20. la goutte d'eau qui fait déborder le vase
Finalement, cette journée démarre mal.
Je dois attendre que l'un de mes camarades vient me chercher pour me conduire à la cuisine, afin que je puisse prendre mon petit déjeuner.
Je m'attendais à voir débarquer Elian dans mon espace privé seulement je tombe sur Derek en ouvrant la porte.
— Coucou princesse ! Je serais ton chevalier servant pour cette matinée. Ton partenaire est en cours et par conséquent indisponible. Argus, m'a également ordonné de te faire part que tes béquilles te seront livrées cet après-midi, énonce-t-il ravie de s'occuper de moi.
— D'accord mais n'en profite pas pour me draguer.
— Non, au contraire, c'est plutôt à toi de profiter de mes services. Je n'ai pas souvent l'occasion de porter secours à des demoiselles en détresse, formule-t-il, en mettant en avant ses charmes.
— Ce que tu peux être fatiguant avec ton narcissisme, je soupire, épuisée par sa personnalité de séducteur.
Il me soulève sans la moindre difficulté, telle une brindille.
— Tu n'es vraiment pas lourde, je ne comprends pas pourquoi Elian s'en est plaint.
Elian... Si je mets la main sur lui, je vais le trucider !
Il m'installe sur ma chaise, sous le regard malveillant de Jade. Elle ne semble pas trop apprécier que je sois devenue le centre de l'attention de tout le monde. Elian débarque violemment dans la salle à manger.
— Qui t'a permis de t'occuper d'elle ? Je te rappelle que je t'ai formellement interdit de t'approcher d'elle !
Je me doutais bien que la gentillesse de Derek caché quelque chose. Pourquoi provoque-t-il mon tuteur ?
— Elle ne t'appartient pas ! Elle est libre de choisir avec qui elle veut être !
Il n'a pas tort non plus.
— Ça suffit vous deux ! vous me tapez sur les nerfs ! j'interviens, en haussant le ton.
Elian, en voyant mon air agacé, décide de renoncer et de partir.
Après une brève toilette, Derek revient me chercher pour le cours le plus absurde du monde avec pour professeur, un couple. Je ne vais pas pouvoir y échapper cette fois.
Pour mon plus grand malheur me voilà coincé au côté du séducteur, il s'est installé entre Jade et moi pour éviter tout éventuelle bagarre. J'aurais préféré être à la place de Kaya qui est écroulée dans le seul fauteuil du salon.
Rachel et Aurélien se tiennent sur l'autre canapé en face de nous, entrain de nous dévisager.
— Bonjour, je suis heureuse de voir que tout le monde est là, commente gaiement madame Jonah.
— Pour ma part, je n'ai pas vraiment le choix. Je n'ai pas encore reçu mes béquilles pour fuir. Cependant, si la leçon venait à être quelque peu énervante, je n'hésiterais pas à ramper sur le sol, je réplique aussitôt pour mettre les choses au point.
— Je prends note de ta remarque. Le thème d'aujourd'hui est... la jalousie !
Et merde... je sens que les conversations vont être pourries.
— Tout d'abord, je vais définir la notion de « jalousie » afin que nous soyons tous sur la même longue d'onde. La jalousie est sentiment d'envie à l'égard de quelqu'un qui possède ce que l'on n'a pas ou que l'on voudrait avoir. D'autre part, la jalousie peut se définir comme un sentiment fondé sur le désir de posséder la personne aimée et sur la crainte de la perdre au profit d'un rival.
— Chacun d'entre vous a déjà ressenti cette émotion alors à présent j'aimerais que vous partagiez l'une de vos expériences, enchaine monsieur Jonah sur un ton plutôt sec.
Personne n'ose se lancer, il faut dire que c'est plutôt embarrassant car la jalousie c'est moche et c'est aussi une faiblesse.
— Commençons par toi, Jade. Il parait que tu ne supportes pas l'attention que les autres portent à Eva, qu'elle en est la raison ? L'interroge Aurélien, sans le moindre tact.
