Chapitre II


Quelques heures plus tard, dans une petite pièce qui lui servait de chambre, Ibuki Munemasa haletait. Il venait de le laisser tranquille. Aux aguets, retint sa respiration bruyante quelques secondes le temps de vérifier quelque chose. Il entendit les pas lourds qui s'éloignaient. Il les entendit descendre les escaliers. Il soupira alors, soulagé et se permit de respirer à nouveau bruyamment. Allongé sur un matelas à même le sol, cette chose inconfortable qui lui servait de lit, il ferma les yeux et tenta de penser à autre chose que ce qu'il venait de vivre, cet épisode qui se reproduisait quotidiennement. Doucement, le souvenir de la matinée lui revint en mémoire. Le tournoi de football... Pourquoi pas ? Y participer lui permettrait de s'évader quelques semaines de sa vie plus que morne et douloureuse depuis deux ans. Mais ce n'était pas ça le plus important. Avant de s'en aller ce matin, Munemasa avait demandé à Aynon Im si, dans l'éventualité où il acceptait, il pourrait emmener quelqu'un avec lui, en l'occurrence sa cousine. L'homme lui avait répondu à l'affirmative : chaque joueur avait le droit d'amener deux accompagnants maximum s'il le souhaitait. Très honnêtement, Munemasa souhaitait rejoindre l'équipe Inazuma et rejouer au football. Seulement, il ne partirait pas sans Emiko. Est-ce qu'elle aimerait y aller ? Et surtout... Est-ce qu'il arriverait à le convaincre de les laisser partir quelques temps, lui et la petite ? Si cette idée plaisait à Emiko, l'adolescent ferait tout pour le convaincre, quitte à faire quelques sacrifices.

Il fallait que Munemasa aille demander son avis à Emiko sur cette affaire. Il devait le faire le plus tôt possible. Il devrait rendre compte de sa décision le lendemain... Il n'avait plus beaucoup de temps. Prenant sur lui pour ne pas crier ou même gémir, il fit de gros efforts pour se redresser. Son visage se tendit à tel point qu'il fut déformé par une grimace. Il força dans ses bras, il poussa, mais ne réussit à se décoller du matelas que de quelques centimètres avant de retomber brutalement, ce qui lui arracha finalement un gémissement. Il avait trop mal, c'était trop frais, il n'arriverait pas à se relever ce soir. Pourtant... C'était ce qu'il allait devoir faire. Mais avant, il allait se reposer quelques minutes, peut-être que ça lui ferait du bien...

- Emi, l'appela-t-il d'une voix rauque, pas trop fort mais pas trop faiblement non plus.

Il réitéra à deux reprises, avant que la petite fille fasse son apparition et entre dans la chambre dont la porte était restée ouverte depuis qu'il y était. Il releva un peu la tête, pour la voir. Son air bouleversé lui sauta aux yeux. Il se sentit soudainement coupable, sachant à quoi c'était dû. Il laissa retomber sa tête sur le matelas.

- Viens, lui dit-il plus doucement, voire faiblement.

Sans hésiter, la fillette alla s'allonger contre lui, poser sa tête sur son torse, ce qui fit légèrement grimacer Munemasa, qui tenta comme il le pouvait de cacher sa douleur à sa cousine, même s'il savait très bien qu'il était inutile de la lui dissimuler. Elle n'avait que dix ans, mais était sacrément intelligente. De plus, sa vie lui avait fait acquérir une expérience et une maturité impressionnantes pour son âge. Lentement, et même si ses bras le faisaient souffrir atrocement, Munemasa en passa un autour du corps trop fin de la petite, et replia un peu l'autre, de manière à ce que sa main puisse caresser ses doux cheveux noirs. Il ferma les yeux et la sentit se lover contre lui. Il esquissa un léger sourire. Il ouvrit la bouche et prit doucement la parole, presque en chuchotant :

- Emi... Ça te plairait de venir avec moi pour le tournoi dont on a parlé ce matin ? Ça te plairait de venir me voir jouer... Au football ?

- Oui, répondit aussitôt Emiko. Ça me plairait beaucoup, mais... Il ne nous laissera jamais partir.

