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FLASH-BACK

Maxance et Ash, menottés, furent amenés brusquement dans la pièce - une salle comme celle où ils faisaient leurs réunions quelques semaines plus tôt - où étaient assis Douze, Evie et L'Arbalète autour d'une table. Leurs armes leur avaient été retirées.

— Vous voilà réunis avec vos petits copains.

Les gardes poussèrent les deux garçons à l'intérieur.

— Les Dirigeants ne vont pas tarder.

Puis ils partirent en refermant la porte brusquement.

— Pourquoi vous êtes revenus ?

L'Arbalète fronça les sourcils en voyant que les deux garçons debout près de la porte ne réagissaient pas.

— Pour vous chercher !

— C'est pas franchement une réussite.

— Ils ont installé de nouvelles caméras, on s'est fait surprendre... Et nous étions séparés.

— Très malin ça.

Ash grimaça et, vu qu'il n'y avait plus de chaises pour être avec les autres, il partit s'asseoir contre le mur avec Maxance.

— Qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont nous faire ?

— Rien de bon à mon avis.

*

Plusieurs heures s'écoulèrent avant que la porte ne s'ouvre pour laisser entrer les Dirigeants, Negan, Ransom et deux gardes qui s'installèrent près de la porte sous les regards médisants des membres de l'Unité d'Élite 9. La Dirigeante qui le remarqua se permit d'intervenir en souriant faussement.

— Simple question de formalité.

— Vous croyez vraiment qu'on va aller loin ?

Douze montra ses poignets menottés pour appuyer ses propos. La femme ignora la réplique sarcastique et se tourna vers son mari ainsi que vers les deux surveillants avant de se concentrer à nouveau sur les jeunes en face d'elle.

— Bien.

— On peut savoir pourquoi vous nous avez arrêtés de cette manière et pourquoi vous n'êtes pas venus nous chercher plus tôt si vous étiez au courant d'où l'on se trouvait ?

— C'est nous qui posons les questions Matricule XY766-89.

Le Dirigeant s'avança vers eux pour être à hauteur de sa femme.

— Que faisiez-vous dans la Zone 7, zone interdite de la ville ?

— On essayait de survivre ?

L'homme glissa un regard vers Negan et après une brève hésitation, le surveillant attrapa brusquement Douze par le col, ce qui déclencha un mouvement de recul et de surprise chez Maxance et Evie, puis se pencha à son oreille.

— Tu devrais cesser le sarcasme si tu ne veux pas passer au Bannissement.

Douze, son sourire en coin collé sur le visage, se mit à ricaner.

— Venir me chercher dans une Zone pour m'y renvoyer, il faudrait savoir.

— Que voulez-vous dire par là ?

Le plus jeune regarda tour à tour ses coéquipiers et d'un simple regard ils se mirent d'accord pour ne rien dire et ne pas céder à la pression.

— Alors ?

— Quoi ?

— Que voulez-vous dire ?

Pas de réponse.

— Où est le dernier membre de votre Unité ? XX96-15 ?

— Pas dans cette salle.

— N'essayez pas d'avoir l'avantage, vous êtes dans la mauvaise position pour cela. Répondez à nos questions et vous n'aurez pas de problème.

*

Le reste de l'entretien se passa de la même façon. Les Dirigeants continuaient de poser des questions auxquelles ils n'obtenaient aucune réponse. C'était une perte de temps.

— Vous restez ici. Nous reviendrons plus tard en espérant que vous serez plus coopératifs.

— Comptez là-dessus.

Les gardes ouvrirent la porte et laissèrent sortir les Dirigeants et les surveillants avant de les suivre.

— Que comptez-vous faire ? Ils n'ont pas l'air décidé à parler.

Le Dirigeant se tourna vers sa femme, puis vers Ransom.

— Ils finiront par craquer. Aujourd'hui ou dans deux jours. Ils ne tiendront pas encore longtemps.

— Eux aussi ont des questions qui leur brûlent les lèvres.

La Dirigeante se tourna maintenant vers Negan.

— Faites passer le message qu'on ne leur donne ni à boire, ni à manger.

Le surveillant acquiesça et le groupe se sépara au bout du couloir.

— Ils ne vont pas nous lâcher.

— Et on ne dira rien.

Maxance réfléchit un moment avant de parler.

— Si on leur dit ce qu'on sait,

Les regards se tournèrent vers lui, toujours assis par terre contre le mur aux cotés d'Ash, et il continua sur sa lancée avant d'être interrompu.

