- Chapitre 44 -
Cela faisait une dizaine de minutes que Nox et Stella étaient réveillés, mais aucun n'avait bougé. Ils se contentaient de se regarder sans rien dire, profitant de ce moment de calme. C'était comme s'ils étaient coupés du monde. Dehors, le soleil brillait et filtrait à travers les fenêtres, les oiseaux chantaient dans les arbres et les habitants mangeaient joyeusement ensemble ; à l'intérieur, le silence régnait mais aucun mot n'avait besoin d'être prononcé.
Nox était heureux. Cela faisait un mois qu'ils étaient au camp. Un mois qu'il pouvait être avec Stella sans avoir besoin de se cacher. Un mois qu'il pouvait se réveiller dans ses bras sans avoir peur que quelqu'un les découvre. C'était plus qu'il n'aurait pu en rêver.
Il leva la main vers le visage de Stella pour dégager quelques mèches brunes et sourit. Il aimait ce court moment qu'ils partageaient chaque matin, où il n'y avait pas besoin de mots, cet instant de parfaite tranquillité que personne ne venait déranger et qui...
La porte s'ouvrit brusquement.
—Bonjour les tourtereaux ! cria Venus en entrant dans la pièce.
Nox se redressa d'un seul coup, aussitôt suivit de Stella.
—Venus ! s'exclama-t-il, mécontent.
La jeune femme ne sembla pas l'entendre.
—Vous savez quel jour on est aujourd'hui ? demanda-t-elle d'un ton excité.
—Mercredi ? proposa Stella.
Sans la moindre gêne, Venus les rejoignit sur le matelas et s'assit à côté de Stella.
—Mais non ! Enfin, si, mais c'est pas là que je voulais en venir. Aujourd'hui, ça fait officiellement un mois que vous êtes là ! Ce qui veut dire...
Elle laissa sa phrase en suspens, attendant que quelqu'un la finisse pour elle.
—T'aurais dû frapper, marmonna Nox. On aurait pu être occupés.
Venus leva les yeux au ciel.
—J'ai rien entendu avant d'entrer alors j'ai supposé que vous dormiez. Et puis arrête de râler, aujourd'hui est un jour de fête puisque l'on vous accueille officiellement ici !
Nox se retint de dire quoi que ce soit. Il n'avait pas reparlé avec Stella de ce qu'ils comptaient faire et il n'avait aucune idée de si elle voulait rester ici définitivement ou si elle voulait s'aventurer plus loin. Lui-même ne savait pas vraiment ce qu'il voulait. Il avait mis du temps à s'adapter à un nouveau rythme de vie, dormir la nuit et vivre la journée, être en contact constant avec des humains. Il chassait le gibier qu'il trouvait en forêt mais assistait aux repas avec les autres pour ne pas éveiller de soupçons. Le malaise qu'il avait éprouvé en arrivant s'était dissipé, mais il ne se sentait toujours pas complètement à sa place. Il s'entendait relativement bien avec Angel et Venus mais évitait de parler aux autres. L'idée de rester ne le gênait pas. L'idée de partir non plus.
—D'ailleurs, continua Venus en interrompant le cours de ses pensées, Angel veut qu'on organise une petite fête ce soir. C'est rare que les habitants de la Ville qui passent par là restent aussi longtemps, vous savez ? En fait, je crois que vous êtes les premiers à rester.
Stella grimaça.
—Une fête ? Avec tous les habitants ?
—Oui.
—On peut pas faire ça en petit comité ? Du genre très petit ?
Comme Nox, Stella ne s'était pas liée d'amitié avec beaucoup de monde. En revanche, elle était devenue très proche de Venus.
—J'approuve le très petit comité, renchérit Nox.
Venus fit la moue.
—Vous êtes vraiment une bande d'asociaux, ma parole ! Vous êtes sûr que vous avez fui la Ville ? Vous ne vous seriez pas plutôt fait bannir pour être particulièrement rabats-joie ?
Stella rit jaune.
—Quoi qu'il en soit, continua Venus, ça fait longtemps qu'on a pas eut de prétexte pour faire quelque chose de festif donc il y aura une grande fête avec tout le monde, que vous le vouliez ou non. En plus, les gars ont enfin réussi à préparer de l'alcool buvable alors ce sera l'occasion de trinquer.
Nox finit par hausser les épaules en signe d'indifférence. Au final, il s'agissait juste d'un prétexte, il y avait peu de chance pour que Stella et lui soient au centre de l'attention.
