Arc 1 - Chapitre 4
En sortant de la Maison du Butin, je prends un chemin différent, évitant les ruelles principales. Un instinct de survie, sans doute. Pourtant, à peine quelques pas plus loin, une sensation glaciale me traverse l’échine.
Une soif de sang, brutale et impitoyable, sature l’air.
Elle est différente de celle que j’ai ressentie face à Tsukishiro. Ici, c’est une véritable promesse de meurtre.
Je me fige, observant les ombres autour de moi. Et c’est là que je la vois.
Une ennemie redoutable.
Debout à l’extrémité de l’allée, une femme apparaît. Elle avance avec la grâce d’un prédateur, ses longs cheveux noirs attachés en une tresse qui balance légèrement à chaque pas. Ses yeux en amande, fixés sur moi, brillent d’une lueur dangereusement amusée.
Elsa Granhiet. La fameuse Chasseuse d’intestins.
Les histoires sur elle ne mentent pas. Elle est belle, avec son manteau noir ouvert révélant une tenue moulante, mettant en valeur une silhouette trompeusement douce. Mais tout dans sa posture et dans l’éclat de ses couteaux khukuris crie danger.
— Tu es surprenant, murmure-t-elle, sa voix douce comme un murmure dans une pièce vide. On m’a parlé d’un intrus… mais je ne m’attendais pas à un visage si... intéressant.
Elle fait un pas de plus. Puis un autre.
Et elle attaque.
La lame noire de son couteau fuse vers moi, rapide comme un éclair.
Son mouvement est précis, mais je l’ai anticipé.
Je me décale à la dernière seconde, son couteau ne faisant qu’effleurer mon manteau. Pas de mouvements inutiles, pas d’énergie gaspillée : je dois préserver mes forces.
Elsa incline légèrement la tête, amusée.
— Oh… Tu es différent. La plupart des hommes hurlent ou s’effondrent avant même que je ne les touche.
Je ne réponds pas. Parler me ralentirait.
Elle attaque à nouveau, cette fois en enchaînant plusieurs coups rapides, visant mon torse, mes jambes, ma gorge. Ses mouvements sont calculés, presque hypnotiques. Mais je reste concentré, esquivant chaque coup au dernier moment.
Elsa s’arrête, le souffle à peine accéléré.
— Un jeu amusant, souffle-t-elle. Combien de temps penses-tu pouvoir tenir ?
Je serre les dents, une main posée sur mon propre couteau. L’autre reste libre, prête à broyer son crâne si l’occasion se présente.
Elsa est rapide. Trop rapide. Si je veux la neutraliser, il faudra un coup précis et décisif. Mais avant cela, je dois gagner du temps.
Mon regard capte un détail important : elle ne vise pas seulement à m’éliminer. Elle semble vouloir m’évaluer, me tester. Cela confirme ce que je pensais.
— Tu es la cliente que Felt attendait, n’est-ce pas ? lancé-je, brisant le silence.
Elsa s’arrête net, son sourire s’élargissant.
— Oh… Tu es intelligent, murmure-t-elle, ses yeux brillants d’un mélange de fascination et de sadisme.
Bingo.
— Le sceau royal, continué-je en reculant légèrement. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut vendre facilement. Mais toi… Tu as promis une somme astronomique, n’est-ce pas ?
Son sourire ne faiblit pas, mais son regard s’assombrit légèrement.
— Dix pièces sacrées, répond-elle doucement. Une récompense digne d’un trésor royal.
Je serre les poings. Les pièces sacrées sont bien au-dessus de l’or, des sommes capables de renverser une économie locale. Cela confirme mes soupçons : le sceau royal n’est pas un simple objet précieux. Il a une importance cruciale, peut-être même politique.
— Alors pourquoi ne pas simplement envoyer des assassins ? demandé-je, gardant une distance sécuritaire. Pourquoi venir en personne ?
Elsa rit doucement, son rire résonnant comme une mélodie sinistre.
— Parce que c’est amusant. Et parce que tu es… intriguant.
Elle ment.
Je devine qu’elle est ici pour s’assurer que personne ne découvre ses véritables intentions avant que l’échange ne soit conclu. Mon intérêt soudain pour Felt et le sceau a dû éveiller ses soupçons.
Sans prévenir, Elsa attaque à nouveau, cette fois avec une intensité accrue.
Je pare le premier coup avec mon couteau, mais la force derrière son attaque me fait reculer. Elle enchaîne immédiatement, ne me laissant aucun répit.
Elle est plus forte. Plus rapide. Plus expérimentée.
Chaque mouvement est calculé pour me pousser dans mes retranchements. Je comprends rapidement que je ne peux pas gagner un combat direct.
Mais je n’ai pas besoin de gagner.
Je plonge sous une de ses attaques, roulant sur le côté pour m’éloigner.
— Si je tiens suffisamment longtemps, murmuré-je pour moi-même, les gardes finiront par arriver.
