Chapitre 9 :
IL Y avait des soirs normaux et d'autres un peu spéciaux. Déotile était sensée venir à la maison ce soir-là. Ma mère avait commandé des pizzas et sorti son film préféré – Seven, pour qu'on le regarde tous ensembles. Si j'avais déjà vu le film une fois, ruinant la majorité du suspens, revoir ce film extrêmement bien ficelé me faisait plaisir. Et c'était une manière pour ma mère de montrer qu'elle acceptait Déotile dans son cercle proche. La soirée s'annonçait bien.
Mon père était parti en Chine depuis deux jours et la maison n'en était pas plus vide, juste plus calme. Ma mère donnait l'impression d'être heureuse. Elle souriait plus, se permettait de faire des folies en cuisine ; les portes ne claquaient plus, personne ne haussait la voix, elle souriait et venait embrasser mon crâne lorsque je lisais, casque sur les oreilles, étendu sur le canapé du salon – une chose que je ne faisais jamais quand mon père était là.
« Merde ! »
Je baissais mes ciseaux, attendant une suite. Ma mère se pencha sur son ordinateur, l'air de ne pas croire ce qu'elle lisait.
« Merde merde merde, articula ma mère d'une voix cassée. »
Je m'approchais d'elle et l'ordinateur, une boule au ventre : qu'est-ce que j'allais découvrir ? Une photo de mon père au bras d'une autre femme ? Un mail de mon père qui demandait le divorce ?
J'y vis la photo d'un chanteur que Déotile aimait beaucoup ; quel était son nom, déjà ?
« Tu connais Linkin Park, Tintin ?
— J'en ai déjà écouté quelques unes, oui. Déotile aime vraiment bien. Pourquoi ?
— Chester Bennington est mort. »
Voilà son nom. Chester.
Il était mort. Mine de rien, ça en foutait un coup, de savoir que celui qui savait mettre des mots sur des sentiments qu'on pensait ne jamais savoir expliquer était mort. C'était comme perdre un allié, un grand frère.
Je ne savais pas que ma mère écoutait tant que ça Linkin Park. En fouillant sur son bureau j'étais tombé sur Hybrid Theory, une fois, mais je ne m'étais jamais demandé quelle affection elle portait à ce disque, à ce groupe.
Peut-être qu'au fond, le groupe de Chester Bennington lui importait plus que mon propre père...
« Je savais pas que t'écoutais. C'est plutôt de la musique qu'on écoute quand on fait une crise d'ado, non ?
— J'avais à peine vingt ans quand ils ont sorti Hybrid Theory. On est encore un ado, à vingt ans. J'écoutais surtout quand je me sentais à bout. Tu sais, avec la relation à distance avec ton père, et puis je venais de t'avoir, j'étais débordée, perdue, j'avais l'impression que c'était les seules personnes qui me comprenaient...qui savaient mettre des mots sur mes problèmes. »
Elle étrangla un rire nerveux avant de prendre la tête dans ses mains, l'air complètement désemparée.
« Je t'avais fait écouter les CD en boucle. T'avais quoi, un an ? Et mon petit Gus qui savait pas très bien parler il souriait comme un bienheureux en écoutant In the end, alors je me disais qu'au final, mes problèmes avaient pas vraiment d'importance. »
Je me souvenais que la chanson m'avait effectivement beaucoup plu quand Déotile me l'avait fait écouter.
« Maman, ça va ? »
Elle releva les yeux et je vis qu'elle s'était mise à pleurer. Pas à grosses larmes de crocodiles, mais elles roulaient sur ses joues, comme des petites perles. Mon coeur se brisa.
« Tu veux annuler pour ce soir ? Déotile comprendra sûrement et...
— J'aimerais bien en parler à quelqu'un, quelqu'un qui puisse vraiment me comprendre. Désolée mon Tintin mais tu n'es pas de ceux-là.
— Papa ? suggérais-je.
— Ton père ? Il me dirait d'arrêter mes conneries, répondit la mère avec un rire jaune. De toute façon, ça gueulait trop pour lui. Et il doit être en réunion. »
J'avais envie de serrer ma mère dans les bras. Elle leva vers moi un regard plein d'espoir bordé de larmes.
« Tu as dis que Déotile t'avais fait écouter Linkin Park ? Oh, je t'ai déjà dit que ta copine était une fille adorable ?
