Chapitre 14

– Non ! Non ! Non ! Non ! C'est pas possible, il était avec moi ! Pourquoi l'as tu fait partir ? hurlai-je en me levant brusquement.

Ses yeux verts me fixèrent, ahuris. Il paraissait complètement déboussolé pourtant, il n'y avait pas de quoi l'être. Zac était ici et cet imbécile me l'avait enlevé. J'étais tellement énervée contre ce garçon.

– Lilou, je suis désolé, mais il n'était pas là, il n'y avait que moi, murmura-t-il en me tenant les épaules.

– Non Axel, Zac était là ! Je le sais ! Il était à côté de moi ! Je le sais !

Faisant de grands gestes avec mes mains, je tentais de lui expliquer ce que je ressentais. Je voulais qu'il puisse ressentir ma colère. Puis il resserra son étreinte sur mes clavicules et sans attendre je commençais à tambouriner contre son torse, il l'avait fait fuir. Je le haïssais ! Je le frappais de plus en plus fort alors qu'il resserrait sa prise. C'était si intense que je sentais ses doigts s'enfoncer dans ma peau froide. Il était responsable de tout. S'il n'était pas venu, j'aurais pu rester là, à jamais, avec mon Zac.

– C'est ta faute ! J'étais avec lui ! Pourquoi tu me l'as enlevé ? Hein ? Pourquoi tu es venu ? J'étais bien avec lui ! Je ne veux que lui ! Tu es qu'u-

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase qu'une violente douleur apparue au niveau de ma pommette. Il venait de me gifler. Portant ma main bandée à ma joue, j'étais choquée. J'étais figée sur place. Je ne croyais pas à ce geste, il venait de me frapper. Il n'avait cessé de me fixer, le regard affolé tandis que moi j'étais sous le choc et me réveillai doucement de ma torpeur, de ma folie.

– Pardonne-moi Lilou, je ne savais pas quoi faire d'autre, tu perdais complètement la tête et je savais plus quoi faire.

Je le regardais sans qu'aucun mot ne puisse sortir de ma bouche. Avec cette gifle, je venais de retomber sur terre. J'avais l'impression de me réveiller après des mois de semi-coma. J'avais réellement perdu mes esprits. J'avais perdu la raison, j'espérais tellement le voir, j'aurais tout donné pour l'apercevoir ne serait ce que quelques minutes que mes espoirs et mon amour avaient pris le dessus sur toute logique. Ce n'était pas lui que j'avais entendu, pas lui qui m'avait touchée, pas lui qui m'avait réconfortée, il n'était plus là. Il était parti. Il était mort.

À cette pensée, je me mis à pleurer de nouveau, mon corps et mon esprit ne pouvant se retenir plus longtemps. Physiquement, je craquais. Je m'apprêtais à tomber, je le sentis pourtant lorsque mes jambes lâchèrent, je me retrouvai dans les bras de celui qui se tenait près de moi. Il m'aida à m'asseoir par terre, reposant sa veste sur mes épaules. Je tremblai de froid et de fatigue. Je me recroquevillai sur moi-même, espérant me réchauffer et me calmer.

Mes mains enserrèrent mes genoux tandis qu'avec mes pieds je tentai de me bercer d'avant en arrière, les pupilles fixées sur les inscriptions de sa tombe :

Zacharie Faure, 16 mars 1996 – 2 juin 2014.
« Tu n'es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis. ».

Zacharie, mon Zac... Tu n'étais plus là et ça me tuait. Chaque seconde sans toi me tuait. Je fermais les yeux en tentant de retrouver un semblant de respiration. Expire, inspire, expire, Zac, non pas Zac, inspire, expire, inspire, expire, inspire... J'arrivais à me concentrer un minimum pour retrouver un rythme cardiaque correct.

Une fois calmée, Axel me tendit un mouchoir pour que je puisse essayer de retrouver de nouveau un brin de dignité. Jusque là, il n'avait rien dit et j'avais peur qu'il me parle, angoissée qu'il me pose des questions, beaucoup trop d'interrogations. M'avouer que Zac était mort était une chose, en parler et le dire à voix haute en était une autre, surtout à lui. Et par-dessus tout, je ne voulais pas d'une nouvelle pique de sa part, je n'en avais pas la force, ni l'envie et surtout pas le courage... Pas maintenant. Alors que je l'entendais souffler légèrement comme pour prendre la parole, je fermais les yeux et me préparais au pire.

