-toi ! Je veux te voir vivre, je veux le voir vivre au travers de toi. Ces souvenirs sont ta force...

Ces souvenirs sont ma force...

Depuis une petite semaine, je me répétai ces paroles en boucle, comme un mantra quand je baissai les bras. Même si je n'étais pas prête à les laisser refaire surface, je devais me les réapproprier et vivre avec.

– Lilou ? Tu m'écoutes ?

Vincent, face à moi, agitait ses mains comme pour me signifier sa présence. Nous étions assis depuis plus de trente minutes sur ce banc et je n'avais pas écouté un seul mot de la conversation.

– Pardon, j'étais ailleurs...

– Lilou, dis-moi ce qui te tracasse. J'avais l'impression que ça allait un peu mieux pourtant je te sens... Je ne sais pas... Absente. J'ai fait quelque chose ? me demanda-t-il en se rasseyant à mes côtés.

Tout le monde prenait des pincettes, j'étais un poids. Je ne voulais plus être ce boulet qu'on traîne. Alors je lui ouvris tout simplement mon cœur.

– Non Vincent, c'est Juliette. Elle m'a dit que je devais me souvenir, que je devais en faire ma force, mais c'est difficile. J'ai tout gardé au fond de moi pendant des mois et c'est trop dur...

Le seul souvenir que je m'étais autorisée à garder était celui de mon appel à Zac, le fameux soir. Sa main se posa sur la mienne comme pour me réconforter, mais je compris clairement dans le regard de Vincent que lui aussi occultait une partie de ses anecdotes. Comment supportait-il tout ça ? Il n'avait jamais abordé le sujet avec moi, il me répondait uniquement qu'il allait bien... Toutefois, je ne pouvais pas le forcer à se confier, c'était se heurter à un mur. Rapidement mes pensées me déconnectèrent de notre conversation. Mes yeux balayèrent la cour se rappelant certains instants avec Zac. Je nous revoyais assis sur les bancs, programmant notre week-end. Je me souvenais de nos moments en groupe allongés dans l'herbe à rire pour des broutilles.

Mais d'un coup, au loin, j'aperçus Axel à l'entrée du lycée. Quatre jours qu'il n'était pas venu ici et malheureusement pour lui, je n'avais pas oublié l'échange que nous avions eu samedi matin. Je voulais en savoir plus, je voulais comprendre pourquoi il était parti comme ça...

______________________
Coucou mes petits lecteurs,

Qui dit lundi, dit nouveau chapitre :)
En voici un très important. On en découvre un peu plus sur Axel. Qu'en avez-vous pensé ?

On rencontre enfin la maman de Zac. C'est un personnage que l'on verra très peu mais qui est important. J'espère que ce petit rendez-vous vous a touché et vous a permis d'en apprendre plus sur Zac...

Bisous, bisous 🖤,
L.

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