Arc 3 - Chapitre 7

De retour au manoir, l’atmosphère est plus légère, malgré le poids des réflexions qui m’assaillent. Emilia et moi déposons le sac de pommes dans la cuisine, puis nous invitons tout le monde à en prendre.

Ram, fidèle à elle-même, en prend pour Béatrice sans poser de questions, même si elle garde un regard moqueur à mon égard, comme si elle lisait dans mes pensées. Rem, elle, sourit doucement et s’éclipse un instant pour donner une pomme à Meili, toujours enfermée dans une pièce du manoir sous haute surveillance. Je remarque son geste, mais je décide de ne rien dire pour l’instant.

Je me tourne vers Ram.
— « Où est Roswaal ? »

Elle plisse les yeux, méfiante, comme si ma question portait un sous-entendu.
— « Il est parti pour la capitale. Un voyage d’affaires qui prendra un certain temps. »

Je hoche la tête, mais au fond, je sais que ce n’est qu’un prétexte. Roswaal ne reviendra pas tant que cette situation ne sera pas résolue ou… tant que je ne mourrai pas à nouveau. C’est évident. Il agit en fonction de ce que lui dicte son propre volume du Livre de la Sagesse.

Je me retire dans ma chambre, prétextant avoir besoin de repos. Une fois seul, je m’assois à mon bureau et laisse mes pensées s’organiser.

Dans la boucle précédente, Emilia et moi étions restés chez Crusch jusqu’au matin, ce qui signifiait que nous étions arrivés au manoir dans la journée. Cela donnait au Culte de la Sorcière plusieurs heures pour attaquer le village d’Arlam et attendre le moment parfait pour agir.

Ils ont attendu que nous nous séparions, Emilia et moi, avant de frapper. Ce détail est important. Leur cible principale était Emilia. Pas moi, ni les autres habitants du manoir. Emilia.

Mais pourquoi la tuer au lieu de simplement la capturer ?

Je me lève et commence à faire les cent pas. Tout ce carnage – les villageois massacrés, les sbires du Culte morts à leurs côtés – me semble incohérent. Un travail bâclé, décousu, comme si l’attaque avait été menée sans réelle planification.

Et puis, le mot me frappe.

— « Paresse… »

Je m’arrête net. Tout prend sens. L’Archevêque de la Paresse. C’est lui qui a orchestré cette attaque.

Je m’assois à nouveau, réfléchissant intensément. Sa manière d’agir est trompeuse. En apparence, il semble suivre une logique diligente, mais en réalité, il ne fait que suivre les ordres dictés par son évangile. Il ne cherche pas à comprendre, à improviser ou à perfectionner son plan. Il exécute mécaniquement ce qui est écrit.

L’évangile a probablement mentionné une demi-elfe, et sachant que le Culte a pour but ultime de ressusciter Satella, ils voient en Emilia une candidate idéale pour devenir un réceptacle.

Je frappe doucement la table du bout des doigts. Si c’est vraiment l’Archevêque de la Paresse, alors son approche est prévisible… mais cela ne le rend pas moins dangereux. Son pouvoir est un fléau. Il peut manipuler son corps à volonté et, pire encore, se diviser en plusieurs esprits.

Je prends une profonde inspiration. Emilia et les autres ne peuvent pas savoir tout cela pour l’instant. Je dois agir discrètement, collecter des informations et préparer un plan.

***

Le lendemain, je descends dans la salle à manger où tout le monde est déjà réuni. Emilia est enjouée, ce qui me rassure un peu. Ram, comme d’habitude, s’assure que tout est en ordre, tandis que Rem surveille discrètement Meili.

Je prends la parole après avoir avalé une gorgée de thé.
— « Emilia et moi allons partir pour le village aujourd’hui. »

Emilia me regarde, surprise.
— « Le village ? Pourquoi ? »

— « J’ai envie de m’assurer que tout va bien là-bas. Les préparatifs pour l’hiver avancent, mais il y a toujours des détails à régler. »

Elle hoche la tête, approuvant sans poser de questions.

Ram, cependant, me fixe avec ses yeux perçants.
— « Si vous allez au village, soyez prudent. Il y a eu des rumeurs étranges ces derniers temps. »

Je fais mine de ne pas m’inquiéter, mais ses paroles confirment mes craintes. Quelque chose se trame déjà.

***

Dans le village, tout semble normal à première vue. Les enfants jouent, les adultes travaillent, et la routine quotidienne se poursuit. Pourtant, je sens une tension dans l’air, une inquiétude sous-jacente.

