Chapitre 8

"Allez viens ! Je sais où tu peux te cacher !"

Lev avait l'air de prendre ce jeu très au sérieux. Tant mieux pour moi. Le petit garçon me prit la main et commença à courir. Il me fit traverser des dizaines de pièces, toutes plus luxueuses les unes que les autres, faisant sans cesse des détours pour éviter de croiser ses domestiques. Si quelqu'un nous voyait, j'étais fichue. Ils allaient me dénoncer, et je devrais retourner dans cette "prison". Tout sauf ça. Je ne voulais plus jamais y retourner.

"Il faut qu'on monte ces escaliers, et ensuite on sera arrivés!"

La voix enfantine m'avait sortie de mes réflexions.
Nous montions les marches tandis qu'il continuait encore et encore à me parler. Je ne l'écoutais même plus. J'essayais de me concentrer sur ce que j'allais faire. Je n'arrivais pas à comprendre ce qu'il fallait que je fasse. Tout ce que je savais, c'était que je m'étais fourrée dans un énorme problème.

Nous étions arrivés. L'enfant m'avait ouvert la porte du "grenier" comme il l'appelait. Sauf que cette pièce n'avait rien de cela. Elle était aussi grande que la moitié de mon ancien appartement. Une baie vitrée en couvrait un pan entier, et donnait sur la grand-place.
La chambre était très ordonnée. D'un côté, il y avait un grand lit noir et un bureau en verre, où s'entassaient des dizaines de feuilles.
De l'autre côté, un monticule de carton couvrait tout le mur beige.
Enfin, le mur restant étaient composés de placards, d'où ne dépassait qu'une immense télévision.

"C'est ça, ton grenier ? On dirait plutôt une chambre encore habitée, dis-je étonnée.

- C'est l'ancienne chambre de mon frère. Il a fugué il y a 5 ans. On a rangé ses affaires mais nous n'avons pas eu le courage de les enlever.
Je n'ai pas envie d'en parler Niro."

Il avait baissé la tête, mais j'avais pu voir des perles briller au coin de ses yeux.

"Je suis désolée Lev."

Je m'étais accroupie pour le prendre dans mes bras. Au final, quelque chose nous rassemblait. Nous avions tout deux perdu un, voire plusieurs, êtres chers.
Après quelques minutes, il sembla avoir retrouvé sa bonne humeur.

"Donc tu vas rester ici ! Et ne t'inquiète pas, nous ne venons plus dans cette chambre, tu seras tranquille.

- Merci. Je suis sûre que tu vas arriver à gagner ma surprise ! Mais il faut que tu fasses bien attention...

- Oui oui j'ai bien compris ! Je t'amènerais tout les soirs à manger ! Et si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n'auras qu'à demander !

- C'est parfait !"

Il était vraiment gentil. Je ne pensais pas qu'un riche puisse l'être à ce point. Malgré tout, je restais quand même sur mes gardes. Je ne pouvais pas prendre le moindre risque.

"Au fait, est-ce que je peux te demander ce que tu faisais chez moi ? Pourquoi es-tu venue ?"

Son air candide montrait bien qu'il n'y avait aucun "soupçon" dans sa voix. Juste de la curiosité. Mais que pouvais-je bien répondre ?

"Et bien... C'est un secret ! Si je te le dis, tu ne pourras pas avoir ta grande surprise, bafouillais-je maladroitement."

Il devait sûrement avoir senti mon hésitation, mais n'en laissa rien paraître.

"Oh d'accord... Dans ce cas, ne me dis rien ! Bon, je pense que je vais te laisser te reposer, tu as l'air très fatiguée! Si tu veux, il y a une salle de bain juste ici, me dit-il en désignant une porte que je n'avais même pas vue. Cela va te changer de ta misérable vie !"

Il avait dit ces derniers mots en rigolant. Un rire totalement condescendant. Une fois de plus, ça m'avait refroidie quand à ma gentillesse envers lui.
Je ne devais pas le laisser m'amadouer avec son innocence.

"Oh oui, pas tant que ça, mais bon... lui répliquais-je avec mon plus grand sourire. Merci pour tout, et à tout à l'heure !

- À tout à l'heure... me répondit-il en fermant la porte.

-Lev attends! m'exclamais-je tout à coup."

Je venais de penser à quelque chose de très important.

"Oui ?

-Est-ce que tu as testé la mise à jour du R.L.S, celle du mois dernier ?

- Non je n'ai pas pu, me répondit-il dépité. Mes parents m'ont interdit d'y rejouer suite à mon accident dedans il y a trois ans."

J'étais d'un coup plus rassurée.

"Tant mieux. Promets moi que tu les écouteras et que tu n'y joueras pas.

-Mais...

-Promets le, dis-je d'un ton ferme et sans appel.

-D'accord, je te le promets. Maintenant je dois y aller, à tout à l'heure !"