Je la fixe attentivement, j'ai hâte d'entendre sa réponse.
— Ce n'est un secret pour personne que je la déteste. Par le passé, on m'a empêché de briller, d'être le centre de l'attention. En venant ici, je n'avais plus ce problème jusqu'à ce qu'elle débarque et que tout le monde se préoccupe de mademoiselle la chieuse. L'une des choses que je ne tolère pas, c'est qu'elle séduise mon tuteur alors qu'elle n'est pas d'une grande beauté. Il n'est pas question que je retourne dans l'ombre et le silence ! Parmi toutes les étudiantes présentes à Rebirth, je suis une déesse qui mérite d'être traité comme un joyau rare.
Waouh.... Je ne l'imaginais pas si narcissique et sur d'elle. Je comprends mieux pourquoi Jade et Derek sont partenaires, Ils sont tous les deux aussi timbrés. Franchement je ne pensais pas que ma personnalité merdique lui faisait autant peur.
— Ecoute Jade, je me moque éperdument de ce que penser Derek à mon égard. En vérité, je n'ai aucun intérêt pour vous deux, je me fous royalement de votre présence. Sache également que je ne cherche pas à attirer l'attention sur ma personne, au contraire, je voudrais bien disparaitre dans l'ombre. En y réfléchissant bien, cela est dû à de stupides accidents ou alors à cause de mon foutu caractère. Tu n'as pas besoin d'être jalouse de moi. Quand les autres parlent de moi, ce sont des mots négatifs tandis que pour toi, ce sont des louanges positives qui expriment à quel point tu es parfaite et incroyable. Au lieu de réfléchir sur ceux que pensent les autres de toi, tu devrais t'affirmer pour briller. Tu dois montrer l'exemple et nous guider vers le droit chemin.
Bon ! Ça s'est fait ! Je n'en pense pas un seul mot mais c'est tout ce que j'ai trouvé pour qu'elle arrête de me saouler et me laisse en paix.
Elle ne semble guère convaincue par mes propos. C'est vrai que même moi, j'aurais du mal à me croire.
— Très bien. A ton tour Derek. Il parait que tu adores taquiner Elian par la jalousie, enchaine Aurélien avec une nouvelle victime.
— En effet, c'est une proie tellement facile et très divertissante. Il se croit sans failles et irréprochables pourtant il montre sa vulnérabilité dès que l'on touche à sa protéger et j'aime ça, raconte-t-il, en prenant un réel plaisir à partager son sadisme.
Ce type est un véritable psychopathe.
— Es-tu satisfait par le résultat final ? Ne te sentes-tu pas encore plus mal ? Ne ressens-tu du dégout pour toi-même ? le questionne le prof, en le provocant afin de lui faire comprendre son comportement puéril.
La mâchoire serrée, poings fermés, il se retient d'en coller une à monsieur Jonah.
— La jalousie consume votre âme, c'est pourquoi, il faut apprécier ce que vous avez. Si vous voulez davantage, c'est à vous de mettre tout en œuvre pour atteindre vos objectifs, complète Rachel pour conclure la leçon de morale du jour.
Les autres élèves quittent la pièce sauf moi qui suit coincée dans sur le canapé.
— Eva, pouvons-nous discuter en privé ? me demande-t-elle par pure politesse car elle sait pertinemment que je ne peux pas prendre la fuite.
C'est reparti pour une leçon de morale merdique.
— Vous voulez me parler de ma relation chaotique avec cet idiot ? je déclare en soupirant d'avance.
— En effet, Elian est ton tuteur et ton ami au sein de cet établissement. Il est là pour t'aider alors pourquoi est-ce que tu le rejettes ? m'interroge-t-elle, en pensant que ça l'aiderait mieux à me cerner.
— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
— Tu ne prends jamais son parti. Prenons l'exemple de ce matin. Derek a provoqué Elian en se servant de toi comme élément déclencheur. Par la suite, il y a eu une altercation qui a conclu à la résiliation d'Elian. Au lieu de gronder Derek pour son comportement enfantin, tu as dit à ton partenaire de se mêler de ces affaires alors qu'il a pris ta défense. Je trouve que sur ce coup, tu as été injuste. De plus, il sait que tu le détestes, tu le lui répètes chaque jour en l'insultant et en lui manquant de respect. Je cherche à comprendre la raison de ta haine envers lui, s'exprime-t-elle, en me faisant remarquer la dureté de mes mots à l'égard de mon tuteur.
La fameuse raison qui me pousse à être aussi méchante avec lui, c'est que je ne veux pas qu'il soit déçu et encore plus blessé.
— Je ne l'ai pas choisi et je me débrouille très bien toute seule. Il fait passer son égoïsme avant son soi-disant « bien être de ta partenaire ». Il veut juste expier son erreur passée seulement je ne suis pas là pour me soucier de ces états d'âme.
Depuis mon arrivé à Rebirth, mes paroles ne sont que mensonge. Avant, dire la vérité ne me gêner pas. Maintenant, c'est une véritable torture. Pourquoi est-ce que j'ai changé ?
— Est-ce vraiment une raison pour le rejeter et l'apitoyer sur son sort ? Intervient Aurélien, en revenant de la salle à manger.
Je dois faire attention à ce que je vais dire. Ce couple est difficile à duper, c'est comme s'ils parvenaient à lire dans nos esprits.
— Non. Cela m'importe peu. Il n'a qu'à continuer à jouer son rôle de tuteur, si ça l'amuse. Je me fous pas mal de ce qu'il peut lui arriver ou ressentir, je dois avant tout penser à moi.
— Es-tu vraiment sincère dans tes sentiments ? Insiste-t-il, en espérant pouvoir me faire craquer.
— Oui.
— De même que tu l'es avec tes amies ? persiste-t-il, en croyant me piéger.
— Ecoutez ! je ne suis pas entrain de mentir si c'est ce que vous pensez. Je respecte mes amies alors gardées pour vous vos sous-entendus méprisables. En ce qui concerne Elian, son sort m'importe peu. S'il m'a sauvé uniquement la vie pour réparer son pécher, cela ne concerne que sa conscience. Ce n'est pas pour autant que je vais lui rendre la tâche facile, ni changer de comportement juste pour sa propre satisfaction et par la même occassion apaiser sa blessure.
C'est triste à dire mais... oui, je me sers de tout le monde ici. Je cherche simplement à atteindre mon but pour guérir et pouvoir regarder ma liberté, une fois le diplôme en poche.
Moi-même, je ne sais plus démêler le vrai du faux de mes propres pensées.
— As-tu bien tout entendu Elian ?
Hein ? Je me retourne vers l'ouverture d'entrée du salon. Il est immobile à nous fixer. L'expression de visage n'exprime ni tristesse, ni colère, ni dégout. Je viens de comprendre que j'étais tombée bêtement dans le piège d'Aurélien. Je ne vois pas l'intérêt qu'il a pu gagner en faisant cela, si ce n'est qu'il m'a aidé à me débarrasser de mon partenaire.
— Elle peut bien dire ce qu'elle veut car elle restera ma novice et ma coéquipière. Je continuerais d'être son tuteur, quelle que soit la difficulté ou même le fait qu'elle me déteste.
Je ne m'attendais pas à une telle réponse de sa part, même le professeur affiche un air étonné. Elian confirme lui-même qu'il est un idiot.
— Très bien mais, sache que tu peux renoncer à tout instant. Il te suffit de demander à Argus.
Le directeur doit surement croire qu'Elian n'est pas à la hauteur pour s'occuper d'une personne et encore moins de moi. C'est la seule explication logique que j'ai trouvée pour expliquer cette mise en scène.
— Je suis venu remettre les béquilles à Eva, énonce-t-il, en mettant fin à la conversation peu agréable.
Il fait genre que rien ne sait passer. Le voir agir de la sorte, aussi calme et sans la moindre crise de colère, me fait supposer qu'il me cache quelque chose.
