- Chapitre 45 -
Un peu perdue dans ses pensées, Stella coupait les fruits qui se trouvaient en face d’elle.
—Tu vois, lui disait Venus, tu peux pas te planter avec une salade de fruit. T’as littéralement rien à faire.
—Hm-hm, répondit-elle distraitement.
Venus passa sa main devant les yeux de Stella.
—Tu m’écoutes ?
Celle-ci cligna des yeux plusieurs fois et les leva vers son amie.
—Pardon, j’étais un peu ailleurs.
—J’avais remarqué… Qu’est-ce qu’il y a ?
Stella posa son couteau et poussa un soupir.
—Rien. C’est juste que ça fait un moment que Nox et Angel sont partis maintenant.
Installé sur une table au milieu du camp, elle jeta un coup d’œil vers la grande palissade de bois, espérant voir la porte s’ouvrir. Nox et Angel étaient partis le matin même et n’étaient toujours pas revenus alors que la journée touchait à sa fin.
Venus haussa les épaules.
—T’inquiètes pas, c’est juste qu’ils ont dû s’éloigner un peu pour trouver les sangliers. Ils ne devraient pas tarder. T’as du mal à rester séparer de Nox, n’est-ce pas ?
Stella acquiesça mais ne dit rien de plus. Elle déposa les fruits découpés dans le bol en bois en face d’elle et poussa un soupir. La vie au sein de la Résistance était bien différente que ce qu’elle avait pu imaginer. Elle ne savait pas exactement à quoi elle s’attendait, mais certainement pas à ça. D’une certaine manière, elle se sentait aussi coincée ici qu’elle ne l’était dans la Ville. Les seules différences étaient qu’elle s'y sentait en sécurité et qu’elle pouvait être avec Nox.
Elle entendit un peu d’agitation et tourna vivement la tête vers l’entrée du camp. La porte était ouverte et elle aperçut Nox franchir l’entrée. Elle laissa tomber ce qu’elle était en train de faire et marcha d’un pas rapide vers lui.
Il tourna immédiatement la tête vers elle et sourit en l’apercevant. Ses cheveux étaient un peu ébouriffés, quelques égratignures étaient apparues sur son visage et un peu de sang était encore visible sur le col de son t-shirt.
Arrivée à sa hauteur, elle se blottit dans ses bras et le serra fort.
—Eh, fit-il en lui caressant les cheveux, ça va ?
—J’étais inquiète, t’es parti toute la journée.
Il la serra contre lui un instant avant de s’écarter pour voir son visage.
—Désolé, on a pas vu le temps passer.
Il esquissa un sourire avant de déposer un baiser sur ses lèvres.
—Angel va me montrer comment dépecer un sanglier, tu veux venir ?
Stella afficha une moue de dégoût.
—Je crois que je vais passer mon tour.
—Comme tu veux. On se revoit à la fête, alors.
—D’accord.
Il l’embrassa une dernière fois et commença à s’éloigner quand elle le rattrapa par le bras.
—Nox, attends !
Il se retourna vers elle, l’air interrogateur.
—Ça va ? lui demanda-t-elle.
—Oui, pourquoi ?
Elle hésita un instant. Pendant une seconde, il lui avait semblé apercevoir quelque chose dans son regard, comme de l’inquiétude. Peut-être qu’elle s’était trompée.
—Pour rien. À tout à l’heure.
Il lui sourit et alla rejoindre Angel.
* * *
Stella observait le gobelet qu’elle tenait à la main avec suspicion.
—Goûte ! l’encouragea Venus.
Stella fit la moue.
—Je ne sais pas. Je ne bois déjà pas beaucoup d’alcool en temps normal, alors de l’alcool qui a été fait avec les moyens du bord au fin fond des bois ? Je suis pas convaincue…
—T’exagère ! Tu bois quoi comme alcool d’habitude ?
—Du vin, et seulement aux grandes occasions.
Venus leva les yeux au ciel.
—Oh lala ! Alors, mademoiselle vient de la Ville et donc ne boit que du vin de qualité c’est ça ?
Le visage de Stella s’empourpra.
—Quoi ? Non, ça n’a rien à voir ! Je suis juste pas une grande amatrice de boissons alcoolisées. Mon ex m’a fait goûter du whisky une fois. J’ai pas aimé.
Venus secoua la tête d’un air désapprobateur.
—Allez, fait pas ta mijaurée. Bois !
Stella poussa un soupir. Elle s’apprêtait à porter le verre à ses lèvres quand quelqu’un le lui enleva des mains. Elle tourna la tête pour voir qui le lui avait pris et découvrit Nox. Les festivités avaient commencé une bonne demi-heure auparavant et c’était la première fois qu’elle le voyait depuis qu’il était revenu de la chasse.
—Bois pas, lui intima-t-il. J’ai goûté, c’est infect.
Venus lui lança un regard noir et le regarda boire le verre de Stella d’un air inquisiteur.
