20

Deux points rouges. Deux détonations rapprochées. Deux balles. Deux corps qui s'écroulent. Je fronce les sourcils et tourne la tête pour voir le banni baisser son arme et s'approcher. On échange un signe de tête entendu. Je relève Evie après lui avoir demandé si elle pouvait courir et je récupère mon arme. Les garçons sont loin devant, ils n'ont pas dû voir ce qu'il s'est passé. On recommence à courir et le garçon reste derrière nous pour assurer nos arrières.

*

Au bout d'un moment on retrouve le plat de la forêt et on sort pour atterrir à nouveau dans le Cimetière. D'après le plan que j'ai en mémoire, on ne doit plus être très loin du véhicule. Et en effet, on l'aperçoit au bout de quelques minutes, les garçons y sont déjà et ils ont l'air paniqué.

— Les gars !

Leurs quatre têtes se tournent vers nous et leur expression passe de l'inquiétude au soulagement quand ils nous voient. Ils courent vers nous et Evie se laisse tomber contre Ash avant de se frotter la cheville.

— Bon sang on a cru qu'il y avait eu un problème.

— Vous n'étiez plus derrière nous.

Douze lance un coup de tête vers le banni resté un peu en retrait derrière moi.

— Il est encore là lui ? Je pensais qu'il en aurait profité pour se barrer.

Je lui lance un regard assassin et lui colle mon fusil dans les mains pour aider Ash avec Evie jusqu'au 4x4.

— Ferme-la, sans lui on serait mortes avec Evie.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

L'Arbalète nous rejoint à l'arrière du véhicule, Maxance est déjà assis à l'intérieur.

— J'ai glissé sur des feuilles humides et je me suis foulée la cheville, Noa a ralenti pour m'aider.

— J'ai tué un Dégénéré.

— Et (elle fait un signe de tête vers le garçon) il est resté pour tuer les deux autres qui arrivaient sur nous.

Les garçons acquiescent et après avoir calé la jambe d'Evie en attendant de rentrer pour la soigner, on monte dans le 4x4. Il fait encore nuit, on ne doit pas traîner pour rejoindre Washington.

— Monte à l'arrière avec les autres.

Douze me regarde de son air consterné.

— Pardon ? Il vient avec nous ?

— Il vient.

— Mais on le connait même pas, tu fais quoi là ?

(Je détache chaque mots) Il. Vient.

— Je monte devant.

L'Arbalète me fait signe que c'est ok et je monte à l'arrière avec les autres pendant que Douze va s'installer côté passager. Je suis épuisée, on l'est tous et ce n'est pas du tout le moment pour que ça finisse en bagarre à l'arrière du 4x4.

Le trajet se fait en silence, L'Arbalète et Douze guettant le moindre mouvement à l'extérieur au cas où. À l'arrière, le silence plane. Evie grimace à chaque défaut de la route qui la secoue un peu trop et bizarrement Maxance fixe ses pieds et est plutôt silencieux depuis un moment pour quelqu'un qui vient de profaner une tombe et qui en faisait tout un plat. Le garçon aussi se tait. Il serre son arme sur ses cuisses et je remarque plusieurs fois qu'il dévisage Maxance pendant plusieurs secondes d'une drôle de façon mais je n'y prête pas davantage attention. Les Dégénérés étaient hors de la ville, ça n'était jamais arrivé jusqu'ici. Je ne comprends pas. Profaner ma tombe n'a rien donné, le cercueil était vide. On a un banni qui n'a pas l'air défaillant avec nous, qui nous suivait. Et ce que j'ai omis de raconté à mon Unité me tracasse de plus en plus. Je pensais pouvoir me rassurer en faisant face à mon cercueil, mais ça n'a rien changé. Je n'ai pas de réponse à mes questions et notre 'rencontre' inopinée n'a rien arrangé. Je pensais que Nolan était le seul. Et voilà qu'un autre apparait.

*

En arrivant dans le quartier, L'Arbalète prend la direction pour rejoindre le sous-sol et y garer le véhicule. On descend un par un en aidant Evie à se mettre sur ses jambes.

— On a tout laissé au Cimetière.

Je me tourne vers Ash.

— Le Bâtiment ne vient qu'une fois par mois. On y retournera demain ou après-demain.

— Vous pourriez discuter quand on sera en haut s'il vous plait ?

Evie grimace et s'en perdre plus de temps on se dirige tous ensemble jusqu'à l'immeuble. L'Arbalète prend notre coéquipière sur son dos pour monter les escaliers et je passe devant pour pouvoir ouvrir la porte sans attendre. Avec l'aide de Douze ils l'allongent sur le canapé.

— Tu as de quoi soigner ici ?

