26
— Tout le monde est prêt ?
Je finis de lacer mes chaussures et je me redresse pour voir les autres équipés pour partir. On a attendu que la matinée débute pour décider de partir et que le soleil soit assez haut pour que mes coéquipiers puissent avoir une bonne vision de ce que je m'apprête à leur montrer. Ils quittent un à un l'appartement et je passe en dernière pour fermer avant de les rejoindre en bas. Arrivé au véhicule, je monte côté passager comme quelques heures plus tôt pour guider L'Arbalète à travers la ville.
— Par où on va ?
— Sur ta gauche en sortant et au bout de la rue à droite.
L'Arbalète ne pose pas plus de questions et démarre la voiture. Quand on quitte le sous-sol, le soleil nous éblouit et machinalement je baisse le pare-soleil. Le trajet aurait pu prendre moins de quinze minutes mais je sais que vu les détours que l'on est obligés de faire, on en a pour minimum le double. La route se fait en silence, seule ma voix le brise pour donner des directives et quelquefois celle de L'Arbalète pour me répondre. Je regarde mes coéquipiers à l'arrière à travers le rétroviseur et je les vois absorbés par ce qu'ils voient à l'extérieur. Le paysage est vraiment marqué de ce côté de la ville mais j'ai presque envie de sourire en pensant à leurs têtes quand ils verront ce que je m'apprête à leur montrer. Perdue dans mes pensées je ne remarque pas tout de suite le regard de Maxance sur moi et je détourne rapidement les yeux pour fixer à nouveau la route.
— Tu peux rejoindre l'avenue principale après le parc et l'aire de jeux.
Mon coéquipier acquiesce et quelques minutes plus tard je lui fais signe de s'arrêter. Il segare rapidement et on descend. Je regarde la tour à demi détruite qui se dresse devant moiquand Ash me rejoint.
— Noa. Dis-moi qu'il y a un ascenseur en état de fonctionnement ?
— Désolé.
Il soupire en prenant son fusil.
— La Simulation où la ville était sans bâtiments trop hauts semblait plus amusante.
— Je ne sais pas si 'amusante' est le mot mais on n'est pas là pour ça. Bouge feignasse.
Douze passe à côté d'Ash et Evie en ricanant et en montrant son cou pour désigner le bandana d'Ash.
— Et de toute façon t'aurais même pas connu cette ville.
— Ton humour était apprécié durant ta période de la Simulation ?
Le plus jeune de nos coéquipiers s'éloigne et fait comme s'il n'avait pas entendu la réponse d'Ash. Personne ne dit rien et on s'équipe tous avant de se diriger vers la tour qui était auparavant un ancien hôtel dont il ne reste que les lettres 'HYA' sur le côté. Nolan m'a dit y être venu une fois et il m'y avait emmené pour me faire mieux comprendre la structure de la ville. C'était un peu avant que l'on commence à tenter de piller les Dégénérés, souvent en vain. La façade de l'hôtel ayant été principalement composée de vitres, des bouts de verre peuvent traîner au sol. J'avertis mes coéquipiers de faire attention où ils mettent les pieds et Douze et moi partons en éclaireur à l'intérieur avant de ressortir pour faire signe aux autres qu'ils peuvent nous rejoindre. On commence à monter les escaliers jusqu'au dernier étage.
*
La montée des marches s'est faite dans le silence après qu'Ash se soit plaint une première fois et que L'Arbalète l'ait menacé de lui tirer une flèche dans la cuisse pour, je cite, « voir ce que ça fait de devoir monter les vingt-cinq étages avec une vraie souffrance ». On arrive enfin au dernier étage et on débouche sur un couloir presque intact à l'exception du trou béant dans le mur au fond à droite. Je fais signe vers la porte transparente qui se trouve sur notre gauche et qui laisse voir une vaste pièce toute en verre qui était l'une des suites les plus prisées. On entre et on se met en ligne face aux grandes vitres qui servent de fenêtres et qui donnent une vue imprenable sur Washington. À cette hauteur on réalise l'état de la ville et même celles qu'il y a aux alentours. La pièce étant en arc de cercle, on a une vue sur la zone Sud et la zone Est de la ville. Pour l'autre côté, il faudra se rendre dans un autre bâtiment. Je montre du doigt une zone noircie par la guerre.
