19
Maxance braque sa lampe sur chacun de nous.
— Alors là, ne me dites pas que vous n'avez pas vu.
— Ça venait de la forêt.
Je lève ma lampe vers les arbres à quelques mètres de nous. On se tait tous et je prends l'occasion de faire le vide autour de moi pour me concentrer sur les sons. Des feuilles, des courants d'air, une branche qui craque.
— Faut qu'on bouge.
Ash et Evie referment le cercueil vide dans un bruit sourd et on sort un part un du trou, L'Arbalète me tire par le bras pour que je ne lâche pas la lampe. Un coup de feu. Un cri. On se tourne machinalement vers le fond du Cimetière où l'on distingue des faisceaux lumineux en mouvement.
— Éteignez les lumières, vite !
On se retrouve dans le noir, uniquement éclairés par la lune.
— Vous croyez que c'est le Bâtiment qui nous cherche ?
Un nouvel échange de coups de feu, un hurlement. Inhumain. Douze me lance un regard assassin.
— Je croyais qu'ils ne sortaient pas de la ville.
— Je sais. Ça n'est jamais arrivé. Il y a un problème.
— Il faut qu'on parte, ils sont rapides, ils vont être là d'un moment à l'autre.
— Rebouchez la tombe !
Douze et Maxance s'exécutent et prennent les pelles pour commencer à rejeter toute la terre et les gravats dans le trou. Le bruit qu'ils font n'a plus d'importance. Du mouvement dans la forêt, quelqu'un court. Plusieurs personnes maintenant. Une détonation à quelques mètres de nous.
— On n'a plus le temps là ! Laissez tout ici et prenez juste les armes.
— Mais ils vont voir qu'on a touché la tombe.
Evie attrape Maxance par la manche pour l'entraîner avec elle vers la forêt.
— On n'est pas là pour jouer les paysagistes, contente-toi de courir pour sauver ta peau !
Douze répond en tirant en direction du groupe d'individus qui fonce sur nous. On atteint la forêt rapidement et on s'engouffre à l'intérieur sans avoir le temps de distinguer le nombre de Dégénérés à nos trousses.
— Faites attention où vous mettez les pieds. C'était la ville avant, il peut y avoir des trottoirs ou des bouches d'égouts.
On court jusqu'à ce qu'une silhouette se dresse devant moi. Une Dégénérée, il n'y a pas de doute. Ils sont hors de la ville. Ou alors ils sont d'Arlington et ils nous guettaient en attendant la bonne occasion pour nous avoir. Son sourire carnassier me glace le sang, je suis tétanisée avec l'impression de revivre une scène connue. Je ne bouge pas et elle me surprend en me faisant une clé de bras pour m'attraper le cou. J'entends mon nom au loin et je réagis avant qu'elle ne me brise la nuque en lui donnant un coup de coude dans le ventre pour qu'elle me lâche et je lui plante mon couteau dans la cuisse avant de partir en courant. L'Arbalète décoche une flèche dans la poitrine de l'un de ceux qui arrivent par derrière. Courir dans une forêt qui ne devrait pas être là et qu'en plus on ne connait pas est compliqué. Un arbre peut surgir là où on ne s'y attend pas et Maxance a trébuché deux fois sur des restes de la ville au sol qui devaient être des trottoirs.
— Ils sont toujours derrière nous ?
Ash se retourne, je suis surprise de voir à quel point il court aussi vite qu'avant malgré la balle qu'il s'était pris dans la Zone 7.
— Ils rattrapent la distance beaucoup trop vite. Comment c'est possible ?
— Peut-être qu'avant de les jeter dehors, le Bâtiment fait des expériences sur eux.
— Ils ne font pas d'expériences sur les Bannis, c'est leur nature primitive qui reprend le dessus. Ils perdent leur humanité et retourne à l'état sauvage où leur seule préoccupation est de survivre.