Le désespoir qu'il percevait dans la voix de la petite lui brisa le cœur... Accentuant ainsi la douleur psychique infligée par ses blessures intérieures. Prends sur toi, tu dois tenir... Pour elle. Sauf qu'il ne faisait que ça, prendre sur lui et tenir. Depuis deux ans. Il n'en pouvait plus, mais il ne pouvait pas la laisser tomber, elle, la petite Emiko qui pouvait encore avoir un avenir et la vie devant elle.

- Je lui parlerai, lui dit-il d'un air déterminé.

- Il va se déchaîner si tu fais ça...

Pas grave, j'ai l'habitude, faillit-il répondre. Parce que Munemasa prenait le double de ce qu'il devait prendre. Il avait passé une sorte de pacte avec son oncle : il le laissait passer ses nerfs sur lui sans rien dire si l'adulte ne touchait plus à Emiko. Depuis, il avait que la petite se sentait en partie coupable de ses souffrances.

- Ne t'inquiète pas, dit-il simplement tout en continuant de caresser ses cheveux.

- Comment tu veux que...

- Tout ira bien. Je le convaincrai, je te le promets, et puis après, tu verras, on sera tranquilles pendant quelques temps.

- S'il accepte, rappela Emiko.

- Il acceptera, je ferai tout pour... Fais-moi confiance.

Emiko eut envie de pleurer. Munemasa sentit bientôt les larmes de sa cousine lui mouiller le haut. Il la serra fort contre elle en se promettant de ne plus jamais la faire pleurer. Elle devait être heureuse. Emiko en avait le droit, elle.

*****

C'était le grand jour. Les réponses des joueurs à la proposition de monsieur Im ayant toutes été positives, ils allaient tous partir s'entraîner pour le tournoi et élire domicile dans de nouveaux locaux qui leur seront dédiés. Un bus les attendait sur le parking du collège Raimon. À neuf heures, les premiers joueurs, Tenma et Shinsuke, commencèrent à arriver, sacs sur le dos, valises tirées. Ils ne reviendraient pas chez eux avant un bon moment. Peu après, Matatagi fit son apparition, accompagné de ses deux petits frères. Lui aussi avait demandé à monsieur Im s'il pouvait les amener. Heureux de la réponse, il ne s'était pas privé.

Quelques temps plus tard, Shindou et Kyousuke arrivèrent avec Sakura et Tetsukado, qu'ils avaient rencontrés sur le chemin et qui avaient décidé de marcher avec eux. Ce fut au tour de Morimura et Kusaka, puis de Manabe, Minaho, qui les avaient suivis discrètement, puis de Zanakurou. Un grand sourire éclairait leurs visages respectifs. Ce n'était pas seulement la perspective de pouvoir rejouer au football qui les réjouissait autant, mais c'était aussi le fait qu'ils allaient pouvoir passer de longs moments ensemble, entre amis.

Arriva finalement Ibuki, flanqué de sa cousine. On ne le remarqua pas tout de suite. Le premier à le remarquer fut bien évidemment Hayato, qui l'avait cherché du regard jusqu'à maintenant, inquiet, il fallait l'avouer, à cause de ses constatations faites deux jours plus tôt au gymnase. Munemasa semblait littéralement épuisé, ses cernes le démontrait. Plus pâle que jamais et toujours aussi fin, il semblait n'avoir comme bagage qu'un sac à dos. C'était assez peu, sachant que l'équipe allait partir pour minimum un mois, mais sans doute plus car ils savaient qu'en se remettant à s'entraîner sérieusement, ils gagneraient quelques matches. Matatagi remarqua autre chose. La petite n'avait elle aussi qu'un sac à dos, et tenait fermement la main de son cousin, comme si elle avait peur qu'il s'en aille. Elle le regardait tout le temps. Matatagi fit une autre observation. S'approchant d'eux et laissant ses frères avec Sakura qui en était complètement dingue, Hayato demanda sans préambule au gardien :

- T'as pas chaud ?

Munemasa tourna lentement la tête vers lui. En effet, alors qu'il commençait déjà à faire chaud et que la météo promettait des températures encore plus élevées pour l'après-midi, Ibuki portait un pantalon, des baskets usés, une veste, mais également un foulard gris foncé autour du cou.

