Arc 4 - Chapitre 5

Point de vue : Wilfried Brownvivor

Je marche lentement, laissant mes pensées s’égarer tandis que mes pas mènent instinctivement vers la tombe d’Echidna. Le chemin est calme, presque paisible, mais mes sens aiguisés captent les moindres bruits autour de moi. Pourtant, rien ne semble anormal jusqu’à ce que l’entrée du tombeau commence à s’illuminer, une lumière blanche aveuglante qui pulse avec une énergie étrange.

Je m’arrête, plissant les yeux pour mieux distinguer ce qu’il se passe. Puis, une voix familière résonne, froide, acide et empreinte d’une curiosité malsaine.

— "Fais face à ton passé."

Je n’ai pas le temps de réagir. Mes jambes flanchent, ma vision se brouille, et je sens mon corps s’écrouler au sol. L’obscurité m’enveloppe, mais pas avant que je comprenne ce qui m’attend. C’est une épreuve.

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Retour dans le passé

Lorsque j’ouvre les yeux, ce n’est pas le Sanctuaire que je vois. Non. Les murs de la chambre, familiers et empreints d’un luxe discret, m’indiquent exactement où je suis. C’est chez les Yakuza, là où j’ai séjourné avant le pire événement de ma vie : mon kidnapping par Atsuomi et mon transfert dans la White Room.

Je reconnais les draps, l’odeur de bois ciré, et même les petits détails du décor. La pièce est baignée dans une lumière douce, et je suis étendu sur un futon. Mon esprit s’emballe. Comment suis-je ici ? Est-ce réel ?

Je n’ai pas le temps de réfléchir davantage. Une voix me sort de mes pensées, légère et provocante, mais familière.

— "Alors, tu comptes rester au lit toute la journée ou quoi, Wil ? C’est pas ton genre."

Je me redresse d’un bond, et là, je la vois. Hakurei, appuyée contre le cadre de la porte, un sourire espiègle sur les lèvres. Ses longs cheveux écarlates tombent en cascade sur ses épaules, et ses yeux rouges pétillent d’une lueur moqueuse.

— "Hakurei..." murmuré-je, abasourdi.

C’est comme si rien n’avait changé. Tout est exactement comme dans mes souvenirs, du timbre de sa voix à la façon dont elle croise les bras avec une attitude à la fois décontractée et séduisante.

Elle arque un sourcil, perplexe.

— "Quoi ? Tu as vu un fantôme ou quoi ?"

Je secoue la tête, essayant de masquer mon trouble.

— "Non, c’est juste... Rien. Merci de m’avoir réveillé."

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Un moment volé

Après un échange de banalités, je me lève et me prépare rapidement. Hakurei reste dans la pièce, m’observant avec cet air de défi tranquille qu’elle a toujours eu.

— "Dis-moi, Wil, qu’est-ce que tu comptes faire aujourd’hui ? Jouer les bons samaritains encore ? Ou tu vas enfin te reposer un peu ?"

Je souris malgré moi.

— "Tu me connais. Toujours occupé à sauver le monde, ou du moins à essayer."

Elle rit doucement, un son mélodieux qui me réchauffe le cœur. C’est étrange de la voir là, vivante, comme si tout ce qui était arrivé après n’avait été qu’un mauvais rêve.

Je termine de ranger mes affaires et m’apprête à quitter la pièce, mais Hakurei m’arrête.

— "Attends."

Sa voix a changé. Elle est plus douce, plus hésitante. Je me retourne, intrigué.

— "Il y a quelque chose que je veux te dire," commence-t-elle, jouant nerveusement avec une mèche de cheveux.

Dans mes souvenirs, elle s’était ravisée à ce moment-là, et je n’avais jamais su ce qu’elle voulait me dire. Mais cette fois, je ne la laisse pas s’échapper.

— "Dis-le-moi," insisté-je. "Quoi que ce soit, je veux l’entendre."

Elle hésite, ses yeux cherchant les miens. Puis, elle inspire profondément et se lance.

— "Tu sais, Wil... Je t’admire. Pas juste pour ce que tu fais, mais pour ce que tu es. Tu es... différent des autres. Et parfois, je me demande si... si j’avais eu le courage, les choses auraient pu être différentes entre nous."

Je reste sans voix. Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais, mais ses mots me touchent profondément.

— "Hakurei..."

Elle secoue la tête, souriant tristement.

— "Ce n’est rien. Je voulais juste que tu le saches, au cas où... Au cas où on ne se reverrait plus."

Je m’approche doucement, posant une main sur son épaule.