— Et tuer visiblement. (Ash lâche un cri étranglé) Oh merde !
Un Dégénéré, que je reconnais pour l'avoir déjà croisé en ville, atterrit sur le dos de Ash qui flanche et tombe sous son poids. Il se bat au corps à corps en lui donnant des coups de poings et en essayant de se débattre pour se dégager. Maxance arrive et tire le Dégénéré vers l'arrière par le col de son t-shirt avant de lui décoller un coup de genoux dans le menton qui l'assomme et le fait tomber à la renverse. Douze arrive et lui tire une balle dans l'abdomen et une dans la tête pour s'assurer qu'il ne soit plus un problème.
— Là ! Derrière Evie !
L'Arbalète braque son arme et tire. On s'attend à ce que la silhouette cachée derrière l'arbre se mette à courir dans notre direction mais elle part à l'opposé.
— Suivez-le !
Maxance regarde derrière lui pour apercevoir que d'autres Dégénérés arrivent, sans doute après avoir croisés les corps de leurs congénères.
— À gauche !
Je ne sais pas vraiment pourquoi on suit la silhouette plutôt que d'essayer de rejoindre le 4x4, mais je ne pose pas de question et me contente de courir. On quitte brusquement la forêt pour se retrouver dans une rue au milieu de la ville. Je vérifie que tous les membres de l'Unité sont là, dévisageant le paysage autour d'eux.
— Par où il est parti ?
On commence à marcher dans la rue, armés, prêt à tirer au moindre mouvement.
— Là !
Evie dirige son arme vers la forêt et tire. Elle loupe de peu la silhouette que l'on entend sursauter et qui repart en courant en voyant que l'on recommence à la suivre. De nouveau dans la forêt je glisse sur une vieille plaque d'égout mais je me rattrape à un tronc. Des voix - ou des cris - s'élèvent de la rue. Ash a perdu un peu de sang quand il a saigné du nez après son face à face avec le Dégénéré : l'odeur a dû les attirer. On poursuit on ne sait quoi en étant nous même poursuivi par un groupe de Dégénérés qui n'ont normalement rien à faire ici. Douze passe devant et accélère sa course pour se rapprocher de la silhouette qui court et on a du mal à garder le rythme. Les parcours du combattant des entraînements ne valaient rien à côté de ça. D'un coup on se retrouve en pente, la rue doit descendre, je ne me suis jamais aventurée plus loin que le Cimetière. Douze tire et la silhouette sans doute déstabilisée par le changement d'angle et la détonation, trébuche et tombe. On regagne du terrain pour arriver à la hauteur de notre coéquipier. La personne est au sol, le revolver de Douze braqué sur elle et recule à l'aide de ses mains et ses pieds jusqu'à buter contre une vieille bouche à incendie. Je suis encore derrière quand j'entends sa voix pour la première fois.
— Ne me tuez pas. Attendez. Attendez !
La panique et la peur se sentent à plein nez dans sa voix un peu rauque et brisée. Je pousse Maxance qui a l'air figé devant le garçon, pour mieux voir. Il nous dévisage tour à tour, son regard terrifié croise le mien. Son visage, rond, un nez aquilin, des cheveux presque noirs, une bouche fine aux lèvres légèrement gercées, me rappellent vaguement quelque chose, quelqu'un mais je ne saurais le replacer. Ma période de Simulation commence à devenir un peu flou dans mon esprit depuis que je suis ici. Il est habillé presque comme nous à l'exception de son arme qui n'a rien à voir avec celles du Bâtiment et qui a l'air plus basique. Il fronce les sourcils et nous regarde à nouveau, s'arrêtant un moment sur Maxance puis sur les armes que braquent Douze, Evie, Ash et L'Arbalète sur lui.
— Vous... Vous ne faites pas partie des leurs. Vous n'en n'êtes pas.
— Pas quoi ?
