Réunion

J'attrapai la corde autour de mon épaule et la déroulai. J'en pris un bout, que j'accrochai à une cheminée métallique non loin sur le toit. Je m'assurai que le noeud tiendrait bon en tirant sur la corde. Prenant le reste de cette dernière, je la jetai par-dessus le toit, la laissant dévaler jusqu'au bas de l'immeuble. Je resserrai mes gants tout en m'approchant du bord du toit gris, les épaules hautes. Je pris une grande inspiration, essayant de calmer mes nerfs fébriles. J'attendais se moment depuis trois longues semaines, préparant le meilleur moyen d'effectuer mon plan sans encombre. Il faut que je le fasse, je suis trop près du but pour faire marche arrière.

Je fis quelques étirements, réchauffant mes muscles. Il est maintenant temps de me lancer. J'agrippai le bord du parapet et fis basculer d'un bond mes jambes dans le vide. La gravité m'attirant vers le bas, je dûs faire un grand effort pour garder ma prise. Je pouvais sentir les muscles de mes bras protester et l'articulation de mon coude gémir. Je tins malgré tout bon, m'étant pratiquée à ce genre d'exercice plusieurs fois. Je forçai mes bottes à s'enfoncer dans les irrégularités de la brique, me donnant une meilleure prise. J'attrapai la corde, d'un geste rapide. Je fit de petit bons vers l'arrière, laissant la corde glisser entre mes doigts, me permettant de descendre en vitesse le long du mur. Je m'arrêtai deux étages plus bas, près d'une fenêtre. Me tenant d'une main, je sortis de l'autre  ma lampe de poche miniature, que j'allumai et plaçai entre mes dents, éclairant mon travail. Je pris ensuite un outil en forme de stylo, dont la discrète pointe de verre me permettrait d'entrer dans le bâtiment.

  Mon stress avait laissé place au calme, l'habitude et l'action stabilisant mes émotions. Je traçai un cercle sur la vitre, repassant plusieurs fois sur le tracé. Je rangeai l'outil à ma ceinture et poussai de mes doigts le cercle de verre, qui se décrocha et atterrit dans un bruit sourd sur ce qui me sembla être un tapis. J'insérai ensuite ma main dans l'ouverture et tâtonnai quelques instants le cadre de la fenêtre à guillotine avant de trouver le verrou. Je le déclenchai, déverrouillant du même coup la fenêtre. D'une traction de la main, je remontai le battant et me donnai un élan pour me faufiler à l'intérieur de la pièce. J'atterris sans un bruit sur le sol une main posé sur le tapis, la corde dans l'autre. Je lâchai la corde et me relevai d'un geste furtif.

  Je regardai autour de moi, analysant la pièce du mieux possible. La lumière de la lune éclairait la scène, étant la seule lumière présente. La forme vague d'un bureau dans la noirceur se distingua à ma gauche, visiblement une tonne de papier empiler pêle-mêle sur celui-ci. Une bibliothèque remplie de livres épais couvrait le mur près de moi.

Prenant une grande inspiration pour me calmer, je mis mes lunettes sur mon nez. Celles-ci me permettaient de voir dans le noir grâce aux capteurs de vision nocturne que j'avais ajouté. Toutefois, je ne pouvais distinguer les couleurs, ma vision étant dans les tons de gris, de noir et de blanc. C'était un faible désagrément pour les avantages que me conféraient ces lunettes. La pièce se révéla à moi dans les moindres détails. Les murs ternes cernaient l'espace clos, ne laissant passer aucun bruit venant du reste de l'immeuble. Un siège en cuir probablement noir et dispendieux était près du bureau, vide de tout occupant. La pièce avait une odeur de poussière, de papier et d'encre, qui me chatouillait les narines.

J'arrêtai ma contemplation, regardant l'heure.

1:54

Je suis juste à l'heure. Je me mis en marche, le devoir m'attendant. Un tapis velouté que je soupçonnai d'être rouge couvrait le plancher, amortissant le bruit de mes pas. J'ouvris la porte et jetai un regard de part et d'autre du couloir pour m'assurer d'être seule avant de m'y insérer. Le parquet grinçait faiblement sous moi, malgré mes pas furtifs et agiles. J'étais à l'écoute du moindre bruit, à l'affût de la moindre présence. Je tournai à gauche, arrivant dans un couloir éclairé à la chandelle. Ce dernier longeait le mur de façon carrée, laissant un trou béant au centre de l'étage, qui était seulement bordé par une fine rampe de bois. J'entendais des gens discuter faiblement à l'étage inférieur. Un grand escalier face à moi permettait de descendre jusqu'au hall se trouvant en bas. Toutefois, ce n'est pas le chemin que j'allais prendre. Je profitai de la noirceur ambiante pour sauter et m'accrocher ainsi à une des poutres du plafond. Je me hissai sur celle-ci, m'accroupissant sur l'espace étroit. Je m'avançai lentement, juste au-dessus du gouffre me séparant du rez-de-chaussé. Comme un serpent, je me faufilai de poutre en poutre sans un bruit jusqu'à être en plein centre de l'étage, distinguant parfaitement les voix. J'ajustai la roulette sur le bord de mes lunettes et le zoom s'activa, me permettant de voir le cercle des cinq anarchistes plus bas. Parfait.

  Un sourire narquois se dessina sur mes lèvres. Il est maintenant temps de passer à l'action, une bonne fois pour toute. Je portai la main à ma ceinture et sentis la poignée de métal froide et noir contre mes doigts. J'extirpai lentement le couteau de son étui, mon pouce coincé dans l'anneau au bout du manche. Je fis tournoyer la dague dans ma main, un petit geste que j'aimais effectuer et qui assurait ma prise sur le couteau de lancer. Ma respiration s'accéléra tandis que je levais mon bras à la hauteur de ma tête. Je gardais un visuel sur le chef du groupe, Hazaël. Il discutait calmement avec les autres, une mallette en main, contenant sûrement de l'argent. C'est le moment ou jamais, tu n'as qu'une seule chance. Je délogeai rapidement une mèche de mes cheveux roses de devant mes lunettes, pour ne pas manquer mon coup. Je pris un dernière grande inspiration, prête à lancer ma dague. Leur conversation arrivait à mes oreilles, mais je n'y portais que très peu attention, concentré ma tâche. Je donnai un élan à mon couteau, pour le propulser.

— Tu es sure que tu l'as bien caché ?
— La clé? Oui, ne t'en fais pas, je l'ai mit en lieu sûr, dit Hazaël. Ne ferais-tu pas confiance à ton chef ? Ajouta-t-il de sa voix tinté de colère.

J'arrêtai mon geste, retenant ma dague au dernier moment. De quoi parle-t-il? Quelle est cette clé?

— Non, je vous fais entièrement confiance, Izel, balbutia son acolyte. Je veux toutefois m'assurer que la Clé de Cristal ne puisse pas être trouvée. Sa puissance est incommensurable, elle nous permettra de faire de grandes choses...

  Je me penchai vers l'avant pour mieux les entendre, leur voix ayant diminué en intensités. Soudainement la poutre sur laquelle je me tenais craqua, dévoilant ma position. Tous les yeux se levèrent vers moi tandis que mon sang se glaçait dans mes veines.

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