Si j'étais gentille, je me serais excusé pour les méchancetés que je lui ai dit seulement ce n'est pas le cas.
— Merci.
Il repart comme il était venu, dans un silence.
Bien que je puise à présent me déplacer à ma guise, le terrain m'est interdit durant quelques jours, de même que pour les cours d'auto-défense. Je passe donc le restant de ma journée à m'ennuyer.
Le soir venue, j'apprécie l'agitation et les brouhahas provenant de mes camarades. Le seul point positive à cette blessure, c'est que je ne suis pas de corvée de vaisselle, ni du nettoyage.
Durant le repas, Elian ne m'a pas regardé une seule fois, ni adresser la parole. Je ne vais pas me plaindre, après tout c'est que je voulais depuis le début.
En tout cas, s'il m'en veut, il ne le montre absolument pas. Il a une attitude sérieuse, voir un peu trop. Quand je l'observe, j'ai l'impression d'avoir un robot face à moi.
Cette soirée semble mal partie.
De grosses gouttes de pluie ne cessent de s'écraser contre les vitres, sans oublier le tonnerre déchirant le ciel.
Je suis confortablement installée dans le canapé du salon en compagnie d'Ariel, Cécylia et Lucien qui nous amuse avec ses blagues.
Au bout d'une trentaine de minutes, je décide d'aller me coucher. Une fois arrivée dans le couloir du haut, je suis interpellée par Awen qui me fait des signes de la main de la rejoindre. Je ne cherche pas à comprendre ce qu'elle me veut car elle agit toujours de manières étranges.
Je m'installe sur le rebord de son lit pendant qu'elle fouille l'un de ses tiroirs de sa commode.
— Je ne veux pas que les autres s'imaginent que je te fais du favoritisme et surtout je ne veux pas perdre leur confiance, commente-t-elle, en sortant des papiers.
Elle vient vers moi et me les tend.
— Ce sont les histoires des autres.
— Pourquoi veux-tu que je les lise ? Je la questionne perplexe.
— Eva, tu as besoin de connaitre les personnes pour leur accorder ta confiance, c'est la raison pour laquelle je souhaite que tu en prennes connaissance avant d'aller en mission. Dehors, ils agiront différemment.
Je comprends parfaitement où elle veut en venir. En cas de problème, je serais la plus apte à réagir.
— D'accord, je les lirais et te les rendrais discrètement.
Une fois dans ma chambre, je décide tout d'abord d'aller prendre une douche chaude et attendre que tout le monde soit au lit car je suis certaine que Cécylia ou Ariel va faire irruption dans la pièce pour savoir si je vais bien et si je n'ai besoin de rien.
Je regrette d'avance de devoir les connaitre, je ne veux pas être dans leur cerveau. J'ai déjà à faire avec le mien. Awen prend un énorme risque en me révélant leur secret.
Il est bientôt minuit, je m'assure que la voie est libre après un rapide coup d'œil dans le couloir.
Je me demande par qui je vais commencer. Celle sur qui j'en sais un peu, c'est Kaya grâce aux médias. Je vais afin avoir sa propre version des faits.
« Kaya est une chanteuse de rock qui n'a pas su gérer la pression et qui est donc tombé dans l'illicite. Par la suite, elle a fini par faire une overdose. A cause de ses antécédents, ses parents ont refusé qu'elle rentre à la maison pour protéger sa petite sœur de 17 ans. Elle s'est retrouvée seule, errant dans les rues. Elle a été retrouvée dans un état critique par Argus. Après une cure de désintoxication, elle a rejoint Rebirth »
Je comprends mieux son état de zombie et son retranchement sur elle-même. Je continue ma lecture avec Awen. Je me demande à qui elle s'est confiée.
