Chapitre 22
Au bout de quatre jours d'hospitalisation et de différents entretiens avec madame Ross, ma psychologue, j'avais enfin l'autorisation de sortir de cet endroit. Toutefois, je devais respecter certaines conditions. Premièrement je devais assister à tous mes cours. Deuxièmement, je devais être toujours accompagnée de quelqu'un que ce soit à la maison ou au lycée. Troisièmement, il me fallait écrire mes pensées dans un cahier et la rencontrer deux fois par semaine. En soi, rien de passionnant, mais si cela me permettait d'accéder à ma liberté, je signai. Ce dernier matin, j'étais passée faire un coucou à Baptiste qui m'avait annoncé qu'il sortirait en fin de semaine. Plus que quatre jours et il pourra retrouver sa vie tranquille. Quant à moi, j'essaierai de me reconstruire auprès d'eux, auprès de tous ceux à qui je tenais. De retour dans ma chambre d'hôpital, je vérifiai mes affaires. Ma valise, posée près de moi sur le lit, était bouclée. J'attendis impatiemment que mes parents viennent me chercher. Après avoir jeté un rapide coup d'œil à mon téléphone et lu quelques SMS, quelqu'un frappa à ma porte, puis entra aussitôt. Je vis Vincent m'adresser un large sourire. Sans un mot, il avança et me prit dans ses bras. Après cette courte étreinte, il porta mon sac, tandis que sa main libre saisit la mienne afin de me faire sortir de cet hôpital.
J'avais hâte de quitter ce lieu pourtant j'étais angoissée, comme si j'allais devoir affronter tout ce que j'avais réussi à éviter en étant enfermée ici, comme dans une bulle. Je resserrai ma poigne lorsque je fis mes premiers pas à l'extérieur. Mon père et ma mère m'attendaient là, souriant, avançant vers moi pour me serrer contre eux. Cette effusion d'amour me rassura quelque peu.
Sans un mot, nous prîmes la direction de la maison. Assise à l'arrière au côté du grand blond, je tentai de faire la conversation. Mais plus nous approchions, plus la peur de me retrouver face à mes sœurs grandissait. Si j'avais bien compris Luce était celle qui m'avait retrouvée inconsciente à la cabane, depuis elle n'était pas venue me voir, sûrement rongée par la colère... Quant à Lau, ils avaient préféré qu'elle ne me voie pas dans cet état. À vrai dire, durant ce séjour à l'hôpital, seul Vincent, mes parents, Baptiste et la psy étaient venus occuper mes journées. Je m'étais sentie seule, malgré tout j'avais gardé espoir, enfin jusque-là...
Dans la voiture, Vincent me tenait toujours la main comme pour me soutenir et ne cessa pas de le faire jusqu'à notre arrivée.
En entrant dans la maison, seul le silence régnait et cela accentuait cette profonde angoisse... Soudain j'aperçus le visage de Lau dans l'embrasure de la porte. Elle paraissait si fatiguée pourtant elle m'adressa un faible sourire avant de se jeter contre moi, si bien qu'il fallut que Vincent me maintienne d'une main dans le dos pour ne pas que je bascule. Ses bras enserrèrent ma taille et sa tête se posa sur ma poitrine. Contre moi, je sentais sa respiration se saccader et ses larmes couler.
– Lil, plus jamais je t'en supplie, promets-le, s'il te plaît....
Je ne pouvais pas promettre quelque chose qui à ce moment-là me paraissait inenvisageable malgré tout je resserrais mon câlin pour la rassurer du mieux que je pouvais.
– Je veux plus Lilou, je ne veux plus te perdre. Lilou, je ne veux plus... Je ne veux plus... Je t'aime...
Après de longues minutes, je relâchai mon étreinte et embrassai le sommet de son crâne. Je pris une grande inspiration et commençai à me diriger vers la chambre de Luce. Elle n'était toujours pas venue et j'avais sincèrement besoin de la voir. Je voulais la voir, lui parler, mais par-dessus tout qu'elle me pardonne. Alors que je m'apprêtais à monter, je la vis en haut des escaliers. Elle, qui pouvait être si solaire d'habitude, était si froide, si distante. Je sus à son regard que quelque chose entre nous s'était fissuré, que j'avais brisé ma sœur. Arrivée à ma hauteur, je n'eus pas le temps de dire ou faire quoique ce soit qu'elle me gifla.
