Les lauriers sont coupés

Un soir de soleil couchant, d'air lointain, de cieux profonds ; et des foules qui confuses vont ; des bruits, des ombres, des multitudes ; des espaces infiniment en l'oubli d'heures étendus ; un vague soir...

Car sous le chaos des apparences, parmi les durées et les sites, dans l'illusoire des choses qui s'engendrent et qui s'enfantent, et en la source éternelle des causes, un avec les autres, un comme avec les autres, distinct des autres, semblable aux autres, apparaissant un le même et un de plus, un de tous donc surgissant, et entrant à ce qui est, et de l'infini des possibles existences, je surgis ; et voici que pointe le temps et que pointe le lieu ; c'est l'aujourd'hui ; c'est l'ici ; l'heure qui sonne ; et au long de moi, la vie ; je me lève le triste amoureux du mystère génital ; en moi s'oppose à moi l'advenant de frêle corps et de fuyante pensée ; et me naît le toujours vécu rêve de l'épars en visions multiples et désespéré désir... Voici l'heure, le lieu, un soir d'avril, Paris, un soir clair de soleil couchant, les monotones bruits, les maisons blanches, les feuillages d'ombres ; le soir plus doux, et une joie d'être quelqu'un, d'aller; les rues et les multitudes, et dans l'air très lointainement étendu, le ciel ; Paris à l'entour chante, et, dans la brume des formes aperçues, mollement il encadre l'idée ; soir d'aujourd'hui, oh soir d'ici ; là je suis.

... Et c'est l'heure ; l'heure ? six heures ; à cette horloge six heures, l'heure attendue. La maison où je dois entrer : où je trouverai quelqu'un ; la maison ; le vestibule ; entrons. Le soir tombe ; l'air est bon ; il y a une gaîté en l'air. L'escalier ; les premières marches. Ce garçon sera encore chez soi ; si, par un hasard, il était sorti avant l'heure ? ce lui arrive quelques fois ; je veux pourtant lui conter ma journée d'aujourd'hui. Le palier du premier étage ; l'escalier large et clair ; les fenêtres. Je lui ai confié, à ce brave ami, mon histoire amoureuse. Quelle bonne soirée encore j'aurai ! Enfin il ne se moquera plus de moi. Quelle délicieuse soirée ce va être ! Pourquoi le tapis de l'escalier est-il tourné en ce coin ? ce fait sur le rouge montant une tache grise, sur le rouge qui de marche en marche monte. Le second étage ; la porte à gauche ; «Étude». Pourvu qu'il ne soit pas sorti ; où courir le trouver ? tant pis, j'irais au boulevard. Vivement entrons. La salle de l'Étude. Où est Lucien Chavainne ? La vaste salle et la rangée circulaire des chaises. Le voilà, près la table, penché ; il a son par-dessus et son chapeau ; il dispose des papiers, hâtivement, avec un autre clerc. La bibliothèque de cahiers bleus, au fond, traverse les ficelles nouées. Je m'arrête sur le seuil. Quel plaisir que conter cette histoire. Lucien Chavainne lève la tête ; il me voit ; bonjour.

Bonjour, oui, c'est un bien bon jour qu'est aujourd'hui ; pour moi ; pour lui aussi, je le sais ; il me le dit. Il me le dit toujours, que c'est un bon jour, c'est toujours un bon jour pour lui ; pour moi aussi, ça devient un bon jour quand je le vois, quand je lui parle ; Lucien Chavainne a le don d'égayer mes journées, même les plus tristes.

Il me sourit, m'invite à lui raconter ma journée ; parce que ça y est, il a fini le travail, il peut m'accorder de son temps, maintenant ; il m'en accorde toujours, sauf quand il sort avant l'heure. Il est gentil ; c'est un bon garçon, je l'aime beaucoup, toujours à amener de la positivité ; avec un sourire avenant et des yeux lumineux.

On s'assoit dans le petit salon ; moi dans le siège bordeaux ; lui sur le canapé ; c'est toujours comme ça. Et je lui raconte Paris ; le soir ; en Avril ; c'est beau ; on aimerait y rester toujours. Parce que c'est ça, Paris ; c'est Paris la Belle avec ses maisons blanches ; Paris la Sublime sous le soleil ou la neige ; et on aime Paris, car c'est beau, à la fois tranquille et pressé, ensoleillée et grisée, effervescente et déserte. C'est Paris la Grande, où les dames se promènent, où les commerçants crient dans les rues ; et j'aime cette facette de Paris.