—Comme tu veux. Tant que je ne me retrouve pas avec trente personnes sur le dos qui me posent des questions auxquelles je vais devoir inventer des réponses pour prétendre être humain.
Stella, elle, ne semblait toujours pas convaincue. Venus la tira contre elle et lui ébouriffa les cheveux.
—Allez ! la pressa-t-elle. Fais pas la tronche, ça va être drôle !
Elle la relâcha et Stella passa la main dans ses cheveux pour tenter de les recoiffer.
—Pendant que j'y pense, dit Venus à l'attention de Nox, Angel voudrait aller à la chasse au sanglier avec toi.
—Sanglier ? répéta Nox sans voir de quoi elle parlait.
—Ouais. C'est gros, ça va vite et vaut mieux pas être dans le coin quand ça charge. En tant normal, on essaie plutôt de les éviter mais puisque tu es là on va en profiter.
Nox hocha la tête. Son instinct de Prédateur faisait qu'il aimait la chasse, et ne plus devoir courir après des humains lui allait très bien. De plus, il aimait bien chasser avec Angel. Celui-ci l'accompagnait parfois et n'avait jamais semblé perturbé par sa façon de se nourrir. Il lui avait appris à reconnaître les traces que laissaient les différents animaux, l'aidant à repérer les proies intéressantes autrement qu'à l'ouïe et l'odorat.
—Je peux venir avec vous ? demanda Stella. J'ai envie de sortir un peu.
Venir avec eux ? Nox secoua la tête. Bien que son état avait l'air stable, il ne voulait pas prendre le risque de la mettre en danger et que son instinct de Prédatrice se déclenche de nouveau. Car cette fois-ci, ils ne pourraient rien faire pour inverser la spirale descendante.
—Désolé, mais non. Je préfère que tu restes là.
—Pourquoi ?
—C'est dangereux.
Stella croisa les bras contre sa poitrine.
—Et alors ? Angel et toi serez là, je ne risque rien.
Nox poussa un long soupir. Il la connaissait assez pour savoir qu'il n'arriverait pas à la faire changer d'avis facilement.
—D'accord, céda-t-il, on pourra toujours demander à Angel ce qu'il en pense.
Angel était sa roue de secours. Nox savait très bien qu'il n'accepterait pas plus que lui que Stella vienne avec eux.
Cette dernière se releva brusquement, manquant de faire tomber Venus au passage.
—Cool ! On va lui demander ?
Nox se laissa retomber sur le matelas et poussa un soupir. Son moment de tranquillité était définitivement terminé.
* * *
—Comment ça, « non » ? s'écria Stella.
Comme s'en doutait Nox, Angel avait catégoriquement refusé que Stella les accompagne.
—« Non », dans le sens de la négation, mais tu peux aussi traduire par « Tu rêves ».
Stella se tourna vers Nox, espérant qu'il l'aide à convaincre Angel, mais il se contenta de lever les bras en signe d'impuissance. Elle reporta son regard vers Angel, furieuse.
—Mais j'ai envie de sortir un peu ! Je ne suis presque pas sortie du camp depuis que je suis arrivée !
—Si c'est juste ça, tu peux toujours aller te promener avec Venus. Vous n'aurez qu'à cueillir des fleurs.
Stella lança un regard noir à Angel.
—Et puis quoi encore ? Tu vas me mettre comme corvée de faire la cuisine sous prétexte que je suis une fille, peut-être?
—Je te rassure, vu tes piètres talents culinaires dont on a fait pu faire les frais l'autre jour, il est hors de question que tu aides encore à faire à manger. D'ailleurs, il faudra que tu m'expliques comment une fille de la Ville soit incapable de préparer un truc mangeable.
Stella ouvrit la bouche, outrée, et se tourna vers Nox.
—Nox ! Dis quelque chose !
Pris de court, il balbutia un peu et finit par dire :
—Je... j'ai jamais goûté ce que tu avais préparé, mais je suis sûr que ce n'était pas si mauvais que ça.
Les yeux de Stella s'ouvrirent en grand.
—Je ne te demandais pas d'argumenter sur ma cuisine, Nox.
—Ah.
Angel reprit la parole, coupant court à la conversation :
—Stella, je comprends que tu aies envie de sortir, mais pas aujourd'hui. La prochaine fois qu'on ira chasser un lapin on t'appellera, promis, en attendant il est hors de question que tu viennes chasser du sanglier avec nous. Connaissant ta chance légendaire, tu vas te retrouver réduite en bouillie en moins de deux.
