En train de terminer le tournage de sa dernière vidéo, Valentin est essoufflé. Il s'est donné à fond, comme toujours. Tant qu'il a bien du mal parfois à se reconnaître sur ses propres vidéos. Non pas que Valentin joue un rôle face caméra, mais il donne toujours toute son énergie quand il tourne. Déjà pour ses abonnés et enfin pour lui-même car avec le temps il a prit conscience que son métier était sûrement l'un des meilleurs au monde et qu'il fallait en profiter au maximum. 

Après avoir réalisé son outro, le voilà qui s'étire en bâillant nonchalamment. 

- Et voilà ! Encore une boooooonne vidéo... J'espère juste qu'ils voudront pas un nouveau type de contenu trop rapidement, parce que ça commence vraiment à me plaire ce genre de vidéo posée...

- Tout va bien Valentin ? Tu es conscient que tu parles seul depuis tout à l'heure ? 

Maxime vient d'entrer dans la pièce avec son ironie habituelle. En face de lui, toujours assis sur sa chaise, Valentin rigole nerveusement. Sûrement gêné d'avoir été surpris en train de parler tout seul. 

Valentin finit par se lever et s'occupe de tout éteindre, aidé par son ami. Lumières, ordinateurs, tout y passe. En un instant la pièce est plongée dans le noir, et le suivant les deux garçons en sortent. Puis Valentin ferme la porte de son studio à clef et descend ensuite les escaliers pour sortir du bâtiment au côté de Maxime qui, comme d'ordinaire, entame une conversation pour savoir comment s'est passé le tournage de son ami et tout simplement prendre de ses nouvelles.

Il faut dire que depuis quelque temps les deux youtubeurs avaient beaucoup de travail avec leur projet secret. Projet qui leur prenait un temps fou et une énergie tout aussi folle. Et Valentin supportait moins bien cette pression que Maxime, qui arrivait plus ou moins à s'y retrouver. 

C'est la pleine après midi quand ils sortent du bâtiment où se situent leurs studios afin de rentrer chez eux quand Maxime propose à Valentin d'aller se faire un cinéma pour le faire décompresser, voyant bien que depuis peu il ne passait pas assez de temps avec lui-même. 

Valentin aurait aimé mais il refuse poliment la proposition de son ami : 

- Désolé, mais je pense plutôt rentrer et dormir une heure ou deux...

- Non, t'inquiète, c'est rien. C'est même mieux, je dirais !

Sur ces mots Maxime et Valentin se disent au revoir puis chacun rentre de son côté. 

Alors que Valentin avance à pas lents dans les petites rues de sa ville, le voilà qui se laisse aller à ses pensées. Oubliant tout ce qui l'entoure. 

Au fond, Maxime a raison et ça Valentin le sait très bien. Il devrait se reposer, prendre un peu plus de temps pour lui, quitte à manquer une vidéo mais c'est impensable pour lui, il tient à garder le rythme tant qu'il le peut.

Et puis c'est pas comme s'il était en train de tomber dans une profonde dépression ou on ne sait quoi encore... Il manque juste de sommeil. 

Il accélère légèrement le pas, juste ce qu'il faut pour être au plus vite chez lui et avoir le temps de dormir assez. Toujours la tête baissée, car même s'il aime qu'on le reconnaisse dans la rue de temps en temps pour le moment la seule chose avec laquelle il voudrait être à ce moment-là c'était son lit, rien que son lit. 

Mais dans un virage sur un petit trottoir, quelqu'un lui rentre dedans assez violemment. La personne, qui est un homme d'une vingtaine d'année à peine, s'excuse au près de Valentin qui répond d'un geste de la main et d'un sourire avant de continuer son chemin mais il a à peine le temps de faire quelques pas de plus que derrière lui, il entend : 

- Valentin ? 

Avant de se retourner, il croise les doigts le plus fort possible pour que ce soit un ami à lui qu'il n'ai pas reconnu. Mais malheureusement, après avoir bien étudié le visage du jeune homme, il se rend compte qu'il ne l'a jamais vu. Et se tape intérieurement la tête de n'avoir pas simplement fait semblant de ne pas entendre qu'on l'appelait. 

Et le jeune ajoute en posant sa main sur l'épaule de Valentin, qu'il dépasse par sa grande taille :

- Oh Vodk ! Putain je suis trop content de te rencontrer ! 

Valentin, quant à lui, essaye de trouver une solution pour s'éloigner au plus vite de cette personne qui allait le retarder dans sa sieste, et qui plus est, était un peu trop amical à son goût. Aujourd'hui, il aimait ses abonnés comme n'importe quel autre jour de l'année. Mais aujourd'hui, il était épuisé et voudrait juste dormir. 

Et ce n'est apparemment pas l'envie du mec en face de lui qui se lance dans un monologue détaillé de comment il est arrivé ici, mais a failli passer par un autre chemin et de ce fait a failli manquer de rencontrer le grand Vodka qui n'est autre que l'un de ses youtubeurs favoris.  

Même si tout se blabla flatte beaucoup l'estime de Valentin, il n'en a pas pour autant oublier son objectif premier. 

Le problème étant que l'abonné en question ne semble pas vouloir lâcher Valentin, qui commence à se sentir de plus en plus comme une proie entre les griffes de son prédateur. 

