Le réveil résonne, m'obligeant à m'éveiller de mon profond songe. J'ai du mal à me lever, il va me falloir un peu de temps pour que je m'habitue à mes horaires. Je traine des pieds jusqu'à la cuisine. Par chance, il n'y a pas cet idiot et pas grand monde pour voir ma tête de zombie.

Ariel me fait signe de la rejoindre après avoir fini mon petit-déjeuner. Nous nous rendons toute les deux ensemble à KnowLedge, bien que nous n'ayons pas le même cours.

Je me rends dans la salle de littérature où tout le monde est installé en cercle. C'est un petit groupe composé : Awen, Derek, Jade et ... l'imbécile. Je ne me débarrasserai donc jamais de lui.

La professeure de littérature m'accueille gentiment seulement... je me retrouve à côté de mon partenaire qui n'est pas non plus ravi de me voir.

- J'espère que vous avez tous lu le roman, Roméo et Juliette de William Shakespeare, comme je vous l'avais ordonné. Nous allons durant l'heure, faire une analyse de l'œuvre. Eva, as-tu déjà lu ce roman ?

À vrai dire, je déteste les histoires d'amour, même celles qui sont tragiques.

- J'en ai entendu parler dans les grandes lignes.

- D'accord, si tu te souviens du sujet, n'hésite pas à prendre part au cours, m'informe la prof toute contente.

Et je ne suis pas du genre aussi à participer, donc... elle ferait mieux de m'oublier.

- Qu'avez-vous pensé de l'histoire en général ? nous interroge-t-elle intéressée de connaitre notre ressenti.

Awen est la première à prendre la parole.

- C'est un classique très connu qui perdure dans le temps. Les histoires d'amour qui ont une fin malheureuse existent toujours de nos jours. Pour ma part, ce roman m'a poussé à une grande réflexion, à de nombreuses questions auxquels je n'avais jusque-là jamais songer, confie-t-elle, très touché par ce roman.

Pourquoi ai-je choisi la littérature ? Ah ! Oui ! Pour dormir ! Et non pas pour entendre des idioties !

- Merci Awen pour ton avis éclairé. Quelqu'un d'autre veut donner son opinion ?

Le calme absolu. Personne n'est vraiment motivé dans son cours.

- Bon.... Que pensez-vous de l'amour dans ce cas ?

D'un seul coup, je me sens ... mal à l'aise. Le silence règne toujours, je crois bien que tout le monde est importuné par cette question. Je décide de m'exprimer pour évacuer ma frustration.

- Nous t'écoutons Eva, déclare la prof, soulagée de ne devoir désigner quelqu'un au hasard.

- L'amour c'est inutile. Ça rend les gens pathétiques. À quoi ça peut bien nous avancer d'aimer quelqu'un ? Tôt ou tard dans un couple, l'un des deux trahit l'autre. Selon moi, si tu n'aimes pas alors tu ne souffriras pas.

Une ambiance glaciale a refroidi la salle et la professeure est déconcertée par mes propos.

- C'est une drôle façon de concevoir l'amour pour ton âge, merci Eva pour ton intervention.

Ariel veut à son tour faire part de sa pensée.

- Aimer peut-être parfois douloureux car certaines personnes ne savent pas comment exprimer leurs sentiments. L'amour, c'est complexe donc nous devons nous battre chaque jour pour le rendre meilleur, dit-elle comme si elle avait vécu cette situation.

- Je te remercie Ariel.

- Pour ma part, l'amour douloureux prouve que quelqu'un tient quand même à nous, même si c'est maladroit et blessant, se confie timidement Cécylia.

Donc d'après ses dits, la souffrance que je ressens au plus profond de mon cœur à cause de ma mère, c'est parce qu'elle m'aime mais, elle ne sait pas comment me le témoigner. Ça n'a pas de sens ! Pour moi c'est clair depuis longtemps, ma mère me déteste, sinon elle n'aurait pas trompé mon père.

Elian n'a pas dit un seul mot. Son regard est rivé au sol, perdu dans ses réflexions. Je ne l'ai jamais vu ainsi. Je me demande bien à quoi il pense.

La fin du cours sonne. Ariel, Cécylia et moi-même discutons dans le couloir de notre prochain cours respectif.

Il part précipitamment, sans me jeter son regard sombre. D'après sa mâchoire crispée, il est contrarié. Est-ce dû à la question posée par la prof ?

Je n'ai pas vu les heures défilées. Les filles m'ont attendu pour que nous rentrions à Rebirth manger ensemble.

- Comment se déroule ta première journée ? m'interroge Argus, en plein milieu du repas.

