Les yeux
HeyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyaaaaaaaaaaAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHhhhh !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
SALUT MES P'TITES PIERRES PRÉCIEUSES !
Tout-de-suite, je reviens pour vous raconter la suite de ma journée exceptionnelle-où-tout-se-passe-comme-dans-un-roman, je me réfère à juste après avoir déjeuné chez mes grands-parents. Reprenons donc là :
Je suis en train de me rendre vers le lycée, tout content d'avoir cours avec Bibiche cette après-midi, et au moment où j'arrive à une route et quelques mètres du virage de la rue Henri Gorjus, DEVINEZ QUI JE VOIS, AVEC SON CHEMISIER BLANC ET SON PANTALON ROUGE ? Mais oui !
Décidément tout heureux, j'accoure jusqu'à me retrouver à marcher quelques mètres derrière elle, faisant mon maximum pour qu'elle reste au milieu de mon champ de vision. Quand j'arrive dans le lycée, elle est à l'entrée de la cour pour aller dire un mot à la concierge, alors cela me laisse l'occasion de l'aborder quand elle est à deux doigts d'emprunter l'allée pour professeurs :
"Rebonjour !"
"à tout-de-suite !" me sourit-elle carrément.
MAIS OUI GÉRALDIIIIIIIIIINE ><
Une minute plus tard, en passant devant le bâtiment d'entrée par lequel arrivent les adultes, juste derrière la cour de récré, je la vois en train de saluer une de ses amies, qui est notamment l'intervenante qui était venue au début de l'année en littérature et société avec l'association Contact, et qui notamment l'écrivaine que nous allons accueillir aujourd'hui en littérature et société pour parler un peu histoire, littérature et écriture : Isabelle Kauffmann.
Je suis le premier arrivé devant la grande salle polyvalente, et d'ailleurs je jubile encore discrètement quand je vois Bibiche arriver des escaliers qui ramènent du hall d'entrée, toujours en compagnie de l'écrivaine. Moi et un autre élève seulement entrons au moment où l'autre prof ouvre la salle en se demandant où sont les autres. Ils arrivent après, alors que je suis déjà tranquillement installé au premier rang, en train de dévorer Bibiche des yeux, comme d'habitude. Lorsqu'elle fait l'appel, elle ne m'appelle pas, puisque de toute évidence, elle sait déjà pertinemment que je suis là.
Elle introduit le cours en nous présentant un peu mieux Isabelle, passionnée d'écriture, qui est aussi médecin-chirurgienne, et qui va donc commencer par nous lire un extrait de son dernier livre, Les corps fragiles, qui parle de la vie de Marie-Antoinette, la première infirmière libérale de Lyon après la Seconde Guerre, et de ses patient(e)s, bien évidemment. Bibiche explique ensuite que ce sera à nous, après cela, d'écrire un petit texte. Elle comment même, au passage :
"Alors, bien sûr, nous savons que certains d'entre vous ont déjà un goût prononcé pour la plume, d'autres peut-être s'ignorent..."
Et bien sûr, à qui adresse-t-elle son magnifique sourire ? ^^ Isabelle me sourit aussi tandis que je ricane, flatté, un peu gêné *tousse* comme d'habitude. *tousse*
L'écrivaine se présente ensuite en personne, enfin même si on la connaît déjà, elle nous parle un peu mieux d'elle-même, en nous ayant dit au passage qu'elle était vraiment très contente de pouvoir nous retrouver. Elle nous parle de cette femme formidable qu'est Marie-Antoinette (aujourd'hui âgée de 89 ans ! elle en a vu, des choses, et ça Isabelle ne manquera pas de le faire savoir dans son bouquin...), comment elle l'a rencontrée et comment elle a finalement eu un déclic pour écrire sa biographie romancée, alors qu'à la base, elle n'était pas du tout motivée. Et puis elle nous lit le premier chapitre de son œuvre, intitulé Les mains, où elle raconte, en restant fidèle au personnage, comment Marie-Antoinette a découvert sa vocation d'infirmière, très jeune. Elle nous parle ensuite de ce découpage si spécial, son livre dans lequel les chapitres portent les noms des différentes parties du corps, au rythme de la vie de Marie-Antoinette, de sa rencontre avec les malades, des différentes parties du corps qu'elle soigne ; et elle crée toujours un parallélisme entre l'infirmière et ses patient(e)s : par exemple, quand dans un chapitre elle parle des jambes des patient(e)s, elle parle aussi de celles de Marie-Antoinette.
