- Chapitre 12 -

Le lendemain, le père de Stella la poussa à se rendre dans une clinique située à l'autre bout de la Ville pour faire des tests sanguins, malgré ses protestations.

—Pourquoi est-ce que tu veux que j'aille aussi loin pour une simple prise de sang ? s'énerva-t-elle. Je vais en avoir pour une heure de trajet !

—Marcus est un ami, c'était aussi ton médecin quand tu étais enfant. Je lui fais confiance, alors je veux que tu ailles chez lui pour faire cette prise de sang.

Elle protesta encore un peu mais fini par obtempérer.


La Ville était divisée en six parties principales. Il y avait tout d'abord le Centre, qui prenait la forme d'un pentagone : c'était là que logeaient le gouvernement et les habitants les plus riches, mais on pouvait aussi y trouver le Centre de Recherches et d'autres sociétés dont Stella ignorait l'activité. Autour du Centre se trouvaient les cinq Quartiers disposés autour tels les branches d'une étoile. Les Quartiers abritaient la majorité de la population, comptant chacun dans les deux milles habitants.

Debout dans la navette qui la conduisait jusqu'au Quartier de Marcus, Stella regardait le paysage défiler devant elle. Les silhouettes des immeubles et des arbres passaient rapidement devant ses yeux. La ligne continue des bâtiments s'arrêta un moment, montrant les espaces vides qui séparaient les différents Quartiers de la Ville.

Le regard de Stella se fixa au loin, là où le ciel et la terre se rejoignaient pour ne former qu'une ligne indistincte. Sans vraiment s'en rendre compte, elle se laissa à se demander ce qu'il se trouvait derrière les frontières de la Ville. Tout comme les autres habitants de la Ville, Stella n'avait aucune idée de ce qu'il se trouvait derrière les frontières. Elle ne s'était jamais vraiment posée la question auparavant et, à vrai dire, elle n'en avait même pas le droit.

Un contrôleur la sortit de ses pensées pour lui demander son ticket et elle sursauta comme si on l'avait surprise en train de faire quelque chose d'interdit. L'homme la regarda d'un air étrange et Stella s'inquiéta à l'idée qu'il ait pu deviner ce à quoi elle pensait.

Elle lui présenta son ticket et passa le reste du voyage à regarder le sol de la navette sans rien dire.


Quand elle arriva chez Marcus, celui-ci l'accueillit à bras ouvert, mais elle n'était pas sûre de se rappeler de lui.

Alors qu'il lui faisait la prise de sang, il se mit à lui poser quelques questions.

—Alors, comme ça, tu t'es retrouvée face à un Prédateur... Est-ce que tu as vu à quoi il ressemblait ?

—J'étais trop occupée à ne pas mourir, dit-elle sèchement en fixant le mur à sa droite.

—Bien évidement... Mais c'est intéressant, n'est-ce pas ? Que tu aies survécu. Qu'il t'ait laissé t'enfuir. Je pense que tu dois être la seule à pouvoir t'en vanter, à vrai dire.

—Quelle chance.

Voyant qu'elle ne comptait pas en dire plus, Marcus laissa tomber et resta silencieux jusqu'à la fin.

—C'est étonnant, tout de même, rajouta-t-il alors qu'elle allait passer la porte.

—De quoi ?

—Eh bien, que personne ne sache à quoi ils ressemblent. Les Prédateurs. On ne sait pas grand-chose d'eux au final. C'est assez étrange.

Stella fronça les sourcils. Elle ne s'était jamais posée la question auparavant et, à vrai dire, elle n'était pas sûre d'en avoir vraiment le droit.


En rentrant chez elle, elle aperçut une silhouette familière qui montait les escaliers jusqu'à chez elle.

—Octave, dit-elle faiblement en arrivant à sa hauteur.

Il se retourna et la prit dans ses bras.

—Je viens tout juste de rentrer de mon stage. J'ai appris d'un des voisins ce qu'il s'était passé...

—Je suis contente que tu sois revenue, dit-elle sans conviction en se décollant de lui.

Il passa sa main sur son visage et la fit descendre le long de son cou, dégageant ses cheveux pour laisser apparaître la trace de la morsure.

—Pourquoi est-ce que tu ne m'as rien dit, l'autre jour au parc ? grimaça-t-il. Je m'en veux tellement.

Il se pencha pour l'embrasser mais Stella se retira au dernier moment.

—Tu m'en veux toujours, n'est-ce pas ?

