Je ne sais pas si ça vous arrive. À moi souvent. Je me lève, après un long moment passé assise, et j'ai un petit vertige. Ma vue se brouille pendant quelques secondes et hop' c'est reparti. C'est un cas purement physionomique. Qui arrive au commun des mortels. C'est pas important. Ça n'a rien de grave, non.

Je ne sais pas si ça vous arrive. De cligner des yeux, assise contre les rangées de casier du lycée, ton sac en guise de dossier, de voir celui là, qui passe en te regardant avec un petit sourire moqueur, et puis en un battement de cil il disparaît. Tout disparaît.

Tu ne t'en rends même pas compte. Tu poursuis tes pensées. Tu plonges dans cet univers qui n'appartient qu'à toi. Dans ton esprit, ta conscience, source de tout tes maux.

Pendant plusieurs minutes, voire quelques heures, tu vis un rêve éveillé avec des centaines de personnages différents qui t'appartiennent jusqu'aux bouts des ongles.

D'un seul coup tu clignes des yeux et tout revient. Tu étais partie.

Tu te frottes les yeux tu regardes autour de toi, tu reprends contact avec la réalité.

Et tu retiens cette larme vacillante et ce rire amer en observant ton entourage.

Ils sont toujours là.

C'est même pire. Au fond, il y a ceux qui ont prétendus être tes "potes" pendant une année entière, ceux en qui tu as cru avant qu'ils ne te laissent tomber comme une chiffe molle. Ils te regardent et tu peux presque entendre leurs insultes.

Les gens passent. La vie poursuit son cours. Tu es sortie de ta bulle. Mais tu restes figée.

Tu le sens dans tes veines. Tu le lis sur ses regards moqueurs. Tu le vois dans la glace. Dans les yeux de ta mère désespérée. Dans ceux de ton père fou de rage.

Tu le vois partout. Ça te brule les veines.

Tu es différente.

Tu fermes les yeux et te rappelle les paroles de ta mère te traitant d'egoiste.

Non maman.

Je n'ai pas la même conscience du monde qui m'entoure c'est tout.

Et encore une fois tu souris avec ironie.

Différente. Ce mot empoisonné. Ce cerveau empoisonné. Cette vie empoisonnée.

Et tes larmes salées qui ne cessent de couler.