– Ça, c'est pour m'avoir menti en disant que tu avais besoin de temps et que tu rentrerais dans deux jours ! Tu m'as mentie, tu nous as trahies ! Tu as osé briser notre lien, notre confiance, notre pacte, notre amour.
Cela me bouleversa profondément. Mon aînée, mon modèle venait de lever la main sur moi. Celle qui veillait sur moi des heures durant m'en voulait de tout son être. Et sans attendre de réponse ou une quelconque réaction, elle m'en asséna une deuxième.
– Et ça, c'est pour m'avoir fait vivre de nouveau un cauchemar ! Tu te rends compte du mal que tu fais ! Putain, mais Lilou c'est innommable ce que tu as fait ! Tu nous as lâchement abandonnés ! Zac n'a jamais choisi de partir et toi, tu as fait comme si nous n'existions pas ! Je t'en veux tellement ! Tu es mon sang, une part de moi et tu as décidé de nous laisser seuls...
Elle hurlait comme pour sortir toute la colère qui l'imprégnait, ses yeux étaient baignés de larmes, son visage était devenu rouge de rage. Alors qu'elle s'apprêtait certainement à me gifler une nouvelle fois, Vincent s'interposa entre elle et moi, arrêtant sa main en plein vol.
– Luce, arrête-toi, elle a compris, je crois, chuchota-t-il en la fixant avec une douceur si apaisante. Maintenant, elle a besoin que tu lui pardonnes et que tu l'écoutes, s'il te plaît.
Je fis un signe de tête à Vincent pour le remercier de son intervention, même si au fond je ne pouvais pas blâmer Luce de sa réaction. Je ne pus faire un pas, qu'elle avait déjà fait demi-tour pour s'enfermer dans la salle de bain. Je ne pouvais pas lui en vouloir pourtant j'étais terriblement blessée. Je me retournai et descendis les escaliers pour récupérer ma valise. Lasse, je soufflai tandis que Vincent me serra contre lui pour signifier son départ. Après un rapide échange de regard avec mes parents, je décidai de monter dans ma chambre et de vider mes bagages. L'atmosphère était devenue vraiment pesante en bas. Je rangeai mes affaires, mais lorsque mes yeux se posèrent sur mon bureau, tout avait été rangé depuis mon hospitalisation comme si je n'étais jamais partie. Un détail attira toutefois mon attention, un petit carnet noir était dorénavant posé dessus. Je le pris dans mes mains, le tournai, l'ouvris et pourtant rien n'y figurait. Il était vide. Une de mes sœurs avait dû le laisser là, par inadvertance en rangeant mon bazar.
– Tu dois y écrire tes pensées ma puce, c'est une des conditions de la psy, chaque jour, déclara ma mère en me surprenant.
Elle se trouvait désormais dans l'embrasure de la porte, un sourire bienveillant accroché à son visage. Elle m'observait reposer ce satané cahier. Je ne pouvais malheureusement pas oublier cette condition.
– Je sais maman, je pensais écrire le soir au moment de me coucher.
– Pas de soucis. En fait, je venais juste te dire que Luce souhaite te parler, mais seulement si tu t'en sens prête.
Elle prenait le plus de pincettes possible comme pour ne pas me brusquer. Après avoir pris une grande respiration, j'acquiesçai et me dirigeai vers la chambre de mon aînée. J'appréhendai énormément ce moment de réelles confrontations depuis que je savais que c'était elle qui m'avait trouvée.
Arrivée devant sa porte, mes mains commencèrent à trembler, je tentai de rassembler le peu de courage que j'avais et frappai doucement.
– Entre Lilou, murmura ma sœur.
J'entrai alors dans son antre, éclairé uniquement par une petite lampe. Elle était assise en tailleur sur son lit, entourée de différents ouvrages. Je savais qu'elle se plongeait dans les lectures quand elle ne voyait aucune autre issue à ses soucis. En voyant le nombre d'écrits empilés, je saisis rapidement que le problème c'était moi.
– Assis-toi, dit-elle en ramassant tout ce qui était autour d'elle.
