Arc 2 - Chapitre 8
Le matin est frais, le ciel dégagé, et pourtant, une tension flotte dans l’air du manoir. Ce jour n'est pas comme les autres. Aujourd'hui marque une étape cruciale dans ma quête de maîtrise des arcanes. Les leçons de Roswaal, bien que sinueuses et parfois frustrantes, commencent enfin à porter leurs fruits.
Dans la vaste bibliothèque du manoir, Beatrice est assise sur son fauteuil préféré, ses yeux clairs rivés sur moi. Roswaal, toujours vêtu de ses vêtements flamboyants, se tient à proximité, un sourire énigmatique sur son visage. C’est dans cette atmosphère, entre les critiques acerbes de Beatrice et les observations calculatrices de Roswaal, que je me tiens, prêt à démontrer ce que j’ai appris.
— "Wilfried, montre-moi ce que tu sais faire avec Ul Shamak, en supposant que tu sois capable de l’exécuter correctement, je suppose." La voix traînante de Beatrice, teintée de défi, me pousse à m’appliquer davantage.
Je ferme les yeux, prenant une profonde inspiration. L'énergie du yin circule dans mon corps, froide et précise, comme une rivière souterraine. Cette fois, je ne laisse pas mes pensées se disperser.
— "Ul Shamak."
Le monde autour de moi semble vaciller. Une ombre dévorante surgit du sol, englobant l’espace devant moi. Roswaal recule d’un pas, un éclat d’amusement dans son regard. Beatrice, bien que toujours stoïque, ne peut cacher une lueur de surprise.
La magie s'étend, non seulement en puissance, mais en portée. Contrairement à l'Ul Shamak classique qui dévore tout sur son passage, mon sort est plus contrôlé. Je décide de limiter son effet à une zone précise. Lorsque l'ombre se dissipe, il ne reste aucune trace de ce qui se trouvait là auparavant.
— "Impressionnant, je suppose," admet Beatrice, bien que sa voix soit encore empreinte de scepticisme.
Roswaal éclate de rire, ses mains frappant doucement l'air.
— "My, my, quel talent fascinant~ ! Cette maîtrise du yin dépasse mes attentes, et pourtant, c’est précisément ce que j’avais envisagé. Te voilà capable d'altérer même la nature d'un Ul Shamak. Que comptes-tu en faire, hmmm~ ?"
Je ne réponds pas immédiatement. La vérité est que cette magie représente une arme redoutable. Une magie aussi destructrice, dans de mauvaises mains, pourrait effacer des vies entières en un instant. Mais entre mes mains, elle est avant tout un outil de survie.
La portée de ma maîtrise
La journée se poursuit avec des tests similaires. Je ne me limite pas à la magie du yin. Ayant progressé dans mes autres éléments, je montre également mes capacités en eau et en terre.
Avec la magie de l’eau, j’améliore Soin en Soin+, me permettant de guérir des blessures plus graves en moins de temps. Huma est une révélation : je peux contrôler le débit et la densité de l’eau, rendant mes sorts plus flexibles en combat. Roswaal et Beatrice semblent satisfaits, bien que leur nature les empêche de le montrer trop ouvertement.
Enfin, je passe à la magie de la terre. Contrairement au yin ou à l'eau, la terre exige de la stabilité, une connexion avec l'environnement. Après de nombreux essais infructueux, j’exécute enfin El Dona. Le sol tremble légèrement sous mes pieds alors que je le manipule pour ériger un mur protecteur, solide comme de l’acier.
— "Beako, crois-tu qu’il maîtrise la magie de la terre mieux que toi, hmmm~ ?" demande Roswaal avec un sourire provocateur.
— "Tais-toi, je suppose," rétorque Beatrice avec une moue boudeuse, détournant le regard.
Je souris intérieurement. Leur approbation tacite est tout ce dont j'ai besoin pour savoir que mes efforts portent leurs fruits.
L'ombre du doute
Bien que ces progrès soient gratifiants, ils me laissent également songeur. Pourquoi Roswaal insiste-t-il autant pour que je maîtrise ces sorts, en particulier ceux liés au yin ? Ses intentions, comme toujours, restent opaques.
Plus tard dans la soirée, alors que je quitte la bibliothèque, je croise Rem dans les couloirs. Elle semble pensive, presque inquiète.
— "Wilfried-sama, votre magie est incroyable, mais..." Elle hésite. "Ne vous laissez pas trop consommer par son pouvoir."
Ses mots résonnent en moi. La magie est un outil puissant, mais elle a également le potentiel de devenir une chaîne. Avec Roswaal comme mentor, je dois rester vigilant.
Dans ma chambre, je médite sur tout ce que j’ai appris. Ul Shamak, El Dona, Huma... Ces sorts sont devenus une extension de ma volonté. Mais plus je maîtrise ces pouvoirs, plus je ressens le poids de la responsabilité qu’ils impliquent.
La nuit est tombée, et tandis que le manoir plonge dans le silence, je m’allonge, prêt à affronter les défis du lendemain. La route est encore longue, mais je suis déterminé à ne pas faillir. Pour moi, pour Emilia, et pour ma survie.