— Enfin plutôt si on leur dit ce qu'on veut bien leur dire, vu qu'ils savent que l'on sait et que l'on sait qu'ils savent...

— Là tu nous donnes mal à la tête blondinet.

— En gros, si on leur donne certaines informations, ils nous en donneront en retour.

Evie le regarda en fronçant les sourcils.

— Tu penses vraiment qu'ils vont coopérer et répondre à nos questions ? Tu connais mal les Dirigeants.

Maxance sourit en coin.

— Non. Si on tourne bien nos questions et nos réponses, ils nous donneront les informations sans qu'ils s'en rendent compte.

L'Arbalète sembla réfléchir un moment.

— Ça paraît plutôt rusé comme méthode. Mettons-la au point.

La pièce ne comprenait aucune caméra, seulement une vitre sans tain. Ils ne pensèrent pas au fait que quelqu'un aurait pu se tenir derrière. Tout ce qui comptait pour le moment c'était de se mettre d'accord sur ce qu'ils diraient et sur ce qu'ils passeraient sous silence.

*

Une attente interminable passa avant que les Dirigeants ne reviennent à nouveau, accompagnés cette fois uniquement de Ransom, Preyston et de l'une des psychologues pour observer leur comportement.

— Vous avez l'air épuisés.

— Et vous vous avez l'air d'avoir une médaille en déduction.

D'un coup le regard de la Dirigeante s'anima et elle posa violemment les mains sur la table face à Evie.

— Ne me manquez pas de respect. Et répondez à nos questions.

Chaque personne fixa la femme, surpris par la perte de contrôle de leur supérieure. L'Arbalète jugea alors que c'était le bon moment.

— Nous les avons vu.

Son regard se verrouilla dans celui de la Dirigeante et comme si elle avait eu un moment d'absence pendant les dernières minutes, elle se redressa et tira sur sa veste pour retrouver une contenance. Elle regarda brièvement en direction de la psychologue et de Preyston pour leur faire comprendre d'être attentifs et de prendre en note tout ce qui serait nécessaire.

— Qui ça ?

Ash se redressa tant bien que mal.

— Arrêtons de nous prendre pour des imbéciles les uns les autres. On sait, vous savez. On sait que vous savez et vice-versa.

Un semblant de sourire narquois passa sur le visage du Dirigeant.

— Où les avez-vous vu ?

Bingo. L'échange de regard entre les membres de l'Unité fut assez discret pour ne pas être remarqué.

— La première fois dans la Zone 3. Pas la partie interdite.

— C'est XX96-15 qui lui a fait face.

Personne ne releva la mention faite à Noa.

— Puis les autres fois, dans la Zone 7. Mais vous le savez déjà.

— Vous savez ce que vous créez avec le Bannissement ?

— Nous ne créons rien. La déviation est déjà en eux. Depuis qu'ils sont enfants. Elle peut se développer dans la Simulation.

Là, la Dirigeante regarda brièvement L'Arbalète qui la fixait sans ciller.

— Nous ne pouvons pas les garder au sein du Bâtiment et risquer la mise en danger de nos autres membres. Ce qu'ils deviennent dans les Zones interdites ne nous concerne plus.

— Pourquoi ne pas soigner ces déviances ?

— Nous avons des priorités plus importantes. Remettre en état le monde est plus important que des éléments gênants.

— Vous nous avez laissé faire ! Vous nous avez laissé pénétrer dans une Zone interdite.

— Ces quelques jours ont été une mise à l'épreuve. Vous êtes ce que l'on appelle une Unité prometteuse.

— Prometteuse ?

Nouveau silence. Seuls se firent entendre les bruits des stylos sur les feuilles. La psychologue passa cependant plus de temps à fixer les membres de l'Unité, sûrement pour examiner leur façon de réagir et les expressions faciales qu'ils montreraient au cours de l'échange.

— Vous nous avez laissé faire pour que l'on vous débarrasse des Dégénérés. Vous ne les sauvez pas. Vous les jetez dans une ville sans aucun recours et ensuite vous envoyez vos petits soldats pour les tuer.

— Il faut nettoyer les Zones. Vous êtes entraînés pour ça.

— Nettoyer les Zones ? Entraînés pour tuer ? Vous êtes cinglés.

La Dirigeante fit un signe de tête à Ransom qui vint gifler Evie.

— Le respect.

— Cela vous a-t-il dérangé de tuer ces créatures ?

Personne ne répondit, abasourdi par le contenu des paroles des Dirigeants. Ils ne montraient aucun regret à bannir des jeunes déficients au lieu de tenter de les aider grâce à leur technologie. Ils attendaient qu'ils les tuent. « Créatures », ils ne les considéraient même pas comme des êtres humains. L'homme remarqua la réaction que cette dernière question créait au sein de l'Unité.