Je me positionnai donc face à elle, ne sachant pas vraiment si elle souhaitait que je prenne la parole. Alors que mon regard fixait mes pieds et trouvait un intérêt soudain pour mes chaussettes, Luce brisa enfin ce silence insoutenable.
– Lorsque tu m'as envoyé ce message pour me dire que tu ne rentrerais que dans deux jours, j'ai appelé Chloé pour qu'elle te dise de rester auprès d'elle plus longtemps, si tu en ressentais le besoin. Seulement quand elle m'a annoncé que tu n'étais pas avec elle, j'ai commencé à paniquer. J'ai alors appelé Leïla, puis Vincent, j'ai été jusqu'à appeler le garçon qui t'avait ramenée à la maison la dernière fois. Chacun m'a dit exactement la même chose : tu n'étais pas avec eux et qu'ils n'avaient pas eu de tes nouvelles depuis plusieurs heures. À partir de cet instant, j'ai tenté de réfléchir le plus calmement possible sans effrayer Lau. Malgré tout en voyant mon agitation, elle a fait une crise d'angoisse et j'ai été obligée de l'emmener chez le docteur en urgence. À ce moment précis, j'étais en train de perdre mes deux sœurs...
Une larme perlait silencieusement le long de sa joue, elle l'essuya avant de reprendre. Cette scène me brisait le cœur. Je ne m'imaginais pas une seule seconde la douleur qu'elle pouvait ressentir. Elle avait effleuré la plaie béante qui me poursuivait depuis des mois par ma faute.
– Une fois la crise passée, je me suis mise en route pour le cimetière, puis chez Juliette, à l'hôpital, et le dernier espoir était la cabane. Il était déjà tard et plus j'approchai, plus j'angoissai. Je sus rapidement que tu étais à l'intérieur grâce à la petite lampe que tu avais laissée allumée. En arrivant devant la porte, elle était fermée. J'ai dû demander à Lau d'aller chercher les outils dans la voiture...
Elle s'arrêta, comme si elle revivait la scène sous ses yeux. L'angoisse lui nouait la gorge et ses pupilles s'embuèrent.
– J'ai fini par ouvrir cette porte et tu étais là, allongée sur le lit, inconsciente. En balayant la pièce du regard, j'ai compris immédiatement ce que tu avais fait, mais Lau était déjà auprès de toi. J'ai dû la sortir de force pour tenter de te réveiller, j'ai hurlé, je t'ai secoué, mais rien. Je ne sentais presque plus ton pouls. Je ne sais comment, les secours sont arrivés quelques minutes plus tard. J'ai appris bien après que Lau les avait appelés alors qu'elle était en panique. Elle a pris sur elle pour te sauver, elle a su se maîtriser pour ne pas te perdre. Je t'ai vue morte Lilou, ton cœur ne battait pratiquement plus. Ma sœur était morte dans mes bras... Je n'ai pas pu venir te voir, c'était trop dur. J'ai peur, je suis ravagée par l'angoisse de te perdre. Je revois ton si magnifique visage si calme. J'ai détesté ça, ça m'a dévastée...
Je n'arrivais plus à la regarder, j'avais honte, je souffrais de lui avoir fait subir ça. Je ne savais pas quoi lui dire ni quoi faire. À vrai dire que pouvais-je faire pour effacer le mal que je lui avais fait ? Cette image qu'elle avait de moi ne la quitterait jamais, je le savais...
– Luce, aide-moi s'il te plaît, chuchotai-je.
Voilà la vérité, j'aurais beau être désolée, m'excuser, ça ne servait à rien. La seule chose que je voulais c'était tenter de me reconstruire auprès d'elle et lui montrer que je voulais essayer.
Sans me répondre, elle me tendit la main et la caressa. Je compris que c'était sa façon à elle d'accepter ma demande.
Flashback — 6 novembre 2013
J'enfilai tant bien que mal cette jolie robe noire, espérant qu'elle soit à la hauteur de la soirée qui m'attendait. J'avais envie de lui plaire, j'espérai sincèrement qu'il me trouverait belle.
– Luce, aide-moi s'il te plaît, hurlai-je depuis ma chambre.
Elle arriva précipitamment dans mon cocon, munie de son fer à boucler. Elle le lâcha sur mon lit et m'aida à fermer la fermeture éclair de ma tenue.
