XI.
Mes yeux ne m'obéissent plus et se ferment sans mon consentement.
Heureusement, mon retour dans l'appartement signe la fin de toutes mes obligations du week-end. L'accumulation de fatigue associée à une légère anémie a rendu les huit heures de travail que je viens d'achever difficilement supportables, tout comme le trajet pour rentrer en ces lieux m'a semblé bien laborieux.
La seule motivation qui m'a fait endurer cette journée était la perspective de pouvoir m'adonner à un plaisir rare : une sieste.
En début de matinée, lorsque j'ai quitté la cohabitation épuisé, toute la maisonnée était encore endormie.
En ce début de soirée, pas un bruit n'est perceptible dans l'appartement. Je ne sais pas si mes colocataires sont présents, mais je n'ai pas le courage de m'appesantir sur le sujet.
Gardant en vue mon objectif premier, je me dirige vers ma chambre que je trouve déserte. C'est sans plus attendre que je m'allonge sur le lit et me laisse aussitôt bercer par le silence environnant.
Lorsque la douce odeur boisée qui a imprégné l'oreiller du brun éveille délicatement mon olfaction, je m'abandonne sereinement dans les bras de Morphée en sombrant dans une léthargie paisible et sans cauchemar.
C'est bien des heures plus tard que j'émerge à nouveau.
Transpirant, je repousse la couette dans laquelle je suis emmitouflé, bien que je n'aie pas le souvenir de l'avoir placée sur moi avant mon endormissement.
Même si cette sieste n'a pas soldé ma dette de sommeil, elle a eu le mérite de l'amenuiser légèrement. C'est bien plus en forme que je quitte ma chambre à coucher.
Désormais, l'appartement est animé par des discussions sonores. Les voix de Millie et Alix surplombent joyeusement celle du brun.
Après mon bref passage à la salle de bain, je me décide à faire face à mes colocataires et leur invitée.
Lorsque j'arrive au seuil du salon, mon regard se pose d'emblée sur un nombre conséquent de bouteilles d'alcool qui jonchent la table. Je me stoppe immédiatement et m'apprête à faire demi-tour, renonçant à me joindre à eux, mais c'est sans compter sur Alix qui m'apostrophe gaiement quand elle m'aperçoit du coin de l'œil :
— Oh Noa. Viens donc boire un verre avec nous.
À peine ces quelques mots prononcés, deux yeux soucieux se plantent dans les miens et me détaillent avec intensité.
Je me sens minable que la première chose que j'inspire au brun qui me voit pour la première fois depuis la veille, soit de l'inquiétude.
L'envie profonde de restaurer la piteuse image que le latino s'est faite de moi m'empêche de fuir à nouveau.
Un sourire forcé aux lèvres, j'avance pour me joindre au petit groupe.
Alix qui se sert un breuvage beaucoup trop corsé pour une veille de semaine en verse un second, qu'elle glisse vers moi.
Doucement, je repousse le verre offert en déclarant poliment pour ne pas froisser la fiancée de mon colocataire :
— Non merci. Je ne bois pas.
La petite amie d'Elio qui caresse l'avant-bras de celui-ci me demande surprise :
— Quoi ? Tu ne vas pas avaler une goutte ?
— Non, je ne préfère pas, réponds-je sûr de moi.
— À toi de voir, n'insiste pas Alix, qui continue à toucher le latino du bout des doigts.
Pendant ce temps, Millie silencieuse, louche sur la main manucurée de la brune, qu'elle a l'air de vouloir briser par la simple force de la pensée.
Discrètement, j'inspecte du coin de l'œil Elio qui sirote une bière en scrollant négligemment sur son téléphone.
Alix, qui elle est légèrement éméchée se sent d'humeur bavarde. Apparemment, son côté pompette-pipelette m'est réservé, car elle s'adresse de nouveau à moi :
— Alors Noa, je n'ai pas encore fait ta connaissance, parle-moi de toi.
Pris au dépourvu, je lance embarrassé :
— Je... Euh...
Je n'ai pas le temps de trouver mes mots qu'Elio qui abandonne son smartphone des yeux intervient vraisemblablement las :
— Il vient de rentrer de son travail, lâche-le un peu.
Avant qu'Alix ne puisse lui répondre, le latino reçoit un appel qu'il prend en quittant les lieux.