— Le terme « créature » ne vous convient pas ? Que ressentez-vous à son entente ?

L'Arbalète regarda tour à tour les Dirigeants et la psychologue qui les dévisageait.

— Qu'est-ce que vous cherchez ? Pourquoi nous laisser faire le sale boulot ? Pourquoi ne pas les tuer vous-mêmes directement ? Créer un vaccin mortel ne doit pas être si compliqué non ?

— Et si nous abordions un autre sujet pour changer ?

Changement de sujet total et immédiat. C'était encore une façon de les tester pour guetter leurs réactions, comme aux examens.

— Où est le dernier membre de votre Unité ?

Douze se mordit la lèvre pour ne pas répondre sarcastiquement à la question. Ils n'avaient pas évoqué le sujet pendant la mise au point. Mais d'un regard ils se mirent une nouvelle fois d'accord pour se taire à propos de Noa. Hors de question qu'elle se fasse infliger ça, surtout après avoir tué Joe, ce qui l'avait rendu vulnérable. Ils devaient le subir pour elle, peu importe où elle se trouvait et ce qu'elle faisait. Dépendre les uns des autres. Rien de plus important que la famille.

— Vous comptez vous murer à nouveau dans le silence ?

Aucune réponse.

— Très bien.

Le Dirigeant fit signe aux gardes d'ouvrir la porte. Evie se tourna vers le groupe qui se dirigeait vers la sortie.

— Attendez !

La Dirigeante s'arrêta, pensant peut-être que la brune allait cracher le morceau.

— Vous nous laissez là, encore ?

Déception.

— Pas de coopération, pas de sortie. Je vous l'ai déjà dit mademoiselle. Vous n'êtes pas en position de négocier.

Maxance croisa le regard du Dirigeant. Aucun scrupule. Aucun regret. Aucune émotion.

*

— Je commence à perdre la notion du temps.

Evie se tenait maintenant la tête avec les poings.

— Je suis tellement fatiguée. Ça fait combien de temps ?

— Aucune idée. Au moins vingt-quatre heures. Peut-être plus.

Dans cette pièce, impossible de savoir l'heure ou le moment de la journée. Le temps passait lentement. Ne pas en avoir la notion était déroutant et vu les conditions, il leur était impossible de dormir.

La porte s'ouvrit quelques minutes plus tard. Le Dirigeant, Preyston et deux gardes qui cette fois ne restèrent pas près de la porte mais vinrent se placer, l'un derrière Douze et Evie d'un côté de la table, et l'autre derrière L'Arbalète en face.

— La nuit vous a porté conseil ?

Alors ils venaient bel et bien de passer une première nuit ici. Sur un signe de tête, les gardes retirèrent les chaises pour mettre les jeunes debout et forcèrent Ash et Maxance à se relever à leur tour. La table fut déplacée pour être collée contre le mur au niveau de la vitre sans tain et les membres de l'Unité furent placés en ligne.

— Ça ressemble vaguement à une scène d'exécution.

La référence ne fit rire personne et Douze la regretta amèrement. Le Dirigeant commença à faire les cent pas devant les alignés.

— C'est simple. Vous répondez, l'ambiance reste cordiale. Vous ne répondez pas, je ferai en sorte que vous le fassiez.

— Comment ça ? Vous allez nous menacer de Bannissement ? Pit-

Sans pouvoir terminer, L'Arbalète lâcha un cri quand il se prit un coup de matraque derrière le genou par l'un des gardes, ce qui le fit flancher. Les autres sursautèrent et Evie retint un cri. Le Dirigeant les regarda d'un air satisfait.

— On est d'accord sur le déroulement de l'entretien ?

L'Arbalète se releva tant bien que mal et lança un regard à ses coéquipiers. Ils savaient déjà qu'ils préféreraient prendre des coups que parler.

— Première question, où est XX96-15 ?

— Pas dans cette pièce, ouvrez les yeux. Question suivante.

Douze sourit difficilement quand il se prit à son tour un coup de matraque.

— J'ai demandé de la coopération. Ne me décevez pas.

Il refit un tour en les fixant chacun leur tour avant de s'arrêter à hauteur d'Evie.

— Elle est toujours à l'Extérieur ?

Il fit un pas et s'arrêta devant Ash.

— Dans Detroit ?

Puis il avança jusqu'à Maxance dont le regard ne bougea pas.

— Une autre Zone peut-être ?