L'autre prof de littérature et société a commandé le livre à la libraire Vivement Dimanche, les exemplaires sont censés arriver demain, je verrai donc pour me l'acheter, ou pour que mon père me l'achète, à la limite. (coucou les petits rats !)
MAIS ! Même après ce prologue émouvant et perturbant, le meilleur n'est pas encore passé. Car Bibiche s'exclame, après que l'écrivaine et les élèves aient échangé un court temps de questions :
"Et ben, maintenant ça va être à vous de travailler !"
Eh oui. Le moment d'écrire notre propre petit texte est venu. Et quand elles nous annoncent le thème, c'est vite la panique totale dans ma tête : il faut, nous aussi, que l'on rédige un petit quelque chose en se basant sur une partie du corps, n'importe-laquelle, celle qu'on veut. Pourquoi je dis que c'est vite la panique totale dans ma tête ? Et bien, parce que je songe à écrire quelque chose sur le cœur, puisque c'est la seule partie de mon corps qui m'inspire, comme ça je pourrai glisser mon amour envers Bibiche dans mon écrit (mon amour dont elle est déjà au courant, comme vous le savez).
Mais que voulez-vous... Je n'ose pas ! Je n'ose pas, je n'ose pas... Enfin, au moment où je me prépare psychologiquement à me lancer, chercher une première phrase, je décide finalement de changer de partie : je sais ce que je vais écrire. Je ne vais pas parler du cœur, je vais parler des yeux. Les yeux.
Après quelques nouvelles minutes de réflexion, réflexion durant laquelle j'ai observé les yeux de la prof, je tente une première phrase, une première proposition, puis une virgule, puis une deuxième proposition flatteuse, qui me plaît. Rapidement, au bout de la troisième ou peut-être de la quatrième phrase, je me sens de plus en plus inspiré, en ne cessant de jeter des regards furtifs à Bibiche pour observer ses yeux. Je les décrit en détaillant les paupières, les traits d'expression, l'iris, je fais vivre mon amour pétillant tout au rythme de ses yeux, tout en poème et en figures de style, je finis par être complètement emporté par mes sentiments. J'écris vite. J'ai la main qui travaille, l'esprit qui laisse écrire le cœur à sa place. Je me relis quelques fois avant de m'y remettre, et au moment où l'autre prof dit qu'il faut s'arrêter d'écrire, pour se laisser un peu de temps pour lire nos textes avant la fin ; je termine rapidement ma dernière phrase, alors satisfait de mon petit travail.
Voilà, j'ai écrit avec le cœur, un texte qui parle des yeux. Grâce à moi, vous saurez que les mecs qui disent sincèrement à la fille qu'ils aiment "t'as de beaux yeux, tu sais..." n'ont pas totalement disparu.
MAIS.
Mais. Mais.
On n'en est pas encore au pire ; et quand je dis le pire, je veux bien évidemment parler du meilleur.
Le meilleur pour la fin, comme on dit.
Les professeures interrogent qui désire lire son texte à voix haute. Là, c'est le blanc, la gêne, la honte, personne ne se porte volontaire. Jusqu'au moment où un élève, assis un rang derrière moi, décide finalement de se lancer. Il parle de la même partie du corps que moi : les yeux. Il nous confie de façon très émouvante ses sentiments et sa passion pour la navigation que lui a enseigné son père, révélant à la fin, dans une belle chute, si j'ai bien compris, que son père et ses yeux bleus ne sont malheureusement plus là pour continuer de naviguer avec lui.
Rest in peace.