Je parle avec quelques villageois pour en savoir plus. Les rumeurs dont parlait Ram concernent des silhouettes aperçues à la lisière de la forêt et des sons étranges pendant la nuit. Rien de concret, mais suffisamment pour éveiller ma méfiance.

Je reste alerte tout le long de la visite, notant mentalement chaque détail. Emilia, quant à elle, semble heureuse de revoir les villageois. Son sourire sincère illumine l’atmosphère, mais je ne peux m’empêcher de penser à ce qui l’attend si je fais un faux pas.

Le reste de la journée se passe sans incident. Cependant, une chose est claire : l’attaque du Culte de la Sorcière est imminente. Je dois trouver un moyen de protéger le village et Emilia avant qu’il ne soit trop tard.

La partie est lancée, et cette fois, je n’ai pas l’intention de perdre.

La nuit tombe rapidement sur le village d'Arlam. Avant de partir, je m'assure qu'Emilia comprend parfaitement mes instructions.

— « Si je ne suis pas revenu avant 17 h, tu évacues immédiatement le village avec tout le monde. »

Elle me regarde, inquiète, son regard oscillant entre réticence et détermination.
— « Pourquoi ? Qu’est-ce qui te fait penser qu’il y a un danger ? »

Je prends une profonde inspiration, cherchant mes mots.
— « J’ai repéré des bruits étranges. Emilia, tu es la seule à pouvoir sauver ces gens si la situation dégénère. Fais-moi confiance. »

Elle hésite un instant, puis acquiesce, bien que l’inquiétude ne quitte pas ses yeux.

***

Une fois en forêt, je m’équipe de mon sniper, silencieux activé, et commence ma traque. Mon expérience sur le terrain me permet de différencier rapidement les villageois des infiltrés du Culte de la Sorcière. Ces derniers sont discrets, mais pas assez pour échapper à mon regard aiguisé.

L’un après l’autre, je les élimine, mes tirs précis fauchant leurs vies sans un bruit. À chaque corps qui s’effondre, je me rapproche un peu plus du cœur de leur opération.

Dans une ruelle, je tombe sur un cultiste qui semble plus important que les autres. Un des Dix Doigts. Il tient un évangile entre ses mains et murmure des paroles incompréhensibles. En m’approchant silencieusement, je comprends qu’il est en communication directe avec l’Archevêque de la Paresse.

Je m’accroupis dans l’ombre, écoutant attentivement. Une calèche est mentionnée, remplie de pierres de feu, destinée à une attaque massive sur le village. Le culte planifie une destruction totale.

Lorsque le Doigt termine sa communication, je ne lui laisse pas le temps de réagir. Une balle silencieuse lui traverse le crâne, et son corps s’effondre. Je récupère son évangile par précaution, mais je refuse de l’ouvrir. Ce livre est une arme à double tranchant, et je ne veux pas risquer de tomber dans son influence.

Après avoir changé de tenue et enfilé celle du cultiste, je me dirige vers la calèche. Deux autres cultistes montent la garde. Je leur donne des informations erronées pour les distraire avant d’utiliser Ul Shamak. Une aura sombre enveloppe la calèche, aspirant les pierres de feu et les rendant inoffensives. Les deux gardes ne réalisent rien avant qu’il ne soit trop tard : une balle pour chacun, et le silence retombe.

***

Dans la forêt, je continue ma traque. Mes tirs précis éliminent un à un les cultistes, y compris neuf des Dix Doigts. Chaque mort est un pas de plus vers la sécurité du village, mais le danger reste palpable.

Le dernier Doigt, Ketty Muttard, se tient près d’une clairière. Il retient un homme prisonnier : Otto Suwen, le marchand malchanceux. Otto est à genoux, les mains liées, un mélange de peur et de résignation sur le visage.

Il est 18 h 30 passé. Emilia a probablement évacué le village à cette heure, du moins je l’espère.

Je m’allonge dans l’herbe, mon sniper en main, et observe la scène à travers la lunette. Ketty semble nerveux, jetant des regards autour de lui. Il murmure des prières frénétiques, probablement adressées à l’Archevêque.

En écoutant attentivement, je rassemble des informations cruciales. L’Archevêque de la Paresse n’est pas un humain. C’est un esprit maléfique, affilié à la terre. Son autorité, les Mains Invisibles, lui permet de manipuler des bras invisibles pour attaquer, saisir ou écraser ses ennemis.

Je comprends aussi pourquoi il cible des individus avec une forte affinité pour les esprits, mais sans contrat : ils sont plus faciles à posséder.