Pas de réponse.

— Mmh.

Le Dirigeant leva vaguement la main pour faire un signe en direction des trois membres qu'il venait d'interroger et à leur tour ils se prirent un coup de matraque, dans le tibia cette fois.

— Nous avons remarqué la disparition du signal GPS de ses armes. Elle est plutôt maligne, mais vous avez mis du temps à comprendre.

Il fit une pause pour aller se replacer aux cotés de Preyston devant les membres de l'Unité.

— À moins qu'elle en ait eu connaissance depuis le début et qu'elle ne vous ait rien dit pour pouvoir faire ses petites affaires dans son coin ? Sans vous ?

— Noa n'aurait jamais caché une information de la sorte.

Le Dirigeant sourit en entendant la réponse d'Evie.

— Noa. C'est fou cette habitude ridicule et grotesque que vous avez de vous appeler par vos anciens prénoms. Ce besoin stupide de repères. De vous raccrocher à des détails insignifiants, qui ne représentent rien.

— Nous sommes capables de ressentir des choses. Vous devriez essayer.

— Il y a des priorités. Les sentiments sont pour les faibles. Et...

Il les fixa tour à tour droit dans les yeux.

— Il n'y a pas de place pour les faibles. (Il marqua une pause) Alors reprenons. La voiture que vous avez dégottés a disparu avec elle. Je vais donc reformuler ma question : Où est-elle partie ?

Pas de réponse. Plus de réponse pendant tout le reste de la durée de l'entretien. Les coups de matraques fusèrent et au bout d'un moment les gardes furent obligés de redresser eux-mêmes les membres de l'Unité qui restaient à genoux. Ils ne parvenaient plus à retenir leurs cris de douleur. Ils n'étaient pas entraînés contre la torture.

*

Tous les cinq étaient assis comme ils pouvaient contre le mur. Leurs membres endoloris et engourdis par les coups rendaient toutes positions inconfortables.

— Ash ?

Le garçon grimaça les yeux fermés.

— Son dernier coup a touché l'endroit où j'ai pris la balle. Ça me lance.

— Tu sens toujours ta jambe ?

Il acquiesça tant bien que mal. Maxance, assis tout à droite, se tourna en grimaçant à cause de la douleur qui lui brûlait l'épaule vers les autres.

— Vous pensez qu'il a raison ? Que Noa savait depuis le début ?

Douze sourit malgré sa lèvre écorchée à cause du dernier coup de poing du garde.

— Détends-toi blondinet, il a juste essayé de nous déstabiliser.

— Tu doutes d'un membre de l'Unité ? Tu la soupçonnes de quelque chose ?

Maxance secoua négativement la tête avec ce qui ressemblait à un sourire triste sur le visage. Noa, ainsi que les autres membres, auraient bien été les derniers qu'il aurait fallu soupçonner.

*

La Dirigeante s'accroupit devant les membres de l'Unité d'Élite 9, leurs visages creusés et fatigués. Elle prit le visage de L'Arbalète du bout des doigts pour le redresser. Il grimaça et elle pencha la tête sur la droite en le relâchant avant de faire une moue de chien battu.

— Andrew n'a pas été tendre avec vous ces derniers jours. Mais bonne nouvelle. Vous ne voulez pas coopérer ? Grand bien vous fasse. Des infirmiers vont venir pour essayer de vous (elle mima de vagues gestes circulaires pour les désigner) arranger. Vous allez pouvoir regagner le Bâtiment et reprendre le cours des entraînements et de vos vies à l'exception près que vous allez devoir porter des bracelets électroniques et que des gardes vous surveilleront à chaque instant.

Aucun des membres ne prit la peine de lui répondre.

— Nul besoin de vous préciser qu'à la moindre erreur, les conséquences ne seront pas agréables.

Elle se releva, lissa machinalement son pantalon et s'apprêta à quitter la pièce avant de s'arrêter dans son élan pour les regarder une dernière fois.

— Vous n'êtes pas stupides. Vous vous doutez bien que l'on fait ça uniquement dans le but de vous pousser à bout. Si jamais l'envie vous prend de discuter. Vous n'aurez qu'à le demander.

Son faux sourire sur le visage, elle quitta la pièce et deux infirmiers entrèrent à leur tour avec du matériel médical pour s'occuper des membres de l'Unité pendant que deux ingénieurs venaient à leur suite pour installer les bracelets électroniques à leurs chevilles. Ils n'avaient pas cédé, ils n'avaient rien dit, ils avaient gagné cette partie.

FIN DU FLASH-BACK

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