- Pour le moment agréablement bien ! Les professeurs sont plaisants à écouter.

- C'est une excellente chose que tu te sens à ta place. Tu as fait une forte impression auprès de la professeure de littérature, me dévoile-t-il alors que tout le monde écoute notre conversation.

- Ai-je fait quelque chose de mal ?

- Non, bien sûr que non. Disons que ta quête sera difficile, confie-t-il, plein de mystères dans ses paroles.

- Pourquoi ? Quel est le rapport entre mon cours de littérature et ma recherche dont j'ignore ce que c'est ?

- Tu dois le découvrir par toi-même, si je te dis tous, tu ne seras pas en mesure de guérir ton âme séparée, révèle-t-il avant de quitter définitivement la table afin que je ne le questionne davantage.

Comment espère-t-il que je finisse par comprendre quelque chose que j'ignore ? Ça irait plus vite s'il parlait au lieu de faire dans la sagesse.

Les jours passent à Rebirth. J'arrive parfois à envoyer des SMS à Nohan quand je tombe sur du réseau dans le parc. Je me suis fait une place parmi eux. Je me suis liée d'amitié avec Ariel, bien que son côté « sauvage » ressort parfois, je la surnomme « la renarde » à cause de sa personnalité. Nous sommes également amies avec Cécylia, elle s'ouvre un peu plus chaque jour à nous, j'apprécie grandement ces efforts. Avec Elian, nous sommes comme chien et chat, lui c'est le chien qui aboie quand il est mécontent et moi le chat car je sors mes griffes pour riposter. C'est un égoïste qui ne pense qu'à lui. Quant à Derek, c'est un séducteur qui a du mal à s'arrêter et qui me tape sur les nerfs. Cependant, il n'est pas redevenu agressif, ce qui est une bonne chose. Jade ne me porte pas dans son cœur et préfère garder ses distances, je crois qu'elle a peur que je lui pique la vedette. Je doute être une grande menace à sa beauté. Awen, je me demande si elle ne possède pas de pouvoirs magiques, elle répond à tous mes problèmes et c'est celle que nous allons voir quand nous avons besoin de nous confier en secret. Je la trouve très gentille, elle est un peu comme notre grande-sœur à tous, même si certains l'évitent. Isaac, c'est l'intellectuel du groupe. Il est discret et maladroit quand une fille lui parle, néanmoins, j'admire sa maturité. Que puis-je dire de Kaya ? Pas grand-chose. Elle ne parle à aucun de nous, dès qu'elle peut, elle recherche la solitude. Elle est complètement détruite. Je me demande pourquoi Argus ne fait rien ? Il la voit à chaque repas et reste passif alors qu'elle est à côté de lui. Je suis sure qu'elle est une personne incroyable ! J'essaie de lui parler mais, je n'ai pas eu de réponse, ni la moindre réaction de sa part. Parfois, je me questionne si elle est toujours parmi nous. Ou alors, je n'ai pas assez insisté, je devrais être plus buté qu'elle. Lucien nous fait rire mais, derrière ses blagues, il cache une chose triste qui est ancrée dans son cœur, j'en suis sure. C'est vraiment dommage car je l'apprécie beaucoup, il est bien plus marrant que mon imbécile de partenaire.

Celui qui reste un grand mystère à mes yeux, c'est Argus. Personne ne sait qui il est réellement, ce qui est suspect pour moi. Un jour, je finirais par connaitre son histoire.

Nous apprêtons à nous rendre à KnowLedge pour le début des cours, quand une voiture noire aux vitres teintées fait son apparition dans le domaine.

- Tient ! Nous avons de la visite, je me demande bien de quoi il s'agit, commente Ariel sans être plus étonné.

C'est vrai que c'est curieux.... Personne ne vient ici, à part le cuisiner et notre gardienne, Rosemary, qui veille sur nous. Elle nous sert nos repas, fait le ménage, aux petits soins dès que nous sommes enrhumés et elle est la seule à pouvoir gronder Argus, ce qui nous fait bien rire.

- Mmm.... Il va y avoir des changements, déclare Awen, en nous faisant sursauter de peur.

Nous ne l'avons pas entendu arriver derrière nous. Elle a le don de surprendre.

- Quels genres de changement ?

- Je l'ignore, je ne sais pas lire dans les pensées d'autrui, dit-elle naturellement.

Cette fille n'est pas normale.

- Bon ! Allons en cours mesdemoiselles, conclut-t-elle, en nous obligeant à entrer dans le bâtiment avant que je ne puisse voir qui descend du véhicule.

Awen avait un air soucieux avant que nos chemins se séparent.