Ketty continue son monologue frénétique, ignorant ma présence. Une balle bien placée met fin à son discours. Il s’effondre, et Otto lève la tête, stupéfait.

Je m’approche rapidement, restant vigilant.
— « T’as de la chance que je sois dans les parages, Otto. Allez, debout. »

Il hoquette, visiblement sous le choc, mais acquiesce et se relève avec mon aide.

— « Qu’est-ce que vous… Comment… Merci ! Je pensais que j’étais fini. »

Je lui fais signe de se taire.
— « Pas le temps pour les remerciements. On doit bouger avant que d’autres arrivent. »

Otto me suit, tremblant mais obéissant. Tandis que nous nous éloignons, je repense à ce que j’ai appris. Cet esprit maléfique est une menace que je ne peux pas ignorer, et je sais qu’il reviendra tôt ou tard.

Mais pour l’instant, le village est en sécurité. C’est une petite victoire, mais une victoire tout de même.

Alors qu’Otto me suit, encore tremblant, une ombre surgit de nulle part dans la nuit. Une créature monstrueuse en forme de chauve-souris, une bête démoniaque, plane au-dessus de nous avant d’atterrir avec un battement d’ailes sourd. Je me tends immédiatement, prêt à tirer, mais elle ne montre aucun signe d’hostilité.

Elle porte une lettre attachée à l’une de ses pattes. Méfiant, je m’approche lentement, détachant le message avec précaution. La bête me fixe un instant avant de disparaître dans les ténèbres, comme si sa mission était accomplie.

Je déroule la lettre et la lis rapidement. Le contenu me glace le sang.

— « Sérieusement ?! »

Otto me regarde, inquiet.
— « Qu’est-ce qui se passe ? »

Je l’ignore un instant, relisant les mots écrits d’une écriture soignée mais nerveuse. La lettre est signée Meili. Elle explique que Rem, inquiète de ne pas me voir revenir et ayant appris qu’Emilia était revenue seule après avoir évacué le village, est partie à ma recherche.

Elle a fini par tomber dans un piège et a été capturée. Pire encore, elle est retenue dans une grotte infestée par Petelgeuse Romanée-Conti et ses sbires.

Je serre le papier entre mes doigts, mes mâchoires crispées.
— « Rem… espèce d’inconsciente ! Pourquoi t’es-tu mise dans cette situation ?! »

Otto recule légèrement devant mon éclat de colère.
— « Euh… Wilfried, tout va bien ? »

Je prends une profonde inspiration pour me calmer, mais la rage bouillonne sous la surface. Je n’ai pas le temps de lui expliquer. Rem est en danger, et chaque seconde compte.

Je me tourne vers Otto, mon ton brusque mais ferme.
— « Écoute-moi bien. Tu vas retourner au manoir. Emilia est là-bas, avec les autres. Préviens-les de ne pas bouger tant que je ne reviens pas. Compris ? »

Il ouvre la bouche pour protester, mais je le coupe immédiatement.
— « Je ne discute pas, Otto. Fais ce que je te dis. C’est la seule façon de t’assurer que tu restes en vie. Maintenant, file. »

Hésitant, il acquiesce finalement, puis s’éloigne, jetant des regards nerveux par-dessus son épaule. Une fois qu’il disparaît de ma vue, je me concentre sur ma prochaine étape.

***

Petelgeuse Romanée-Conti… Ce fou furieux est un véritable cauchemar ambulant. Son autorité des Mains Invisibles rend chaque affrontement mortel. De plus, il serait entouré par ses Dix Doigts, prêts à se sacrifier à la moindre occasion,si je ne les avait pas tués avant.

Mais je n’ai pas le choix. Rem a besoin de moi, et je ne la laisserai pas mourir.

Je vérifie mes équipements : mon sniper, mon khukuri, mon AK-47 chargé de balles Yang. Je m’assure aussi que j’ai assez de talismans pour lancer des sorts de protection et des illusions.

Je replie la lettre de Meili, la glisse dans ma poche, puis prends une profonde inspiration.
— « Tiens bon, Rem. J’arrive. »

Je me mets en route, ma cape activée pour me rendre invisible. La grotte infestée n’est pas loin. Chaque pas dans la forêt est calculé, silencieux, tandis que la nuit devient de plus en plus oppressante.

Je sens déjà l’atmosphère changer, la corruption imprégnant l’air autour de moi. L’archevêque de la Paresse est proche, et il m’attend.

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