– Je suis désolé pour toi Lilou, je sais que ça ne changera rien, mais je suis sincèrement désolé.

Flashback — 4 juin 2014
J'étais là devant sa tombe, jetant la dernière rose qui recouvrirait son cercueil, camouflée derrière mes lunettes de soleil pour cacher mes larmes. Je sentis une main se glisser dans la mienne et malheureusement en cet instant, je me sentais plus seule que jamais.

– Je suis désolé pour toi Lilou, je sais que ça ne changera rien, mais je suis sincèrement désolé, chuchota mon père. Je sais à quel point tu l'aimais, je suis tellement désolé de ne rien pouvoir faire pour toi ma chérie.

Je l'entendais, je sentais son bras passer sur mes épaules et pourtant je n'arrivais plus à réagir, plus rien n'existait. J'étais morte avec lui.
Fin du flashback

– Je — je — euh... merci Axel...

J'étais surprise, je ne m'attendais pas à ça venant de lui. Et honnêtement, je ne savais pas quoi dire, j'avais perdu le contrôle devant lui, j'avais honte, mais par-dessus tout, j'étais triste, dévastée et vide. J'étais vide, vide de tout, de lui, de son amour, et de mon oxygène. Zac était ce qui me maintenait en vie, mais maintenant... J'avais besoin de temps et de solitude. Je devais lui parler, être avec lui et laisser mes larmes couler...

– Tu peux me laisser seule quelques minutes avant que je parte s'il te plaît, demandai-je le plus gentiment possible à Axel.

Il hocha la tête, non sans un regard rempli de compassion, il s'éloigna. Je me pivotai légèrement toujours assise, mais je voulais être face de l'homme que j'aimais.

– Zac, sache que je t'ai aimé, je t'aime et je t'aimerai. Je ne suis pas sûre de pouvoir tenir éternellement sans toi. Tu étais tout ce que j'avais. Tu étais ma vie, l'unique personne avec qui je n'avais pas besoin de parler. Si seulement tu pouvais m'entendre et me prendre dans tes bras. Je t'aime.

Quelques larmes perlaient le long de mes joues tandis que je déposai un baiser sur mes doigts que je reposai ensuite délicatement sur le marbre froid. Je fermai les yeux laissant ma main posée comme pour lui dire un dernier au revoir. Je pris mon courage à deux mains et me relevai, je ne pouvais pas rester là indéfiniment, même si j'en avais envie. Mais au moment où je fus sur mes deux pieds, je compris que je venais de faire une erreur. La tête me tourna soudainement et avant d'avoir eu le temps de me rasseoir, un grand vide et un trou noir s'emparèrent de moi.

Le noir.

Ma vie était devenue noire. J'étais bien comme si ma vie s'était tout simplement enfin arrêtée, comme si ma souffrance s'était arrêtée.

J'étais enfin apaisée, calme, un silence que j'avais attendu depuis si longtemps... J'allais finalement le retrouver, être à ses côtés, être auprès de lui...

Mais j'étais dans le noir.

Le noir. Sans lui.

La douce lumière, qui perçait au travers de mes paupières, me ramènait doucement à la réalité. Ce court instant de répit s'achevait pourtant mon corps semblait encore léger. Je flottais dans les airs, bercée lentement. La chaleur qui m'entourait, me réconfortait et me procurait une vague de frissons. Une délicate mélodie parvenait à mes oreilles, celle qu'un coeur battant à l'unisson avec le mien. Même si je n'arrivais pas à percevoir qui pouvait me maintenir ainsi contre lui, le seul capable de me sauver était Zac. Mon Zac. Liés par notre amour, il avait compris qu'il ne pouvait pas m'abandonner. Je tentais de lui souffler ces trois petits mots, pourtant j'en étais incapable. Ma bouche refusait de m'obéir. Mon physique semblait ne répondre qu'au balancier de mon héros.

