16 - Pluie
[ CW : Dépression ]
La nuit tombe. Les humains s'en vont dormir.
Et je me retrouve seul-e. Seul-e avec moi-même. Seul-e avec de lourdes pensées.
Mon regard terne fixe un écran, attendant patiemment que quelque chose d'intéressant s'y produise. Pas un son ne résonne dans les ténèbres, si ce n'est celui de mes doigts frappant contre les touches du clavier, et de ma respiration régulière.
Divers sentiments résonnent en moi. Peine. Colère. Incompréhension. Ils hurlent, s'époumonent, tentent d'attirer mon attention.
Je ne me souviens plus de quand tout cela a débuté. J'ignore quand cela s'en ira.
Parfois discrète, parfois aussi bruyante qu'un coup de tonnerre, la Dépression dévore mon être, emportant chaleur et espoir.
Pourquoi ne peux-tu pas exprimer ta joie, pour une fois?
Parce que j'ai besoin de crier. J'ai besoin de me vider. Mes émotions me submergent, telles les vagues d'un raz-de-marrée. Ecrire, encore et encore, voilà le seul moyen que j'ai trouvé afin de ne pas les laisser déborder.
Mes cachets sont posés sur la table. Les ai-je pris, aujourd'hui? Il me semble, oui. Alors, pourquoi ne veulent-ils pas faire effet? Pourquoi ne remplissent-ils pas leur rôle, en m'empêchant de ressentir ce vide, ce trou dans ma poitrine?
Pourtant, tu souriais, aujourd'hui, non?
La Dépression est une chose complexe, tu sais. Tu ne ressens pas seulement de la tristesse. C'est toute une palette de sentiments confus se mêlant ensemble, au point que tu ne parviennes plus à les distinguer. Elle te fait rire. Fort. Atrocement fort. Plus fort que les autres. C'est ce que la société veut de nous. Qui voudrait d'une personne n'étant pas heureuse?
Alors, afin de ne pas inquiéter les autres, de ne pas les déranger, tu mets un masque, chaque jour, avant de t'élancer sur scène. La vie est un théâtre, et si tu ne respectes pas ton rôle, la troupe poursuivra sans toi. Et puis, être avec d'autres personnes, les côtoyer, permet de m'occuper l'esprit, afin de ne pas écouter ces tourbillonnantes pensées.
De toute façon, tu ne fais ça que pour attirer l'attention, pas vrai?
Ah, ça. Si seulement. Si seulement tout n'était que feint. J'aimerais bien, tu sais, que cette douleur ne soit pas réelle. Qu'elle ne soit qu'invention. J'aimerais ne pas avoir à ingurgiter ces cachets, ne pas avoir à aller à l'hôpital, tous les six mois, afin de faire le bilan sur mon état. J'aimerais comprendre mes émotions, ne plus avoir à prendre rendez-vous chez le psychiatre, ou le psychologue.
Mais tu as tout pour être heureux-e! De quoi tu te plains?
Maintenant, peut-être. Mais j'ai souffert. Maintes fois, l'on m'a piétiné-e, humilié-e. Des mains se sont levées, des mots se sont heurtés, des rumeurs ont circulé. Ma dopamine a chuté. Aujourd'hui? Mon estime de moi-même est détruite. Je me déteste. Autant qu'ont pu me haïr ces personnes, auparavant, sans raison apparente. Rabâchez à quelqu'un encore et encore que sa vie n'a pas de sens, et cette personne finit par y croire.
Peut-être suis-je trop faible. Peut-être aurais-je dû réussir à surmonter ces épreuves, sans séquelle. Néanmoins, je n'y suis pas parvenu-e.
Mon regard se relève, pour déchiffrer les aiguilles sur le cadran. Presque trois heures du matin. Et le sommeil n'arrive pas. Je suis simplement là, à me demander encore et encore combien de temps l'on va continuer à supporter cette personne que je suis. Combien de temps l'on essayera de me réconforter, avant de s'en lasser.
J'y pense. Et je me maudis davantage, pour ne pas être en mesure de me relever. Je méprise cette faiblesse qu'est la mienne, et bénis ces ami-e-s demeurant auprès de moi, malgré tout. Un fin sourire se dessine sur mon visage.
Dans mon dos, deux grandes ailes, parsemées de plumes d'un rose pâle, se déploient soudainement. Elle enveloppent mon corps, afin de le réchauffer. Je m'y recroqueville, comme dans un cocon, et m'endors dans un soupir.
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