- Chapitre 42 -
Stella fut réveillée par les premières lueurs du jour. Elle baissa les yeux vers Nox qui dormait toujours dans ses bras. Elle était tellement soulagée de l'avoir enfin auprès d'elle. Depuis la veille, les choses semblaient enfin se mettre en place : Nox était sortit de son coma et Angel avait accepté qu'il loge au camp. Elle le regarda avec tendresse plusieurs minutes, résistant à l'envie de l'embrasser de peur de le réveiller.
Elle était inquiète pour lui. Physiquement, il semblait aller mieux. Cependant elle avait pu percevoir son désarroi la vieille quand il était venu se recoucher. Elle ne savait pas où il était parti, ni pendant combien de temps, mais il lui avait semblé bouleversé.
Préférant le laisser se reposer, Stella se décolla lentement de lui et sortit du lit. Elle enfila une paire de chaussures et lui lança un dernier regard avant de quitter la cabane.
Elle s'approcha prudemment du garde-fou et jeta un œil plus bas. Elle pouvait entrevoir quelques tables de bois où mangeaient des habitants. Elle aperçut Angel qui lui fit signe de descendre les rejoindre et elle se dirigea à contre-cœur vers l'échelle. Elle n'avait jamais vraiment eu peur du vide jusque-là, mais l'idée de tomber lui donnait une boule au ventre dès qu'elle empruntait une des échelles de bois.
Une fois en bas, elle alla s'installer en face d'Angel.
—Tu manges seul ?
—J'ai l'habitude de manger avec Venus. On s'est disputé hier soir, je ne l'ai pas revue depuis. (Il haussa les épaules comme si ça n'avait pas d'importance.) Ça passera.
Stella se doutait que leur dispute avait un rapport avec le fait que Venus l'avait aidé à s'enfuir, aussi elle préféra ne pas poser de questions.
Elle prit un morceau de pain et croqua dedans.
—Je peux te poser une question ? demanda alors Angel.
Elle hocha distraitement la tête.
—Ce type que tu devais épouser avant de rencontrer Nox, rappelle-moi son nom ?
—Octave, pourquoi ?
Angel resta silencieux un instant.
—Parce qu'on a un type de la Ville qui est passé par là il y a quelque temps. Il s'était enfui et était passé à deux doigts de se faire bouffer. Il m'a dit qu'il avait tracé sans s'arrêter jusqu'à la forêt. Les Prédateurs ne s'aventurent pas aussi loin.
Le morceau de pain que Stella tenait à la main retomba sur la table. Figée, elle regardait Angel avec stupéfaction. Octave était vivant ? Cette seule possibilité fit jaillir une multitude de questions dans sa tête.
—Tu... tu es sûr qu'il s'agit du même Octave ? s'assura-t-elle.
—Je suppose. Il me semble qu'il m'avait dit que sa fiancée s'appelait Stella. Un vrai casse-couilles ce garçon, soit dit en passant. Jamais content, toujours en train de se lamenter.
Stella hocha lentement la tête.
—C'est bien lui.
Un sourire apparut sur son visage. Elle était soulagée qu'Octave s'en soit sorti. Même si les choses ne s'étaient pas toujours bien passées entre eux, elle savait qu'au fond c'était quelqu'un de bien et...
—Il s'est beaucoup plaint de toi, d'ailleurs, dit Angel en la sortant de ses pensées.
—Pardon ?
—D'après lui tu étais la source de tous ses ennuis et qu'il avait dû s'enfuir car tu t'étais montrée terriblement égoïste.
Stella plissa les yeux, soudain en colère.
—Quel sale petit... Ah ! J'arrive pas à y croire ! explosa-t-elle. Tu sais quoi ? Je suis bien contente qu'il soit encore vivant, comme ça non seulement je peux le détester, mais en plus si je le retrouve je pourrais l'étrangler de mes propres mains ! Moi, égoïste ? J'arrive pas à y croire !
Son soudain changement d'humeur fit rire Angel.
