XVI.
Il me faut attendre que la douleur vive qui me vrille le dos s'amenuise légèrement avant de me relever.
Un promeneur tardif pouvant à tout moment déambuler dans cette rue et m'y découvrir, je ne dois pas m'attarder en ces lieux. Si quiconque alerte les pompiers ou les gendarmes en me trouvant dans cet état, cela engendrera alors des questions sur mon agresseur auxquelles je ne peux me résoudre à répondre.
J'éprouve de grosses difficultés à me remettre sur pied. La tâche est des plus pénibles puisque chaque mouvement me fait abominablement mal. À tel point que je ne peux réprimer les gémissements qui accompagnent ma douleur.
Quand je parviens enfin à me redresser, je ramasse mon portefeuille désormais dénué d'argent qui repose sur le sol.
D'un geste nerveux, j'essuie mon visage humide de larme et de salive avec la manche de mon pull. Je m'aperçois après ce passage que le tissu blanc souillé de terre ressort légèrement imbibé de sang. La gifle que j'ai reçue a apparemment laissé plus qu'une ecchymose sensible.
Pourtant à ce moment précis, je suis trop dépassé par les évènements pour présumer de la gravité de mes blessures. Dans l'immédiat, je fais le choix de me traîner misérablement jusqu'à la colocation pour me mettre en sécurité.
La perspective d'affronter ses habitants et leurs interrogations m'angoisse au plus haut point, mais je n'ai nul autre endroit où me rendre.
Ce lieu est mon seul refuge.
Le périple pour me mener à l'appartement est des plus laborieux. Une fois à destination, je me force à étouffer mes lamentations en me couvrant la bouche le temps de claudiquer jusqu'à ma chambre.
Prêt à calomnier sur l'auteur de mes lésions, je me faufile dans la pièce obscure où par chance le brun dort paisiblement.
Prudemment, j'attrape des vêtements de rechange. Malgré mes précautions, une fébrile plainte s'échappe de mes lèvres qui fait instantanément réagir le latino. Soit il a l'ouïe hyper développée, soit il est dans une phase de sommeil léger, car je l'entends d'emblée se mouvoir dans le lit.
Bien que tout juste réveillé et probablement comateux, Elio actionne l'interrupteur de la lampe de chevet qui m'éblouit pendant une seconde. Un bâillement sonore brise le silence environnant, mais se suspend soudain pour laisser place à un glapissement d'effroi.
— C'est du sang sur ton pull ?
La panique qui marque la voix de mon colocataire est des plus palpable.
— Je... Euh...
Je n'ai pas le temps de bredouiller davantage que j'entends le latino s'expulser du lit. Je me retourne brusquement malgré la douleur que ce mouvement engendre chez moi, pour lui faire face et de la main je lui intime de ne pas m'approcher.
Ses grands yeux clairs s'arrondissent, tandis qu'une grimace d'horreur déforme son visage affolé. Le brun qui respecte d'ordinaire toutes mes suppliques n'obéit cependant pas à celle-ci.
Il se rue sur moi et envahit mon espace vital pour soulever mon sweat et mon tee-shirt.
Surpris par cette intrusion, je l'en empêche en le repoussant avec le peu de force dont je suis pourvu à cet instant.
— Ne me touche pas, hurlé-je pour accentuer mes dires.
Bien que je le pense convaincu de se conformer à ma requête, il me prouve qu'il n'en est rien, puisqu'il revient à la charge en attrapant sans brusquerie mon visage entre ses mains.
— Mais qu'est-ce qui t'est arrivé, Noa ?
— Je dois me doucher. Lâche-moi, je t'en prie, supplié-je.
— Tu dois d'abord me laisser regarder si c'est grave, déclare mon cohabitant en pointant du doigt mon sweat ensanglanté.
Sa préoccupation principale est d'examiner mes plaies.
Pour ma part, c'est d'effacer au plus vite toute trace de cette odeur âcre se dégageant de mes vêtements, qui m'écœure sans doute autant qu'elle dégoûte le latino.
Pour une raison que je ne saurais justifier, m'imaginer que le brun me trouve répugnant d'avoir uriné dans mon pantalon me brise totalement le cœur et explique mon insistance pour prendre la direction de la salle de bain.
— Je veux me doucher d'abord, murmuré-je au bord des larmes.
Je ne sais si mon colocataire comprend d'où vient mon entêtement ou s'il cède simplement à ma doléance, mais il me libère finalement et me laisse sortir de la chambre en boitant.
Mon reflet dans le miroir me confirme que la claque que j'ai reçue n'est pas sans répercussion. Ma joue et mon dessous d'œil ont pris une teinte rouge violacé qui s'intensifiera au fil des heures.
Le sang qui s'est déposé sur mon sweat quand j'ai essuyé mon visage antérieurement, lui provient de ma lèvre qui est légèrement fendue.
Je me dépouille de mes vêtements sales, que je mets immédiatement à laver. Lorsque je me glisse sous la douche, je règle le jet aussi faiblement que possible et le passe dans mon dos malgré la souffrance que cela provoque en moi.
Je m'appuie contre une des parois pour m'éviter une éventuelle chute, tandis que l'eau qui s'écoule dans le siphon prend une teinte rosée.
Lorsque je quitte les lieux bien longtemps plus tard, propre et habillé, je suis surpris de trouver Elio par terre devant la porte à m'attendre.
Aussitôt qu'il me voit, il se lève et me talonne pendant que nous retournons doucement dans la chambre, dans laquelle sont désormais étalés des produits de premiers secours sur le lit.
— Assieds-toi, me déclare le brun avec une autorité que je ne lui connais pas.
Je m'exécute alors qu'il continue :
— Enlève ton haut.
Je ne peux pas. Je ne suis pas prêt pour ça... Je baisse la tête, silencieux, alors que mon colocataire reprend :
— Que tu ne veuilles pas me dire ce qui s'est passé, c'est une chose, mais que tu ne me laisses pas t'aider à te soigner c'est hors de question. Enlève-moi ça, lance-t-il en pointant mon pull propre du doigt.
Comme je reste statufié, le latino se place devant moi et tire sur le vêtement pour me l'ôter. Bien que mal à l'aise, je le laisse emporter dans un geste délicat la première couche de mes habits. Au moment où il s'attaque à mon tee-shirt, je ne suis pas aussi docile et l'en empêche. Pourtant je suis conscient que je ne m'en sortirais pas à si bon compte cette fois-ci, alors je murmure :
— Je le retire à une seule condition.
— Laquelle ? me demande aussitôt le brun.
— Tu n'as pas le droit de poser la moindre question.
— Accordé, répond-il sans même y réfléchir une seconde, avant de s'empresser maintenant qu'il a mon approbation de me dépouiller du vêtement.
Aussitôt qu'il me l'a ôté, il me prend par les épaules et me fait pivoter pour examiner mes blessures.
Le cri étouffé qui lui échappe alors qu'il a une vision complète sur mon dos nu pour la première fois, m'informe qu'il ne s'attendait pas une seconde à voir ce qu'il vient de découvrir.
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