— L'un des clans est de ce côté, au niveau du bâtiment en forme de S, à côté de l'arboretum. Le motel est à quelques mètres.
Demetri fronce les sourcils et met une main sur son front pour ne pas être gêné par le soleil.
— C'est un effet d'optique où il y a un trou qui sépare la ville et l'endroit ?
— C'est un trou. Une faille plus précisément, due à un tremblement de terre.
— Et comment on fait pour y accéder ? Parce que je ne suis pas sûre d'être à nouveau capable de me jeter au-dessus du vide.
— Il faut se rendre vers la fin de la faille (je montre l'endroit vers la droite), l'écart est réduit pour que l'on puisse passer. Mais l'entrée de leur repère est pile en face, on a 99% de chance d'être vu.
— Même la nuit ?
— Certains Dégénérés, sans doute les plus faibles, restent pour surveiller. Il faut être réactif pour leur tirer dessus immédiatement parce que vous l'avez vu au Cimetière, ils sont vraiment rapides.
— On ne peut pas passer par derrière ? Faire le tour de la ville ?
— Il y a un mur. La ville voisine a été barricadée pendant la Période Noire pour y entasser les corps qui trainaient dans les rues.
L'Arbalète reste silencieux. Je m'éloigne pour aller sur la droite et voir davantage la zone Sud et...
— C'est... le Capitole ?
— La Maison blanche. Dans la Réalité on a découvert qu'il n'y avait qu'un bâtiment pour les deux fonctions. La Maison blanche était à (je montre le cratère) l'emplacement du Capitole et il y avait une aile pour le Congrès.
— Vous pensez qu'il y avait des gens à l'intérieur au moment de tout ça ?
— Sans vouloir briser tes espoirs, je pense que c'était le but qu'il y ait du monde.
— Il faut quand même être sacrément taré pour bombarder la Maison Blanche.
— Le monde était devenu taré.
— Au moins ça fait un bâtiment de moins à explorer.
Maxance semble obnubilé par ce qu'il a sous les yeux. Il faut dire que de ce côté-là et même vers le fond, avec la faille, les quartiers sont ravagés et le décor est apocalyptique. Mais ce n'est pas le pire.
— Allez, j'ai un autre bâtiment à vous montrer.
Mes coéquipiers acquiescent et on quitte la pièce pour redescendre les escaliers et rejoindre le 4x4 pour retourner de l'autre côté de la ville.
*
Je les guide de l'autre côté de la ville, vers Eckington, à côté du centre commercial où l'on était venu. Ash regarde l'immeuble et se tourne vers moi,
— Pas la peine de demander pour l'ascenseur je suppose ?
— Bien vu. Et faites gaffe, si extérieurement le bâtiment a l'air de tenir debout, l'intérieur c'est tout le contraire.
— On n'est pas sûrs de redescendre ?
Je tends son arme à Maxance.
— On va faire vite. Allez.
Une fois à l'intérieur de l'immeuble, contrairement à l'autre, tout est sans dessus dessous. Les meubles sont renversés, certains utilisés pour bloquer les issues et d'autre sont dans les escaliers comme s'ils avaient été jetés des étages supérieurs.
— Attention où vous mettez les pieds, les escaliers sont en verre.
— En verre ?
Comme pour s'auto-répondre, Ash se coince le pied dans une marche cassée au même moment.
— Ça sent le brûlé non ?
— Ça vient des cuisines et des sous-sols, ça a pris feu au moment de l'évacuation des lieux et il y a aussi eu des grenades jetées à l'intérieur pour éliminer les gens...
On atteint le dernier étage où les murs sont pour la plupart tous détruit et donnent accès comme l'autre bâtiment à des murs de fenêtres. On entre dans une pièce et chaque membre de l'Unité s'approche pour mieux voir la ville. De ce côté-là on peut voir ce qu'on a déjà vu de loin et le quartier vers lequel on loge. Sur la gauche on peut apercevoir le pont qui mène à Arlington.
— C'est quoi le bâtiment qui a l'air de tenir complètement debout là-bas ?