—Ça m'avait l'air d'être l'amour fou entre vous, plaisanta-t-il.
Stella souffla bruyamment.
—Il n'avait nulle part où aller, expliqua-t-elle. Plus de parents, pas d'amis et pas d'argent. Ma mère l'aimait bien, alors elle lui a proposé de s'installer dans un appartement vide de la résidence. Et mon beau-père lui a promis de lui payer ses études s'il devenait son gendre. De cette manière, mon beau-père savait qu'il me gardait près de lui et Octave savait qu'il ne se retrouverait pas à la rue pour finir dans l'estomac d'un Prédateur.
Stella ne savait pas vraiment pourquoi elle était autant énervée qu'Octave la blâme pour tous ses malheurs. Ce n'était pas vraiment étonnant de sa part. Il n'était pas méchant mais il avait tendance à penser à lui avant tout. Après tout, n'était-ce pas lui qui l'avait laissé dehors en pleine nuit pour éviter d'avoir des problèmes avec Ira ?
Stella se redressa brusquement sur sa chaise en repensant à sa mère. Si Octave avait survécu alors peut-être qu'elle aussi.
—Est-ce qu'une femme était avec lui ? s'enquit-elle.
Angel fronça les sourcils avant de secouer la tête en signe de négation. Les épaules de Stella s'affaissèrent d'un coup.
—Quelqu'un aurait dû être avec lui ? l'interrogea Angel.
—Non.
—Alors pourquoi est-ce que tu m'as demandé si...
—C'est pas important, le coupa-t-elle.
Ignorant la boule qui s'était formée dans sa gorge au même moment que le dernier espoir de revoir Ira vivante ait disparu, elle replaça une de ses mèches de cheveux en place et changea de sujet :
—Où est allé Octave ?
Angel haussa les épaules.
—Je ne sais pas trop. Il n'aimait pas la vie ici, devoir faire des travaux manuels pour survivre c'était pas son truc apparemment. Il a préféré tenter sa chance de l'autre côté de frontières. Ce n'était pas forcément la meilleure idée qu'il puisse avoir, mais comme il était du genre insupportable on n'a pas vraiment cherché à le retenir.
Les frontières... Elle n'était plus dans la Ville, mais elle n'avait pas encore franchi les frontières. Elle était dans un entre-deux, une zone calme qui semblait à priori sans danger.
—Pourquoi est-ce que tu dis que ce n'était pas une bonne idée pour lui de partir ?
Angel la regarda d'un air grave.
—Parce que c'est la jungle dehors. Le crime est une banalité là-bas, mais gare à toi si tu te fais attraper par les forces de l'ordre.
Stella baissa les yeux sur le morceau de pain qu'elle triturait dans ses mains. Elle avait envie de poser plus de question sur ce qu'il y avait en dehors de la Ville. Mais elle avait l'impression qu'elle serait déçue si jamais elle en apprenait plus. Pour le moment, elle n'avait pas envie de penser au futur. Elle voulait rester ici avec Nox et goûter à un peu de calme. Et pour le reste... ils y réfléchiraient plus tard.
—Tout va bien, Stella ?
Elle releva la tête et se força à sourire.
—Oui. Je suis contente que tu aies laissé Nox venir.
Angel fit la moue.
—Je l'ai laissé venir, mais il va me falloir un peu de temps pour me convaincre qu'il est totalement inoffensif. Je veux dire... je lui ai parlé, il m'a l'air plutôt normal. C'est juste le fait de savoir que c'est un Prédateur qui me dérange.
—Est-ce qu'il y a des Prédateurs de l'autre côté ?
—Très peu. Il y en a quelques-uns qui traînent dans les rues la nuit. Je ne sais pas très bien d'où ils sortent, mais ils n'ont pas très civilisé, rien avoir avec ton petit ami. Est-ce que tous les Prédateurs de la Ville sont comme lui ?
Stella haussa les épaules.
