- Chapitre 6 -

Assise sur le rebord de son lit, Stella regardait dans le vide. Elle avait soigneusement fermé la porte de sa chambre à clef, préférant éviter sa mère qui traînait dans les alentours.

Elle ferma les yeux. Le médecin lui avait ordonné de rester chez elle pour le reste du mois, mais elle n'avait aucune envie de croiser sa mère ou Latro plus que d'habitude. Nerveuse, elle voulut triturer sa bague comme elle en avait l'habitude, mais ses doigts ne rencontrèrent que du vide. La bague... Elle l'avait perdu au parc la nuit dernière. Que dirait Latro quand il verrait qu'elle l'avait perdue ?

Elle prit une grande inspiration. Elle n'avait pas besoin de ça, pas maintenant. Elle prit sa tête entre ses mains et réfléchit. Le Prédateur lui avait enlevé la bague avec les dents et l'avait recrachée plus loin. Y avait-il une chance pour que la bague soit quelque part dans le parc ?

Sans plus réfléchir, Stella empoigna sa veste et une grosse écharpe pour cacher son bandage et sortit discrètement de chez elle.

* * *

Nox se rapprocha des traces de sang qui se trouvaient sur le sol, au beau milieu du chemin. Personne n'avait nettoyé les traces, bien que l'attaque ait eu lieu plusieurs heures auparavant et que le soleil soit levé depuis un bon moment. Personne ne nettoyait jamais. Nox avait entendu  qu'ils les laissaient exprès. Il s'agissait d'une sorte d'avertissement pour que les gens sachent que quelqu'un était mort ici après avoir eut l'imprudence de se promener une fois la nuit tombée. 

Ridicule.

—Il paraît que l'on n'a pas retrouvé le corps.

Nox sursauta et se tourna vers la personne qui avait prit la parole. Il s'agissait d'un homme d'une soixantaine d'années qui semblait plus se parler à lui-même qu'autre chose.

—Je ne comprends pas que les gens s'entêtent à sortir la nuit quand on sait ce qui rôde dehors..., continua l'homme. Une nuit de pleine lune, qui plus est !

La pleine lune... Nox eut envie de rire. Toute cette histoire de pleine lune n'était basée que sur de vieilles légendes. Certaines disaient que la violence et la soif de sang des Prédateurs augmentaient, d'autres que leurs perceptions décuplaient sous l'effet de la lune. Mais toutes étaient fausses. Il ne se passait rien de spécial les soirs de pleine lune, la seule différence était qu'on y voyait un peu mieux dehors.

—Vous ne trouvez pas ça horrible ? insista l'homme en se tournant vers Nox.

Celui-ci rabaissa un peu plus sa capuche sur son visage.

—Je dirais même tragique, répondit-il enfin avant de s'éloigner sans rien ajouter.

Il n'avait pas l'habitude que des humains s'adressent à lui. Caché sous la capuche de son sweat, il passait relativement inaperçu. Nox sortait régulièrement la journée, après avoir dormi un peu. C'était un des rares de son espèce à le faire, la plupart étant trop sensibles à la lumière du soleil pour pouvoir sortir, les autres préférant simplement rester cachés. 

Il n'était pas réellement autorisé à sortir pendant la journée, mais Nox n'appréciait pas particulièrement la compagnie des autres. En ce moment même, il savait que Nebulo devait être en train de se vanter d'avoir réussi à attraper la jolie fille de la veille. Les plus jeunes le croiraient, les autres se contenteraient de ricaner dans leur coin, sachant qu'il était à peine capable de chasser un chat tout seul.

Nox s'assit sur un banc et ressortit la bague qu'il avait gardé de la veille. Il la faisait passer entre ses doigts, repensant à la jeune fille à qui elle appartenait. Il ne savait pas exactement pourquoi il avait décidé de l'épargner. Son instinct lui avait juste dicté de la laisser partir. Peut-être était-ce parce qu'elle était jeune. Trop jeune.