— "Si je suis devenu quelqu’un de bien, c’est grâce à toi, à Thierry, et à cette famille que vous m’avez donnée. Vous m’avez sauvé, Hakurei. Et si j’avais été prêt pour ça... peut-être que moi aussi, je..."

Je ne termine pas ma phrase. Elle s’approche, et avant que je puisse réagir, elle m’embrasse. Un baiser doux, empreint de tout ce qu’elle n’a jamais dit.

Quand elle se recule, je vois des larmes briller dans ses yeux.

— "Au revoir, Wil."

— "Au revoir, Hakurei," murmuré-je, les larmes coulant silencieusement sur mes joues.

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Retour au présent

Lorsque je sors du bâtiment, je retrouve la lumière aveuglante, mais cette fois, elle se dissipe pour révéler une silhouette familière. Echidna, vêtue d’un uniforme féminin de mon collège, se tient devant moi avec un sourire narquois.

— "Alors, comment as-tu trouvé cette épreuve ? Assez instructive, non ?"

Je plisse les yeux, toujours bouleversé par ce que je viens de vivre.

— "Ce n’était pas qu’un test. Ce que tu as montré avait un sens. Merci."

Son sourire vacille un instant, mais elle reprend rapidement contenance.

— "Oh, tu es si sérieux, Wilfried. Tu sais que je t’admire vraiment pour ça."

Je croise les bras.

— "Par contre, cette tenue... Je parlais de l’uniforme, pas de toi. Ne te méprends pas."

Son expression outrée, bien que clairement surjouée, me tire un sourire.

— "Quelle insolence ! Mais peu importe, viens. La tea party t’attend."

Elle se tourne, me guidant vers une table sous un parasol dans ce qu’elle appelle le Jardin des Rêves. Une nouvelle épreuve m’attend, mais pour une fois, je me sens plus fort.

Je fixe la tasse devant moi, son contenu aussi noir et profond que les intentions de la sorcière assise en face de moi. Echidna, avec son sourire à moitié moqueur et à moitié intrigué, m’observe comme si j’étais une souris prise au piège dans une cage qu’elle aurait elle-même fabriquée.

Dans quel monde, je boirais volontairement un thé contenant son fluide corporel ? Pas dans celui où j’ai grandi, c’est sûr. Mais ici, dans ce jardin des rêves, les règles sont différentes. Elle le sait, et moi aussi.

Mon regard se détourne de la tasse pour revenir à son visage. Ses traits sont parfaits, presque trop parfaits, comme si son apparence avait été sculptée par une volonté divine. Mais ce parfum qu’elle dégage... Je plisse les yeux. Il n’a rien de naturel. C’est l’essence même des sorcières, une odeur enivrante et terrifiante, un mélange de pouvoir et de corruption.

Je pousse un soupir, le regard toujours ancré dans le sien.

— "Je vais être honnête, Echidna. Aucun des Archevêques du Péché n’arrive à ta cheville. Même en excluant Satella, Regulus est le seul à pouvoir prétendre être un candidat sérieux. Les autres ? Des dégénérés. Et leurs organes, s’ils finissent sur le marché noir après que je les aurai tués, auront probablement plus de valeur qu’eux de leur vivant."

Son sourire s’élargit, amusée.

— "Tu es toujours aussi direct, Wilfried. C’est une qualité rare."

Je hausse les épaules.

— "Je n’ai pas le luxe de me cacher derrière des mots. Pas avec toi, et certainement pas avec ce qui m’attend dehors."

Mon regard revient à la tasse. La vérité, c’est que je n’ai pas vraiment le choix. Avec trois Autorités en moi, mon corps est déjà surchargé. Sans mon expérience accumulée au cours de mes 513 années d’existence – si on les additionne toutes – je serais en train de mourir en boucle, probablement pour la cent-sixième fois à ce stade.

Je tends la main vers la tasse, mes doigts tremblant légèrement malgré moi.

— "Je suppose que tu t’attends à ce que je parle de la Mort Réversible, pas vrai ? Après tout, ici, on est dans un espace hors du temps, sans conséquence."

Elle ne répond pas immédiatement, mais son regard brille d’une curiosité intense. C’est suffisant comme confirmation.

Je lève la tasse à hauteur de mes yeux, observant le liquide sombre à l’intérieur.

— "C’est décidé. Je bois ça uniquement pour stabiliser mes Autorités. Rien de plus."

Elle penche légèrement la tête, son sourire toujours présent.

— "Tu dis ça maintenant, mais peut-être découvriras-tu quelque chose de plus en chemin."