Ballotée de droite à gauche, un imperceptible bruit fit dérailler ma petite symphonie. Un porte métallique. Un faible mouvement me fit basculer. Soudainement, le froid parcourait chaque pore de ma peau, m'enveloppant de nouveau dans un univers bien trop familier. Quant à l'agitation autour de moi, elle me semblait étrangère. Précautionneusement, mon corps s'enfonçait dans un siège confortable. Chaque muscle se relâchait, mes paupières paraissaient de plus en plus lourde, ma tête basculait lentement. Un murmure s'insinuait en moi.

– Tout va bien, Lou. Je suis là, ne bouge pas.

Avant même que le moteur n'ait eu le temps de cracher sa colère, j'étais emportée dans les méandres d'un sommeil profond sans distraction, ni tourment.

Une violente douleur me tira de ma phase de léthargie. J'avais mal à la tête, comme si elle était prise dans un étau et je ne sentais plus mon bras. Petit à petit, j'ouvrais les yeux, je distinguais des choses que je connaissais si bien, me rendant compte que j'étais dans ma chambre. En regardant sur ma gauche, je compris que c'était le poids de ma petite sœur sur mon épaule qui l'avait ankylosée.

– Ah, Lilou, tu es enfin réveillée, s'exclama Lau en me serrant contre elle. Tu m'as fait peur. Attends. Ne bouge pas je vais prévenir Luce.

Sans que je puisse ajouter quoi que ce soit, elle sauta du lit sans même un regard. Alors qu'elle quittait la pièce en courant, je tentais de comprendre comment j'étais arrivée là. Puis soudain, tout me revint en mémoire. La dispute avec Luce, son exclusion de la maison, la visite au cimetière, la tombe de Zac, ma douleur, mes larmes, mes tonnes de traitresses, mon début de folie, Axel et mon adieu. Mais je ne me souvenais toujours pas comment j'avais atterri chez moi. Je fixai le plafond lorsque j'entendis quelqu'un monter les escaliers. Elle accourait jusqu'à mon cocon et parut soulagée quand elle me vit en train de la regarder.

– Dieu merci tu as enfin ouvert les yeux après six heures de sommeil je commençai sincèrement à m'inquiéter, dit Luce en soupirant.

Elle s'assied à côté de moi sur le lit, en prenant soin de ne pas me faire mal. Elle passa ensuite ma main sur mon front et remonta la couverture sur ma poitrine. Je lui lançais un regard pour la rassurer, ça pouvait aller, parce que sur l'instant, mon état ne m'inquiétait pas, c'était plutôt les innombrables questions qui m'envahissaient.

– Désolée... par contre, j'ai dormi six heures ? Je ne comprends pas... Comment suis-je rentrée ? Qui m'a couchée ? Et pourquoi je ne me souviens de rien ? Et qu'est —

– Calme-toi Lilou. Tu étais au cimetière depuis plusieurs heures et tu as fait un malaise là-bas. Ton ami t'a vue et t'a ramenée à la maison. Je lui ai demandé de te monter ici, car je ne pouvais pas te porter toute seule et il est reparti.

D'un coup, tout me revenait en mémoire, au moment de mes adieux à Zac. J'avais voulu me relever, mais je crois que j'étais littéralement épuisée et finalement j'étais tombée dans les pommes. Mais c'était réellement Axel qui m'avait ramenée chez moi ?

– Un ami ? Tu veux dire Axel ?

– Oui ! dit-elle en m'adressant un sourire bienveillant.

– Oh...

Donc Axel qui avait eu un comportement vraiment particulier avec moi, m'avait ramenée chez moi et montée dans ma chambre. Ce garçon devait avoir de vrais problèmes psychologiques : il avait été gentil, moralisateur puis froid, prévenant, blessant, attentionné et là protecteur. J'étais complètement perdue avec lui, était-il sincèrement sympa ou pas ? Allait-il m'en reparler ? Allait-il poser des questions ? Allait-il raconter à tout le monde ce qu'il avait vu aujourd'hui ? Il ne fallait pas... Je commençais à paniquer, je tentai alors de me raisonner, je devais arrêter de penser à tout ça.