Nox n'aimait pas tuer, contrairement à ce qu'il laissait croire aux autres. Cependant, il devait se nourrir et son instinct animal était parfois trop fort. Mais il n'avait pas vraiment eu de problème à se contrôler la veille, quand bien même il avait senti le sang de la jeune fille sur sa langue. La curiosité, et quelque chose d'autre qu'il n'avait encore réussi à identifier, avaient prit place sur sa faim. Pourquoi était-elle dehors à cette heure-ci ? Nox aurait pu croire à un piège dans lequel la fille aurait servi d'appât, mais quelque chose lui avait soufflé que ce n'était pas le cas. Alors que lui était-il arrivé ?

Il arrêta brusquement de faire tourner la bague entre ses doigts et releva la tête. Elle était là, dans le parc.

* * *

Il n'avait pas fallu très longtemps à Stella pour arriver jusqu'au parc. Elle n'aurait pas dû se sentir aussi énergique après ce qui s'était passé, cependant, à part la douleur au creux de son cou qui ne la quittait plus, elle ne se sentait pas particulièrement faible.

Elle arriva rapidement sur les lieux de l'agression et frissonna en voyant son propre sang sur le gravier. Elle détestait qu'ils laissent les traces de chaque agression bien en évidence, attendant que le temps lui-même ne les fasse disparaître. Elle marcha aux alentours, cherchant une lueur qui pourrait lui indiquer la présence de la bague.

Stella sentit comme un frisson dans sa nuque et elle se retourna vivement. Elle chercha autour d'elle et son regard se posa sur un homme assis sur un banc à l'autre bout du parc. La capuche de son sweat lui descendait suffisamment bas pour qu'il lui soit impossible de distinguer son visage.

—Stella !

Cette dernière sursauta et se retourna vers celui qui l'avait interpellée : un jeune homme grand et blond, légèrement plus âgé qu'elle. Octave. 

Il se précipita en courant vers elle et elle l'observa sans rien dire.

—Stella ! répéta-t-il quand il arriva à sa hauteur. Dieu merci, tu vas bien !

Il fit mine de la prendre dans ses bras et elle se retira vivement.

—Comme si ça t'importait que j'aille bien, cracha-t-elle.

—Stella, comment peux-tu dire ça ? Tu sais très bien que...

—Tu m'aurais laissée crever ! s'emporta-t-elle en lui assénant un coup sur le torse. Salaud ! Salaud !

Il lui bloqua les poings et la regarda dans les yeux.

—Stell', arrête ça ! Je ne pouvais rien faire et tu le sais très bien ! Si je t'avais laissé entrer chez moi, Ira se serait retournée contre moi et...

—Oh, pardonne-moi de t'avoir mis dans une situation embarrassante en essayant de sauver ma peau !

Elle retira vivement ses poignets de son emprise.

—Ne le prends pas comme ça.

—Tu n'es qu'un sale lâche. Toi, et tous les autres. Et qu'est-ce que tu as dit à la police, hein ? Tu leur as dit que c'était moi qui étais partie de mon plein gré ? Peut-être même que tu leur as dit que tu m'avais proposé de rentrer chez toi mais que j'avais refusé, hein ?

—Arrête Stella ! Pourquoi est-ce que tu es comme ça ? Tu vas bien que je sache, non ?

Elle le regarda avec des yeux ronds avant de se mettre à rigoler nerveusement.

—Ouais. C'est ça, murmura-t-elle en jetant un coup d'œil au gravier plein de sang à ses pieds. J'ai jamais été aussi bien.

Il suivit son regard et observa le sang à ses pieds sans comprendre.

—Stell'... (Il lui prit la main et la porta à son visage.) Dis-moi que tu me pardonnes, s'il te plaît...

Elle retira sa main et la rangea dans sa poche.

—Je crois, répondit-elle en pesant ses mots, que j'ai besoin que tu me laisses seule maintenant.

—Bien, cracha-t-il, visiblement vexé. Si c'est ce que tu veux.

Il tourna les talons, la laissant seule. Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule : le banc était vide. Elle frissonna et reprit la direction de chez elle.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top