Lucien Chavainne me sourit de nouveau, je lui souris en retour, nous nous comprenons ; lui aussi aime Paris ; et il me le dit ; mais qui n'aimerait pas Paris et ses pavés, Paris et ses immeubles, Paris et son fleuve ; Paris et sa cathédrale ? J'y suis allé, à la cathédrale ; aujourd'hui, et puis hier aussi, car elle est belle Notre-Dame, j'aime la regarder ; depuis dehors et de l'intérieur.

Je raconte aussi à ce jeune garçon ce sentiment d'être si petit dans ce monde, unique et pourtant un seul parmi tant d'autres ; et d'être au bon endroit au bon moment ; ou bien peut-être pas ; peut-être n'est-ce que le destin ; ce qu'il fallait ; ce qui devait être. Et il hoche la tête ; il est d'accord ; il s'inspirera de mes paroles pour la messe de demain ; ce sont de belles paroles que j'ai là ; et il me remercie.

Et puis il me demande les nouvelles de mon histoire d'amour ; et je lui raconte ; car il est mon confident et conseiller ; j'ai vu Léa d'Arsay aujourd'hui ; la belle et douce Léa d'Arsay ; et je lui ai joué un morceau de piano, oui, un très beau morceau de piano ; et elle a aimé ; je le crois ; car elle avait les yeux humides mais un très beau sourire.

Demain, je l'emmènerais sur les bords de la Seine ; elle aime beaucoup s'y promener ; et moi aussi ; alors je vais l'y emmener ; et peut-être que je l'inviterais à manger avec moi, dans ce petit restaurant très bon.

Lucien Chavainne fronce les sourcils ; je sais ce qu'il pense ; il pense que je ne devrait pas courtiser Léa d'Alsay ainsi ; et que je me ruine ; mais je lui souris et le rassure ; car j'aime ce que je fais pour Léa d'Alsay.

... Et puis c'est l'heure ; l'heure ? six heures et demi ; à cette horloge six heure et demi ; je dois partir ; je me lève ; salue Lucien Chavainne et je sors de chez lui.

****************

603 mots

Écrit le Mercredi 6 Octobre 2021

Séquence d'HLP "Les expressions de la sensibilité", chapitre "Discours et folie"

Consignes (exercice d'écriture partie Littérature) :

Écrire une suite possible d'un texte de votre choix (ici, Les lauriers son coupés, d'Édouard Dujardin, dont je vous ai mis l'extrait en italique) en respectant la manière d'écrire de l'auteurice.

Les textes proposés témoignaient de folie chez le personnage (d'autant que pour deux d'entre eux, leur auteurice était follou, ou en tout cas vu·e et/ou diagnostiqué·e comme tel·le), mais celui que j'ai choisi a seulement pour but de décrire le plus fidèlement possible ce qu'il se passe dans la pensée de quelqu'un·e, sans folie nécessaire, par le moyen d'un monologue intérieur (technique très utilisée pour suivre le courant des pensées d'un·e perso).

Note : 10/10


--> C'est quand mes yeux s'obstinent à lire Anarchasis au lieu d'Anacharsis (un sage de la Grèce antique) qu'on voit à quel point je suis irrécupérable niveau anarchisme et politique.

--> J'ai sociabilisé avec des gens. J'vous jure. Incroyable.

Bon, c'est parce que la pote qui m'accompagnait à la gare allait les voir du coup je suis resté·e. C'était cool.

--> OMG. J'ai rencontré une personne trans.

Au lycée.

Je-

Okay, faut que je vous raconte (parce que rencontrer est un bien grand mot).

En gros, c'est une personne que je vois souvent au CDI, sur les ordis (sauf que contrairement à moi, iel y travaille), et il se trouve que c'est un·e des potes de mon amie (?), et je n'ai pas pû lui parler (snif), parce qu'iel est parti·e juste quand on rejoignait le groupe de gens.

Mais sur le chemin de la gare, je demande à mon amie commet iel s'appelait et je lui ait dit que je voyais souvent cette personne au CDI et tout ça. Sauf qu'en fait, mon amie m'a dit qu'iel est trans ! Du coup, quand je parlais d'ellui, ben je lae mégenrais ! J'ai eu l'envie passagère de me jeter sous le bus qui passait par là (parce que genre j'ai mégenré quelqu'un·e, OMG, je m'en veux, surtout qu'à chaque fois que je voyais cette personne, je savais jamais comment lae genrer, sauf que face à des gens qui connaissent pas forcément le langage inclusif, ben j'hésite et je panique et je parle avec des genre binaires, c'est mal), et j'étais en joie de savoir ça (même si culpabilisation du mégenrage bonjour).