—Si c’est infect, pourquoi tu le bois ?
Nox haussa les épaules et rendit le gobelet vide à Venus.
—J’ai l’habitude de boire de l’alcool infect.
Il prit la main de Stella dans la sienne et commença à l’entraîner plus loin. Surprise, elle fit un rapide geste de la main à Venus pour s’excuser de la laisser en plan.
Elle suivit Nox à l’écart, loin de l’agitation générale. Ils pouvaient toujours entendre les habitants s’amuser mais ne les voyaient plus. Ils venaient tout juste de s’arrêter sous un arbre que Nox l’attira contre lui pour l’embrasser.
—Tu m’as manqué aujourd'hui, dit-il après s’être décollé d’elle.
—Toi aussi, répondit Stella en souriant.
Il lui rendit un faible sourire et la prit dans ses bras.
—Tu veux danser ? lui proposa-t-il.
Stella fronça les sourcils.
—Il n’y a pas de musique.
—C’est pas grave… J’ai envie de danser avec toi.
Elle n’insista pas plus. Elle passa ses bras autour de sa nuque et posa sa tête contre son torse. Ils dansèrent en silence quelques minutes, se mouvant au rythme d’une musique imaginaire. Ils finirent par s’arrêter mais ne se décollèrent pas l’un de l’autre.
—Angel m’a parlé de la discussion que tu avais eu avec Venus, dit alors Nox en brisant le silence.
Stella fronça les sourcils.
—Laquelle ? Je parle beaucoup avec Venus, tu sais.
—Celle où tu lui as demandé comment ils faisaient pour ne pas avoir d’enfants.
—Oh, fit Stella, surprise.
Elle s’écarta un peu de Nox pour le regarder.
—Tu le savais, toi ?
—Savoir quoi ? demanda-t-il prudemment.
—Pour les enfants. Enfin, pour leur absence plutôt. Venus m’a dit que tous les détenus étaient stérilisés à leur entrée en prison. (Elle frissonna.) C’est horrible, tu ne trouves pas ?
Le visage de Nox s’était décomposé, preuve qu’il n’était pas au courant.
—Ce n’est pas ce qu’Angel t’a dit ?
Nox avala difficilement sa salive.
—Non… je ne savais pas. C’est… C’est triste.
Stella reposa sa tête contre son torse et poussa un soupir.
—Je sais. C’est ce que j’ai dis à Venus, mais elle m’a dit que la plupart s’en fichaient. Elle, en tout cas, ça n’a pas l’air de la perturber plus que ça.
—Et toi ?
—Moi ? répéta Stella sans comprendre.
—Tu veux des enfants ?
Elle voulut s’éloigner de lui pour le regarder, mais il la maintenant trop fermement pour qu’elle puisse le faire.
—Je sais pas. C’est pas vraiment le genre de question que je me pose.
Nox resta silencieux. Elle ne savait pas vraiment ce qu’il attendait de cette conversation. Elle avait cru comprendre que la descendance était un concept important aux yeux des Prédateurs. Elle aurait préféré qu’il en soit autrement.
Un certain malaise c'était installé et elle se sentit obligée de s’expliquer.
—C’est pas que j’en veux pas. Mais… j’ai dix-sept ans. J’ai passé les dernières années de ma vie à craindre le futur et à essayer de ne pas y penser, alors je n’ai jamais vraiment réfléchi à si je voulais des enfants ou non, tu vois ?
—Je vois.
Stella se sentait mal à l’aise. Elle sentait qu’il ne lui disait pas tout, et elle n’aimait pas quand il se renfermait ainsi.
—Ce que je veux dire, continua-t-elle, c’est qu’on a toute la vie devant nous. Je me doute que c’est important pour toi mais…
—C’est pas ça, la coupa Nox.
Elle fronça les sourcils et tenta de nouveau de s’écarter. Cette fois-ci il la laissa faire et elle put enfin apercevoir son visage. Ses traits étaient tendus mais elle n’aurait pas su dire quelle émotion le traversait exactement.
—C’est pas important pour toi ? s’étonna-t-elle.
Il secoua la tête, comme s’il avait perdu le fil de ses pensées.
—Si, c’est important mais...
—Mais quoi ?
Il l'observa un instant sans rien dire.
—Mais quoi, Nox ? insista la jeune fille.
—Je suis désolé, lâcha-t-il.
Un sourire nerveux s’afficha sur le visage de Stella.
—Désolé de quoi ?
Il hésita.
—Nox ?
Il baissa les yeux un instant. Puis il prit une profonde inspiration et dit :
—Tu es déjà enceinte.
* * *
Le sourire de Stella, déjà crispé, fini de disparaître lorsqu’elle comprit enfin ce que lui disait Nox. Celui-ci sentit la panique monter en elle, vit ses pupilles se dilater et son cœur s'accélérer.
—Je suis quoi ? répéta-t-elle d’une voix étranglée.
