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Plus rien ne le liait à sa famille. C'est vrai que pendant longtemps, le gamin qu'il était espérait secrètement voir une amélioration quelconque. Son père, touché par la grâce, lui demandant pardon, ou même sa mère aurait pu sortir de son éternelle torpeur pour le défendre. Mais non. Les yeux clos, il ne sentait que le poids de cette petite tête contre sa peau, à la chaleur réconfortante. Pour lui c'était ça, sa famille.
Silas l'admettait volontiers, il avait cessé de faire des efforts pour coexister avec les habitants. Reina souhaitait une vie calme, sans confrontation, où tout deux pourraient retrouver un peu de sérénité. Mais ça, c'était lui demander l'impossible. Il était amer et fatigué de toute cette hypocrisie, l'éthique en carton prônée par leurs ainés ! Et pire que tout, l'absence totale de rêve. Pourquoi ce travail acharné, se lever tôt, se salir les mains, pour vivre parmi ces gens vides de raisons et finir enterré à la sortie du village ? Si la vie devait être ainsi, il préférait passer son tour. Une vie de rébellion, mais pas trop. Libre dans son cœur, sans jamais dépasser les limites. Pour ne pas la laisser toute seule.

Sa grande main effleura la crinière rousse de son amie.
- Allez, pas la peine de rester plantés ici. On va faire un tour ?
Reina hocha la tête avec enthousiasme. Son regard se posa sur ses paumes crasseuses et la terre coincée sous ses ongles.
- Hm... Je dois peut-être me laver un peu d'abord ?
Elle connaissait parfaitement son aversion pour la saleté et bien qu'elle y soit elle même habituée, Reina réalisa que l'odeur de transpiration devait probablement l'incommoder.
Il attrapa l'avant bras du bout de ses longs doigts et le souleva jusqu'au dessus de sa tête, reniflant vaguement le parfum sauvage émanant de ses aisselles de fermière. Silas déglutit douloureusement, l'estomac soulevé.
- On verra ça plus tard, murmura t-il en chassant tant bien que mal l'expression dégoûtée de son visage. En route, mon petit goret !

Direction la forêt, comme toujours. Leur endroit à eux, où leurs obligations quotidiennes n'avaient plus la moindre emprise. Bien à l'abri de la chaleur accablante du soleil, la pénombre paraissait apaisante : de la lumière à l'ombre, un autre monde s'ouvrait à eux. Le silence n'était interrompu que par le chant des oiseaux et la danse des branches bercées par le vent, comme si la forêt respirait. Ici, point de pierres ou de terre desséchée par le zénith : les aiguilles de pin recouvraient le sol et formaient un matelas naturel, amortissant chaleureusement chacun de leurs pas.
En s'aventurant un peu plus profondément dans les bois, on pouvait trouver un charmant petit lac. Quelques rayons de soleil survivaient à l'épais manteau verdoyant pour révéler l'eau clair et scintillante de leur précieux oasis. Ils aimaient profondément cet endroit à la beauté à la fois mystique et maternelle. La végétation parfumée les entourait et les berçait, comme dans un cocon.
Les deux amis s'approchèrent de l'eau ; leur reflet ressortait sur l'eau clair et tout deux ne purent se retenir de sourire, plein de nostalgie. Il était grand, délicat et elle petite, athlétique, pleine d'une maturité fraichement acquise.
Silas saisit les paluches de sa comparse et les plongea dans l'eau, frottant consciencieusement entre chaque doigt et chassant la moindre once de crasse restante.
- Je te jetterais bien toute entière dedans, mais elle est encore un peu froide, lança t-il en grimaçant.
- Comme c'est généreux de ta part.
- N'est-ce pas ? Profite donc de ta manucure.
En fait c'était surtout lui que ça dérangeait, cette peau encrassée, mais quelque part, c'était aussi une façon de s'occuper de sa protégée et de lui apporter un peu de réconfort après une longue journée.

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