Chapitre 25

Samedi 15 novembre
Une nouvelle page pour un nouveau jour. Des lignes vierges prêtes à se remplir d'espoir...

Je tiens le coup, ou tout du moins je fais tout pour. Après leur départ hier soir, je n'ai pas pu finir d'écrire, c'était trop dur... J'ai eu l'impression d'être une coquille vide, de n'être plus rien. Cependant grâce à leur présence, j'ai compris que j'avais besoin d'aide, que j'avais besoin d'eux. Chacun à leur façon allait m'aider.

Chloé m'a enfin pardonnée. Elle est comme ma petite lumière au fond du tunnel. Elle m'a expliqué ce qu'elle avait ressenti et je ne pouvais malheureusement que comprendre son attitude. J'avais eu la même, j'étais moi aussi passée par la tristesse et la colère. J'étais à présent dans ce que les « spécialistes » comme vous, appelle la dépression, même si j'ai la sensation d'avoir été dépressive durant les autres « étapes ». Pourtant depuis son pardon, j'ai l'impression de pouvoir de nouveau respirer.

Mais j'ai toujours peur, peur de ne jamais sourire comme avant, peur de ne pas être assez forte pour me relever, mais je dois le faire, je dois me battre, pour eux, pour Zac.

J'ai beau être consciente que c'est une exigence de psychologue, mais je me sens idiote d'écrire dans ce carnet. Je sais que c'est pessimiste et que je dois faire des efforts. Mais je ne pense pas le faire tous les jours, à moins qu'il me permette d'aller mieux, mais je n'y crois pas... Comment un simple cahier sur lequel sont griffonnés quelques mots pourrait m'aider là où ma famille et mes amis ont échoué ?

Bref pour résumer ma journée, ça a été plutôt calme. Mes parents sont rentrés pour plusieurs jours, je crois qu'ils essaient d'être le plus présents possible. Mais j'ai surtout passé du temps en compagnie de mes sœurs alternant entre musique et séries télé. Je sais que ça n'a rien de bien intéressant, mais je crois que cela me fait du bien, de me retrouver avec elles tranquillement à la maison, comme si rien ne s'était passé. Comme si...

Dimanche 16 novembre
Je déteste cette idée de carnet, alors j'ai réfléchi toute la nuit et j'ai décidé d'en faire un cahier qui me permettrait de te dire ce que je ressens chaque jour. Je sais que je me voile la face, je sais que tu ne le liras pas pourtant, tout me semble plus simple quand il s'agit de te parler. Je me souviens des nombreuses conversations que nous avons pu avoir sur notre famille, sur l'avenir, sur nos passions... Tu avais ce don. Cette faculté à me mettre à l'aise, à ne jamais me juger, à me regarder avec toute la douceur qui te caractérisait.

Ça me manque de ne plus pouvoir me confier avec autant de franchise. Si tu étais ici, tu me dirais que je pourrais le faire avec Chloé ou Leïla, mais ce n'est pas pareil. Elles ne sont pas toi. Elles me connaissent, elles savent tout, mais je n'arrive plus à être aussi naturelle qu'avant. J'ai perdu une partie de moi avec toi.

Il faut que tu saches, parce que je ne veux pas avoir de secrets pour toi. J'ai pleuré aujourd'hui. J'aimerais croire que c'était mes dernières larmes cependant, je sais, je sens que le chemin va être très long. Chaque phrase, chaque endroit, chaque geste me ramènent inlassablement vers toi. Quoi que je fasse, quoi que je dise, quoi que je pense, tu es là partout où je suis.

Ce matin, je me suis levée, j'ai vu la date et j'ai forcément songé à toi. Le dimanche était ton jour préféré, tu aimais me répéter que ce jour-là était à nous. Pourtant aujourd'hui, il est pour moi signe de solitude, symbole de vide, image de ton absence. Mon Zac, j'ai besoin de toi. J'ai besoin de ta main dans la mienne, j'ai besoin de ton soutien pour avancer...

J'ai peur, Zac, j'ai tellement peur de retourner au lycée. Je n'arrive pas à gérer ces regards, je n'arrive pas à rester droite quand je me dis que tu devrais marcher à mes côtés. J'ai peur sans toi.

Si cette semaine est identique à la précédente, je ne suis pas sûre de vouloir continuer à y aller. J'en ai assez que ces gens-là me fassent croire qu'ils s'intéressent à ma vie, à ce que je vis sincèrement, semblant pour avoir un semblant de ragots. Je ne veux plus être au centre des conversations... Je les hais !

Bonne nuit, Zac, plus que tout.