« Etant jeune, je n'ai pas eu d'amies. Mes parents m'ont surprotégé à cause de ma particularité de médium. Je peux avoir des visions ou ressentir des choses. Ma particularité fait aussi du mal autour de moi et sur moi-même également. J'ai brisé un mariage à cause d'une vision atroce et le mari a voulu se venger »
« Je sais à présent pourquoi elle a une attitude si extravagante, pourtant à mes yeux elle n'a rien d'une folle comme pourrait le penser les autres. Elle a beaucoup de courage pour assumer un tel don car elle a dû souffrir en silence.
Ensuite, j'attaque l'histoire de Lucien.
« Son père est mort en laissant des dettes à sa femme qui attendait l'enfant. Elle a tout fait pour se débarrasser du bébé. A sa naissance, sa mère a préféré l'abandonner dans une « boîte à bébé ». Elle lui a laissé une lettre pleine de reproches. Il a constamment changé de familles d'accueil car il n'a pas pu leur apporter d'amour. C'est la raison pour laquelle, Il a du mal à s'attacher aux autres »
L'absence d'amour et d'abandon, je connais très bien se ressentit. Il n'a pas eu ma chance car j'avais au moins mon père pour combler ce manque. Il compense ce vide grâce à ses blagues qui attirent les personnes tandis que moi, je fuis.
Je décide dans savoir plus Isaac à présent.
« Son père est un chercheur en biologie et sa mère, une physicienne. Il était maltraité durant sa scolarité car il n'était pas très sportif et toujours le nez dans les livres. Il ne ripostait pas quand il était harcelé ou humilié devant les autres. Puis, il y a eu la qui le . Pour se venger, il a rendu ses camarades malades et a mis le feu à l'établissement car les profs et la directrice étaient au courant mais ils ont préféré fermer les yeux. Ses parents ne voulaient pas intervenir pour ne pas entacher leur réputation et laisser leur fils régler le problème lui- même afin qu'il devienne un homme pour qu'il ne soit plus faible et s'endurcisse »
Waouh... Je ne pensais pas qu'il pouvait être si violent, il est tellement calme avec nous. C'est clair que je ne m'amuserais pas à le provoquer, ni à être son ennemi.
Il ne me reste plus que mes deux « meilleurs amis » pour la fin.
Je prends la feuille de Derek afin de comprendre d'où peut venir son côté séducteur- violent.
« Il est possessif envers ses petites amies : les suit, appel sans arrêts pour savoir ce qu'elles font, toujours coller à elle et extrêmement jaloux. Il a tabassé sa dernière petite amie car elle le trompait. La raison de ce comportement vient de son père qui a réduit l'autonomie de sa mère en contrôlant ces dépenses et l'empêchant de travailler. Pour son père, les femmes doivent rester à la maison s'occuper des enfants et de la maison Quand elle brisait une des règles de son père, elle était « punie ». Son père a voulu l'éduquer en ayant la même vision que lui, que les femmes doivent rester à leur place et qu'elles sont de rang inférieur aux hommes. »
Je dois impérativement faire attention de ne pas me retrouver seule en sa compagnie. Je dois également veiller à ne montre aucun signe d'intérêt à son égard sinon il ne va pas me lâcher. Je me demande même si ce n'est pas dangereux de le lâcher dehors, entourer par la gent féminine.
Je finis par celle de Jade. Alors que je m'apprête à lire, la lumière saute. Il ne manquait plus que ça ! Une coupure d'électricité, surement due à ce temps pourri.
Mon portable n'a plus de batterie et je n'ai pas pensé à le recharger. Je n'arriverais pas à dormir sans avoir lu la dernière histoire. Je saisis mes béquilles et décide de me rendre à la cuisine car dans l'un des tiroirs se cache une lampe torche.
Guider uniquement par la lumière naturelle de la nuit, je prends mon temps pour descendre l'escalier. Je finis enfin par mettre la main sur cette lampe que j'allume aussitôt. Je m'apprête tranquillement à regagner ma chambre, lorsque mon regard est attiré par les éclairs foudroyant le ciel. Le temps n'est pas près de s'apaiser.
Au même moment que la foudre tombe, une silhouette surgit devant moi, me faisant sursauter d'effroi. J'espère que personne n'a entendu mon cri de peur.