Alors qu'il reprend son souffle, ce qui n'est pas étonnant vu le débit de mot qui sort de sa bouche en trois secondes, Valentin saisit sa chance :

- J'étais vraiment content de te rencontrer, mais je suis pressé, il faut que j'y aille ! Salut !

Vif comme l'éclair, il se retourne et part en entendant l'individu quémander une photo ou un autographe. Mais Valentin marche, il court presque, et s'il pouvait voler pas de doute qu'il le ferait. 

Quelques rues plus loin, alors qu'il pense avoir réussi à semer cet homme-chewing gum, le voilà qui resurgit de nulle part et se place au devant de Valentin qui doit freiner pour ne pas rentrer à son tour dans le jeune homme. 

Valentin, cédant presque à la colère qui montait en lui, s'exclame :

- Bon, écoute ! T'es bien gentil mais je suis crevé moi, et j'ai qu'une envie c'est de me coucher !

- Alors c'est ça être youtubeurs ? C'est prendre la grosse tête alors qu'on a à peine un million d'abonné ?

Le ton était en train de monter et ça agaçait ledit youtubeurs au delà du raisonnable. Déjà parce qu'il ne voyait pas le rapport, et puis parce qu'il venait de réaliser qu'il était tombé sur un de ces abonnés capricieux, voire insupportables, incapables de comprendre que vous êtes un être humain comme un autre et que vous ne pouvez pas toujours être de bonne humeur, et ce peu importe votre métier. 

- Ecoute mec, une autrefois ça aurait été avec grand plaisir, mais là c'est pas possible.

- Mais je te demande pas la lune ! Je te demande juste une photo ! Tu peux pas refuser une photo avec un de tes abonnés, c'est toi qui l'a voulu cette célébrité ? C'est à toi d'assumer quand tu croises des gens qui t'admirent !!

Valentin est à deux doigts d'exploser en écoutant ce pauvre type lui raconter de la merde. Rassemblant les derniers grammes de sang froid qui restaient en lui, il essaye de passer d'un côté du jeune homme qui l'en empêche, puis de l'autre mais même cinéma. 

Quand on pousse trop quelqu'un à bout, un moment donné il craque. Et c'est ce qu'il n'allait pas tarder à faire si cette andouille de fan en furie ne se poussait pas tout de suite de son chemin. Peu importe que le mec fasse bien deux têtes de plus que lui : s'il fallait lui rentrer dedans pour qu'il comprenne qu'il ne peut pas s'imposer à quelqu'un, même s'il est fan de ce quelqu'un, il le ferait. 

Sauf que le jeune homme commençait à devenir étrange. Comme agacé et de plus en plus nerveux. Et en une fraction de seconde, l'expression de son visage change et il se met à hurler sur Valentin : 

- Tu vas faire avec moi cette putain de photo ! Sinon je te jure que je te pète ta gueule !! Ça fait trois mois que je cherche à tomber sur toi jours et nuits, j'ai enfin réussi aujourd'hui alors  c'est la moindre des choses de prendre un selfie !!!

Tout d'un coup, Valentin change d'avis. Il n'a pas peur de se battre : il a peur pour sa vie. Ce mec a l'air d'un demeuré impossible à gérer. Un fou qui serait prêt à le transformer en trophée pour le ramener chez lui et l'exposer sous vitrine. 

Mais malheureusement, il est coincé. Coincé dans cette rue où il n'y pratiquement pas de passage. Coincé entre un mur et un taré. Coincé entre l'idée dérangeante pour son orgueil d'appeler à l'aide et l'irrésistible envie de sauver ses fesses. 

Même si cela ne lui ressemble pas, Valentin sent le stress gagner du terrain petit à petit. 

Il avait bien imaginé tomber un jour sur quelques abonnés insistants mais ne s'attendait pas à ce que cela se produise si vite et aujourd'hui. Il se sent maintenant pris au dépourvu et incapable de gérer la situation ou bien le garçon. 

Son rythme cardiaque s'accélère quand le type le plaque fortement contre un mur avec une main et lève l'autre tout au dessus de son visage en fermant le poing, près à le faire s'écraser contre sa joue. 

Réagissant enfin, il agrippe le bras qui le tenait contre le mur et le repousse de toutes ses forces quand un homme arrive à quelques mètres d'eux. 

Valentin tourne la tête vers ce dernier et n'a même pas le temps de le reconnaître que Maxime cours dans leur direction en criant au jeune de le lâcher.

Prit de panique, ce dernier se détache de Valentin et s'enfuit en courant comme s'il était lui-même la victime de cette agression. 

- Eh bah ! Heureusement que j'ai eu besoin de retourner au studio sinon je sais pas ce qu'il t'aurait fait !

Valentin ne répond pas. Il se contente de regarder dans la direction où est partit le jeune homme. Puis il se tourne finalement vers Maxime, tout aussi essoufflé qu'il l'était en début d'après midi, et le remercie encore et encore d'être arrivé juste à temps. 

Après toute cette affreuse scène, Maxime propose à Valentin de le ramener chez lui et il accepte sans en dire plus en espérant profondément que le mec n'ai pas son adresse et ne décide pas de lui rendre une petite visite ce soir.