Arc 1 - Chapitre 2
Je lève les yeux vers le ciel dégagé, mes pas résonnant doucement sur les pavés. Mon téléphone, bien que hors réseau, me donne encore l'heure : 12 h 45. Cela fait précisément quarante-cinq minutes que je suis arrivé dans ce monde étrange.
Mon ventre gronde, un rappel clair que mon corps, même avec son expérience accumulée, reste soumis à des besoins primaires. La faim me tiraille, et je sais qu'il est temps de trouver de quoi manger.
Je parcours la place principale où les marchands crient leurs offres. Fruits, légumes, pain… les étals regorgent de produits frais. Mon regard s'arrête sur un marchand au teint marron, musclé, qui semble particulièrement énergique. Il tient une pomme rouge et brillante, qu'il exhibe avec fierté.
Je m'approche, serrant ma bourse dans ma poche pour éviter de la montrer à tout le monde.
— Combien pour une pomme ? demandé-je avec une voix posée.
Le marchand me fixe de ses yeux perçants, jaugeant probablement mon allure inhabituelle.
— Une pomme ? Deux pièces de bronze, répond-il avec un sourire.
Je hoche la tête et réfléchis rapidement. Mon plan est clair : rationner mes provisions autant que possible.
— Je prends vingt pommes, dis-je calmement.
Le marchand hausse un sourcil, impressionné par ma commande.
— Bien ! Voilà de quoi vous rassasier, jeune homme.
Il emballe les pommes dans un sac en toile que je prends avec précaution. Je compte les pièces, en retirant quarante de ma bourse, puis les tends au marchand. Une fois la transaction terminée, je m'éloigne légèrement, cherchant un coin tranquille pour manger.
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Je trouve un banc de pierre près d’un arbre et m’installe, posant le sac à côté de moi. Je sors une pomme et la regarde attentivement. Sa peau est d’un rouge éclatant, presque irréel, et son parfum sucré me met l’eau à la bouche.
Je croque dedans, et le goût explose dans ma bouche. La chair est juteuse, douce, mais légèrement acidulée, une combinaison parfaite. Je savoure chaque bouchée, oubliant momentanément les événements des dernières heures.
Je mange une deuxième pomme, puis une troisième, me sentant enfin rassasié. Mais ce n’est pas le moment de me laisser aller à la contemplation. Chaque seconde est précieuse.
Je range soigneusement les pommes restantes dans mon sac. Quatre jours. C’est le temps que je pourrai tenir avec ces provisions si je me discipline. Trois pommes pour aujourd’hui, deux pour ce soir, et une pour le petit-déjeuner. Ça suffira, pour l’instant.
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Mon esprit revient à mon objectif principal : comprendre ce monde. Je me relève, resserrant ma cape noire autour de moi, et retourne dans la rue principale.
Les enseignes, les panneaux, les affiches... tout est une mine d’informations. Je note les formes des lettres, leur agencement, leur logique. Bien que les gens parlent ma langue, leur système d’écriture est différent, et je dois l’assimiler pour être autonome.
Je m’arrête devant une librairie. À travers la vitrine, je vois des étagères remplies de livres, de rouleaux, et de parchemins. L’idée de rentrer et d’explorer me tente, mais ce n’est pas encore le bon moment. Je dois économiser mes ressources et évaluer mes priorités.
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Au détour d’une ruelle, je tombe sur un groupe d’enfants qui jouent avec une sorte de ballon fait de cuir. Leur rire résonne dans l’air, insouciant et léger. Je m’arrête un instant, les observant.
Un garçon un peu plus âgé que les autres s’approche de moi, curieux.
— T’es nouveau ici, pas vrai ?
Je le regarde, évaluant rapidement la situation. Pas de menace immédiate. Je décide de répondre honnêtement.
— Oui. Je viens d’arriver.
Le garçon hoche la tête, un sourire éclatant sur son visage.
— T’as l’air différent… mais sympa. Si t’as besoin d’aide, on est toujours là pour les nouveaux !
Son enthousiasme me désarme un instant. Je me contente de hocher la tête en guise de remerciement avant de reprendre ma route.
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Le soleil est maintenant haut dans le ciel, et les rues commencent à s’animer davantage. Les marchands crient plus fort, les passants se pressent, et l’énergie de la ville monte en intensité.
Je prends un moment pour me faufiler dans une ruelle plus calme, loin de l’agitation. Adossé à un mur de pierre, je fais mentalement le point.
J’ai appris certaines choses sur ce monde grâce à la femme que j’ai aidée plus tôt. Lugnica est un royaume en plein tumulte politique, et les rues regorgent de dangers. Mon uniforme attire encore trop l’attention, mais ma cape me permet de passer relativement inaperçu.
Cependant, il reste encore tant à découvrir. Les coutumes, les lois, les lieux importants... Je dois me fondre dans la masse pour survivre. Et surtout, je dois rester vigilant.
Survivre. Toujours. À tout prix.
Avec cette pensée gravée dans mon esprit, je resserre ma prise sur le sac à dos et retourne dans la lumière du jour, prêt à continuer mon exploration.