— Elian ! qu'est-ce que tu fais ici ? Je chuchote à voix basse, mécontente d'avoir été surprise.
— Je pourrais te retourner la même question. Avec cette coupure, je pensais que tu allais enfin te coucher pourtant j'ai entendu le bruit de tes béquilles. J'étais intrigué de savoir ce que tu fais.
— Tu m'espionnes maintenant ? je m'exclame, en contenant ma colère.
— Bien sur que non. Figure-toi que nous pouvons voir la lumière sous les portes, réplique-t-il, pour s'innocenter.
Franchement, je ne comprends absolument plus rien à son comportement.
— Je croyais que tu me faisais la tête à cause de ce matin mais en fait, tu te préoccupes encore moi.
Il s'avance davantage de moi.
— Bien sur que oui. J'ai été clair en disant que je ne renoncerais pas à être ton tuteur.
Je m'apprête à répliquer lorsque je remarque que son visage affiche un air inquiet.
D'un seul coup, il se jette sur moi en même temps que les vitres du salon explosent en mille éclats.
Son corps lourd me protège des débris. Prise de court, j'ai instinctivement agrippé son tee-shirt lorsqu'il m'a enlacé. Ma cheville est légèrement douloureuse à l'impact avec le sol. Nous restons à terre, ne sachant pas si le danger est passé. Souffle contre souffle, cette proximité me replonge dans mes souvenirs passés. Je me rappelle notre première rencontre quelque peu chaotique. Je ne peux m'empêcher de le dévorer du regard. Il est vraiment canon sous cet angle. Je suis en pleine divagation, surement du au choc subi.
Il réagit de la même manière que nous a appris Ernest pour examiner une situation d'urgence avant d'attaquer. Les rayons de la nuit illuminent son air strict et sa mâchoire crispée. Son tee-shirt noir moulant fait ressortir sa magnifique musculature. Ses pupilles noires font encore plus de ravage dans mon pauvre cerveau.
— Eh ! Oh ! Eva ! Tu vas bien ?
Merde ! Il faut que je me reprenne. Je ne dois pas me laisser distraire par ces gestes chevaleresques alors qu'il ne l'est pas.
Une lueur éblouissante nous éclaire. J'ai un peu du mal à voir de qui il s'agit.
— Elian, Eva, vous allez bien ?
Je reconnais facilement la voix d'Argus.
— Oui, des intrus ont balancé des pierres. Par chance, nous avons pu nous abriter derrière le canapé juste à temps, déclare Elian, en m'aidant à me relever.
Je peux contempler notre directeur en robe de chambre léopard. Il a de drôles de goûts vestimentaires.
Les autres sont également réveillés et se tiennent dans l'escalier. Avant qu'ils ne se mêlent de la situation, Argus intervient.
— Ce n'est pas grand-chose, retournez vous coucher.
Ils exécutent sans broncher, ni chercher à comprendre ce qui se passe.
— Vous avez besoin d'un coup de main, propose gentiment mon partenaire.
— Non merci, je vais vite remettre l'électricité en marche et prévenir Ernest de la visite de nos inconnus.
— Et en ce qui concerne la fenêtre ? Demande mon tuteur, déterminé à lui venir en aide.
— Je vais fermer les volets et trouver une plaque pour éviter que le froid n'envahisse toute la maison. Peux-tu reconduire Eva dans sa chambre en toute sécurité, lui demande-t-il, en sachant qu'il ne refusera pas.
— Bien sûr, je vais prendre soin d'elle.
Super ! Ils discutent comme si je n'étais pas là. Mon avis leur importe peu.
Il m'aide à grimper les marches rapidement. Une fois arriver devant ma porte, il me tend la lampe torche que j'avais récupérée un peu plus tôt.
— J'ignore ce que tu manigances mais, ne te couches pas trop tard.
Et voilà... c'est le retour de mon ange gardien pot de colle, il m'a tellement manqué depuis ce matin. Je blague, c'est purement ironique.
Malgré l'évènement fâcheux, je me mets à lire l'histoire de Jade.