- Non, répondit-il doucement en le regardant à peine. Oh, toi aussi tu as amené des membres de ta famille...

Il avait remarqué Yuuta et Shun, avec qui Sakura jouait, couvée du regard par Tetsukado qui discutait un peu avec Ichikawa.

- Oui, je ne pouvais pas les laisser seuls aussi longtemps et les laisser rater une si belle occasion de me voir jouer alors que mon niveau en football a considérablement augmenté.

Matatagi eut l'air fier en disant cela, mais c'était juste une façade. Munemasa sourit légèrement.

- Bon, lâche un peu ta cousine. Elle a quel âge... Une dizaine d'années, pas plus, j'imagine. Laisse-la aller jouer avec mes frères un peu, elle ne craint rien, précisa-t-il en voyant l'air réticent de Munemasa qui fit la moue.

Emiko regardait son cousin, mitigée. Elle lui fit signe de se pencher, sachant pertinemment que ça lui coûterait. La petite aurait préféré qu'il s'assoie, cela aurait été plus simple, mais il n'y avait aucun siège dans les environs, ce qui était normal, alors elle fut obligée de lui demander cela. Il s'exécuta en faisant tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas montrer sa souffrance, malgré la douleur qui lui lacérait le haut du corps. Emiko lui chuchota à l'oreille cette petite question :

- Ça ira pour toi si je vais avec eux ?

Ibuki sourit sincèrement et s'autorisa même un petit rire. Il se redressa doucement, ce qui lui fit perdre un peu de son sourire, et hocha la tête en regardant sa petite cousine, dont il ébouriffa les cheveux. Elle était si adorable...

- File, Emi.

La petite lui lâcha doucement la main, fit quelques pas, le regarda une dernière fois, puis s'en alla finalement voir Sakura, Shun et Yuuta. Matatagi rit légèrement.

- Eh bah, dur de vous décoller tous les deux.

- Je te l'ai dit la dernière fois, on se sépare rarement, elle et moi...

*****

Munemasa fut un des premiers à monter dans le bus et à prendre place, côté fenêtre. Lorsqu'il s'assit, la douleur l'étreint d'abord intensément un court instant, avant de lentement s'en aller. Il pouvait enfin reposer ses jambes... Se reposer tout court. Il ferma les yeux quelques secondes, soupirant doucement de bien-être. Il entendit du bruit près de lui. Rouvrant les yeux, il constata avec surprise que Shindou s'était installé à sa gauche. Aussitôt, une boule se forma dans son ventre. Où était sa petite princesse ?

- Où est Emiko ? Demanda-t-il, laissant transparaître son angoisse dans sa voix et dans ses yeux.

- Du calme, elle est vers le fond, avec Sakura et les frères de Matatagi. Je crois que notre chère gymnaste est dingue de ta cousine, et que Yuuta et Shun l'adorent également.

- C'est normal, c'est un ange... Dit Munemasa, soulagé de la savoir non loin de lui.

- Tu sais, il ne fallait pas que tu t'affoles... Tu sais bien qu'on ne l'aurait pas laissée en partant.

Tournant la tête vers la vitre, Munemasa remarqua qu'ils roulaient, déjà. Comment avait-il fait pour ne pas s'en rendre compte plus tôt, lui qui restait toujours très vigilant ? Il ne l'était pas tant que ça, en fin de compte... Il fallait qu'il se ressaisisse, qu'il reste sur ses gardes. Certes, lui et Emiko étaient partis, et s'éloignaient de l'oncle de Munemasa, père de la petite, mais cela ne pouvait pas effacer ses peurs. Celle qui faisait des ravages en lui depuis maintenant deux ans et qui, paradoxalement, le maintenait en vie. Sa peur de souffrir encore le rongeait, bien sûr, mais celle de perdre Emiko ou de la voir sombrer à nouveau, comme lui, alors qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait pour qu'elle remonte la pente, cette peur-là le maintenait en vie, le faisait tenir.

- Ibuki, l'appela Shindou.

Le jeune homme à la chevelure étonnamment immaculée sortit de ses pensées et tourna la tête vers Takuto.