Lundi 17 novembre
Une nouvelle journée, un pas de plus dans ce monde sans toi.

Vincent est encore venu me chercher, un vrai garde du corps. Je ne peux pas faire un pas sans le voir dans mon ombre. Je sais que c'est sa façon de gérer la situation, mais je ne veux pas qu'il soit prisonnier de ma souffrance, de ma douleur, de tout ça...

J'ai essayé de passer inaperçue, mais dès le matin, je n'ai pu échapper au regard inquisiteur de quelqu'un. En effet, le prof de philo m'a réclamé ma dissertation, bien évidemment tu me connais, je ne l'avais pas finie. Tu sais ce qu'il m'a dit : « Mademoiselle Morel, je sais à quel point il est difficile d'écrire sur ce sujet, mais qui mieux que vous dans cette classe peut fournir ce travail ? Prenez le temps qu'il vous faut, je saurai être patient. » J'ai d'abord cru à une blague, je ne pensais pas qu'il était sérieux pourtant je t'assure qu'il ne rigolait pas. Comment peut-il savoir à quel point cela peut-il est dur ? Depuis quand un enseignant ne nous hurle pas dessus pour un devoir non rendu ? Zac, je n'en peux plus de cette espèce de pitié, de ce regard de compassion, comme s'il pouvait comprendre ce que je vis depuis ton départ...

Malgré tout, j'ai l'impression qu'ils se sont tous donnés le mot pour être sympas avec moi. Aujourd'hui, presque aucun regard de travers, aucune solitude, aucune gêne. Ils se sont relayés toute la journée pour me tenir compagnie sauf Vincent, il est resté tout le long à mes côtés. J'ai la sensation qu'il veut absolument tout faire pour que j'aille mieux, pour que j'avance... Je pense même qu'il a dû mettre les pieds dans le plat pour que les gens cessent leurs commérages. J'ai eu le droit de m'asseoir à ta place, celle où tu as gravé nos noms... Bizarrement, ça ne m'a rien fait. Je crois que cette place était surtout un symbole. Mais notre amour n'a pas de lieu, de chaise. Il est profondément ancré en moi.

Je crois pouvoir dire qu'en ce lundi 17 novembre je me sens plutôt bien Zac, je ne suis pas heureuse, mais je me sens un peu mieux qu'hier...

À demain, Zac, plus que tout.

Mardi 18 novembre
Mon Zac,

Aujourd'hui a été difficile, pas au lycée, pas à la maison, juste au fond de moi. J'ai eu beaucoup de mal à me lever ce matin, je crois que c'est dû aux somnifères prescrits par le médecin. Je me suis sentie engourdie, comme un lendemain de cuite...

J'ai rêvé de toi cette nuit. Nous étions dans la cabane et tu avais décidé que nous allions aller à la piscine et que tu allais m'apprendre à nager. Tu sais à quel point j'ai peur de me baigner. Une fois là-bas, tu m'as tenu la main, mais quand j'ai commencé à sentir l'eau sur mon cou, j'ai paniqué. Et pourtant il m'a juste fallu sentir ta bouche sur la mienne pour oublier totalement l'endroit où je me retrouvais. Je me souviens encore parfaitement la sensation de tes lèvres sur les miennes, de nos langues dansant l'une avec l'autre, de tes doigts sur mes hanches. Cette parenthèse, cette symbiose de nos corps ensemble, c'était magique.

À mon réveil, je ressentais toujours ta peau contre la mienne et j'ai eu l'impression d'avoir un couteau en plein cœur en voyant le côté vide dans mon lit.

Alors ce matin, quand je suis partie de chez moi, j'ai remis mon masque et ai laissé place au mutisme complet. Vincent l'a compris, il a juste été là. La journée s'est donc déroulée dans le silence, un silence lourd et pesant.

Mais ce soir, je n'ai pas pu tenir plus longtemps, j'ai craqué et pour la première fois, depuis des mois, j'ai accepté la présence de Luce auprès de moi, lorsque les larmes coulaient. Quand elle s'est approchée, j'ai été soulagée de ne plus être seule dans ce combat. J'ai saisi sa main, l'accueillant contre moi. D'ailleurs, j'ai souvent peur que la colère reprenne le dessus, mais je te promets que je me bats, je me bats pour toi, pour nous, pour l'avenir magnifique dont je nous ai privés.

Je voulais aussi te dire que grâce à elle, j'ai pris la décision d'aller voir ta mère samedi. On en a longuement discuté, elle pense que Juliette peut m'aider à avancer, à me pardonner... Je lui ai envoyé un message pour que nous nous rejoignions dans un café et elle a accepté, avec plaisir. Je sais qu'elle ne m'en veut pas, mais c'est si dur, si douloureux. Et puis j'ai toujours du mal à me dire que je vais revoir ton regard bleu gris en la voyant.