Il sortit, et je me sentais bien plus rassurée à présent. Je ne savais pas pourquoi, mais je ne voulais pas qu'il soit victime de ce virus. Après tout, il n'avait rien fait, il ne méritait pas ça. Même si j'ignorais presque totalement ses conséquences...

Bon. À présent, il fallait trouver un plan.

Trois jours avaient passés depuis mon arrivée dans cette maison. Tout les soirs, l'enfant m'avait apporté un énorme plat rempli de victuailles. Je ne lui avais pas dit, mais c'était autant, en seulement deux fois, que tout ce que j'avais eu presque trois semaines de ma captivité. Et pourtant, il m'assurait que ce n'était qu'une minuscule partie de leurs repas, et s'il ne me l'avait pas donnée, cette nourriture aurait été jetée.
Décidément, les riches me répugnaient. En soi, je n'avais rien contre Levo : on lui avait bourré le crâne dès sa naissance. Mais les autres, ceux qui lui inculcaient ces principes, les dirigeants conscients de la réalité et de leurs actes, eux m'inspiraient une profonde haine.

Mon passe-temps favori était de regarder la place à travers la vitre sans tain. Je voyais la foule qui déambulait, mélange varié de tons et de teintes, qui se bousculait sans jamais se toucher de trop près. J'avais remarqué que personne ne faisait un pas vers ces autres inconnus. Ils restaient à discuter en petits groupes et ne parlaient pas à autres personnes. Il y avait comme un léger air de méfiance.

Etrange.

Je détournais mon regard, pour observer la pièce devant moi. Je ne savais pas trop quoi faire. La grande télévision me faisait face. Je ne l'avais pas mise en marche depuis que j'étais arrivée. Je n'avais pas forcément eu envie de savoir ce qui se passait, quels changements étaient en oeuvre. Pourtant, aujourd'hui, je sentais qu'il fallait que j'arrête de me voiler la face.

Lorsque l'écran s'alluma, et que l'hologramme remplit une bonne partie de la pièce, j'eus un hoquet de surprise. Le visage d'Hyrio l'occupait en entier, dominé par l'inscription "Rebelle extrêmement dangereux en fuite. Prévenez immédiatement les forces de l'ordre si vous le rencontrez."

Hyrio. Mon frère. Échappé. Comment étais-ce possible ? Pourquoi avait-il fait cela ? Il courait vers une mort certaine. Il avait du être aidé par les rebelles. Avaient-ils au moins un plan ?!

Je devinais sans peine où ils étaient. Dans notre appartement, j'avais souvent vu des réunions avec lui et d'autres personnes que je ne connaissais pas. Maintenant, je comprenais. Il n'avait jamais voulu m'impliquer dans ces histoires.

Et moi que devais-je faire ? Est-ce que j'étais censée l'aider ? Je me sentis lâche à rester là sans rien faire. Après tout, c'était mon devoir non ?

Mais qu'est-ce que je pouvais faire ? Aller héroïquement me jeter à corps perdu dans la bataille, et mourir, beaucoup moins héroïquement ? Non, ça ne servirait à rien.

Je me rassis sur le lit. Je ne savais que faire. C'était peut-être égoïste, mais il fallait que je réfléchisse. Je ne pouvais pas l'aider pour l'instant.

Le soir même, lorsque Levo toqua à la porte, je ne voulais pas parler. Lui oui visiblement. Il semblait triste. Il posa le plateau rempli de desserts tous plus colorés les uns que les autres, et s'assit sur le lit, le regard vide.

"Désolé, je n'ai pas pu prendre autre chose que des pâtisseries ce soir" marmonna-t-il.

Seulement des pâtisseries... Le plateau en était recouvert... Mais c'était tellement peu pour l'enfant.

"Lev , quelque chose ne va pas ?"

Il détourna la tête.

"Je... Mère a eu des nouvelles de mon frère. Il veut venir me chercher.

-Comment ça ? Te chercher ?

-Il a envoyé un message, et il a dit qu'il avait des projets pour moi. De grands projets." marmonna-t-il plus bas.

Je ne comprenais pas tout, et je ne savais pas qu'en penser. Quel problème y avait-il ? Il m'avait déjà légèrement parlé de son frère, et il lui manquait terriblement, même si cette affection me semblait être beaucoup plus complexe que ce que j'avais pu un comprendre.

"Il veut que je le rejoigne. Il dit qu'il a fait quelque chose d'extraordinaire ! Mais je ne sais pas si je suis d'accord... Wanhyo a toujours été un peu fou" dit-il faiblement en relevant la tête vers moi, les yeux embués de larmes.

Je tiquais. Wanhyo. Le frère de Levo ? Comment était-ce possible ? Je reculais d'un pas, apeurée.

J'avais ma réponse. Je ne pouvais pas rester ici. Il fallait que je m'en aille, et le plus vite possible.

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