– Tu es parfaite Lilou, il va craquer, j'en suis sûre ! murmura-t-elle à mon oreille.
Après un détour par le maquillage et les ondulations réalisées par ma sœur, j'étais ravie du résultat. Il fallait dire que même si c'était une simple soirée, pour moi, elle allait peut-être changer les choses pour nous deux. Ce soir, je voulais m'unir à lui de la plus belle des façons qu'il soit. Parce que c'était lui, parce qu'il était l'homme dont j'étais follement tombée amoureuse.
Fin du flashback
La journée m'avait paru interminable. Toutes les émotions de mon retour avaient mis ma famille sens dessus dessous. Si bien que tout le monde était parti se coucher de bonne heure. Je me retrouvais donc là, assise devant mon bureau, face à cette page blanche. Je ne savais pas par où commencer, quoi écrire, tout cela me déstabilisait. Alors sans réfléchir, je saisis le stylo et commençai à écrire.
Mardi 11 novembre
Je viens de rentrer chez moi et j'ai comme obligation d'écrire dans ce carnet ce que je ressens. Je ne sais pas par où commencer ni quoi dire. Je ne sais pas ce que vous attendez de moi. L'hôpital a été un véritable calvaire pourtant je sais que mon retour va être encore plus dur. J'aimerais pouvoir dire que je suis heureuse d'être rentrée, soulagée d'avoir pu parler avec Luce. Mais la seule chose que je ressens c'est cette douleur, ce vide, cette solitude...
Quand tout cela partira-t-il ?
Je refermais le cahier et m'allongeai doucement sur mon lit. Je pris mon téléphone pour vérifier les derniers messages reçus espérant désespérément y lire un SMS de Chloé.
* Je passe te chercher demain. Repose-toi Lilou. Bisous * - Vincent
* Je sais que tu es rentrée chez toi aujourd'hui, j'espère que cela n'a pas été trop dur de te retrouver face à tes sœurs. Ne baisse pas les bras, s'il te plaît * — Inconnu
Cet « inconnu » m'agaçait de plus en plus s'immisçant dans ma vie sans prendre la peine de me dire qui il était. Je ne voulais plus rentrer dans son jeu. Je n'en avais ni l'envie ni l'énergie. La seule chose, qui m'importait en cet instant, c'était le silence de ma blonde.
L'angoisse pointa de nouveau le bout de son nez, me tordant les entrailles, broyant tout sur son passage.
En effet, le lendemain, je devais reprendre les cours. Par chance, il ne s'agissait que d'une matinée, mais j'appréhendais de revoir tout le monde. Je n'étais pas prête à les affronter surtout qu'ils étaient peut-être au courant des derniers événements. J'allais aussi revoir mes deux meilleures amies, je savais que même si Leïla m'avait pardonnée, ce n'était pas le cas de Chloé. Que pouvais-je bien faire pour qu'elle ne m'en veuille plus ? Peut-être qu'en me voyant elle accepterait de discuter avec moi ? Mais que pouvais-je bien lui dire ? Et c'était sur ces pensées que je m'endormis, épuisée par tant de tourments...
Les habitudes reprenaient leurs droits. Luce était venue me réveiller, m'avait préparé mon petit déjeuner, avait veillé à ce que je parte à l'heure. Mais ce matin-là, elle avait poussé les choses allant même jusqu'à me préparer mes affaires en me signalant que je devais faire la meilleure impression possible pour mon retour. Mes parents s'étaient faits discrets auprès de moi, ce que j'avais fortement apprécié. Je soupçonnais Lucilia d'avoir donné cette consigne. Elle avait joué à la grande sœur protectrice, comme avant...
Alors que je m'apprêtais à sortir, quelqu'un sonna. Sur le pas de la porte se tenait Vincent, il m'avait en effet prévenue qu'il passerait me chercher, mais je croyais qu'il blaguait. Après une étreinte chaleureuse, nous nous mîmes en route. Le trajet se passa dans le plus grand silence, je crois qu'il avait compris que j'étais trop angoissée pour pouvoir tenir la conversation. Le pire instant de la journée était dès à présent là, face à moi, je ne pouvais plus reculer. Au moment de franchir le gigantesque portail du lycée, je vis tous les regards se tourner vers moi et les murmures commencèrent. Alors que je sentis ma gorge se nouer, Vincent glissa sa main dans la mienne et embrassa ma tempe avant de me murmurer.