Elle haussa les épaules, un peu mal à l'aise. Rien ne l'obligeait à rester avec lui maintenant qu'elle n'était plus sous la tutelle de Latro, et elle pouvait lui dire qu'ils feraient mieux d'arrêter de se voir.

Il passa sa main dans ses cheveux et elle le regarda sans rien dire.

—Octave... Je pense qu'on devrait... arrêter de se voir. De façon définitive.

—Ne dit pas n'importe quoi, Stella, répondit-il nerveusement. Tu dis ça parce que tu es en colère. Tu ne le penses pas vraiment.

Elle haussa distraitement les épaules.

—Il faut que j'y aille, mentit-elle.

Elle le laissa en plan et repartit de là où elle venait. Elle ne savait pas vraiment où aller, et ses pas la menèrent jusqu'à la bibliothèque sans qu'elle ne s'en rende compte.

Jusque là, Stella ne s'était jamais posée de questions sur les Prédateurs de la nuit. Personne n'en parlait jamais, à vrai dire. Ils apprenaient juste à ne pas sortir de nuit et à ne pas laisser les lumières allumées si les rideaux n'étaient pas tirés.

Mais maintenant qu'elle s'était retrouvée face à l'un d'eux, elle ne pouvait s'empêcher de s'interroger à leur sujet. Leur apparence était étonnement humaine et elle ignorait qu'ils étaient capables de parler. On parlait d'eux comme des sortes de vampires ou loups-garous, mais personne n'avait jamais décrit ces créatures.

Les paroles de Nox lui revinrent en mémoire : Je n'avais jamais vu quelqu'un comme toi.

Qu'entendait-il par là ? Et l'autre Prédateur, Meto, pourquoi avait-il l'air si surpris en la voyant ?

Stella fouilla dans sa mémoire, essayant de se rappeler de quelles victimes elle avait entendu parler, mais rien ne lui vient. Tout ce qui lui venait en mémoire était les traces du sang des morts que l'on pouvait trouver dans les rues.

Stella chercha dans les rayons, mais ne trouva pas ce qu'elle aurait voulu. Elle finit par se diriger vers le bibliothécaire, prétextant avoir un devoir à faire sur les prédateurs.

—Quel genre de prédateurs, mademoiselle ? demanda le vieil homme avec un sourire aimable.

—Rapax Nocti.

L'expression de l'homme se figea soudain, et c'est avec froideur et d'un ton presque menaçant qu'il lui répondit.

—Vous ne trouverez pas ce genre d'ouvrage ici, mademoiselle, et je doute que vous en trouviez quelque part. Je vous invite grandement à changer le sujet de votre étude. Les Rapax Nocti font parti des Sujets Interdits et je suis étonné que personne ne vous l'ait dit auparavant. Considérez ceci comme un avertissement.

Mal à l'aise et honteuse de ne pas s'être doutée qu'elle ne pourrait pas en savoir plus, Stella rentra chez elle sans insister.


Ce soir-là, Stella se retourna encore et encore dans son lit, la tête pleine de questions qu'elle n'avait pas de droit de se poser.

Il lui semblait que le peu d'information qu'elle croyait savoir sur les Prédateurs se révélaient fausses. Elle avait toujours cru que les Prédateurs étaient incapables de rentrer dans une maison si on ne les invitait pas à entrer auparavant, seulement Nox s'était introduit chez elle sans sa permission.

S'ils pouvaient rentrer chez les gens, pourquoi n'attaquaient-ils jamais quand ceux-ci dormaient ?

Tout le monde disait que les Prédateurs brûlaient sous les rayons du soleil, mais Nox lui avait dit qu'il ne craignait pas la lumière du jour, et elle était presque sûre que c'était lui qu'elle avait vu dans le parc l'autre jour.

Mais le plus inquiétant de tout était les Nuits Calmes. Quelques semaines par an, il n'y avait aucune attaque, ou très rarement. Stella avait toujours pensé que les Prédateurs hibernaient ou quelque chose comme ça. Cependant, la veille, Nox et Meto avaient parlé de la Grande Chasse.

Stella frissonna en y repensant. Nox avait refusé de répondre à ses questions. Que lui avait-il dit déjà ? Il n'y a pas de "Nuits Calmes", Stella. Pas comme tu l'entends. Qu'est-ce que cela voulait dire ?

Elle aurait aimé pouvoir revoir Nox, et lui poser toutes ses questions. Il avait dit être curieux, mais elle l'était tout autant. Malgré les interrogations qui tournaient dans sa tête, le sommeil finit par avoir raison d'elle et elle s'endormit.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top