13 h 33.
Je sors de la bibliothèque, mon sac bien ajusté sur mon épaule. J’ai passé plus d’une heure à étudier les documents que j’ai pu obtenir. Les écritures de ce royaume commencent à prendre sens pour moi, du moins les bases. Ce n’est qu’une question de temps avant que je puisse lire avec fluidité.
La capitale se dévoile pleinement à mes yeux. Je marche, observant tout autour de moi, chaque détail, chaque interaction. Peu importe le monde, une chose est claire : l’inégalité est une constante universelle.
Les rues principales sont bordées de boutiques luxueuses et de demeures somptueuses, où les riches exhibent leur opulence sans la moindre gêne. Pendant ce temps, dans les ruelles plus sombres, je vois des enfants mendier, des adultes épuisés travailler sans relâche pour quelques pièces.
Hypocrisie humaine. Toujours là, peu importe où l’on va.
Je serre les poings. Quiconque osera me l’imposer ici subira un sort bien pire que la mort.
Pour me calmer, je mets mes écouteurs et ouvre mon téléphone. Une chanson familière, un rappel de mon monde, commence à jouer : Cha-La Head-Cha-La.
La voix énergique me rappelle immédiatement mon grand frère Thierry. C’est lui qui m’a initié aux mangas et à tout ce que j’aime aujourd’hui. Grâce à lui, j’ai découvert Dragon Ball, et cette chanson est devenue un symbole de notre lien.
Je souris légèrement, le rythme m’accompagnant alors que mes pas me guident dans une ruelle. Mais mon moment de sérénité est rapidement interrompu.
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Trois silhouettes se détachent devant moi. Trois types, avec des vêtements miteux et des armes de fortune. L’un porte une dague émoussée, l’autre une massue en bois, et le dernier semble se contenter de ses poings.
— Tiens, tiens, un gamin qui se promène avec un sac bien lourd, commence celui qui tient la dague. Je me présente : Chin.
— Moi, c’est Ton, ajoute le second en tapotant sa massue contre sa main.
— Et moi, Kan ! enchaîne le dernier en serrant ses poings. Ensemble, on est les meilleurs détrousseurs de la capitale !
Je les regarde, impassible. Leur posture, leur coordination, leur façon de parler... Des amateurs. Ces trois-là ne feraient même pas le poids face aux soldats de la White Room. Mais je ne dois pas sous-estimer une menace, aussi ridicule soit-elle.
Je décide de tenter une approche stratégique.
— Écoutez, je ne veux pas de problème, dis-je calmement. Vous pourriez simplement me laisser passer, et tout ira bien pour tout le monde.
Chin éclate de rire, suivi par les deux autres.
— T’entends ça ? Le petit veut nous apprendre la vie !
Comme prévu, l’approche amicale échoue. Je passe au plan B : la négociation.
— Si vous cherchez de l’argent, je peux vous en donner un peu, proposé-je. Pas besoin de violence inutile.
— Pas question ! hurle Kan. On prend tout ce que t’as !
Encore une réponse prévue. Je soupire et passe immédiatement au plan C : la technique secrète de la famille Joestar.
— Oh non ! Regardez derrière vous ! C’est la garde royale !
Leur confusion me donne juste assez de temps pour tourner les talons et courir.
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La course-poursuite commence.
Leur endurance est risible comparée à celle des assassins de la White Room, mais je reste sur mes gardes. Ce monde est encore inconnu pour moi, et je ne veux pas sous-estimer les pièges qu’il pourrait me réserver.
Je zigzague à travers les ruelles, sautant par-dessus des caisses et des obstacles, prenant des tournants serrés pour les semer. Mais ils me suivent toujours, hurlant des insultes et des menaces.
Mon souffle reste régulier grâce à mon entraînement. Je commence à les distancer, mais je me rends compte qu’ils pourraient appeler du renfort. Il me faut une solution plus définitive.
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C’est alors que je la vois.
Une silhouette féminine à la chevelure argentée et aux traits délicats. Elle porte une tenue blanche qui épouse son corps, élégante et pure. Pendant un instant, je suis figé, croyant reconnaître celle qui m’a parlé lors de mon arrivée dans ce monde. Mais je corrige immédiatement ma pensée.
Pas une elfe... une demi-elfe.
Cette ressemblance est troublante, mais je n’ai pas le temps de réfléchir davantage. Une idée germe dans mon esprit.
Je prends une grande inspiration et hurle :
— À l’aide ! Ces types veulent me tuer !
Ma voix résonne dans la ruelle, attirant son attention. Elle se retourne, ses yeux violets brillants se posant sur moi, puis sur mes poursuivants.
Je continue de courir vers elle, espérant que sa réaction rapide m’offrira une échappatoire ou, mieux encore, qu’elle interviendra pour m’aider.
Elle me fixe un instant, ses yeux violets scrutant les miens comme si elle cherchait à comprendre qui je suis. C’est alors que je remarque quelque chose... ou plutôt quelqu’un.
Un chat volant gris.