Il reçoit les applaudissements, Isabelle commente avoir beaucoup aimé la façon de révéler les sentiments et la chute, et Bibiche commente même qu'il y a un certain courage à se livrer d'une telle façon, et à laisser les autres rentrer à l'intérieur de soi avec un texte dans le genre. Le cœur qui bat à fond, j'hésite grandement : je brûle d'envie de lire mon magnifique texte, notamment en écoutant le commentaire fait par la prof, mais en même temps, je n'ose pas, étant donné que bien sûr, vous l'aurez compris ; vous n'êtes pas cons, ce texte s'adresse directement à elle.
Après plusieurs nouvelles longues secondes d'hésitation, tandis que personne d'autre ne se porte volontaire et qu'Isabelle m'a déjà demandé si j'en avais envie, je finis par dresser la main en l'air, et par dire :
"Je veux bien essayer."
Immédiatement, tout s'emballe dans ma tête, et je me dis : "mais qu'est-ce que j'ai dit ?" Mais je compte bien sauter le pas. Cette expérience pourrait être passionnante. Alors, je vais bel et bien me lancer, dignement.
Le temps que tout le monde se taise un peu autour, je regarde Bibiche qui discute avec sa collègue. à vrai dire, j'attends qu'elle se concentre sur moi pour commencer à lui faire la cour. L'écrivaine me rappelle de parler bien fort pour que tout le monde puisse entendre, car la salle est grande, et je commente :
"Remarque je pourrais aussi me lever, limite..."
J'ai dit je pourrais, mais finalement, une seconde plus tard, je suis debout sur mes deux pieds, tandis qu'Isabelle impose le silence en articulant :
"S'il-vous-plaît, on écoute !"
Là, enfin, les deux profs se tournent vers moi pour m'écouter au même prix que tous les autres.
ça y est. Bibiche me regarde. Le plus drôle, le meilleur, le vrai moment fort, va enfin pouvoir commencer.
J'inspire un grand coup, en tâchant de me détendre pour paraître suffisamment naturel, et je commence alors à déclamer, maîtrisant incroyablement mes émotions pour rendre mon ton et mon intonation crédibles :
"Une paire de pierres précieuses scintillantes, incrustées avec une symétrie parfaite sur un visage d'ange. Deux petits miroirs qui reflètent la beauté d'un sourire, une couleur claire, rieuse, perçante, qui veille attentivement sur vous. Deux grands yeux, oui, des yeux qui vont à ravir sur un joli minois ; une personnalité drôle, intrigante, pleine de charisme, illuminée rien que par ce miroir de l'âme.
Au-dessus, légèrement tombantes, des paupières délicatement poudrées qui cernent un regard jovial. En dessous, de sublimes rides d'expression qui font éclater le regard de rire en même temps que tout le reste du visage. Et enfin, en plein milieu, un contour clair, éclatant, termine de rendre la lumière du regard irrésistible. Un iris qui reflète le ciel d'été, le ciel dégagé et rempli de vitamines, un iris bleu, du plus beau de tous les bleus. Toutes ces choses, tous ces petits détails, rendent ces deux yeux complètement hypnotiques.
Je projette mon propre corps dans ces yeux, je plonge dans leur océan bleu clair. Et ces yeux, quand ils me scrutent, me sourient, et regardent directement dans mon cœur. J'espère que ces yeux regarderont aussi ce texte, et qu'ils me pardonneront pour cette vague de sentiments poétiques que je suis incapable de retenir ; mais je suis incapable de leur résister : dans ces yeux, je retrouve mon cœur emballé."
J'ai fini.
C'est l'éclat général, les applaudissements fusent dans toute la salle. Isabelle et la fille assise à côté de moi, celle avec qui j'ai fait tous mes travaux de littérature et société cette année ; commentent plus encore que les autres que mon texte était superbe. Ma camarade me chuchote même, tandis que je ris nerveusement :
"Moi, j'ai deviné de qui tu parlais..."