« Elle vient d'une famille aisée. Elle a gagné des concours de beauté, elle est devenue mannequin. Elle voudrait reprendre la succession de sa mère qui est la patronne d'une agence de mode donc la marque est répandue dans le monde seulement sa mère ne veut pas que sa fille lui vole la vedette. Sa mère n'assume pas de vieillir et fait tout pour repousser sa fille. Son père est un grand parfumeur, elle n'a pas hérité du nez. Elle souffert de dysmorphophobie (où le corps est toujours perçu comme trop gros) et d'anorexie ».
Sa vie aussi n'est pas facile pourtant je ne vais pas la plaindre. Si sa mère cherche à lui faire barrage, elle n'a qu'à l'affronter. Si elle prétend avoir le talent nécessaire pour reprendre le business familial alors elle n'a qu'à lancer sa propre marque et rivaliser officiellement contre sa mère.
A mon réveil, je constate que la vitre a été remplacer comme si rien ne s'était passé. Le seul avantage que me procure ma blessure, c'est que je peux faire la grasse matinée.
— Bonjour Eva, quelle belle journée, n'est-ce pas ?
Argus fait irruption dans la cuisine, en me faisant légèrement tressaillir. Lui seul a le don de manier ces entrées en toute discrétion.
— Bonjour. En effet, le temps est radieux. Vous vouliez me voir ?
Il s'installe à sa place, en bout de table accompagné d'un sourire malicieux.
— Tu es très perspicace. Je voulais tout d'abord savoir comment tu allais depuis le petit accident hier soir.
— Très bien comme vous pouvez le constater, je réponds, intrigué par la véritable raison de sa présence.
— Simple curiosité, je voulais savoir pourquoi tu ne dormais toujours pas à cette heure tardive ?
— Je ne trouvais pas le sommeil alors je lisais. À cause de la coupure d'électricité, je n'avais pas pu terminer ma lecture. Voulant connaître la fin de l'histoire, je me suis rappelé qu'une lampe torche se trouver dans la cuisine. C'est la raison pour laquelle je me trouvais dans le salon. Si vous le permettez, j'ai aussi quelques questions à vous poser.
J'évite de rentrer dans les détails pour qu'Awen n'ait pas de problème.
— Qui étaient les intrus ?
— Des jeunes du village qui ont profité qu'une partie de l'enceinte soit détruite pour s'introduire et saccager le bâtiment. Il faut que tu saches qu'au tout début, je n'étais pas trop apprécié par les villageois. J'étais le nouveau qui allait bouleverser les petites habitudes du village mais surtout apporter du changement. Au début, j'ai eu le droit à des menaces sans conséquence puis il y a eu les tags, les vitres brisées, des dégradations. Afin d'assurer la sécurité de mes élèves, j'ai simplement construit le mur seulement ça n'a pas été suffisant. Les villageois savaient que mes pensionnaires n'étaient pas des enfants de chœur et qui n'ont pas hésité à s'en prendre à eux. J'ai donc fini par installer une clôture électrique par-dessus le mur pour protéger la propriété. Grâce à cela, les adolescents du village ont fini par nous laisser en paix. Certaines personnes n'acceptent toujours pas ma présence. Ce que j'admirais le plus, c'était que mes jeunes n'avaient jamais cherché à riposter. Malgré leurs problèmes, ils étaient plus humains que les autres, me raconte-t-il avec tant d'émotion.
— Comment vous êtes-vous retrouvé ici ? Au milieu de nulle part ?
— C'est une autre histoire que tu découvriras le moment opportun. Bon ! Je vais voir où en sont les réparations. J'ai fait pression que le mur se répare plus vite, énonce-t-il, en quittant sa chaise.
Je me demande bien pourquoi j'ai demandé à connaître son histoire. Il n'est pas question que je me préoccupe d'une autre personne alors que j'en ai déjà neuf à gérer.
Le soir même, je rejoins Awen dans sa chambre pour lui remettre les histoires, en espérant oublier.
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