- Ibuki, je dois t'avouer que je suis inquiet.

- Inquiet ? À propos de quoi ? Demanda Munemasa, sincèrement surpris.

- Toi.

L'adolescent aux yeux si particuliers passa de la surprise à la stupéfaction pure. Il mit quelques secondes avant de dire simplement :

- Moi... Toi, t'es inquiet pour moi.

Très honnêtement, il avait du mal à le croire...

- Oui, parfaitement. Tu crois que je n'ai pas remarqué à quel point tu as changé ? Ça saute aux yeux, même si je suis certain que les autres ne doivent pas être beaucoup à l'avoir remarqué. Tu n'es plus le même.

- Ce n'est qu'une impression, tenta Munemasa. C'est parce que ça fait longtemps que tu ne m'as pas vu. Je suis comme avant.

- Comme avant... Ibuki, laisse-moi te poser une question. Une question simple.

- Vas-y, répondit-il, peu rassuré par le ton ferme de Shindou.

- Est-ce que tu vas bien ?

Cette interrogation aurait pu paraître anodine. Elle aurait pu l'être, pour Munemasa, si ces simples mots ne l'avaient pas touché, profondément. Si ces mots n'avaient pas été prononcés avec ce ton si ferme, sérieux et en même temps empreint de sincérité, voire de douceur. Et puis ces yeux... Le regard chocolat de Shindou perçait le gardien, semblait entrer en lui et l'analyser en profondeur. Le musicien semblait voir au-delà des carapaces, des boucliers et surtout, il avait l'air de pouvoir comprendre n'importe quoi, n'importe quel souci. Il paraissait à l'écoute, là, pour lui. Pour cette raison, Munemasa fut tenté de lui dire la vérité. De lui avouer que non, ça n'allait pas, qu'il était brisé à l'intérieur mais qu'il tentait de survivre, juste pour elle, pour Emiko. Cependant, ce regard perçant finit par l'effrayer. Il paraissait capable de tout voir... Voir tout ce qu'il ne devait pas voir. Ces choses honteuses que Munemasa cachait. Sa faiblesse, sa soumission à son oncle pour sauver Emiko tant qu'il en était encore temps, son manque de combativité, sa fragilité ridicule... Voilà pourquoi, finalement, sa réponse, enrichie d'un sourire qui se voulait crédible, fut tout sauf sincère :

- Oui, je vais bien, ne t'inquiète pas.

Le regard de Shindou se voila. Munemasa ne saurait décrire son expression autrement que par ce mot : neutre. Le tacticien eut l'air de se désintéresser de lui et ne lui adressa plus la parole... Et Ibuki sut alors qu'il avait commis une erreur dans son jeu... Il avait réfléchi trop longtemps avant de répondre. Et maintenant ? Il stressait. Il ferma les yeux et tenta de ne plus y penser, au moins pendant quelques minutes. Paradoxalement, le stress ne l'empêcha pas de succomber à son immense fatigue qui l'écrasait depuis si longtemps.

Petit à petit, Shindou, qui lui jetait des coups d'œil de temps à autre, le vit somnoler, puis s'endormir, sa tête allant s'appuyer naturellement et doucement contre la vite. Il attendit un peu, puis décida de vérifier quelque chose. Bien sûr, il l'avait tout sauf cru, même si son sourire et son ton presque assuré auraient pu le berner. Néanmoins, un détail l'avait intrigué. Il faisait beau, chaud, à la limite et Munemasa portait, en plus de son haut et d'une veste, un foulard autour du cou, comme s'il avait froid ou s'il était malade. Sauf qu'il ne l'était pas. Doucement pour ne pas risquer de le réveiller, il passa un doigt sur le foulard et l'abaissa lentement. Ce qu'il vit le choqua, purement et simplement.



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Voilà pour ce chapitre... Bon, je sais que pour le moment, c'est vraiment centré sur Ibuki mais c'est normal, c'est le début et je veux prendre le temps de bien développer cet aspect-là de la fanfiction, de l'histoire. Plus tard, je passerai aux autres personnages, que je ne néglige pas pour autant.

Voili voilou, j'espère que cela aura plu au peu de gens qui auront lu xD. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !

À la prochaine !

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