- Chapitre 1 -

Assis sur son canapé avec un verre d'alcool à la main, Octave Turpis augmenta le son de la musique de sa main libre. Il n'était pas le seul à avoir allumé la radio. Malgré l'heure avancée de la nuit, la plupart des personnes habitant cet étage de la résidence avaient monté le son au maximum, espérant pouvoir couvrir le son des cris et oublier le drame qui était en train de se produire juste derrière la porte. Il espérait vainement que si la musique ne pouvait lui faire oublier les cris qui résonnaient dehors, l'alcool, lui, le pourrait.

Nul ne pouvait prétendre ne pas entendre les cris de Stella Caeli, suppliant sa mère de ne pas la mettre à la porte. Toujours agrippée à la porte d'entrée, Stella se démenait de toutes ses forces pour rester dans l'appartement. Mais ni ses cris aigus, ni ses pleurs ne pouvaient attendrir Ira Saeva. Sans aucune pitié, elle repoussa violemment la jeune fille à l'extérieur et referma la porte à clé derrière elle. Stella reste quelques instants à sangloter derrière la porte de chez elle, mais elle savait que rien ne ferait changer sa mère d'avis. Pleine d'espoir, elle se dirigea vers la porte à côté de chez elle, et frappa.

—Octave ! cria-t-elle pour couvrir le son de la musique. Octave, s'il-te-plaît, laisse-moi entrer ! Tu ne peux pas me laisser dehors, pas avec... avec...

Ses cris se transformèrent en sanglots. Derrière la porte, la musique augmenta encore : Octave ne viendrait pas lui ouvrir. Ni lui, ni personne. Nul doute que l'un de ses voisins auraient voulu l'aider, mais qui oserait faire face à la cruelle Ira Saeva ? Car, même si quelqu'un le faisait, il risquait simplement d'encourir au même danger : Ira étant la propriétaire de la résidence, elle pouvait décider de jeter n'importe qui dehors, face aux dangers de la nuit. N'importe qui, même sa propre fille.

Recroquevillée par terre, Stella tenta de se calmer et sécha ses larmes en essayant de reprendre un rythme normal de respiration. Elle ne pouvait pas passer la nuit dehors devant sa porte, ce serait trop dangereux. Il n'y avait qu'une seule personne qui lui ouvrirait sa porte au milieu de la nuit : son père.

Malheureusement pour elle, il lui faudrait marcher une vingtaine de minutes avant de pouvoir arriver chez lui. Vingt minutes...

Elle se releva sur ses pieds nus et descendit les escaliers jusqu'au bas de la rue. Elle jeta un coup d'œil en face d'elle. La nuit était noire et profonde, et seule la pleine lune éclairait la rue vide.

Stella frissonna, elle ne portait qu'une fine chemise de nuit blanche qui flottait au gré du vent. Elle regrettait d'être habillée en blanc car la lune se reflétait sur elle et la faisait ressortir du reste de la nuit. Elle marcha prudemment dans la rue, faisant le moins de bruit possible. Aucun son n'était perceptible autour d'elle à part le vent sifflant dans ses oreilles, et le bruit de ses pas sur le goudron et de sa respiration lui semblait soudain beaucoup trop fort.

La jeune fille jeta un coup d'œil à la lune au dessus d'elle. Est-ce que sa mère avait attendu la pleine lune pour la mettre à la porte ? Avait-elle tout prémédité ? Demain, quand la police interrogerait Ira, il lui suffirait de dire que Stella, bouleversée à la suite d'une dispute, avait décidé de quitter l'appartement malgré les protestations de sa mère. Et quand les voisins seraient interrogés, tous diraient n'avoir rien entendu. Ou alors ils confirmeraient les dire de la mère, car tous étaient terrifiés par Ira. La seule personne qui avait osé l'affronter était Stella, et où se trouvait-elle à présent ? Seule dans le froid et la nuit, à la portée des bêtes sauvages et inhumaines qui rôdaient dès que le soleil se couchait.

Les larmes coulèrent de nouveau sur les joues de la jeune fille. Avait-elle réellement une chance d'arriver vivante jusqu'à l'appartement de son père ? Elle n'en était pas certaine.

Quand elle arriva à l'entrée du parc, Stella stoppa net. Prendre par le parc semblait risqué, mais c'était le chemin le plus court et l'éviter lui rajouterait un bon quart d'heure de marche. Prenant une grande inspiration, elle pénétra dans le parc, tâchant de contrôler sa respiration pour qu'elle soit le moins perceptible possible.

Malgré ses efforts, le gravier crissait sous ses pieds nus, et sa respiration se faisait entendre plus qu'elle ne l'aurait voulu.

Arrivée à mi-chemin du parc, elle sentit soudain qu'elle n'était plus seule. Alors que le parc était jusque là plongé dans un silence de mort, elle pouvait désormais entendre le bruit de choses se déplaçant parmi les arbres et les buissons, mais aussi ce qui semblait être des chuchotements.

Stella fut tentée de se mettre à courir, cependant, quelque chose lui disait que cela ne ferait qu'accélérer l'inévitable. Elle essaya se souvenir ce qu'elle avait entendu sur eux. Ils sentent ta peur. Ils étaient attirés par la peur, c'était ce que les rumeurs disaient. Si elle se mettait à courir, cela prouverait qu'elle avait peur, et ils le sentiraient.

Stella s'arrêta soudain.

—Laissez-moi tranquille, cria-t-elle, et sa voix résonna étonnement fort autour d'elle. Allez-vous en ! Je... je n'ai pas peur de vous !

Le silence s'installa autour d'elle, et elle eut le vague espoir que cela allait suffire. Mais tous ses espoirs se dissipèrent lorsqu'elle entendit comme des ricanements sortir des arbres.

—Tu as entendu ça, petit frère ? demanda une voix.

—Oh, pas vraiment, répondit une autre, je crois que le bruit des battements affolés de son cœur ont couvert le son de sa voix.

Les deux se remirent à ricaner, et Stella ne cessait de tourner sur elle-même, cherchant à savoir d'où elles venaient.

—Je n'ai pas peur de vous ! cria-t-elle plus fort.

Les rires redoublèrent de plus belle.

—Mince alors, reprit la première voix. Elle n'a pas peur... je suppose qu'on va devoir la laisser tranquille et se trouver une autre proie ?

—Ne te moque donc pas tant, grand frère. Peut-être dit-elle la vérité ? Après tout, il faut beaucoup de courage pour venir se jeter dans la gueule du loup...

—Je n'appellerais pas ça du courage à ta place. Plutôt de l'idiotie, ou de la folie peut-être.

Stella frissonnait dans son coin, autant de peur que de froid, et elle était trop transie pour faire le moindre mouvement.

—Est-ce que tu penses, continua la première voix, qu'elle va se mettre à courir un jour ? Après tout, elle est directement venu dans notre tanière. Peut-être préfère-t-elle rester sans bouger pendant que l'on se jette sur elle ? Une proie étonnement facile... même toi pourrais l'avoir, petit frère.

Stella entendit l'autre répliquer sur un ton agacé, mais elle ne prit pas la peine d'écouter ce qu'il disait car elle s'était déjà mise à courir.

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