XIV.

À mon réveil, c'est sans surprise que j'ai troqué mon ivresse de la veille contre une migraine abominable. Néanmoins pour le moment, ce n'est pas ma plus grande préoccupation. Mon attention est accaparée par l'odeur douteuse qui a imprégné la chambre. Paniqué, je regarde dans tous les coins, sans trouver la moindre trace de régurgitation. Je pourrais penser que l'effluve qui plane dans l'air n'est pas le fruit de mon dû, mais ma bouche pâteuse et le goût nauséabond qui s'en dégage ne laisse aucune place à l'équivoque.

D'ailleurs, le seau propre qui est posé près du lit est un indice de plus que j'ai été malade cette nuit, bien que je n'en ai aucun souvenir.

Dès que j'ai fait disparaître ce mélange atroce d'alcool et de vomis qui a imprégné mon palais, je me mets à la recherche de mon colocataire dans l'optique de lui demander pardon pour la gêne occasionnée.

Après vérification, je réalise que celui-ci a déjà déserté l'appartement. Tout le salon est rangé et je n'ose imaginer la carence de sommeil qu'a accumulée le brun à cause de tous ces désagréments.

Chaque seconde de cette journée semble durer des heures, alors que ma migraine tout comme ma fatigue dévastatrice ne me laissent aucun répit.

Je manque d'ailleurs de m'endormir à plusieurs reprises et je suis au bord de l'agonie à chaque fois que les micros des professeurs grésillent à me vriller les tympans.

L'expectative de croiser Millie si j'écourte mon emploi du temps est l'unique motivation qui m'encourage à ne pas regagner la colocation pour me recoucher.

Quand enfin je suis libéré de mes obligations du jour, c'est à la hâte que je rentre dans le logement. Sans la moindre hésitation, je me dirige vers la chambre. Les rideaux sont tirés et en dépit des rayons du soleil qui filtrent légèrement à travers eux, il fait plutôt sombre dans la pièce.

La masse qui est emmitouflée sous la couverture me prouve qu'Elio est lui aussi complètement épuisé.

Je me déleste de mon sweat et en douceur, je me glisse à mon tour près du latino.

Le sachant endormi, je me laisse aller à l'envie de me tourner dans sa direction et d'ainsi avoir malgré la semi-obscurité, une vision assez globale de son dos nu et bronzé. J'inspecte silencieux cette parcelle de peau. J'en contemple sa courbure, sa musculature, son grain, sa couleur altérée par l'insuffisante luminosité. J'ai l'impression d'être hypnotisé, incapable de soustraire mes yeux de ce qui n'est pourtant qu'un fragment d'épiderme que je trouve bien trop plaisant à admirer.

L'arrivée du samedi soir signe la fin de ma première journée de vacances facultaires. Cette dernière semaine de cours s'est écoulée sans encombre.

J'ai eu l'occasion de demander pardon au brun pour mon état du week-end précédent, mais c'est avec un bref :

— Tu n'as pas à t'excuser pour si peu p'tit gars, qu'il m'a empêché de m'appesantir plus longtemps sur le sujet.

Le sourire qui a accompagné cette phrase a légitimé la sincérité de ces dires, mais depuis je m'évertue à ne pas l'ennuyer et à me faire discret.

Nerveux, tandis qu'une fois de plus je suis seul dans la boutique qui est en cette fin de journée peu fréquentée, je fixe les portes automatiques redoutant la visite tant appréhendée de mon paternel.

Elio et Kiara se sont pourtant tous deux portés volontaires pour venir me récupérer après mon service, ce qui aurait pu apaiser mes craintes, mais je me suis senti forcé de décliner leurs offres respectives.

En ce qui concerne mon amie, je ne voulais pas gâcher cette soirée du samedi qu'elle priorise pour son compagnon. Quant au latino, je n'aspirais pas à lui être redevable plus que je ne le suis déjà.

D'ailleurs quelques heures plus tard sur le chemin du retour, je me félicite de n'avoir dérangé aucun des deux, n'ayant à déplorer aucune visite indésirable.

J'avance dans la rue sombre, savourant la température douce de ce début de nuit printanière.

Cependant au bout de quelques minutes à peine, une peur vicieuse s'insinue à mesure que je progresse sur la route pavée. Mes poils se hérissent et mon palpitant s'accélère considérablement sans que je ne sache ce qui provoque chez moi ce départ d'anxiété.

J'active mes sens qui n'étaient jusque là pas en alerte. Il ne me faut que très peu de temps pour assimiler ce que mon corps avait déjà perçu avant mon cerveau. Il y a quelqu'un qui me talonne.

Malgré l'incertitude de l'identité de mon poursuivant, je devrais me mettre à courir. Pourtant je suis victime d'un symptôme de terreur, que je ne peux résolument pas contrer, la paralysie. Incapable de ne serait-ce faire un pas de plus, avant de m'être assuré que je n'ai pas rêvé ces pas, je me retourne fébrile.

Un soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres quand je réalise qu'en fait la rue est bel et bien déserte. Immédiatement, je retrouve l'usage de mes jambes temporairement perdu.

Reprenant ma route apaisé, je suis à nouveau stoppé dans mon élan, quand une voix provenant d'une ruelle adjacente gronde :

— Hé oui gamin, tu aurais dû saisir ta chance pendant que tu en avais l'occasion.

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