X.
Les quelques mètres qui me séparent de la colocation me paraissent interminables à parcourir. L'inquiétude irraisonnée de voir surgir mon père d'un instant à l'autre sur ma route me fait opter pour un retour vers mon nouvel habitat au pas de course, à la limite du sprint.
Ce rythme n'est pas en corrélation avec la faible capacité physique dont je suis pourvu, mais la peur m'oblige à passer outre mon épuisement. Ce n'est qu'en franchissant le seuil de l'appartement plongé dans le noir, pantelant et tremblant de toute part, que je m'autorise à reprendre ma respiration.
Le temps de retrouver mes esprits, je me laisse choir à terre sans la moindre retenue. Lorsque je suis sur le point de m'endormir à même le sol, malgré l'inconfort de cette position, je saisis à bras le corps le peu d'énergie qu'il me reste pour me relever.
À pas feutrés, je rejoins le couloir qui mène à la chambre à coucher. Du petit interstice de la porte close émane une légère lueur qui anéantit l'espoir que j'avais de ne pas croiser le latino dans un tel état de vulnérabilité.
Pendant de longues secondes, je demeure statique à l'extérieur à anticiper la brève conversation que nous risquons d'avoir une fois que je serai entré.
Elio, qui est étendu sur le lit, abandonne le téléviseur du regard au moment où je me faufile dans la pièce. Par chance, le faible faisceau de lumière qui provient de l'écran rend mes expressions faciales, que je ne suis pas certain de gérer convenablement, imperceptibles aux yeux du brun.
— Ça s'est bien passé ? m'interroge mon colocataire, alors que je m'avance vers la commode où sont rangées mes affaires.
— Oui, soufflé-je sans la moindre hésitation.
Pressé de me glisser sous une douche pour éliminer les effluves de vomis et de transpiration qui suintent de mon corps poisseux, je fouille frénétiquement dans mon tiroir en quête d'un caleçon et d'un tee-shirt propre.
Le Latino, sans doute dans l'optique de me simplifier la tâche, actionne l'interrupteur du plafonnier. La lumière qui jaillit m'éblouit le temps d'une seconde, mais est effectivement une bonne alliée pour accélérer mes recherches.
Une fois mes vêtements en main, je m'éloigne du meuble pour me diriger vers la sortie. Je suis stoppé dans mon élan par mon téléphone qui vibre, attirant mon attention vers la table de chevet sur laquelle il repose.
— Tu devrais répondre, il n'arrête pas de sonner depuis tout à l'heure. C'est sans doute urgent.
Inconsciemment, mes yeux dérivent vers le brun qui s'adresse à moi. Quand nos regards se croisent, le visage du Latino passe d'impassible à livide. Après quelques secondes durant lesquelles il semble interloqué, Elio expulse son corps robuste du lit pour venir me surplomber de toute sa hauteur.
Le doigt qui glisse sous mon menton me prend tellement au dépourvu que je ne cherche pas à lutter lorsqu'il effectue une légère pression pour me contraindre à relever la tête.
Une fois que mon colocataire a une vue complète sur mon visage, nous nous retrouvons les yeux dans les yeux. Du regard, le latino me pose une question muette à laquelle il n'obtient aucune réponse, alors il finit par me l'énoncer verbalement :
— Tu es sûr que tout va bien ?
— Bien sûr, pourquoi ça n'irait pas ? répliqué-je aussitôt, mal à l'aise d'être ainsi analysé par deux pupilles claires.
Mon malaise s'intensifie lorsque le pouce du brun qui maintenait une légère pression sous ma mâchoire, s'évade pour se déposer au coin de mon œil qui se ferme impulsivement sous son contact.
Ce même doigt que je sens glisser dans un effleurement délicat jusqu'à la commissure de mes lèvres me trouble énormément. Tout comme la douce flagrance boisée qui émane du corps de mon colocataire, au point que je m'oblige à me reculer violemment pour m'en soustraire.
Lorsque je soulève de nouveau mes paupières, je vois que le Latino observe sa main sous toutes les coutures comme si elle était un élément nouveau de son anatomie.
— Tu avais une larme qui coulait, balbutie celui qui paraît justifier son geste plus pour lui que pour moi-même.
— Je... Je... Je vais me doucher, dis-je entre deux respirations saccadées, en m'élançant vers la sortie d'un pas mal assuré.
Une fois enfermé dans la salle de bain, je réprime une lamentation lorsque je fais face au miroir. Mes yeux bouffis, mon nez morveux et ma chevelure imbibée de transpiration déforment mes traits.
Le temps que mon cœur, qui s'évertue à battre à la chamade sans que ce ne soit dû à ma précédente course folle se calme, je reste accoudé au lavabo à dévisager ce reflet difforme.
Quand mon rythme cardiaque reprend enfin une cadence normale, je me dépouille de mes vêtements pour me glisser sous la douche. Je passe de longues minutes sous l'eau tiède à effacer les stigmates de cette soirée désastreuse.
Épuisé, je finis par retourner dans la chambre qui est cette fois plongée dans le noir complet.
Soulagé de ne pas avoir à nouveau à faire face au brun, je tâtonne jusqu'à mon côté de lit pour me coucher à mon tour.
Peinant à trouver le sommeil, je n'ose pourtant pas bouger de peur de déranger le latino que je pense endormi.
Cependant, la voix de celui-ci qui résonne brise le silence quand il finit par me murmurer :
— Rien de grave ne s'est passé, n'est-ce pas ?
— Rien de grave ne s'est passé, mens-je avec le peu d'assurance que je suis encore capable de lui servir.
— Si tu veux en parler, n'hésite pas... Bonne nuit p'tit gars, déclare mon colocataire doucement.
— Bonne nuit, lancé-je à mon tour le cœur battant beaucoup trop vite une fois de plus.
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