Nox posa doucement ses mains sur ses épaules dans l’espoir de la calmer.
—Stella, panique pas. Ça va aller, d’accord ?
Elle secoua nerveusement la tête, visiblement peu convaincue.
—J-Je crois que j’ai besoin de m'asseoir, balbutia-t-elle.
Elle se laissa glisser sur le sol et prit sa tête entre ses mains. Nox s’agenouilla à côté d’elle.
—J'arrive pas à y croire, marmonna-t-elle pour elle-même. Comment est-ce possible ?
—Eh bien, je suppose que…
—Je sais très bien le pourquoi et le comment, Nox ! le coupa-t-elle. C'était rhétorique. (Elle poussa un soupir et ses épaules s’affaissèrent.) Je suis stupide, lâcha-t-elle. Tellement, tellement stupide.
—Stella, dis pas ça…
Il lui fit doucement relever la tête vers lui et aperçut ses yeux embués de larmes.
—Pourtant c’est vrai, souffla-t-elle. Je suis stupide et irresponsable. Je pensais à quoi Nox ? Qu’avec ma chance légendaire j’allais passer entre les mailles du filet et que Mère nature oublierait mon existence ?
Nox prit son visage entre ses mains et essuya doucement les larmes qui avaient coulé sur ses joues.
—Stella il s'est passé tellement de choses, il y a eu tellement de bouleversements dans nos vies dernièrement et…
—Et maintenant il y en a un de plus.
Son ton avait quelque chose de sinistre et cela peina Nox.
—Stella… C’est pas si terrible que ça, non ?
Elle le regarda d’un air effaré.
—Pas si terrible ? répéta-t-elle. Tu te fous de moi ? Nox, j’ai un truc qui est en train de grandir en moi ! Comment est-ce que ça pourrait être une bonne nouvelle ?!
—Parce que le truc en question est le fruit de notre amour et que c’est beau ? tenta-t-il d’une voix mal assurée.
Elle ouvrit la bouche pour répondre et finit par lâcher un soupir.
—Je savais pas que les Prédateurs étaient aussi romantiques.
Il esquissa un sourire et passa la main dans les cheveux de la jeune fille.
—Je sais pas pour les autres, mais il faut croire que moi je le suis.
Stella baissa les yeux.
—Donc tu es content, toi ?
Il prit le temps de s’asseoir à côté d’elle avant de répondre.
—Disons qu’il y a des pour et des contre.
Il y avait beaucoup de choses que Nox n’avait pas dit à Stella. Il ne lui avait rien dit quant au fait que son espèce était en train de s'éteindre. Cet enfant, bien qu’en partie humain, c'était l’espoir de faire perdurer la lignée des Prédateurs un peu plus longtemps. Il n’avait pas non plus voulu la contredire quand elle avait dit qu’ils avaient toute la vie devant eux. Il savait que c’était faux. Il n’avait aucune idée de quel âge il arriverait à atteindre, mais il doutait dépasser la trentaine. Et Stella… il préférait ne pas y penser.
—Depuis quand tu es au courant ? l’interrogea-t-elle alors.
—Hier. Quand les battements de cœur ont commencé.
Stella baissa les yeux vers son ventre.
—Ah. Ça doit faire un mois alors.
Un silence pesant s’installa entre eux.
—Tu n'en veux pas, n'est-ce pas ?
Elle ne répondit pas.
—Stella…
—Mais qu'est-ce que tu veux que je te dise, Nox ? C’est pas comme si j’avais le choix. Si j’avais été en Ville, j’aurais peut-être pu y faire quelque chose, mais ici c’est même pas la peine d’y penser.
Nox fronça les sourcils. Il n'était pas sûr de ce qu’elle entendait par là. Il n'était pas sûr de vouloir le savoir non plus.
Il entendit alors quelqu'un s'approcher et il reconnut Venus alors qu'elle arrivait devant eux.
—Bah alors, dit-elle en les apercevant, c’est quoi ces têtes d'enterrement ? Vous avez oublié que c’était la fête ou quoi ?
Stella la regarda un instant sans rien dire avant de finalement se relever.
—Je vais me coucher, déclara-t-elle en passant à côté de son amie.
Venus la regarda avec étonnement mais ne dit rien.
—Vous vous êtes disputés ? demanda-t-elle après que Stella ait disparu.
Nox se releva à son tour.
—C’est plus compliqué que ça.
Il passa à côté d’elle mais elle le rattrapa par le bras. Quelque chose dans son attitude était différent, mais il n'aurait pas su dire quoi. Elle planta ses yeux bleus dans les siens et déclara :
—Tu sais, l'amour n’est pas toujours aussi éternel qu’on le croit. C’est fragile. Et parfois... ça se brise.
Nox fronça les sourcils, n'étant pas certain de ce qu'elle insinuait. Il dégagea brusquement son bras et lui lança un regard noir.
—Mêle-toi de tes affaires, Venus.
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