Le Festival de Neige du Domaine Roswaal
Le lendemain matin, un froid mordant envahit ma chambre, me réveillant à peine le soleil levé. L’air est glacial, bien plus qu’il ne devrait l’être. Enveloppé dans mes couvertures, je sens immédiatement qu’un coupable rôde dans les parages.
Quand je sors enfin de mon lit, Rem entre dans ma chambre avec une tenue d’hiver adaptée et m’aide à me préparer. Elle m’apporte une version renforcée de ma tenue de majordome, parfaite pour affronter ce froid soudain. Pendant qu’elle ajuste ma cravate, je glisse mon visage contre le sien, appréciant sa chaleur.
— "Merci, Rem," dis-je, sincèrement reconnaissant.
Elle sourit doucement, mais je sens qu’elle partage ma suspicion. Ensemble, nous sortons dans le couloir. L’air glacé semble encore plus intense. Chaque recoin du manoir semble s’être transformé en un royaume hivernal. Et je sais exactement qui est à blâmer.
Un duo givré
Accompagné de Rem dans sa tenue de domestique d’hiver, je marche jusqu’à la grande salle. Là, j’ouvre la porte avec théâtralité, pointant un pistolet vide en direction des coupables : Puck, flottant joyeusement dans les airs, et Emilia, qui détourne le regard avec une innocence feinte.
— "Je savais que c’était vous !" dis-je en haussant la voix.
Puck ricane, les bras croisés.
— "Eh bien, tu vois, j’ai accumulé un peu trop de magie, alors…"
— "Et Emilia a voulu cacher ça," ajoutai-je, la voix pleine de reproche.
Emilia essaie de se justifier, mais il est clair qu’elle n’a aucune défense solide. Roswaal et Beatrice, qui se sont joints à nous, se retiennent à peine de rire face à cette situation absurde.
L’ensemble du domaine est désormais recouvert de neige, et il est évident que le froid ne va pas disparaître de sitôt.
Une idée brillante
Alors que tout le monde débat sur la manière de gérer cette soudaine transformation en pays des merveilles hivernales, une idée lumineuse me traverse l’esprit.
— "Et si nous en faisions un événement ?" dis-je, un sourire malicieux sur les lèvres.
Tous les regards se tournent vers moi. Je leur explique mon idée : un concours de sculptures et de bonshommes de neige ouvert à tous. Les participants incluront les habitants du village d’Arlam ainsi que les membres du manoir. Le gagnant recevra une coupe en fleurs et un calice doré, des objets que j’ai conservés précieusement depuis mon ancien monde.
Les membres du jury seront Roswaal, la cheffe du village, et moi-même. Les règles ? Aucune magie autorisée, uniquement de la créativité et du travail manuel.
Les préparatifs
Pour montrer l’exemple, je commence par construire une sculpture d’un oiseau de neige. Mes mains gelées luttent contre le froid, mais je parviens à créer une œuvre simple mais élégante. Cela semble motiver les autres.
Les participants se divisent rapidement en groupes :
1. Le groupe des enfants du village, dirigé par Petra.
2. Rem et Ram, formant une équipe improbable.
3. Emilia, Puck et Beatrice.
Le concours commence
Le groupe de Petra est le premier à présenter son œuvre : des mini-anges de neige accompagnés d’un grand bonhomme dont la tête me ressemble étrangement. Je fronce les sourcils, intrigué.
— "Qui a eu cette idée ?" demandai-je, suspicieux.
La cheffe du village donne un 8, Roswaal un 6, et moi un 9, impressionné par leur effort. Total : 23/30.
Ensuite, vient le tour de Rem et Ram. Ils présentent une fusion grotesque entre moi et Roswaal, me dépeignant comme un clown. Le résultat est si absurde que je finis par quitter les lieux pour vomir. Roswaal leur donne un 1, clairement vexé, tandis que la cheffe, pour une raison incompréhensible, donne un 10. Moi ? Je donne un 6, par pure diplomatie. Total : 17/30.
Enfin, c’est au tour du groupe d’Emilia. Ils construisent un Puck géant, ce qui aurait pu être une excellente idée… si Beatrice n’avait pas utilisé de la magie pour parfaire les détails. Résultat ? Disqualification immédiate.
Les résultats
Une fois les jugements terminés, nous annonçons les résultats :
1. 3e place : Le groupe d’Emilia, disqualifié pour tricherie.
2. 2e place : Rem et Ram avec leur sculpture douteuse.
3. 1re place : Le groupe de Petra, remportant la médaille d’or et le trophée.
Lorsque je remets le trophée à Petra, elle me remercie avec un bisou sur la joue. La réaction est immédiate. La mignonnerie submerge les spectateurs, mais du coin de l’œil, je remarque les regards lourds de Rem et d’Emilia.