Je ne réponds pas. Je ferme les yeux et prends une gorgée. Le goût est... indescriptible. Ni mauvais, ni bon. Juste étrangement familier, comme si je venais de boire une partie de moi-même.

Lorsque je repose la tasse, je sens immédiatement les effets. Mon corps, jusqu’alors alourdi par la surcharge des Autorités, semble plus léger. Ma respiration s’apaise, et une clarté nouvelle envahit mon esprit.

— "Comment te sens-tu ?" demande-t-elle, son ton empreint d’une fausse innocence.

Je rouvre les yeux, croisant les siens.

— "Stable. Pour l’instant."

Elle rit doucement, un son presque musical.

— "Alors, dis-moi, Wilfried. Maintenant que tu es plus... réceptif, que dirais-tu de parler de cette Mort Réversible ?"

Je m’adosse à ma chaise, croisant les bras.

— "Très bien, Echidna. Tu veux savoir ce que c’est que de mourir encore et encore, de sentir chaque fibre de ton être se déchirer avant de revenir à la vie ? Allons-y. Je vais tout te raconter."

Et ainsi commence un échange qui, je le sais, ne sera pas sans conséquences, même dans cet espace hors du temps.

Je fixe Echidna, mes doigts tapotant nerveusement sur l'accoudoir de ma chaise. Qu'est-ce qu'elle attend de moi, exactement ? Elle me scrute avec son regard perçant, toujours aussi fascinée qu'amusée.

— "Tu veux vraiment que je te raconte quoi ? Je suis mort deux fois, et de la même façon : gelé et tué par Puck. Rien de plus, rien de moins."

Son sourire s'élargit, presque carnassier.

— "Deux fois ? Oh, Wilfried, ne sois pas modeste. Cinq fois serait plus précis. Tu as juste choisi d'effacer certaines d’entre elles de ta mémoire."

Je fronce les sourcils, déconcerté. Elle est sûre d’elle, et son ton n’a rien d’un mensonge. Pourtant, ça n’a aucun sens... jusqu’à ce que je sente une vérité dérangeante s’agiter au fond de mon esprit.

— "Cinq ? Tu plaisantes, non ?"

Elle secoue la tête doucement, son sourire toujours aussi énigmatique.

— "La vérité a toujours été là, Wilfried. Trois des morts que tu as oubliées ne sont pas des incidents, mais des suicides. C’est toi qui as choisi de les effacer, parce qu’admettre leur existence serait accepter une part de toi que tu refuses de voir."

Un frisson me parcourt.

— "Pourquoi aurais-je fait ça ?"

Echidna se penche légèrement vers moi, comme si elle savourait ma confusion.

— "Laisse-moi t'aider à te souvenir. La première fois, tu t’es coupé la tête pour tester une théorie : voir si tu pouvais revenir dans ton monde d’origine. Mais au lieu de cela, tu es revenu ici, à l’endroit même où tu étais arrivé pour la première fois."

Mon cœur se serre à cette révélation, mais elle continue sans pitié.

— "La deuxième fois, tu as voulu tester ce que tu appelles tes ‘points de sauvegarde’. Une théorie, n’est-ce pas ? Tu voulais savoir si mourir te ramènerait toujours à un moment précis. Résultat : tu es revenu dans cette fameuse chambre du manoir Roswaal."

Les souvenirs commencent à s’agiter dans mon esprit, des fragments flous, presque douloureux. Mais c’est sa troisième révélation qui me glace.

— "Et la troisième fois ?" je demande, presque à contrecœur.

Elle sourit, cette fois-ci avec une satisfaction malveillante.

— "La troisième fois, tu voulais observer tous les camps possibles, élaborer une stratégie parfaite pour vaincre le Culte et la Baleine. Tu as décidé de te couper la tête pour revenir à une boucle où tu pourrais tout analyser à loisir. Mais cela a mal tourné. Tu es mort gelé par Puck, et cette demi-elfe que tu apprécies tant t’a vu dans cet état. Elle a pleuré pour toi, Wilfried. Et toi, tu as effacé tout cela, incapable de supporter le poids de sa douleur."

Je reste silencieux, incapable de trouver mes mots. Ces souvenirs refoulés s’alignent parfaitement, comme des pièces d’un puzzle que je refusais de regarder en face.

— "Pourquoi ?" je murmure finalement. "Pourquoi me rappeler tout ça maintenant ?"

Echidna croise les bras, son sourire toujours présent.