Genre y'a des trucs de fou qui m'arrivent, c'est incroyable !

(inutile de dire que j'ai envie d'aller parler à cette personne, du coup. Mais j'ai peur que ça soit chelou en mode "Hé salut ! Je te vois souvent, t'es stylé·e et t'es trans, et moi aussi, du coup j'avais envie de te taper la discute, tu veux bien ?". Genre... Ça va pas le faire. Mais je vais essayer d'une autre façon ! XDD)

--> Ma mère et mon beau-père, iels sont écolos, mais le capitalisme, c'est quand même cool, et puis si on fait une énième retenue collinaire à Beauregard pour la neige artificielle de la Clusaz, c'est parce que la station de ski a le couteau sous la gorge, tu comprends, et puis si la station ferme, ça fait des centaines d'emplois qui disparaissent ; et puis l'installation pour le surf au milieu du lac du Bourget, c'est ptet pas beau, mais bon, y'a des gens qui font du surf leur métier, tu comprends, et puis ça doit pas être au milieu du lac, mais plutôt au bord, c'est pas si nul.

Non. C'est inutile. Les pertes d'emplois, fallait y penser avant de pourrir la planète. Et puis le dérèglement climatique, c'est pas des centaines d'emplois supprimés, c'est des milliard d'être humaine·e·s qui vont mourir en fait.

--> Avant, quand j'allumais mon tel, il m'affichait "Ni Dieu Ni Maître", j'ai changé de week-end, et maintenant, il me dit "Fuck the cis-tem" XDD

--> Je n'en reviens pas.

Iels ont vraiment fait ça.

Iels ont vraiment déplacé leur lit dans ma chambre.

Ma mère et mon beau-père se sont vraiment installé·e·s dans ma chambre sous prétexte que leur chambre est en travaux et que le salon c'était pas assez bien.

I suffit que je parte chez mon père pour que je sois dépossédé·e de ma chambre, et qu'on me dise d'aller dormir dans le lit de ma sœur qui n'était pas là ce week-end.

Nan mais à ce moment-là, vous emmerdez pas à faire une 4ème chambre, hein, si ça vous fait chier que j'existe. Je peux toujours rester chez mon père, au moins là-bas, j'ai une chambre, et on me prévient quand des gens y squatent !

Est-ce que ça vous trouait le cul de me prévenir ? Non, vous vous êtes dis que je réagirais mieux en ouvrant la porte de ma chambre pour aller poser mes affaires et en voyant que je m'étais très clairement fait virer de ma propre chambre que si vous m'aviez prévenu·e à l'avance ?

Vous n'avez vraiment pas compris que j'ai tout le temps peur de plus en plus ne plus faire partie de la famille en habitant chez mon père et que tomber sur ça, ben ça ne me réconforte absolument pas ?

Vous êtes vraiment débiles, hein.

Vous n'avez vraiment aucune jugeote.

Et le pire, c'est que vous avez cassé le magnifique cadre de mes potes et moi au bal de troisième ?

Et vous l'avez laissé bien disloqué sur mon bureau ?

Certes, j'ai déjà cassé des trucs dans la maison, sauf que la grande différence, c'est que moi, dans ces moments-là, je me faisais tout simplement gifler et gueuler dessus pendant au moins 1h, mais vous, ah !, vous, vous êtes les adultes, vous êtes protégé·e·s par le fait que je suis inférieur·e à vous et que je peux à peine vous dire que ça me met en colère et que je suis triste !

Ah, franchement, c'est beau la famille, ça fait plaisir.

--> Genre, j'ai reçu un message de mon (seul et unique) pote de chez mon père ce week-end, c'était tellement gentil j'ai pas compris XD

C'est tellement pas la même chose quand c'est quelqu'un·e qu'on voit dans la vraie vie qui nous dit qu'on est une belle personne et qu'on compte pour ellui, que quand c'est des gens ivl.

Parce que évidemment, ça fait teeeeeeeellement plaisir que des gens te dise ça au détour d'un commentaire, mais quand c'est un·e ami·e irl qui nous envoie ça, et que personne de tes ami·e·s ne t'a jamais dit ça de ta vie entière (excepté un pote, franchement on a vu mieux), ben ça fait du bien. Franchement, voir que tu comptes pour quelqu'un·e que tu n'as pas rencontré derrière un écran, ça fait incroyablement plaisir (et aussi, tu te dis "Waw, j'ai réellement réussi à sociabiliser !" XD)

Allez, bisous sur vous les enfants !


Publié le Mardi 23 Novembre 2021

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top