Stella fit la moue et fusilla les deux jeunes hommes du regard, mais elle ne protesta pas plus.
—Désolé, lui dit Nox. On se revoit plus tard.
Elle semblait sur le point de dire quelque chose, mais il se pencha vers elle et l'embrassa pour l'empêcher de protester.
Il sentit ses muscles se détendre, preuve qu'il avait réussi à désamorcer la bombe.
Il déposa un dernier baiser sur ses lèvres avant de suivre Angel qui se dirigeait déjà vers l'entrée du camp.
—Elle ne laisse pas facilement tomber, ta copine, fit remarquer Angel alors qu'ils s'enfonçaient dans la forêt.
—Pas vraiment, non. Mais c'est quelque chose que j'aime bien chez elle. Enfin, quand ça ne met pas sa vie en danger. (Il haussa les épaules.) Et sinon, on les trouve où tes sangliers ? C'est la première fois que j'en entends parler, alors je suppose qu'il n'y en a pas autour du camp.
—En effet, il n'y en a pas trop dans le coin. Mais j'ai repéré des empreintes de sangliers à quelques kilomètres d'ici. Il va falloir marcher un peu.
Nox acquiesça de la tête. Lui qui avait vécu toute sa vie dans la Ville où la nature était peu présente, il était content de pouvoir découvrir un peu plus la forêt.
Cela faisait une vingtaine minutes qu'ils marchaient en silence lorsque qu'Angel prit la parole.
—Je me posais une question par rapport aux Prédateurs.
Depuis qu'ils étaient arrivés au camp, Angel lui avait posé beaucoup de questions, tellement que Nox se demandait comment il pouvait en avoir encore.
—Dis-moi, l'encouragea-t-il.
—Est-ce qu'un Prédateur peut mettre une humaine enceinte ?
Nox stoppa net. Angel continua d'avancer un instant avant de réaliser qu'il s'était arrêté.
—Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?
Le cœur de Nox s'était mit à battre plus vite et il était content que les humains ne soient pas capables de percevoir ce genre de choses.
Angel haussa les épaules, comme s'il s'agissait d'une question innocente. Pourtant, Nox était sûr qu'il y avait quelque chose de plus.
—Juste pour savoir.
Nox hésita un instant.
—Non, répondit-il finalement. Ce n'est pas possible.
Angel le regarda d'un air suspicieux.
—Tu es sûr ?
—Oui.
Le Prédateur se remit à avancer, espérant pouvoir mettre fin à la conversation rapidement.
—Est-ce que Stella est au courant ? continua Angel en le rattrapant.
Nox commençait à être nerveux. Il ne savait pas ce qu'Angel cherchait exactement, mais il n'aimait pas son insistance.
—Non, répondit Nox en s'enfonçant dans son mensonge. On n'en a jamais parlé. Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? s'impatienta-t-il.
Angel haussa de nouveau les épaules. Son air nonchalant avait le don d'énerver Nox.
—Parce que Stella a une conversation intéressante avec Venus.
Nox avala difficilement sa salive. Il faisait de son mieux pour garder son sang-froid, mais il était inquiet. Est-ce que Stella aurait révélé ses origines à Venus ?
—Quel genre de conversation ? demanda-t-il d'un ton qu'il espérait détaché.
—Elle a remarqué qu'il n'y avait pas d'enfants au camp et elle voulait savoir ce qu'on utilisait pour se protéger. Apparemment, elle a peur de tomber enceinte. Si j'étais elle, je m'en serais inquiété plus tôt, mais bon.
Nox fut soulagé de savoir qu'elle n'avait rien révélé mais pas encore totalement rassuré. Il haussa les épaules pour se donner une contenance.
—Si elle m'avait demandé, je lui aurais dit que ce n'était pas possible.
—Je vois, dit Angel en hochant lentement la tête. Tu devrais lui dire, qu'elle ne s'inquiète pas pour rien.
Il posa sa main sur l'épaule de Nox, le faisant sursauter.
—En tout cas, je suis content d'avoir clarifié ce point. Ça m'aurait ennuyé qu'elle puisse tomber enceinte. Parce que soyons clair : j'ai pris un risque en t'acceptant ici. Je n'en aurais pas pris un autre avec un bébé Nox.
Il lui tapota l'épaule avant de lui sourire et de reprendre son chemin. Nox resta un immobile au milieu des arbres, incapable de bouger.
—Putain, murmura-t-il pour lui-même.
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