— "Parce que tu es comme moi, Wilfried. Nous cherchons tous deux à maîtriser l’incontrôlable, à accumuler des connaissances et des expériences pour surmonter nos faiblesses. Mais nous sommes aussi différents. Là où je poursuis la connaissance pour elle-même, toi, tu cherches à protéger les autres, même si cela signifie te détruire au passage."

Je prends une profonde inspiration, essayant de digérer tout cela. Puis, je ressens une présence, quelque chose de plus écrasant encore que les paroles d’Echidna. Une sensation de jugement implacable.

— "Typhon," je murmure, reconnaissant l’Autorité de l’Orgueil qui s’approche, même si elle reste invisible. Elle me juge.

Un soupir s’échappe de mes lèvres. Si je dois me confronter à moi-même, autant le faire pleinement. Je claque des doigts, et les souvenirs effacés refont surface avec une brutalité implacable.

La première chose qui me traverse l’esprit en retrouvant cette partie de moi est un mélange de honte et d’incrédulité.

— "Comment ai-je pu faire ça ?"

Echidna incline la tête, satisfaite.

— "Parce que tu es humain, Wilfried. Brisé, complexe, et fascinant. Tout comme moi."

Je finis par éclater de rire, un rire profond et sincère, presque moqueur. Echidna arque un sourcil, intriguée par ma réaction.

— "Bien essayé." Je la regarde droit dans les yeux, un sourire narquois sur les lèvres. "Si j'avais eu 13 ans, peut-être que tu aurais réussi à me prendre par les sentiments, à me faire accepter un contrat où tu pourrais me voir souffrir éternellement pour satisfaire ta curiosité. Mais j'ai 513 ans d'expérience derrière moi. Donc, vraiment, bien essayé. Mais il faudra plus que ça pour me piéger."

Son sourire vacille légèrement, mais elle reste stoïque, toujours observatrice.

— "Tu es intéressant, Wilfried. Mais te crois-tu réellement invulnérable ?"

Je croise les bras, l'observant avec une pointe d'amusement.

— "Invulnérable ? Absolument pas. Mais si tu veux jouer à ce petit jeu de manipulation, sache que j’ai vu et affronté des gens comme toi. Tu te doutes de ce que je veux dire, n'est-ce pas ?"

Elle ne répond pas, mais son sourire s'élargit, comme si elle attendait que je continue.

— "Oh, et au fait, tu te trompes encore sur un détail. Tu dis que je suis mort cinq fois ?" Je secoue la tête. "C’est faux. Je suis mort six fois. La dernière, celle que tu n'as pas mentionnée, m’est revenue en mémoire une fois que j’ai récupéré tous mes souvenirs. Et devine quoi ? C’était exactement ce que j’avais prévu de faire au cas où je me retrouverais face à quelqu’un comme toi."

Echidna se redresse légèrement, son regard devenant plus perçant.

— "Explique-toi, Wilfried."

Je hausse les épaules, feignant l’indifférence, mais mon ton devient plus sérieux.

— "Ma toute première mort. Je n’ai pas oublié, bien que j’aie voulu l’enterrer profondément dans ma mémoire. J’avais voulu hurler au monde, du moins, j'ai essayé que j'avais la Mort Réversible. Une erreur, une impulsion."

Je m’arrête un instant, observant son expression. Elle semble calme, mais je perçois un éclat de fascination dans ses yeux.

— "Et tu connais ses pénalités, n’est-ce pas ? Tu sais ce que cela signifie d’attirer son attention. Elle m’a tué, et je suis mort pour la première fois avant même de comprendre ce que ce pouvoir impliquait vraiment."

Le silence s’installe entre nous. Echidna semble réfléchir, analyser chaque mot, chaque inflexion de ma voix.

— "Tu es plus prudent que je ne le pensais," finit-elle par dire. "Mais aussi bien plus dangereux. Ces souvenirs, ce pouvoir… tout cela fait de toi quelqu’un que je ne peux m’empêcher de vouloir observer de plus près."

Je souris à nouveau, mais cette fois avec une pointe de défi.

— "Observe tant que tu veux, mais n’oublie pas : je ne suis pas là pour te donner le spectacle que tu espères. Si tu pensais m'avoir en jouant sur mes émotions ou ma curiosité, sache que je suis déjà passé par là. À 13 ans, peut-être aurais-je été tenté. Mais aujourd’hui, il faudra bien plus que tes mots pour m’avoir."

Elle me fixe en silence, son sourire se transformant en quelque chose de plus subtil, presque respectueux.

— "Nous verrons bien, Wilfried. Nous verrons bien."

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