Une conclusion glaciale
La journée se termine dans une ambiance festive, mais je sens que je vais devoir affronter les deux perdantes très bientôt. Pourtant, je reste digne. Après tout, je ne suis pas seulement un majordome ou un chevalier. Je suis un survivant, et peu importe les défis, je les surmonterai toujours… même si ces défis prennent la forme d’une oni jalouse ou d’une demi-elfe vexée.
Une ambiance glaciale mais chaleureuse
Le concours de sculptures terminé, le domaine retrouve peu à peu son calme, bien que l'atmosphère reste lourde... ou plutôt glaciale, littéralement. Alors que les enfants du village célèbrent leur victoire avec Petra comme héroïne, je me tiens à l’écart, profitant d’un bref moment de solitude. Ce n’est pas que je ne sois pas heureux du succès de l’événement, mais je sens que la tempête approche — et je ne parle pas du blizzard.
Rem est la première à apparaître, sa silhouette familière se détachant contre le manteau blanc de la neige. Elle s’approche lentement, ses bras croisés sous sa poitrine, et je devine son humeur sans qu’elle n’ait besoin de parler.
— "Je ne comprends pas, Wilfried," commence-t-elle, son ton mesuré mais piquant. "Pourquoi donner la victoire à Petra alors que notre sculpture avait tellement… d’âme ?"
Je toussote, cherchant mes mots, mais Rem enchaîne déjà, son regard perçant.
— "Et ce bisou ?"
Je recule d’un pas, les mains levées en signe de paix.
— "C’était innocent, je te l’assure ! Petra est une enfant. Elle était simplement heureuse d’avoir gagné."
Elle plisse les yeux, mais avant qu’elle ne puisse poursuivre, une voix familière s’élève derrière elle.
— "C’est vrai, Rem," dit Emilia en s’approchant, sa longue cape blanche virevoltant dans le vent. "C’était innocent… Mais cela n’excuse pas tout."
Une confrontation inattendue
Les deux femmes se retrouvent face à face, me laissant comme spectateur impuissant au milieu. Emilia, bien que souriante, a un regard étrangement sérieux.
— "Wilfried, tu n’as pas été juste," dit-elle doucement.
— "Pas juste ?" répété-je, abasourdi.
— "Tu n’as même pas considéré notre sculpture de Puck," poursuit-elle, l’air faussement boudeur. "Ce n’est pas ma faute si Beatrice a utilisé de la magie. Et puis… tu ne m’as même pas félicitée pour mes efforts."
Rem croise les bras, jetant un regard satisfait à Emilia, comme si elle savourait de ne pas être seule à me reprocher quelque chose.
— "Et pendant ce temps," ajoute Rem, "tu fais des compliments à Petra et laisses tout passer."
Je soupire, sentant que quoi que je dise, cela pourrait aggraver les choses.
— "Écoutez," dis-je finalement, les regardant tour à tour. "Ce concours était censé être amusant. Ce n’était pas une question de favoritisme. Petra est une enfant, elle avait besoin de gagner pour motiver son groupe. Quant à vous deux…"
Je prends une profonde inspiration, cherchant mes mots.
— "Vous êtes incroyables, toutes les deux. Emilia, ta créativité est sans limites, et Rem, ton sens du détail dépasse l’entendement. Si je devais être honnête, aucune sculpture n’aurait pu surpasser vos efforts."
Cela semble les apaiser légèrement, bien que leurs regards restent suspicieux.
Un instant volé
Après quelques échanges cordiaux, Emilia s’excuse et retourne vers le groupe principal, me laissant seul avec Rem. Elle reste silencieuse un moment, ses yeux fixant le sol enneigé.
— "Wilfried," murmure-t-elle enfin, "je n’ai pas besoin de compliments ou de trophées. Mais… j’aimerais que tu sois honnête avec moi."
Son ton est doux mais ferme, et je comprends qu’elle attend quelque chose de moi.
— "Honnête sur quoi ?" demandé-je, bien que je sente déjà la réponse venir.
Elle relève les yeux vers moi, un mélange d’émotions traversant son visage.
— "Sur ce que tu ressens. Pas seulement pour moi, mais pour Emilia, pour ce que nous sommes tous dans ta vie. Tu dis toujours que tu es un survivant, mais tu fais plus que survivre, Wilfried. Tu nous donnes à toutes quelque chose… quelque chose d’important."
Je reste silencieux, incapable de formuler une réponse immédiate. Elle s’approche alors, posant une main légère sur mon bras.
— "Peut-être que tu ne peux pas encore répondre," dit-elle doucement. "Mais je serai là, quoi qu’il arrive."
Retour au calme
La journée se termine dans une atmosphère plus sereine. Le concours a permis à tout le monde de se détendre, mais il a aussi réveillé des sentiments que je ne peux plus ignorer. Alors que je me tiens seul près du manoir, contemplant le paysage enneigé, je me demande combien de temps je pourrai encore jongler entre mes responsabilités, mes sentiments, et ma survie.
Mais pour l’instant, je décide de profiter de la tranquillité. Le froid mordant est presque réconfortant, et l’écho des rires résonne encore dans l’air.
Un jour à la fois, comme toujours.
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