– Laisse-les parler. Je suis avec toi, respire.
J'essaie, mais j'ai peur... J'ai tellement peur Vincent.
Il me fit avancer sans que je m'en rende compte. J'étais une marionnette aux mains du seul garçon désormais capable de m'apaiser. Mais avant même d'avoir atteint le milieu de la cour, je vis Leïla se jeter littéralement dans mes bras, me faisant lâcher les doigts de mon ami.
– Lilou, tu m'as manqué. Tu sais je voulais venir te voir là-bas, mais Vincent et tes parents ont pensé que c'était une mauvaise idée. Et je me suis mise à ta place, je crois que je n'aurais pas aimé qu'on me voie en chemise d'hôpital. Mais à vrai dire, je suis sûre que tu étais superbe.
Elle avait débité cela avec tellement de rapidité que je compris un mot sur deux. Elle semblait se perdre dans son discours comme une sorte de délire verbal. Elle s'arrêta et souffla avant de reprendre.
– Non en fait, j'ai voulu, mais je n'ai pas pu Lilou. Je n'étais pas prête, je n'ai pas pu te voir. J'ai eu tellement peur, c'était trop dur... Je ne sais pas ce que j'aurais fait si jamais... tu vois...
Elle avait besoin que je la rassure, ce que je fis en la prenant dans ses bras et murmura quelques paroles à son oreille.
– Ne t'inquiète pas Leïla, je suis là et je vais bien. Je ne t'en veux pas. Je vais bien.
Mais ce qui me tira de cette étreinte fut les pupilles bleues de ma meilleure amie que je vis à quelques mètres derrière nous. Malheureusement je ne perçus rien dans ses yeux pas de joie, pas de tristesse, pas de déception, juste un vide comme deux inconnues dont le regard se croise au détour d'une rue. Alors que je tentai de m'approcher, je la vis tourner les talons et s'en aller, me laissant seule au milieu de cette cour. Je sentis les larmes monter, j'aurais tellement aimé qu'elle comprenne et me pardonne.
– Viens, Lilou, chuchota Vincent avant de poser sa main dans mon dos.
Cette arrivée au lycée reflétait ma journée, celle-ci avait été ponctuée par les différents enseignements et l'unique présence de Vincent auprès de moi. J'avais expliqué à Leïla que je souhaitais qu'elle soit aux côtés de Chloé, pour qu'elle la soutienne. Parce que quoi qu'il arrive, quoi qu'il se soit passé, Chloé était ma meilleure amie et je ne voulais plus l'abandonner comme j'avais pu le faire durant des mois. Malgré le soutien du grand blond, cette journée avait été un enfer. J'avais dû supporter tous les regards des gens autour de moi, ces regards que j'avais fuis depuis le départ de Zac, me revenaient maintenant en pleine figure.
Ce calvaire touchait à sa fin. Accompagnée de mon fidèle compagnon, mon retour à la maison se passa dans le calme. J'avais presque la sensation que tout ce qui s'était passé n'avait pas existé, il prenait soin de ne faire aucun faux pas. J'étais un pion dans une espèce de comédie, mes parents étaient auprès de leur enfant, prenant chacun leur place chez nous. Mes sœurs, quant à elles, profitaient de leur présence et moi j'avais feint d'aller mieux jusqu'à me retrouver face à ce carnet.
Mercredi 12 novembre
Le retour au lycée a été pire que ce que je pensais. J'étais déjà la cible des rumeurs, des critiques, des murmures, mais cela a empiré depuis mon geste. En même temps, l'adolescence n'est-elle pas une période propice aux commérages, aux divagations et à l'acharnement sur des proies faciles ? J'ai simplement envie de me cacher à jamais sous ma couette, espérant ne plus croiser ces regards tous plus intrusifs les uns les autres.
Et comme une douleur ne vient pas seule, il y a Chloé. Elle a décidé de m'éviter. Son silence me tue. Mon amie d'enfance m'a tourné le dos, mais que puis-je dire ? Qui suis-je pour lui en vouloir ? Je suis juste totalement effrayée. Et si elle ne me pardonnait pas ? Et si je l'avais perdue pour de bon....
