Chapitre 1.1- Le revenant

Lumière sur un huis clos, une étoile morte. Une étoile qui jadis avait brillé et dont les jours présents n'étaient que poussière et discordance. Une étoile qui avait espéré, et qui avait cédé cette force passionnée contre une illusion terrible et des mirages nostalgiques. Une étoile qui avait autrefois le lien et le liant, mais qui n'était à présent que plus déconnectée de tout ce qu'elle fut et avait voulu être. Cette étoile avait un nom, une couleur et un trône, mais même le ciel peut être défié.

— Mes enfants. Vous êtes là, devant moi, réunis. Un unique manque, et toute la fratrie me semble austère. Si vous paraissez à mes yeux aujourd'hui, c'est que je fatigue. Je suis las, las, las ! de mes jours futiles et funestes, de mes actions et inactions condamnées, de ma voix tiraillée. Les vents et les marais ne sont plus les plus hostiles... si seulement ! Non, il y a bien d'autres enjeux terribles... Il est des événements dans ce monde qui provoquent en vous un retournement insaisissable et à peine perceptible, mais ô combien décisif dans l'être que vous construisez à vos regards et à celui d'autrui ; un jour, le jour, un autre, la nuit. Souvenez-vous de cela, je vous le commande. Mes enfants, Polème, Degesyr, Clemael... usez du don que je vous ai prodigué : parlez-moi que je puisse encore entendre vos voix mêlées, mais à jamais incomplètes.

— Père, s'écria Polème, ne désespérez point, car votre force et votre grandeur sont toujours aussi éclatantes. Nul ne peut les égaler.

— Père, murmura le second fils, ni la force ni la grandeur ne sauraient tout résoudre. Je vous en supplie, raison est mère de sûreté. Abandonnez vos projets ! Je vous implore, je m'incline même, si vous le désirez, mais vous devez.

— Clemael, tu as toujours été le plus faible, le plus honteux de nous tous ! rugit le premier frère. Tu souilles père en t'inclinant comme tu le ferais devant un simple mortel !

— Tu es injuste avec moi, Polème, et tu ne le sais que trop bien !

— Injuste ? Je te rends service, relève-toi ou je te rosse comme il faut ! Cette guerre ne doit cesser ! Toi, Clemael, tu ne serais pas dérangé ! Oh non, tu ne serais pas dérangé par l'immondice et la bassesse sur tes griffes, par les boues mangées froidement et recrachées salement ; tu ne serais pas dérangé par le sang et les larmes, surtout si elles viennent des tiens, tu ne serais pas dérangé de voir tout, ici, brûler, tu as renié les tiens, tu as abandonné tes principes et la corruption t'a pris à la tête comme aux tripes ! Tu n'es pas même un loup, ni une mouche, car les mouches encore, elles, sont plus utiles que tu ne le seras jamais en mille ans !

— Pense de moi ce que tu veux, rétorqua Clemael, ton verbe est rude et belliqueux. Nous ne faisons définitivement pas partie de la même famille...

Il n'en fallut pas plus pour que Polème se jetât sur son frère ; ensemble, ils se disputèrent et se firent violence dans un assourdissant vacarme dont les échos furent portés par les parois rocheuses démesurées. Le troisième de la fratrie, Degesyr, ne savait comment opérer ; il tenta de chasser Polème et apporter son soutien à Clemael, mais il fut rapidement repoussé par l'aîné dont la force et la brutalité n'étaient pas limitées par les liens du sang.

La pierre craquela, tomba et recouvrit tout entier l'intervenant.

— Il suffit ! rugit le Père.

Clemael cessa sa lutte, mais les assauts de Polème continuèrent avec un redoublement d'intensité ; alors la joute reprit.

Le paternel frappa de la patte arrière, saisit par le cou ses deux enfants, et les suspendit à quelques mètres du sol.

— Je suis un vieux, mais je demeure votre père ! Polème ! La fourberie ne fait pas partie de l'éducation que je t'ai fournie ! Réitère ce que je viens de voir une fois, et je te ferai regretter d'être né ! Clémael, toi, tu es parti il y a longtemps. Tu ne peux plus comprendre ton peuple, influencé par un monde qui nous a toujours idolâtrés ou rejetés. Il n'y a pas d'entre-deux, ni dans la considération ni dans l'action.

Il libéra ses enfants qui reprirent leur souffle et toussèrent.

— Alford l'avait saisi. Ses convictions n'étaient pas compatibles avec les nôtres, mais il l'avait compris. En un sens, je suis fier de lui. Partez. Je ne veux plus vous voir.

Le roi sortit son troisième fils des décombres.

— Mais... père... ?

— Non, Clemael, j'éprouvais le besoin de vous parler, mais votre querelle m'en a dissuadé. Laissez-moi, à présent. Polème, que je n'ai pas à me répéter. Tes coups de sang, tu les préserves pour toi. Mes fils se sont assez battus pour aujourd'hui.

— Il sera fait selon votre volonté. Merci Père.

Polème fut le premier à partir. Degesyr et son frère suivirent quelques instants après.


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