J'espère ne pas te décevoir Zac de là où tu es.

Plus que tout.

Mercredi 19 novembre
Journée au lycée, une de plus...

Baptiste est revenu en cours et ça m'a fait tellement de bien de le voir là-bas. J'avais perdu tout espoir à l'hôpital, branché de part et d'autre. Je n'y croyais plus, je ne pensais pas le voir sur pied. Et pourtant, le voir, devant moi, ce matin fut comme une nouvelle lumière qui venait d'apparaître au fond de mon long tunnel. J'ai donc passé mes cours avec lui, Leïla et Vincent. C'était agréable, comme un vent frais sur mes tristes heures d'hier. Tu sais, je passe peu de temps avec Chloé en dehors des heures de classe. Même si nous nous sommes réconciliées, j'ai l'impression que cette amitié reste fragile. Et puis, j'ai vu qu'elle passait ses moments de libres avec Axel. Alors je la laisse vivre son histoire avec lui. Et je dois t'avouer que je peine à supporter les preuves d'amour en public et je ne sais pas comment me comporter avec Axel. D'ailleurs, il faudra que je prenne le temps de te parler de lui une prochaine fois, il est particulier, je trouve.

Bref en soi, une journée plutôt simple et légère. J'ai fini par rendre ma dissertation au prof de philo et il semblait ravi. Malheureusement pour moi, avec la fin du premier trimestre arrivent aussi les contrôles. Autant te dire qu'au vu des récents événements, je n'ai clairement pas brillé en cours. Je ne veux pas que les enseignants aient pitié de moi, mais je ne sais pas comment je vais pouvoir gérer... En fait, je ne sais pas pourquoi je te parle de ça, c'est sans grand intérêt pourtant, je stresse un peu...

Tout ça pour te dire qu'aujourd'hui, je me sens mieux. Est-ce que ça va être comme cela chaque jour ? Je me pose beaucoup de questions actuellement. Est-ce que cela va être le début d'une période de sourire ou alors ma vie va être le reflet de cette semaine ? Je n'ai pas envie de sourire un jour et pleurer le lendemain. J'ai l'impression de vivre sur des montagnes russes, perdue entre le rire et les larmes. J'ai aussi peur, que sourire signifie te trahir et t'oublier. Tu sais comme si ton départ n'avait pas d'importance...

Zac, aide-moi s'il te plaît.

Plus que tout !

Jeudi 20 novembre
Mon Zac, peux-tu voir tout ce que j'ai vécu depuis ta perte ? C'est une question qui me tourmente depuis le retour de Baptiste. Et clairement depuis ce matin, elle me torture l'esprit. Une part de moi aimerait se dire que tu veilles sur moi, mais j'aimerais que tu n'aies pas assisté à certaines choses. Après ton départ, j'ai culpabilisé et je culpabilise toujours.

C'est vrai, si je ne t'avais pas appelé, tu serais encore avec moi. Mais les quelques semaines qui ont suivies, le seul qui n'ait rien dit, pas de pitié, pas de jugement, ce fut Baptiste et j'ai craqué. J'en ai honte, pourtant avec lui, je revenais en arrière avant de te connaître, avant de savoir ce que voulait dire aimer, avant de te perdre. J'étais redevenue cette jeune demoiselle qui profitait de sa vie d'adolescente. Comme tu le sais, je n'étais pas une fille à courir après les garçons, mais j'aimais plaire. Mais là, maintenant, je me rends compte que je t'ai trahi, que je n'aurais pas dû, je suis terriblement désolée. J'espère que de là où tu es, tu pourras me pardonner.

Si tu vois ce qui se passe, alors tu serais très fier de Vincent. Il a été très dur avec moi et je ne peux lui en vouloir. Il a tellement raison quand il me prend comme coupable, parce que je le suis. Mais à présent, je ne veux plus me battre contre lui ni contre moi. Il m'est vraiment devenu indispensable. Il passe son temps à veiller sur moi, comme il te l'a promis. Il me guide, me soutient, me secoue lorsque j'en ai besoin, m'écoute... Qui aurait cru que lui et moi puissions enfin avoir une réelle amitié ?

Je crois que si tu as fait faire cette promesse à Vincent avant de partir, c'est parce que tu savais au fond de toi que nous finirions par nous entendre. Alors merci d'avoir cru en lui et en moi.

Je t'embrasse tendrement Zac, plus que tout.