Mais le meilleur. C'est la prof, qui est assise jambes croisées sur la table à l'avant de la salle. Et après m'avoir applaudi, alors que je m'assois, que j'ose enfin la regarder après toute une déclamation où mes propres yeux fuyaient sur ma feuille ; son visage, grâce à cette paire de pierres précieuses scintillantes, s'illumine. Je vois son sourire absolument magnifique, autant qu'absolument magique. Et je reconnais ce sourire. C'est le même que celui qu'elle m'avait fait une nuit, dans un rêve, quand elle a traduit, avec son regard jovial, qu'elle avait compris les sentiments que j'éprouvais pour elle.
Ici, bien sûr, nous voilà dans la réalité ; elle était déjà au courant de ces sentiments depuis un moment (bientôt 2 mois !), m'avait bien sûr proposé cette belle relation d'amitié, et cela ne l'a apparemment pas dérangée de se rendre compte que je parlais bel et bien d'elle et de ses magnifiques yeux bleus au travers de mes mots. Bien sûr, ses yeux ont dû me pardonner pour cette vague de sentiments poétiques que j'ai été incapable de retenir.
Et cette position, et ce sourire, et ce regard clair, rieur, perçant ; je m'en rappellerai toute ma vie, ils m'ont marqué comme étant en partie, la réalisation de cet agréable rêve dans lequel je l'avais vue me sourire exactement de la même façon.
Après cela, c'est un dernier élève qui a le temps de nous lire son texte inachevé. Il y parle de l'arcade sourcilière, et raconte d'ailleurs qu'elle est fragile, et qu'elle a déjà causé beaucoup de malheur à son meilleur ami, qu'il a vu se l'ouvrir, que ce soit lorsque les deux se bagarraient dans la cour de récré, ou lorsque cet ami s'est pris un coup de casque en pleine tête un jour où, en jouant au football américain, les choses avaient dégénéré.
Il ne reste plus beaucoup de temps après ça, les élèves rangent leurs affaires les uns après les autres, après que, tristesse, Bibiche nous ait annoncé qu'elle serait en Allemagne la séance suivante.
J'ai bien fait de faire cet audacieux pas aujourd'hui, de briser la glace tant qu'elle était toujours là, et qu'elle pouvait m'entendre lire mon texte adorablement amoureux.
Je ne peux pas m'autoriser à sortir de la salle comme ça, non ; une dernière chose me revient à l'esprit, quelque chose qu'il faut que je demande à Bibiche, pour lui avoir parlé un peu en privé - autrement qu'à travers le texte sur les yeux - avant de la quitter et de rentrer chez moi.
Je profite du fait que l'autre prof et Isabelle soient restées en l'avant de la salle pour discuter avec un élève pour aller voir Bibiche. Elle était partie récupérer son sac, sur le siège sur lequel elle l'avait laissé. Je demande :
"Madame ? Hum, en fait, je reprends alors qu'elle s'est rapprochée tout près de moi, une fois qu'elle sera finie, je prévois d'écrire une autobiographie de mon année de seconde, et du coup, je me demandais, si jamais un jour je la publie, enfin si à tout hasard elle se retrouve éditée... Est-ce que vous acceptez que j'utilise votre vrai nom dedans ?"
"Bien sûr ! me répond-t-elle avec son sourire à tomber par terre. Tu n'écris pas de vacheries, hein ?"
"Oh, non ! Bien sûr que non !" fais-je semblant de m'offusquer, en riant.
"Tu m'enverras ton texte ! Tu as bien mon mail ?"
"Oui, oui, et pas de problème. De toute façon j'ai aussi d'autres petits textes dans le genre, sur une partie du corps, je pourrai vous les envoyer aussi..." conclus-je, en songeant à mes poèmes sur mon cœur tombé amoureux d'une prof de rêve.
"Avec plaisir !"
Je suis complètement euphorique, je lui souris grandement, tout content, flatté, le cœur toujours tout remué, toujours aussi emballé que dans mon court écrit. Ma journée se termine sur une note douce, frissonnante d'émotion, et me laisse un souvenir délicieusement sucré.
Enfin, j'échange un dernier au revoir avec Madame Dupuy-Denis avant de sortir de la salle.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top