Ash montre un immeuble noir vers ce qui reste du quartier des affaires, le seul qui vient ternir le décor apocalyptique avec son aspect trop parfait, comme si on l'avait posé là juste après.
— C'est le Ritz, l'hôtel où Nolan s'était installé. Il est dans un matériau quasiment indestructible. On ne le voit pas d'ici, mais il est légèrement abimé de l'autre côté. Derrière il y a l'Université de Georgetown abandonnée où des Dégénérés sont aussi installés.
— Ils ont l'air nombreux. Comment le Bâtiment peut-il les laisser vivre leur vie comme ça sans craindre une rébellion de leur part vu qu'ils ont quand même l'air plutôt intelligent pour des mecs qui ne pensent qu'à tuer.
Machinalement on se tourne vers Maxance qui paraît soudain mal à l'aise.
— Me regardez pas comme ça. Ils n'ont rien voulu me dire sur les Dégénérés à part qu'ils ne les craignaient pas et qu'ils ne risquaient pas de s'approcher du Bâtiment. Ils ne les voient pas comme une menace.
— Ils ne les voient pas comme une menace mais ils font en sorte qu'on les élimine...
— Et ils ne savent pas non plus que certains de leurs bannis sont toujours... (Douze montre Demetri d'un vague geste avec son fusil) normaux ?
— Jusqu'ici on en connait que deux et ils ont été bannis sans raison apparente de danger ou autres critères qui l'aurait justifié.
— C'est quand même bizarre. S'ils ont réussi à venir jusqu'à Washington, qui sait s'il n'y en a peut-être pas un peu partout dans le pays.
— On n'est pas le seul Bâtiment. S'ils ont tous les mêmes pratiques, ce qui me paraît fort probable, ceux qui sont là ne sont pas les seuls.
— Leur Réalité paraît tout à coup beaucoup plus dangereuse qu'ils ne le prétendent.
— Ils croient vraiment en leur cause utopique de reconstruction du monde comme il a pu l'être ?
Le regard de Maxance se perd dans le vide. Il a grandi avec la cause comme on nous l'a présenté, mais il a dû se rendre compte en voyant Detroit et maintenant ça, que ce n'était au final qu'une illusion.
— Une fois que les Unités qu'ils forment et mettent en place auront débarrassées le monde des Dégénérés qui le polluent ? Je pense que oui.
— Quelles enflures. Nous former pour être des armes et faire leur sale boulot à leur place. C'est même pas logique vu que ce sont eux qui les créent au final.
— Vous croyez que les Nouveaux Éveillés sont dans la même ignorance que nous ? Ou qu'avec ce qu'il s'est passé ils ont changé de refrain ?
— J'en sais rien. Mais si nous on a croisé des Dégénérés dans les Zones de Détroit, ainsi que les Unités qui prétendaient que c'était déjà arrivé, ils finiront par sortir un baratin comme quoi c'est dangereux et que ça peut nuire à la cause et...
— Et bim ils font passer leurs meurtres en masse pour de la prévention et de la protection.
— C'est tellement tordu.
On regarde tous la ville en silence et avant que je ne commence à trop réfléchir pour me donner mal à la tête, je tourne la tête vers la droite et me dirige vers le trou dans le mur qui sépare normalement les deux pièces.
— Encore une fois, je vous le répète, si vous jugez que c'est trop risqué, on le fait pas.
— Pourquoi ce serait trop... Oh...
— Merde alors.
Ash et Demetri viennent de me rejoindre devant les vitres. Les autres membres ne tardent pas à nous rejoindre. De ce côté-là de la ville on peut voir tout le quartier de Columbia Heigts et ses alentours détruits. Un vrai champ de ruines avec la carcasse d'un avion en plein milieu de ce qu'il reste du centre hospitalier. De ce côté, tout est absolument méconnaissable, même pour quelqu'un qui y aurait vécu. On a du mal à croire que notre quartier presque intact est à seulement quelques kilomètres.
— L'autre clan majeur de Dégénérés et du côté de l'avion. Ce sont eux qui ont le plus d'armes et de matériel. Sans doute récupérés dans l'avion et les bâtiments du quartier hightech d'à côté.