Mon cerveau s’arrête une seconde.
What the F ?
Le petit félin flotte au-dessus de l’épaule de la demi-elfe, battant doucement l’air avec ce qui semble être une énergie invisible. Il me regarde aussi, ses yeux pétillant d’une curiosité presque enfantine.
Je n’ai pas le temps de m’attarder sur cette vision surréaliste. La demi-elfe s’avance légèrement, levant une main délicate. Une aura verte commence à l’entourer, et avant même que je puisse cligner des yeux, des stalactites de glace, étrangement vertes, se matérialisent autour d’elle.
Les trois idiots s’arrêtent net, reculant d’un pas en tremblant.
— Hé ! Hé ! Pas besoin de faire ça, on s’en va ! lâche Chin d’une voix tremblante.
Sans qu’elle ait besoin de faire quoi que ce soit de plus, ils tournent les talons et fuient à toutes jambes, leurs cris s’éloignant dans les ruelles.
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Je reste figé un instant, analysant la situation.
Des stalactites vertes, pas bleues. Cela ne correspond pas à ce que je sais sur la glace ou la magie, mais c’est à noter.
Le chat volant se pose sur son épaule et parle. Oui, il parle.
— Pas très courageux, hein ? Ces trois-là n’auraient jamais tenu deux secondes face à toi, Lia.
Un esprit. Tout dans sa posture, son aura et ses paroles me ramène aux contes que je lisais enfant. Mais si c’est vraiment un esprit, cela veut dire qu’il peut sans doute lire mes intentions.
Je ne peux pas lui faire confiance. Pas encore.
La demi-elfe me regarde à nouveau, son expression mélangeant sérieux et curiosité.
— Que faisais-tu dans un endroit pareil ?
D’ordinaire, j’exigerais qu’ils se présentent d’abord, mais ce n’est ni le lieu ni le moment.
— Je suis arrivé en ville il y a peu, et j’ai croisé ces types tout à l’heure, dis-je simplement.
Le chat, qui semble se prénommer Puck, confirme mes dires d’un ton joyeux.
— Il dit la vérité, Lia. Pas de souci.
Je fronce légèrement les sourcils. Si cet esprit peut lire dans mes pensées ou intentions, il représente une menace potentielle.
Le chat volant continue de parler, adressant des commentaires légers à la demi-elfe. À un moment, il l’appelle Lia. Un joli surnom.
Je décide de jouer le jeu. Je m’incline légèrement et dis :
— Merci, Lia, et toi aussi, Puck, pour votre aide. Je me nomme Wilfried Brownvivor.
Ce n’est pas un mensonge. Si je vis encore après tout ce que j’ai traversé, c’est bien parce que j’ai survécu à tout.
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Puck se présente plus formellement :
— Moi, c’est Puck, l’esprit du feu. Ce que tu as vu, c’est une démonstration de ma manipulation de la température. Chaud et froid, tout ça.
Cela explique pourquoi les stalactites de glace étaient vertes et non bleues. Intrigué, je prends mentalement des notes.
D’après ce que j’ai lu dans les livres de la bibliothèque, il existe deux grands types de magie dans ce monde :
1. Ceux qui puisent leur énergie dans leur mana interne via un portail corporel appelé "Od".
2. Ceux qui, grâce à un contrat avec un esprit, peuvent utiliser la magie des esprits, qui tire son énergie du mana ambiant.
Lia appartient donc à cette seconde catégorie, et Puck lui permet de manipuler la température.
Je les regarde tous les deux et, après une pause, je les applaudis.
— Impressionnant. Vraiment. Votre coordination et votre maîtrise sont à couper le souffle.
Puck rit doucement, mais Lia semble rester sérieuse. Elle s’approche légèrement et me fixe à nouveau.
— Dis-moi, as-tu croisé une fille ? Elle a des cheveux jaunes et des yeux rouges.
Je plisse les yeux, réfléchissant. Une telle description me rappelle ce que j’ai lu : seuls les membres de la famille royale de Lugnica possèdent ces traits distinctifs.
— Non, je suis désolé, réponds-je sincèrement.
Un soupçon de déception traverse son visage. J’ai l’impression de lui avoir fait perdre son temps.
— Je suis désolé de ne pas avoir été utile, ajouté-je en m’inclinant légèrement.
Avant de partir, je lui demande :
— Puis-je au moins connaître votre nom ?
Elle me fixe un instant, hésite, puis répond :
— Satella.
Satella ?
Le nom résonne en moi. Ce que j’ai lu à la bibliothèque plus tôt me revient en mémoire. Dans ce monde, ce nom est synonyme de terreur, d’une figure sombre et maudite. Dire que tu t’appelles Satella ici revient à te proclamer le diable ou pire encore, Hitler.
Je secoue la tête.
— Non, ça ne va pas. Je vais plutôt continuer à vous appeler Lia. Ce nom vous sied beaucoup mieux.
Avant qu’elle ne puisse réagir, je tourne les talons et m’éloigne dans les ruelles, réfléchissant déjà à tout ce que je viens d’apprendre.
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