—Je ne sais pas trop. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de discuter avec d'autres Prédateurs à part Nox. J'ai déjà croisé ses frères, mais je ne leur ai jamais parlé. Ils étaient un peu moins axés sur le concept que l'on puisse traiter les humains autrement que comme de la nourriture.
Angel ricana.
—Tu trouves ça drôle ?
—Désolé, c'est juste étrange comme situation quand on y pense, tu ne trouves pas ?
—Angel... ma vie est une succession de situations étranges.
Sa remarque le fit rire et Stella se joignit à lui.
Angel sembla alors remarquer quelque chose derrière elle et dit :
—Je crois que ton copain vient de se réveiller.
Stella se retourna brusquement et leva les yeux vers les habitations. Elle aperçut Nox, accoudé au garde-fou, qui les regardait. Elle lui fit un signe de la main mais il ne répondit pas et fit demi-tour pour retourner à l'intérieur de la cabane.
Un peu surprise, elle se leva du banc et s'excusa auprès d'Angel. Elle monta en vitesse et alla rejoindre Nox à l'intérieur. Assis sur le matelas, il lui tournait le dos et ne prit pas la peine de se retourner quand il l'entendit arriver.
—Nox ? l'appela-t-elle en refermant la porte derrière elle. Ça va ?
—Oui.
Elle se mordit la lèvre et alla s'asseoir à côté de lui. Ses yeux fixaient le plancher et elle n'arrivait pas à capter son regard.
—Qu'est-ce qui ne va pas ? chuchota-t-elle en penchant la tête pour apercevoir son visage.
—Rien.
Le voir si renfermé la peina et elle prit sa main dans la sienne. Elle perçut alors les légers tremblements qui parcouraient son corps et qu'elle n'avait pas remarqué jusque-là.
—Nox... tu trembles ! Qu'est-ce qu'il y a ?
Il serra sa main dans la sienne et prit une profonde inspiration. Elle pouvait sentir la tension en lui et toute la force qu'il mettait à refouler ce qu'il ressentait.
—Nox, insista-t-elle d'une voix douce, c'est moi. Je suis là. Dis-moi ce qui ne va pas.
Il avala difficilement sa salive.
—Je... je crois que je suis en train de paniquer.
—Paniquer ? répéta Stella, surprise. Pourquoi ?
Il tourna finalement la tête vers elle et elle put lire l'inquiétude dans ses yeux.
—Je... je ne sais pas. Tout est nouveau pour moi, je n'ai aucun repère et je me sens perdu.
Stella se figea. Pour la première fois, elle réalisait qu'elle ne s'était jamais demandé comment Nox se sentait à l'idée de quitter la Ville. Après tout, lui aussi avait dû abandonner sa vie et sa famille.
—Tu... tu regrettes d'être parti ?
Il eut une seconde d'hésitation.
—Non, répondit-il finalement.
Il secoua la tête, comme reprendre ses esprits.
—Désolé, je ne veux pas que tu penses que je regrette d'être ici, parce que ce n'est pas le cas. Si c'est pour être avec toi, je te suivrais n'importe où. Mais... j'ai vraiment besoin de toi.
Stella passa ses bras autour de son cou et posa sa tête contre son torse.
—Je suis là, tu peux compter sur moi. Et puis, moi aussi j'ai besoin de toi, tu sais ?
Il referma ses bras autour d'elle et elle sentit ses muscles se détendre.
Ils restèrent silencieux un long moment avant que Nox ne reprennent la parole :
—Ça m'a inquiété tout à l'heure quand je me suis réveillé et que tu n'étais pas là. Et puis quand je t'ai vu rire avec Angel... je ne sais pas. Je crois que ça m'a fait peur. J'ai réalisé que c'était facile pour toi. Personne ne se méfie de toi et tu as l'habitude de côtoyer des humains.
—Et alors ? Je ne vais pas t'abandonner, tu sais.
—Je sais...