— Hé bien, mon homme te défend drôlement. Je vais finir par être jalouse. Allez trinque avec nous, renchérit la jeune femme en glissant de nouveau vers moi le verre d'alcool que j'ai repoussé antérieurement.
— Non merci, insisté-je paniqué de ne pas réussir à faire entendre ma voix..
— Arrête de jouer les tordus. Comment veux-tu qu'on t'apprécie alors que tu ne sais pas aligner trois mots et que tu ne daignes pas t'acclimater même en soirée ? gronde Millie en me lançant un regard oblique.
Surpris que la blonde s'adresse à moi avec tant de véhémence, je me décompose littéralement. La fiancée du brun qui doit s'apercevoir qu'une brèche est ouverte ajoute pour me convaincre :
— C'est vrai, allez bois un coup ça te détendra, en plus l'alcool est un bon désinhibiteur. On pourra discuter plus librement après ça.
L'idée d'avaler la moindre goutte me répugne, autant qu'elle m'effraie. Je me suis toujours promis que je ne trahirais pas ce choix que j'ai fait de ne jamais toucher à ce liquide grisant qui révèle certaines des mauvaises facettes de ceux qui l'absorbent.
Pourtant la phrase de Millie se répercute en moi comme un boomerang. Je ne veux pas être étrange aux yeux des autres, surtout pas à ceux d'Elio.
Lui aussi trouve-t-il ridicule qu'à mon âge je ne me sois jamais enivré ? Pense-t-il que je suis tordu comme vient de me le dire son amie ?
Peut-être que ce liquide grisant m'aiderait vraiment à me sociabiliser un peu et détendrait mes nerfs à fleur de peau.
Sans y réfléchir plus longuement, j'attrape le gobelet rempli d'un mélange composé de vodka et de jus de fruits et l'ingurgite d'une traite.
La mixture a un goût atroce et brûle ma gorge, me faisant suffoquer quelques secondes. Cela amuse beaucoup le duo féminin qui se moque ouvertement de ma réaction.
À peine me suis-je remis de mes émotions que je suis resservi par Alix qui lance en levant son propre verre plein :
— Cul sec Noa.
Me laissant entraîner une fois encore, je consomme de nouveau, déraisonnablement et beaucoup trop vite, plusieurs cocktails d'affilée.
En considérant que je n'ai jamais bu une goutte de ma vie, mon exagération est imprudente.
Il ne me faut attendre que très peu pour ressentir les prémices du début d'ivresse.
Elio ressurgit alors que je repousse un énième mélange alcoolisé qui vient d'apparaître devant mes yeux, incapable de l'avaler.
La fiancée de celui-ci l'interroge alors qu'il se réinstalle autour de la table :
— C'était qui ?
— C'était ma mère. Elle voulait savoir si je revenais passer quelques jours avec elle et mon père pendant nos prochaines vacances, lui explique immédiatement le latino.
— Que lui as-tu répondu ? s'informe de nouveau la brune.
— Que je n'avais pas encore décidé, affirme t'il en attrapant sa bière qu'il fait glisser à plusieurs reprises entre ses doigts.
— La mienne m'a appelé elle aussi, mais je n'ai vraiment pas envie d'aller m'enterrer en pleine campagne pour me taper les réunions de famille interminables, alors je lui ai dit que je devais me concentrer exclusivement sur mes partiels. C'est passé comme une lettre à la poste, je vais enfin pouvoir profiter de mes vacances loin de mes vieux.
Sans que je ne puisse comprendre ce qui m'arrive, une extrême tristesse s'immisce vicieusement en moi, en entendant la discussion qu'échangent les deux amoureux.
S'ils savaient la chance qu'ils ont de pouvoir vivre des moments heureux avec leur entourage. J'adorerais être à leur place.
— J'hésite aussi à....
Le brun qui continue sa conversation avec sa fiancée s'interrompt soudain, puis s'affole alors qu'il pose les yeux sur moi :
— Mon Dieu, Noa, pourquoi pleures-tu ?
— Oh, non. Je... Pardon, bégayé-je en réalisant, après avoir touché mes joues humides, que celles-ci étaient baignées de larmes.
— Bordel, ne me dis pas qu'il a l'alcool triste en plus celui-là, se fâche immédiatement Millie avant de darder sur moi un regard répugné.
_____ Hello _____
J'espère que ce chapitre n'était pas trop ennuyeux. Il était nécessaire pour entrer dans le suivant, qui lui me plaît beaucoup. À bientôt pour de nouvelles aventures.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top