J'ai mal, tellement mal. Vincent m'aide à tenir le coup, mais combien de temps tiendra-t-il lui aussi ? Je vois dans ses yeux la difficulté qu'il a à me maintenir la tête hors de l'eau. Je ne veux pas qu'il se noie par ma faute. Il a déjà tant souffert...
J'avais refermé ce carnet, le cœur lourd. Machinalement, je m'étais couchée en essayant de ne pas craquer. Seulement ce soir-là, Lau m'avait demandé si elle pouvait dormir avec moi, ce que j'avais accepté. Ce qui fut le plus dur c'est lorsqu'elle chuchota les mots que je lui avais écrits avant de prendre ma décision.
– Tu sais, tu as écrit que j'étais trop jeune pour perdre mon étincelle et mon innocence, trop jeune pour être confrontée à ta souffrance. Mais toi aussi Lilou tu es trop jeune pour mourir, trop jeune pour ne plus sourire, trop jeune pour ne plus croire en la vie. Alors, profite avec nous s'il te plaît, vis avec nous, souris avec nous parce que tu es... Ma sœur, mon modèle, mon sang...
Malgré la prise de médicament, j'avais eu beaucoup de mal à m'endormir. J'avais tenté de chasser les paroles de Laurianne, pourtant elles me hantaient...
Un nouveau réveil, un retour au lycée, un enchaînement de cours, un déjeuner partagé, une fatigue trop présente. J'avais tenté de faire bonne figure, mais c'était tellement dur.
Pour la première fois depuis mon départ de l'hôpital, j'étais presque soulagée de me retrouver face à ce carnet, seule avec pour unique préoccupation ma douleur. Je saisis mon stylo et écrivis sans réfléchir.
Jeudi 13 novembre
Un nouveau jour s'achève, une journée de plus en enfer. Chloé ne m'a toujours pas adressé la parole, elle évite mon regard et fait en sorte de ne jamais me croiser dans le lycée. Nous étions devenues deux véritables inconnues. Deux lycéennes parcourant les couloirs pour se rendre en cours sans se préoccuper l'une de l'autre, cela me brisait le cœur.
Et malheureusement, la situation empire pour moi. Les gens continuent à se retourner sur mon passage, j'en ai entendu certains dire que j'aurai mieux fait d'y rester, d'autres que j'étais trop lâche. À vrai dire, je ne sais pas auxquels je donne raison. Mais toujours est-il que je suis là sans lui, avec cette douleur en échange, mes larmes et mes cris. J'ai peur, peur de sombrer de nouveau. J'ai l'impression que plus rien ne compte, ma vie n'est désormais rien de plus qu'un tunnel sans fin, sombre et froid. Tout ici me rappelle lui : ma chambre, Vincent, le lycée, Baptiste... Tout...
Mais je dois garder la tête hors de l'eau, je dois tenter de rester à la surface. Je ne dois pas craquer même si pour cela, je dois vivre un calvaire. Il était tant que j'accepte de souffrir, c'était ma punition pour être responsable de la mort de Zac...
Je me sens terriblement fatiguée. Entre la souffrance, la lutte et les tourments, je suis fatiguée. La psy m'avait dit que ça s'arrangerait avec les médicaments. Mais ces cachets ne servent à rien, je pensais qu'ils m'aideraient à aller mieux à supporter tout ça, mais ça ne marche pas... J'ai besoin d'aide...
Je refermai ce cahier, soulagée d'un poids, mais tout aussi perdue. Avachie sur ma chaise, je laissai mon esprit divaguer et se perdre dans les méandres de mon âme...
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Coucou mes petits lecteurs,
Nouveau chapitre sur le retour de Lilou parmi les siens et dans la vie de tous les jours... Je sais que beaucoup attendait la confrontation avec ses sœurs.
Que pensez-vous de leur réaction ?
La réaction de ses amis ?
Comment auriez-vous réagi à leur place ?
J'espère que ça vous plaît toujours autant !
Merci pour vos commentaires toujours aussi touchants :)
Bisous, bisous 🖤,
L.
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