Elsa éclate de rire, comme si elle avait entendu mes pensées.
— Les gardes ? Ils ne viendront pas ici. Pas dans les bidonvilles.
Je serre les dents. Elle a raison. Les bidonvilles sont laissés à l’abandon par les autorités. Si je veux m’en sortir, je dois compter sur moi-même.
Une idée me vient. Une idée dangereuse, mais peut-être ma seule chance.
Je feins une erreur, trébuchant légèrement pour attirer Elsa dans une attaque précipitée. Comme prévu, elle fonce vers moi, son couteau prêt à frapper.
Au dernier moment, je pivote, utilisant ma main libre pour attraper son poignet. Mon couteau fend l’air, visant sa gorge.
Mais elle est plus rapide.
Elle dévie mon attaque d’un mouvement fluide, me forçant à lâcher prise. Je recule rapidement, mon souffle court.
Elsa sourit, amusée.
— Tu es audacieux. J’aime ça.
Alors que je cherche une autre ouverture, un bruit attire mon attention.
Une silhouette apparaît à l’extrémité de la ruelle. Une présence familière.
Lia, accompagnée de Puck, avance lentement, ses yeux fixés sur Elsa.
— Ça suffit, dit-elle d’une voix calme mais ferme.
Elsa se retourne, ses yeux brillants d’excitation.
— Oh… Une demi-elfe, et un esprit en plus. Cette journée devient de plus en plus intéressante.
Puck flotte devant Lia, son expression habituellement joyeuse remplacée par un sérieux inhabituel.
— Je ne te laisserai pas blesser quelqu’un d’innocent, dit-il en direction d’Elsa.
Elsa rit doucement, levant son couteau.
— Innocent ? C’est un bien grand mot. Mais peu importe. Cela ne fait qu’ajouter du piment au jeu.
Lia se tourne vers moi, son expression inquiète.
— Tu vas bien ?
Je hoche la tête, gardant mes yeux sur Elsa.
— J’ai connu pire.
Puck s’avance, une lueur bleue émanant de lui.
— Toi, la Chasseuse d’intestins… Je te conseille de partir maintenant.
Elsa sourit, mais cette fois, il y a une tension dans ses mouvements. Elle sait qu’elle est en infériorité numérique face à Lia et Puck.
— Très bien, dit-elle finalement, reculant légèrement. Mais ce n’est pas la fin. Nous nous reverrons.
Elle disparaît dans l’ombre aussi rapidement qu’elle est apparue.
Lia s’approche, tendant une main pour m’aider à me relever.
— Tu devrais être plus prudent, dit-elle doucement.
Je prends sa main, me relevant lentement.
— Merci pour l’aide. Mais je suppose que tu n’es pas là par hasard.
Lia hoche la tête.
— Felt. Tu sais où elle est, n’est-ce pas ?
Je soupire, croisant les bras.
— Oui. Mais si tu veux la trouver, il faudra qu’on discute.
Un silence s’installe, brisé par le rire léger de Puck.
— Tu es vraiment quelque chose, Wilfried.
Je souris légèrement.
— Et toi, Puck, tu es plein de surprises.
Nous quittons la ruelle ensemble, nos objectifs momentanément alignés. Mais une chose est sûre, c'est le début des ennuis.
Dans une ruelle calme, loin du tumulte des bidonvilles, je m’assois face à Lia — ou plutôt Emilia, puisqu’elle décide enfin de révéler son vrai prénom.
— Alors, reprenons. Tu veux dire que ce sceau royal, volé par Felt, t’appartient et qu’il a une valeur inestimable ? demandé-je, en croisant les bras.
Emilia hoche la tête, son expression sérieuse.
— Oui. Ce sceau est une relique liée à Volcanica, le Grand Dragon. Il s’active uniquement entre les mains de la prêtresse choisie.
Puck intervient, flottant nonchalamment près de son épaule.
— Et comme tu le sais maintenant, sans famille royale en Lugnica, le prochain roi sera l’une des cinq prêtresses choisies par le dragon. Ce sceau est une preuve que…
Il s’interrompt, regardant Emilia. Elle lui fait un signe imperceptible, et il continue.
— …que ma contractante ici présente est l’une d’entre elles.
Je hausse un sourcil, réfléchissant rapidement.
— Si c’est vrai, alors ce n’est pas simplement un vol. C’est une tentative de sabotage politique, voire une déclaration de guerre.
Emilia hoche à nouveau la tête.
— C’est pour ça qu’on doit le récupérer.
Je soupire, passant une main dans mes cheveux.
— Mais Elsa est impliquée. Et elle n’agit pas seule.
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Une manipulation en marche
Je récapitule les faits, les posant clairement pour Emilia et Puck :
— Felt et le demi-géant ont été engagés pour voler ce sceau par Elsa, qui leur a promis dix pièces sacrées. Une somme pareille pour deux voleurs de bidonvilles ? Évidemment, c’est un piège. Elsa n’a jamais eu l’intention de leur donner cet argent. Une fois le sceau en main, elle les aurait tués sans hésitation.