Alors que je m'apprêtais à me relever pour aller à la douche, mes migraines me firent comprendre que pour le moment je devais rester alitée. Je m'installai mieux et tournai le visage pour faire parler à Luce, lorsque mon regard se posa sur la photo de Zac et moi me ramenant soudainement la vérité en plein visage. Alors que jusque là j'avais refusé que mon esprit y pense, il m'était absolument impossible en cet instant de le chasser, je ne voyais plus que lui et moi. Et je compris bien vite que la colère n'allait plus faire partie de mon quotidien, cette colère qui m'avait tenu debout jusqu'ici. À la vision de cette photo, je sentis mes yeux se remplirent et même si je faisais tout ce que je pouvais pour éviter un nouveau drame, je ne pus contenir davantage les pleurs qui commençaient à se déverser. Je les laissais désormais couler le long de mes pommettes...

– Oh, Lilou, je suis tellement désolée, si seulement je pouvais faire quelque chose...

Tu ne peux rien faire Luce, je suis brisée...

Luce était à présent allongée près de moi, je me tournais vers elle et la pris dans mes bras. Les larmes avaient envahi mon visage, plus rien ne pouvait les arrêter. Rien en moi ne voulait et ne pouvait les arrêter. Elles représentaient tout ce que j'avais gardé en moi depuis son départ, depuis qu'il m'avait laissée... Des perles d'eau salées coulaient le long de mes joues puis se nichaient dans le cou de ma sœur. Cette dernière commençait, elle aussi, à pleurer tandis qu'elle me caressait les cheveux comme pour me calmer.

Même si sa perte s'était transformée en colère jusqu'ici, je me demandais bien souvent comment la douleur allait évoluer. Pourtant maintenant, je m'interrogeais non plus sur cette souffrance qui me rongeait, mais sur la durée pendant laquelle j'arriverais à la supporter. Pourrais-je tenir longtemps avec cette douleur si profondément ancrée en moi, une plaie béante qu'on ne pouvait soigner?

– Lilou, est-ce que tu veux que je te laisse tranquille ?

Ma sœur murmurait dans mon oreille, sa voix avait littéralement changé depuis mon retour, elle était beaucoup plus douce, plus apaisée, mais aussi plus sombre. Je ne voulais pas qu'elle me laisse, je ne voulais pas être seule. J'avais besoin d'elle auprès de moi... Après lui avoir fait non de la tête, j'enroulai davantage mes bras autour de son cou pour lui faire comprendre que je voulais qu'elle reste à mes côtés.

– Je reste Lilou t'en fais pas.

Depuis bien longtemps, je n'avais pas ressenti un tel besoin d'être entourée par elle, par quelqu'un qui tenait à moi. J'avais rejeté tous ceux qui avaient voulu m'aider pourtant là, maintenant, sa présence était réellement nécessaire.

Elle commença à chantonner une des chansons préférées de ma mère pour me bercer.

« Imagine there's no countries,
It isnt hard to do,
Nothing to kill or die for,
No religion too,
Imagine all the people
living life in peace...
You may say Im a dreamer,
but Im not the only one,
I hope some day you'll join us,
And the world will live as one. »

« Imagine qu'il n'y ait pas de pays,
Ce n'est pas dur à faire,
Rien à tuer ou pour lequel mourir,
Pas de religion non plus,
Imagine tous les gens,
Vivant leur vie en paix...
Tu peux dire que je suis un rêveur,
Mais je ne suis pas le seul,
J'espère qu'un jour tu nous rejoindras,
Et que le monde vivra uni.»

Nous restâmes dans les bras l'une de l'autre, bercées par cette chanson de nombreuses minutes avant que je ne sois emportée par le sommeil.

______________________
Coucou mes petits lecteurs,

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Vous-a-t-il plu ?

Certains parmi vous avaient deviné qu'il s'agissait d'Axel. D'ailleurs que pensez-vous de lui ?

Et notre Lilou ? Mal en point... Elle est complètement dévastée au point d'en perdre la raison. Que feriez-vous à sa place ?

A très vite !
Bisous, Bisous 🖤
L.


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