— Donc c'est cet endroit que l'on devrait viser ?
L'Arbalète ne dit rien et retourne dans la salle d'à côté pendant un moment avant de revenir par ici.
— D'où on loge ça fait plus loin que l'autre repère non ?
— Honnêtement avec l'état des routes, ça doit revenir au même. Mais jusqu'à la frontière du quartier on sera plus à couvert si on passe par le secteur où l'on est actuellement. Les immeubles sont détruits pour certains mais leur hauteur pourrait nous dissimuler.
Mon coéquipier acquiesce en silence.
— Je pense qu'on en a assez vu. On doit rentrer, il faut qu'on s'organise. Le moindre mauvais calcul serait risqué et on n'aura pas de seconde chance.
*
Une canette de soda et ce qui ressemble vaguement à un sandwich pour chacun, on est rentré au loft pour se mettre d'accord sur le plan et son exécution.
— Donc on va vraiment se jeter dans la gueule du loup et affronter les Dégénérés ?
— L'idéal ce serait de les éviter mais ils connaissent mieux la ville que vous, ils doivent se douter qu'on va venir ou qu'on leur fera face à un moment. S'ils ne viennent pas nous trouver eux-même, on va aller les chercher.
— Comment vous voyez le déroulement de la mission ?
L'Arbalète regarde Douze qui s'apprête à ouvrir la bouche pour parler.
— On écoute les propositions de tout le monde.
Le plus jeune de nos coéquipiers lèvent les yeux au ciel.
— Il va nous falloir plusieurs véhicules. Le 4x4 est fermé à l'arrière il ne sera pas pratique.
— Ce qu'on a vu dans le garage c'est en état de marche ?
J'acquiesce.
— Donc on a une Jeep, la Camaro et deux motocross.
— Un sur chaque moto, deux dans la Camaro et les trois autres dans la Jeep.
— Ça ne va pas le faire.
— Quoi ? Pourquoi ?
— On ne connait pas la ville et Noa ne peut pas être partout pour nous guider. Si on doit apprendre les moindres rues de Washington par coeur, on va devoir faire ça dans plusieurs semaines.
Je les laisse parler entre eux pendant que je réfléchis avant de me lever.
— Venez.
Ils échangent des regards entre eux avant de faire de même et me suivre jusqu'à la table recouverte d'un drap blanc à côté des ordinateurs. Après un moment d'hésitation, je la soulève pour laisser voir l'établi que Nolan s'était installé. J'ai tout laissé à sa place, le matériel et les outils sont intacts comme la dernière fois où il les a utilisé. Je cherche un moment sous ses bouquins d'électronique, de mécanique et ses plans avant de trouver la boîte en métal que je voulais. Je la pose devant moi et l'ouvre. Huit petits morceaux de métal bordeaux sont rangés sur deux ligne de quatre dans un support en mousse noire.
— Qu'est-ce que c'est ?
J'en prends une dans ma main et la lève devant moi en souriant.
— Des oreillettes.
Je fouille à nouveau sur l'établi pour sortir une autre boîte, en carton cette fois, et le casque noir qui est à l'intérieur.
— Quand je partais en ville, Nolan communiquait avec moi d'ici en me guidant avec le plan de la ville sur l'ordinateur. Si l'on arrive à les connecter toutes entre elles puis au casque, il suffira que l'un de nous reste ici pour guider les autres dans la ville.
— Je vais le faire.
L'Arbalète se tourne vers Ash.
— Je suis le plus doué en informatique. Je pense pouvoir réussir à les mettre en marche. Puis maintenant il y a Demetri, ça ne posera pas de problèmes. En plus s'il faut courir, avec ma cheville c'est parfois compliqué sur la durée, je risquerais de vous pénaliser.
💥💥💥
Et voilà, c'est avec ce chapitre 26 que je clos la publication de la première partie de ce tome 2 ! La deuxième partie devrait arriver en fin d'année, je profiterai du NaNoWriMo pour écrire à fond ! À très vite !
& si le coeur vous en dit, vous pouvez me suivre sur Bookstagram : themaze.reader et sur Booktok : themazereaderr :)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top