Emilia fronce les sourcils.
— Pourquoi tu dis ça ?
— Parce que ce sont des voleurs, répondé-je, pragmatique. Personne ne se battra pour eux. Aux yeux d’Elsa, leur mort ne serait qu’un dommage collatéral.
Puck acquiesce doucement.
— Wilfried a raison. Elsa n’est pas quelqu’un qui laisse des témoins.
— Et cette somme… ajoutai-je, réfléchissant à voix haute. Dix pièces sacrées, c’est plus qu’énorme. Cela signifie que son employeur connaît parfaitement l’importance de ce sceau et de son lien avec toi, Emilia.
Emilia détourne le regard, le poids de mes paroles semblant l’écraser un instant.
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Un désaccord brûlant
— Donc, voilà mon plan, dis-je en me levant. On avertit les gardes. C’est hors de notre portée.
Emilia me fixe, ses yeux lilas étincelant d’émotion.
— Non.
— Non ? répétai-je, incrédule. Tu réalises ce que tu dis ?
Elle se lève à son tour, posant une main ferme sur mon bras.
— Je veux les aider.
— Les aider ? Felt et ce demi-géant ? Ils t’ont volé ! Ils ont mis ta vie en danger. Tu crois vraiment qu’ils te remercieront ? Elsa va les tuer, Emilia. Elle les manipule depuis le début.
Mais elle ne bouge pas, son regard rempli de détermination.
— Justement. Ils se sont fait manipuler. Et personne ne mérite de mourir pour ça.
Je serre les dents, frustré par sa naïveté.
— Si tu y vas, Elsa te tuera. Et si Puck meurt en te protégeant, il n’y aura plus personne pour arrêter ce massacre.
Puck intervient, l’air sérieux.
— Wilfried n’a pas tort, Lia. Mais tu sais que je te suivrai quoi qu’il arrive.
Emilia secoue la tête, obstinée.
— Je ne peux pas les abandonner.
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Une proposition risquée
Je souffle, réalisant que nous sommes dans une impasse. Emilia ira, quoi que je dise. Et si elle part seule, elle signera son arrêt de mort.
— Très bien, dis-je enfin. Faisons un marché.
Emilia me regarde avec méfiance.
— Quel genre de marché ?
Je sors mon pendentif de sous ma chemise, le détachant avec précaution.
— Tu veux aider Felt et son complice ? Alors attends ici. Toi et Puck, vous restez cachés pendant que je vais chercher de l’aide.
— Pourquoi devrais-je te faire confiance ? demande-t-elle, ses yeux fixant le pendentif.
Je lui tends le bijou.
— Parce que je te donne ça comme garantie.
Elle prend le pendentif, l’examinant avec attention. À l’intérieur, deux petites photos sont visibles. La première me montre à onze ans, avant mon départ pour le Japon. À côté de moi se tient Thierry, mon grand-frère, mentor, et protecteur. La seconde est plus récente : moi, entouré des Yakuza et de Hakurei, la veille de mon enlèvement.
— Ce pendentif est précieux pour moi. Si je ne reviens pas, il sera ta preuve que je n’ai pas fui.
Emilia regarde les photos, son expression adoucie.
— Tu étais si jeune…
— On l’a tous été un jour, répondis-je en haussant les épaules. Maintenant, promets-moi que tu resteras ici.
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Un départ sous tension
Après une longue hésitation, Emilia hoche la tête.
— D’accord. Mais fais vite.
— Pas de souci, dis-je avec un sourire. Je suis plutôt rapide quand il s’agit de sauver ma peau.
Puck me lance un regard espiègle.
— Fais attention à toi, Wilfried. Si tu te fais tuer, je te hanterai.
Je lève les yeux au ciel avant de me tourner vers Emilia.
— Si je ne reviens pas dans deux heures, partez sans moi.
Elle serre le pendentif contre sa poitrine, ses yeux exprimant une inquiétude sincère.
— Reviens en un seul morceau.
Je hoche la tête et quitte la ruelle, mon esprit déjà concentré sur la prochaine étape.
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La recherche d’aide
Dans les bidonvilles, trouver des alliés est presque impossible. Les gens se battent pour survivre, et rares sont ceux prêts à risquer leur vie pour quelqu’un d’autre.
Mais je n’ai pas le choix.
Je retourne vers le marché, cherchant des visages familiers. Peut-être le marchand de pommes ? Ou quelqu’un d’autre qui pourrait m’aider à convaincre les gardes de s’impliquer.
Elsa est un problème bien trop grand pour moi seul.
En avançant, je ne peux m’empêcher de penser à ce pendentif laissé entre les mains d’Emilia. Un morceau de mon passé, une preuve que j’ai encore quelque chose à protéger.
Et pour la première fois depuis longtemps, je ressens une étrange forme d’espoir.
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