Son regard croise à nouveau le mien et ses yeux que je devine marron malgré la dilatation de ses pupilles me font réagir. Je m'approche pour me pencher vers lui et attraper son visage au niveau du menton pour le redresser.
— Noa !
Je n'écoute pas L'Arbalète et tourne son visage pour mieux le voir, je distingue des grains de beauté ça et là mais rien d'anormal. Son pouls est rapide mais je pense que c'est simplement dû à la course poursuite et à la panique.
— C'en n'est pas un.
Je le relâche et me tourne vers mon Unité.
— C'est pas un Dégénéré.
— Comment c'est possible ?
— Ça ne l'est pas c'est tout. Il doit être envoyé du Bâtiment.
— Nolan n'en n'était pas un et il était banni.
Pendant que je parle avec L'Arbalète, le garçon essaie de bouger et ramper mais Douze lui écrase le tibia et lui arrache un hurlement.
— Pas bouger.
— Je ne suis pas du Bâtiment. Je...
Le garçon suffoque et commence à paniquer de plus en plus quand Douze s'accroupit à sa hauteur et relève son menton avec le canon de son revolver.
— Tu quoi ?
Chacun de nous le fixe, son regard semble désespéré. Il est terrifié, il a peur de nous.
— Je suis un banni.
Douze arme son arme pour pousser la peur à son maximum.
— Alors si on s'y attendait à celle-là. C'est quoi encore l'embrouille ?
Il se tourne vers le banni.
— Depuis quand ? Comment ça se fait que tu ne sois pas devenu l'un des leurs ?
— Et vous ? Pourquoi vous êtes normaux ?
Evie ricane en le regardant.
— Excuse-moi mais tu n'es pas vraiment en position pour poser les questions.
Maxance s'approche de L'Arbalète pour lui parler à voix basse.
— On ne devrait pas traîner trop longtemps, ça m'étonnerait qu'ils aient décidé de nous laisser tranquille aussi vite.
Le garçon se redresse et ses yeux s'éclairent quand il aperçoit notre coéquipier.
— Hé ! Toi !
Maxance et L'Arbalète se tournent vers lui.
— On s'est déjà vu non ?
— Ils arrivent !
Pas le temps pour poursuivre la conversation, Ash nous montre les faisceaux lumineux qui se rapprochent dans la forêt.
— Je le tue maintenant ?
Je me retourne vers Douze d'un air hébété.
— On ne le tue pas ! Laisse-le se relever et on se tire.
Beaucoup trop rapides, les Dégénérés sont à cinq mètres de nous et leurs armes nous visent directement.
— Courez !
Pas de temps à perdre, on repart en tirant derrière nous, le banni au milieu de notre groupe, nous suit. La forêt est en pente et on doit faire attention en descendant pour ne pas glisser ou foncer dans un arbre tout en restant sur nos gardes.
— Vous savez où on va ?
— Tout droit ! On s'en fout !
Je repasse devant Evie. Maxance et L'Arbalète sont devant, Douze est un peu en retrait et Ash et le garçon sont à peu près à mon niveau. Il court sans regarder derrière lui, attendant sans doute le bon moment pour changer de direction et partir pour être sûr d'être épargné. On court entre les arbres en sursautant quand un tir retentit. Un cri vient de derrière moi, je tourne la tête pour voir par-dessus mon épaule. Evie vient de glisser. Le Dégénéré qui a tiré se rapproche dangereusement. Je ne réfléchis pas une minute et je ralentis pour aller l'aider à se relever après avoir tiré sur l'ennemi qui s'écroule au sol.
— Dépêche !
Elle grimace, elle a dû se fouler la cheville en tombant. Je relève les yeux et vois deux autres Dégénérés sortir de nulle part, leurs armes braquées sur nous. La mienne est à quelques mètres de moi et je ne peux pas l'atteindre sans lâcher ma coéquipière. Leurs regards injectés de sang sont rivés sur nous. On est foutues.
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