Je hoche la tête et pars vers la salle de bain pour sortir une boîte de secours et d'autres trucs plus chirurgicaux que Nolan avait pensé bon de rapporter au cas où. En revenant dans la pièce à vivre, je tends le matériel à Ash qui ne perd pas de temps pour déchirer le pantalon d'Evie et retirer sa chaussure afin de laisser voir sa cheville bleutée et enflée.

— Tu t'es pas loupé.

Elle ricane nerveusement.

— Non, j'ai essayé de faire les choses biens.

Douze lui tend un verre d'eau avec un comprimé pour la douleur. Ash fouille dans le carton sans vraiment lire les tubes ou boîtes qu'il trouve.

— Je... peux ?

On se tourne vers le garçon qui depuis notre arrivée est resté contre l'ilot de la cuisine. Il fait un signe en direction de notre coéquipière.

— J'étais dans une Unité de recherches en médecine.

Ash, qui semble soulagé d'un poids à l'idée que quelqu'un puisse maîtriser la chose, se décale pour l'encourager à venir le rejoindre. Sous les regards attentifs de L'Arbalète et Douze, le banni s'applique à masser la cheville d'Evie avec de la crème trouvée dans le tas de Nolan, puis il entreprend de faire un bandage avec Ash. Maxance est seul près des fenêtres, dos à nous, le regard perdu sur la ville. Evie n'a pas besoin que tout le monde soit agglutiné autour d'elle et voyant mon coéquipier séparé du reste du groupe, je saisis l'occasion pour le rejoindre. Je me poste à côté de lui et prends un moment pour regarder Washington, simplement éclairée par la lune avant de prendre la parole. Mon ton est froid,

— J'ai menti. J'ai relevé tout le Cimetière, aucun des Matricules ne m'a échappé. Sauf le tien. Ton Matricule n'apparaît nulle part. Tu n'as pas de tombe Maxance. Et le banni, tout à l'heure, avant que les Dégénérés n'arrivent a sous-entendu qu'il t'avait déjà vu. Il te regardait. Il n'y aucun doute qu'il s'adressait à toi. Comment c'est-

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase car L'Arbalète et Douze débarquent brusquement près de la fenêtre pour plaquer Maxance contre la vitre, un revolver sous le menton.

— C'est quoi l'entourloupe blondinet ? (Il fait un signe de tête vers le garçon qui finit de remonter la chaussette d'Evie par-dessus son bandage) Il vient de nous dire quelque chose de très... étrange.

J'essaie de m'interposer entre les garçons mais Douze a une sacrée poigne.

— Les gars ! Qu'est-ce qui vous prend ?

— L'autre là ! Il vient de nous dire qu'il avait déjà croisé Maxance. (Il marque une pause) Au Bâtiment.

Je fronce les sourcils et mon regard passe de Maxance, qui grimace maintenu contre la vitre, au garçon brun qui s'est relevé et regarde la scène sans comprendre. Evie s'est redressée avec l'aide de Ash pour que sa tête puisse voir par-dessus le canapé. Tout va trop vite. Je ne comprends plus rien.

— Quoi ? Mais...

Douze tourne la tête vers moi et me regarde droit dans les yeux d'une façon que je ne lui avais jamais vu, à mi-chemin entre la colère et la supplication. J'inspire pour me reprendre et me tourne vers le banni qui ne sait visiblement plus où se mettre face à la scène dont il est le responsable.

— Tu es sûr que tu ne confonds pas avec un autre garçon ?

Il parait hésiter un moment avant d'afficher un sourire crispé.

— Sa cicatrice. Je sais que c'est lui.

— Maxance.

Je me tourne vers le concerné mais il me regarde sans répondre. J'ai envie de croire que c'est la pression exercée par Douze qui l'empêche de répondre, mais je sens qu'il y a autre chose.

— Quand est-ce que tu as été banni ? Et pourquoi tu n'es pas devenu un Dégénéré ?

— Et t'es qui surtout ? C'est ça la question. Tu nous espionnes, tu nous fuis, tu nous sauves et tu viens mettre ton grain de sel dans notre Unité. Ça fait beaucoup.

Il regarde cette fois L'Arbalète d'un air gêné et perdu.

— J'ai été banni il y a six mois. Et-

Je ne le laisse pas finir.

— Ce n'est pas possible. Tu ne peux pas avoir vu Maxance. Lui et moi étions dans la Simulation et on a été réveillés le mois suivant !

Silence. Je réfléchis. Le temps est sur pause. Et puis je réalise. Merde. Ça me parait tellement évident maintenant. Le garçon derrière le hublot de ma porte, notre première rencontre, son air détaché pendant certains entraînements ou certains sujets de conversations. Pas de tombe avec son Matricule, le bannissement du garçon. Je relève la tête et remarque que tout le monde regarde dans sa direction, eux aussi viennent de comprendre. Il nous a menti.

💥💥💥

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top