—Et ne t'inquiète pas trop pour les autres : la plupart pensent que tu es humain aussi. Et ce n'est pas si dur de côtoyer des humains, je suis sûre que tu t'en sortiras très bien. Et si vraiment ça ne marche pas ici... rien ne nous oblige à rester. Mais j'ai envie de voir ce que ça donne. Les derniers jours on été mouvementés et je crois que j'ai besoin de tranquillité. Pas toi ?
Nox hocha vivement la tête.
—Si, définitivement.
Elle sourit et se pencha vers lui pour l'embrasser.
* * *
Plus tard dans la matinée, Venus vint les chercher pour leur annoncer qu'un rassemblement avait lieu et qu'Angel avait prévu de les présenter au reste du camp.
Nox n'était pas particulièrement enchanté, mais il suivit tout de même Stella à l'extérieur. Il grimaça un peu quand le soleil caressa son visage, peu habitué à sortir en pleine journée sans sa capuche rabattue. Stella lui avait prit la main pour le rassurer et il ne l'avait pas lâché une seconde.
Venus les conduisit là où se déroulait le rassemblement et Nox sentit son estomac se nouer lorsqu'il réalisa que le camp comptait une bonne soixantaine de personnes. Il y avait des hommes et des femmes qui semblaient tous avoir entre vingt et quarante ans, mais aucun enfant ni adolescent. Assis sur des troncs d'arbres couchés sur le sol ou directement par terre, ils détournèrent tous leur attention d'Angel pour la diriger sur eux.
Nox avala difficilement sa salive et resserra un peu plus la main de Stella dans la sienne.
Angel les accueillit avec un grand sourire et les invita à se rapprocher.
—Vous voilà ! Parfait !
Il se tourna vers les habitants du camp et continua d'une voix forte pour que tout le monde l'entende :
—Comme vous en avez peut-être entendu parlé, Stella et Nox sont arrivés ici récemment et viennent de la Ville. Ils ont eu quelques difficultés là-bas et ont donc décidés de s'enfuir, ce qui était très courageux de leur part.
Dans la foule, plusieurs personnes hochèrent la tête, certaines semblaient enthousiastes, d'autres ne semblaient pas se préoccuper d'eux le moins du monde.
Angel posa brusquement la main sur l'épaule de Nox et celui-ci sursauta.
—Je vous prierais aussi de ne pas faire attention aux yeux de notre ami Nox, le pauvre est atteint depuis la naissance d'une rare maladie qui a rendu ses iris jaunes et sensibles à la lumière. Il n'aime pas trop qu'on le lui fasse remarquer, je vous demanderais donc de faire comme si de rien n'était.
Nox s'était retenu de lever les yeux au ciel, exaspéré à la fois par son baratin et par le fait qu'il parle de lui comme s'il n'était pas là.
Il coula un regard vers Stella et remarqua que celle-ci semblait amusée par la situation. Sentant son regard sur elle, elle tourna la tête vers lui et lui sourit, faisant disparaître chez lui toute trace d'énervement.
—Pour finir, conclut Angel, je compte sur tout le monde pour les accueillir comme il se doit. Je ne sais pas s'ils ont décidé de rester avec nous définitivement, mais dans tous les cas j'espère qu'ils se plairont ici.
Il se tourna vers le couple et leur adressa un sourire amical auquel Stella répondit sans hésitation.
Nox jeta un nouveau coup d'œil au groupe en face de lui. Aucun d'eux n'avait l'air hostile et, mis à part un homme assez imposant qui les regardait d'un œil méfiant tout en tenant un de ses bras enveloppé de bandage contre lui, ils avaient l'air assez content de les accueillir.
Finalement, pensa Nox, peut-être qu'il pourrait se plaire ici.
🌙
Tout d'abord, désolée pour ne pas avoir posté de chapitre la semaine dernière, j'avais commencé à écrire le chapitre suivant au lieu de celui-ci et me suis donc retrouvée avec deux débuts de chapitre et aucun de terminé 😓
Mais bon, cette semaine le chapitre est là et j'espère qu'il vous aura plus ! :')
Des prévisions pour la suite des événements ?
À la semaine prochaine ! 😄
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