Vendredi 21 novembre
Le stress et l'angoisse ont rythmé ma journée. Chloé est restée à mes côtés ainsi que Vincent. Pourtant j'étais ailleurs. En regardant Chloé, je ressassais les paroles d'Axel. Il m'a confié quelque chose à propos d'elle : « Au fil du temps, je me suis attaché à elle, mais pas comme elle l'espérait. Je l'aime comme une amie, comme une sœur, c'est pour ça que je la protège, mais je ne peux pas la lâcher, je ne peux pas la laisser seule, encore moins maintenant. ». J'avais la sensation de trahir ma meilleure amie, mais malgré tout, je ne pouvais pas lui révéler ce que m'avait dit Axel. Il a gardé certains de mes secrets et je ne pouvais pas révéler les siens.

J'étais tellement dans mes pensées que Vincent m'a prise à l'écart pour me demander si je ne songeais pas une nouvelle fois à te rejoindre, parce je le cite « je ne t'y autorise pas ». Et je crois que c'est la première fois depuis ma sortie de l'hôpital que je n'ai pas ri si ouvertement. Tu aurais du le voir, poings sur les hanches, droit comme un i, comme un père qui n'autoriserait pas sa fille à sortir. Il m'a fallu quelques minutes pour me calmer, ce qui l'a profondément agacé. Alors après m'avoir gratifiée d'un regard noir, je lui ai expliqué que je rencontrais ta mère demain. Il s'est décomposé et a même proposé de m'accompagner, mais j'ai refusé. Et à vrai dire ce soir, devant ce journal, je me dis que j'aurais dû accepter.

J'ai peur Zac, j'ai peur de sa réaction, de mes souvenirs, de ses yeux, de ses larmes et des miennes...

Tu te souviens la première fois où tu m'as présenté tes parents, j'ai cru que j'allais mourir sous l'effet du stress. Pourtant elle m'a tout de suite rassurée, je me souviens encore de son étreinte, ravie de pouvoir rencontrer la fille qui allait changer la vie de son fils... Si elle avait su, elle n'aurait jamais prononcé cette phrase. J'ai honte de lui avoir fait croire que je serais si bien pour toi...

Plus que tout, Zac !

Samedi 22 novembre
Je t'écris ce matin, j'en ai besoin. J'ai passé une nuit affreuse. J'ai repassé en boucle toute la soirée, ainsi que la nuit de mon appel. J'étais là comme un témoin ne pouvant changer le cours des choses. C'était épuisant. Je hurlais de tout mon être, mais rien ne se passait... C'était un véritable cauchemar.

A cela s'ajoute, ma profonde angoisse. Dans quelques heures, je serai face à ta mère et je suis vraiment très stressée. Je ne sais pas quoi lui dire, je ne sais pas quelle sera sa réaction, et si elle m'en voulait. Zac, je m'en veux toujours alors comment peut-elle me pardonner, elle ? Elle qui t'a donné la vie ? Comment peut-elle pardonner à celle qui lui a pris son fils ? Que suis-je censée lui dire ? Que suis-je censée faire ? Quels mots pourront apaiser sa douleur, ta perte ? Je ne veux pas de sa pitié ni de sa compassion, je ne les mérite clairement pas venant d'elle.

Tu sais, il m'arrive parfois de regretter notre relation. Je repense à ce jour où tu m'as emmenée à l'infirmerie, la fois où tu t'es interposé entre Vincent, la fois où tu m'as vue craquer devant chez moi. Toutes ces fois-là, j'aurais dû te fuir. Je n'aurais pas dû te laisser entrer dans ma vie. J'aurais dû savoir dès le début que je n'étais pas une fille bien pour toi. Tu méritais beaucoup plus, beaucoup mieux que moi. Je m'en veux tellement. Je crois que c'est cette culpabilité qui me ronge, qui m'empêche de pouvoir avancer.

Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée, et j'ai été la pire...

Mais pour que notre amour ne soit pas vain, je te promets que —


– Lilou, quelqu'un est là pour toi ! hurla Lucilia depuis le bas des escaliers, me faisant sursauter au passage.

Je reposai doucement mon stylo et enfilai rapidement un gilet pour voir qui souhaitait me voir de bon matin.


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Coucou mes petits lecteurs,

Un chapitre très différent des autres. J'avais envie de vous plonger dans la tête de Lilou-Ann, que vous compreniez ses doutes, ses envies, sa lutte. Un petit retour au source de son malheur avec ce "dialogue" avec Zac... Bref j'espère que ça vous a plu :)

J'essaie de poster un chapitre très vite !

Bisous, bisous 🖤,
L.

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