VII.
Kiara, au risque de se mettre en retard, prend de son temps précieux pour s'assurer que je suis totalement apaisé avant de s'esquiver dans sa chambre.
Quant à Millie, je ne sais si c'est son application à se préparer ou son désir de ne pas nous faire face qui est à l'origine de son interminable claustration, mais elle ne réapparaît pas avant que j'aie moi-même quitté l'appartement.
Je n'ai désormais plus que quelques minutes de marche à faire pour arriver devant la faculté dans laquelle je suis mon cursus universitaire, ce qui est fort appréciable.
Rendu à destination, je contourne les groupes d'étudiants qui s'amassent devant les édifices principaux.
Je m'apprête à tirer sur la porte battante du bâtiment que je dois rejoindre, quand une main se pose sur mon épaule.
La surprise provoque chez moi un réflexe d'autoprotection incontrôlé. Je ne suis pas à l'aise avec les contacts physiques et les évite autant que faire se peut, mais ceux qui sont inopinés et de fait inéluctables me mettent immédiatement sur la défensive.
Ma vie durant, ma réputation d'enfant sauvage m'a précédé. C'est sur cette base que mes camarades de classe ont commencé dès mon plus jeune âge à m'ignorer consciencieusement. Ceux qui osaient s'approcher prenaient très vite la fuite quand je disposais mes mains en bouclier pour me défendre, lorsque leurs mouvements en ma présence étaient un peu trop brusques. Désormais, en tant qu'adultes en études supérieures, les gens ne se préoccupent plus de ce genre de rumeur et tentent de temps en temps de créer des liens avec moi. Cela me place parfois dans des situations délicates, comme c'est justement le cas actuellement.
Mon sac glisse au sol dans un fracas assourdissant, quand je me retourne sur mes gardes, pour faire face à mon assaillant. Dès que je réalise que le regard féminin qui me scrute n'est pas un danger pour moi, je laisse retomber mollement mes membres le long de mon corps.
— Désolée, je ne voulais pas te faire peur, se défend immédiatement la petite rousse qui me semble légèrement familière, sans que je puisse remettre son visage dans un contexte particulier.
— Je... Je n'ai pas eu peur, j'étais plongé dans mes pensées. J'ai juste été surpris, me hâte-je de mentir.
La jeune femme qui accepte mes dires docilement se met alors à fouiller dans ses poches. Elle en sort un jeu de clés duquel pend une breloque, qu'elle me tend.
Voyant que je ne m'en saisis pas, elle me demande interloquée :
— Elles ne sont pas à toi ?
D'un signe de tête, je lui signifie qu'elles ne m'appartiennent pas.
— J'ai cru que c'était les tiennes. Je les ai découvertes près de ta place dans l'amphi où nous avions cours hier.
Les explications qu'elle me donne éclaircissent au moins mon impression de l'avoir déjà vue. Nous avons un enseignement, peut-être plusieurs, en commun.
— Je vais aller les déposer aux objets trouvés, continue la jeune femme qui se baisse pour ramasser mon sac que j'ai laissé choir au sol.
Je le récupère à la hâte en la remerciant et me retourne pour reprendre mon ascension, mais alors que j'ouvre à nouveau la porte battante, la petite rousse s'adresse de nouveau à moi :
— Je m'appelle Ambre, au fait.
Je regarde par-dessus mon épaule et réponds par pure politesse :
— Moi, c'est... Noa. Je dois y aller.
— Ah, euh oui bien sûr, à la prochaine Noa.
Je ne perds pas une seconde pour m'évader lorsqu'elle m'en donne finalement l'opportunité et rejoins enfin ma destination. Une fois installé, je souffle bruyamment pour relâcher toute la pression qui s'est accumulée en moi. Tout cet enchevêtrement d'émotions depuis mon réveil m'a déjà énormément fatigué. Au moins, je sais que pendant les heures à venir, rien ni personne ne viendra perturber ma tranquillité. Ce ne sont pas les enseignements que j'apprends en cours qui me font tant apprécier l'école, mais plutôt l'accalmie que cela offre à mes journées. C'est ce qui a été un vrai moteur dans ma vie pour que j'aille si loin dans mes études.
Lorsque je sors définitivement de la faculté, en début de soirée, je suis épuisé et complètement affamé.
Je dévie de mon itinéraire originel pour me rendre à la petite supérette où je travaille à temps partiel le week-end. Un ravitaillement en nourriture et en produits de première nécessité étant indispensable au bon développement de mon quotidien en colocation, je ne peux pas me soustraire à la tâche.
Je fais des courses raisonnables en me contentant du moins cher. Je ne m'octroie aucun plaisir gustatif et me focalise seulement sur l'essentiel.
Par automatisme, je me dirige vers le rayon des liquides et tends le bras vers une bouteille de whisky pour m'en emparer.
Quand je prends conscience de mon geste et que je le stoppe, c'est avec un grand soulagement que je repousse cette bouteille qui ne fera pas de moi ce soir la victime de la folie de mon père.
______Bonsoir ou bonjour d'ailleurs_______
J'ai bien conscience que mes petits chapitres ne sont pas vraiment palpitants, mais ils sont nécessaires pour appréhender l'état psychologique de Noa. Je veux qu'on voie clairement la guérison qui s'opérera au fur et à mesure de mon histoire sur mon personnage et pour se faire, je veux que vous compreniez à quel point il est dévasté pour le moment.
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