Envol
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Elle est là.
Assise sur le rebord de la fenêtre du Lycée de Cornouaille.
Encore.
Toujours.
Son souffle embue la vitre glacée, mais elle ne l’essuie pas. À quoi bon ? Ce n’est pas la buée qui l’empêche de voir, c’est tout le reste.
Elle, c'est la Rêveuse.
Elle n’a plus de prénom, elle l’a perdu quelque part, dans le bleu du ciel, entre deux rêves trop grands, trop fous, trop inaccessibles. Elle l’a oublié à force d’attendre, de regarder au loin, d’espérer autre chose, ailleurs. Ceux qui tentaient encore de l’appeler ont fini par se taire, lassés de son silence.
Alors, son prénom, elle l'a noyé et ce soir, elle le voit scintiller, là-haut, dans l’infini des étoiles.
Il est comme elle – la vraie elle.
Loin. Distant. Oublié.
Chaque soir, elle revient ici, sur ce rebord. Comme un rituel. Comme une punition. Elle fixe l’horizon, scrute l’obscurité à la recherche d’une réponse qui ne vient jamais. Où est-elle passée, l’enfant insouciante ? Celle qui riait fort, qui courait sans penser au lendemain, qui ne connaissait ni l’ennui ni l’attente ? Disparue. Avalée par le silence, par le temps, par cette cage qu’on appelle la vie.
Alors, en attendant que la vie s'épuise de la garder en captivité, elle regarde par la fenêtre du Lycée de Cornouaille.
Comme la Lune est belle, ce soir ! Son éclat pâle nimbe Quimper d’une lumière irréelle, illumine la cime des pins. La ville scintille, la foule humaine passe et repasse, comme une scène figée dans le temps. Les clochers de la cathédrale dansent avec le vent, et elle, elle est là, figée derrière sa fenêtre, enfermée comme un animal de foire.
Le lycée est vide. Plus personne dans la cour qui grouillera demain de rires, de cris, de bousculades. Juste le souffle du vent, le hululement d’une chouette qu’elle ne voit même pas.
Elle, elle est au-dessus de tout ça. Littéralement. Son regard transperce la nuit, s’accroche aux astres, aux mirages qu’elle s’invente pour ne pas sombrer.
Soupir.
Son ingénu qui brise le silence.
Un souvenir s'immisce dans son esprit. Un corps en justaucorps bleu, des cheveux noirs bouclés relevés en un chignon parfait, des paumes plaquées contre le vide, un regard effrayé. Une danseuse enfermée dans une prison invisible.
L’Oiseau Bleu, prisonnier d'une cage de vent.
Elle l’avait joué, ce rôle. Elle s’en souvient. Ce sentiment d’étouffement, cette cage qui n’existe que pour ceux qui savent la voir.
Car les oiseaux sont libres, pense-t-elle. Ils n’ont pas de chaînes, pas de noms qu’ils peuvent perdre. Ils partent quand ils veulent, vers des horizons inconnus. C'est ce qu'elle désire plus que tout: s'évader, échapper à cette vie figée. Peut-être trouverait-elle en plein vol les fragments perdus de son identité, ces morceaux d’elle-même qu’elle a laissés derrière.
Nouveau soupir.
Elle, la rêveuse, n'est pas un oiseau, elle n'est qu'une gamine, prise au piège de désirs naïfs et des illusions que le passé a bâties autour d'elle...
Elle n’est pas un oiseau, elle n'est qu'un pantin enfermé derrière une fenêtre. Une simple surface de verre. Si ridicule, si dérisoire, et pourtant infranchissable.
Elle voudrait briser cette vitre. Devenir oiseau, enfin. Fauvette, sterne, frégate ou hirondelle, peu importe. Juste partir. Sentir le vent fouetter son visage, la liberté brûler sous sa peau. Retrouver cette part d’elle qu’elle a abandonnée, quelque part en chemin.
S'en aller...
S'évader...
Éviter une autre saison de cartes postales sans horizons...
Après tout, c’est ça, le pire. L’immobilité. Ce monde figé, ces jours qui se répètent à l’infini, sans échappatoire. Elle en a assez de cette vie qui tourne en rond, de ces jours sans couleurs, de cette attente qui n’aboutit à rien.
Ses pensées dérivent vers ceux qu’elle a quittés, ceux qui l’ont connue avant qu’elle ne devienne cette silhouette sans nom à la fenêtre. Que diraient-ils s’ils la voyaient maintenant, s'ils savaient combien elle a changé ? Y a-t-il encore une place pour elle parmi eux, ou est-elle désormais comme ces étoiles distantes, visibles mais inaccessibles ?
Alors, elle ferme les yeux et imagine. Elle s’envole. Elle survole les falaises abruptes de Bretagne, le vert des champs, le bleu des rivières endormies sous la lune. Elle sent le vent soulever son corps, la porter loin, si loin qu’on ne pourra plus jamais la rattraper.
Puis elle rouvre les yeux.
La fenêtre est toujours là. L’étendue de verre. La frontière.
Alors elle l’ouvre, cette maudite fenêtre, elle laisse l’air froid s’engouffrer dans la pièce, faire danser ses mèches brunes. Un dernier soupir. Elle inspire, profondément.
Demain matin, on ne retrouvera rien d'elle.
Seulement une plume.
Une belle plume, parée des couleurs de l’aurore.
L’oiseau s’est envolé.
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779 mots.
Bong. J'ai besoin de votre aide et de vos conseils.
Ce que vous venez de lire, c'est un texte que j'ai écrit pour un concours d'écriture au lycée,le thème étant " À Cornouaille, par la fenêtre". Et donc j'ai décidé (comme d'habitude), se faire dans le mélancolique.
Mais maintenant, j'ai ABSOLUMENT besoin de vos retours ! Qu'est-ce qui est bien, que faudrait-il revoir, etc... Je suis ouverte à toutes formes de critiques !
Bises,
Renars
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