14
Maxance me regarde avec un drôle d'air, mi-effrayé, mi-confiant. Ash se lève du canapé pour faire les cent pas dans la pièce. Douze et L'Arbalète se regardent en coin.
— Si je comprends bien, juste pour être sûr, si on met un pied dehors, on est morts ?
— Si vous ne faites pas gaffe, oui.
— Donc en plus d'être des fugitifs, on est condamnés à mort. Il y a autre chose ?
Il va falloir que je leur parle de la tombe. Je ne peux pas garder ça pour moi. Maintenant que je ne suis plus seule, je dois réapprendre à faire confiance.
— Noa.
— Il vaut mieux que je vous montre. À voix haute ça paraîtrait complètement incohérent.
Je me lève et pars vers la table à dessin pour la retourner et faire apparaître tout ce que l'on avait jusque-là réussi à redessiner proprement. Le Cimetière, les parcelles que j'ai relevé avec les Matricules qui correspondent à l'emplacement des tombes.
— Il est complet ?
— Presque.
Je les regarde s'installer mieux pour voir ce qu'ils ont sous les yeux. Ils restent un moment silencieux jusqu'à voir les deux zones entourées en rouge. Je guette les réactions de L'Arbalète et Ash.
— C'est...
— Ton Matricule.
— Et le tien.
Ils se retournent vers moi.
— Ça veut dire quoi ça ? Pourquoi il y a des tombes avec nos Matricules. On n'est pas bannis.
— Ni morts.
Je ne réponds rien et vais chercher les quelques brouillons sur le bureau pour leur ramener.
— Il y en a aussi une avec mon Matricule.
— Plus le temps passe, plus j'ai l'impression qu'on se fout de notre gueule.
— Ça rime à quoi ? Et les autres Matricules ?
— Je n'ai pas encore fait les dernières zones du Cimetière. Vos tombes y sont sûrement. Sauf pour Douze. Vu qu'on ne connaît pas ton Matricule.
Il se penche rapidement sur les feuilles pour faire semblant de se concentrer.
— Il n'y est pas.
— Il faut que l'on termine ce que tu as commencé.
— Non. Il faut qu'on avance. On n'a plus de temps à perdre. On ne sait pas ce que fait le Bâtiment en ce moment, s'ils se sont rendu compte de votre évasion. Les Dégénérés guettent nos moindres faits et gestes. Le temps nous est compté. On a perdu plusieurs mois chacun de nos côtés.
— Noa. Je sais que tu t'es donné beaucoup de mal avec ton coéquipier pour relever tout ça et faire des jolis plans, mais ça ne nous apporte rien de plus.
— C'est pour ça qu'il faut que l'on ouvre une de ces tombes, la mienne entre autre.
Maxance et Ash me regardent d'un air incrédule.
— Tu veux qu'on profane une tombe ?!
— Il faut que l'on soit fixés, ça nous fera un point de départ. Et puis qu'est-ce que tu veux y trouver ? Je suis devant toi.
— Sans vouloir t'offenser, je m'attends à tout maintenant.
— Tu veux profaner une tombe !
Je me tourne vers Maxance.
— Oui Maxance. C'est le but. Mais c'est la mienne, donc techniquement ce n'est pas un blasphème.
— Et si c'est piégé ?
— Je vais regretter ce que je vais dire mais... Pour une fois, je pense que blondinet a raison. Réfléchissez. On a trouvé le Cimetière mentionné dans l'ancien Bâtiment. Là, tu as découvert que c'était réellement un cimetière avec des Matricules sur les tombes et qu'en plus il y en a avec les nôtres.
— Tu veux faire ça quand ? Demain ?
Douze se tourne vers Evie.
— Attends. Quoi ? Comment ça t'es d'accord ?
J'ignore la question de Douze et le regard plein de sous-entendus qu'il lance à notre coéquipière et balance la dernière information.
— Non. Demain c'est impossible. D'après le calendrier, il y a eu de nouveaux Réveils. Cela veut dire que comme chaque premier mardi du mois, il va y avoir une nouvelle arrivée de cercueils.
— Pardon ?
— J'allais vous le dire.
— Ça veut dire que le Bâtiment envoie des hommes ici. À quelques kilomètres d'où l'on est ?
— Ce sont principalement des gardes et l'un des surveillants. On a étudié leurs allées et venues avec Nolan, on a même pu les filmer. Je vais vous montrer.
Ils me suivent jusqu'aux ordinateurs où je cherche la dernière vidéo pour la leur montrer quand Ash pause la question qui me stoppe dans mon élan et me crispe sur place.
— Il est où d'ailleurs ce Nolan ?
— Il est mort.
Je le dis comme ça. Ça sort tout seul et ça me fait un mal de chien de le dire à voix haute. Ça rend la chose trop réelle et me rappelle que je dois l'accepter. C'est encore compliqué. Beaucoup trop dur d'y repenser. Il y a un moment de silence avant que mon coéquipier ne reprenne la parole.
— Noa... Je suis désolé. Je pensais que...
Je le coupe dans son élan.
— Tu ne pouvais pas savoir.
Encore un silence et je reconnais la main de Maxance sur mon épaule. J'essaie de sourire mais un noeud se forme dans mon ventre et une boule dans ma gorge qui me fait mal quand je ravale les larmes qui me montent aux yeux.
— Il y a un mois on était en ville et on s'est retrouvés pris au milieu d'un des combats de rue des Dégénérés. On a voulu partir avant qu'ils ne nous voient parce que dans ces cas-là ils deviennent de vrais monstres assoiffés de sang et de mort mais...
Nouvelle pause. Nouvelle pression de la main de mon coéquipier.
— On s'est fait surprendre. J'ai planté mon couteau dans l'un d'eux mais un autre était derrière moi et quand Nolan a voulu nous pousser tous les deux sur le côté, il a pris une balle perdue. J'ai tenté de le maintenir pour marcher vite mais ils étaient partout autour de nous. On était coincés. On était morts. Littéralement. Il y avait leurs yeux sur nous et...
Les images assaillent mon esprit et je sens mes jambes trembler jusqu'à réaliser que c'est en réalité tout mon corps qui me lâche.
— Ils allaient le prendre. J'allais les laisser le prendre. Il me l'a demandé mais je ne voulais pas. Je ne voulais pas mais j'étais prête à le faire. Il m'a dit que ça irait, que si lui restait, moi je pourrai partir et continuer ce qu'on avait commencé. Je ne pouvais pas. Vous n'étiez pas là, je l'avais lui. J'ai pu survivre jusqu'ici grâce à lui et j'allais le laisser à ces créatures sans aucune conscience. On était debout au milieu de la rue, ma main au niveau de ses abdos où il avait pris la balle et le sang coulait sur ma peau. Son regard se perdait un peu plus à chaque seconde. C'était trop tard. C'est là qu'il m'a dit qu'il fallait que je parte. Je l'ai laissé faire face aux Dégénérés qui venaient le prendre et j'ai commencé à marcher. J'ai réalisé ce que je faisais. J'ai failli le faire. Vous vous rendez compte ? J'étais prête à l'abandonner à eux pour qu'ils en fassent je ne sais quoi. Mais à ce moment-là c'était lui ma famille alors...
La fin du souvenir me fait remonter mon repas dans la gorge. Je fixe mes mains d'un air perdu.
— Je les ai tous tués. Les sept Dégénérés qui étaient là. Un par un, sans réfléchir. En regardant la scène du massacre et les cadavres au sol, j'ai cru que j'étais comme eux et puis Nolan a gémi derrière moi. J'ai réussi à le ramener en bas de l'immeuble mais je sentais sa respiration ralentir.
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