— Elle était sensée venir ce soir, tu veux que je lui envoie un message ? »
Ma mère approuva d'un hochement de tête et je sortis mon téléphone.
Je me rappelais alors une phrase que mon père m'avait dit lorsque nous étions tout les deux en train de promener Thoballe. Il m'avait dit que je tomberais amoureux de la fille qui ressemblerait le plus à ma mère.
Au fond, mon père disait beaucoup de connerie, mais pour ce coup-là, il avait raison.
M'éclipsant dans le jardin, j'appelais Déotile.
« Tu viens toujours ce soir? demandais-je après l'échange insignifiant de Allôôô.
— Moui, je pense, couina-t-elle d'une petite voix. Ça va me changer les idées...tu as appris pour Chester Bennington?
— Justement, je te demande pour cette raison.
— Trop chou.
— Tu as besoin d'en parler ?
— Tu les connaissais pas, malgré tout le respect que je te dois, on ne peut pas en parler. Sauf si par "en parler" tu veux dire "parler de tout et de rien en s'embrassant sur ton lit". Et j'ai pas trop envie... »
Je lançais un regard à ma mère qui s'allumait une cigarette. La situation était critique : elle fumait très peu, une ou deux par semaine. Problème : elle avait déjà fumé hier. Il y avait un problème.
« Ma mère veut en parler aussi, je crois que ça peut le faire entre vous. Thoballe et moi on va s'occuper tout les deux comme des hommes, t'en fais pas pour nous.
— Ton chien ne sait pas jouer aux jeux vidéos, Gus.
— Je sais pas jouer non plus, la dernière fois tu m'as éclaté ! Non, on va sortir en matant les jolies filles qui vont en boîte, elles sont pas beaucoup habillées ces temps-ci.
— Trêve de conneries, répondit-elle. Ok, je viens.
— Merci, étoile. »
Elle lâcha un petit rire avant de raccrocher. Ma mère me regarda de par derrière la baie vitrée.
« Elle arrive dans une dizaine de minutes, l'informais-je en regardant mon téléphone.
— Tu voudrais bien aller chercher les pizzas ? demanda ma mère en cachant du mieux qu'elle pouvait sa cigarette. »
Je soupirais. Ça faisait un peu trop long à vélo et je ne savais même pas comment les emporter dans mon panier.
Mais quand je voyais ma mère comme ça, la question ne se posait pas. Elle m'embrassa le haut du crâne. Son souffle sentait la cigarette. Elle qui se voulait discrète n'était pas très maligne.
J'enfilais mes écouteurs et ma veste en jean et j'enfourchais mon vieux vélo rouge.
À tout hasard, ma musique aléatoire diffusait Bleed it out, de Linkin Park. La musique était une étrange coïncidence. Mais je ne croyais pas aux coïncidences. Je ne croyais pas au hasard. Et la dernière fois que j'avais pensé ça, j'avais embrassé Déotile pour la première fois.
J'allais chercher les pizzas, saluant Daphné qui prenait sa pause clope devant le bâtiment. Des cheveux blonds, des lèvres rouge vif et un jean troué à faire s'évanouir sa grand-mère.
« Qu'est-ce que tu fous là ? demanda-t-elle en haussant un sourcil.
— Je suis de corvée pizza.
— Tu sais pour quelques euros de plus c'est moi qui te l'apporte en personne. »
Daphné tourna sa cigarette entre des lèvres avec un sourire puis désigna mes écouteurs d'un coup de menton.
« T'écoutes quoi ?
— Linkin Park, vérifiais-je en mettant en pause Bleed it out.
— Genre. T'essayes de découvrir leurs chansons pour dire "ouais j'aimais vraiment In the End, c'était un vrai artiste incompris il va me manquer ce Christopher" ?
— In the End est vraiment ma préférée d'eux.
— Pas moi, trancha Daphné avec un petit sourire narquois. From the inside. »
Je ne répondis pas et tachais de caler les pizzas dans le panier du vélo. Sur le coup, je me sentais terriblement con.
« Elles vont se renverser, indiqua Daphné qui avait calé sa cigarette entre ses lèvres.
— Je suis un pro du vélo. »
Elle jeta un coup d'œil à l'arrière de mon vélo, au porte bagages et à la sangle accrochée.
« Laisse moi faire. »
En deux temps trois mouvements, elle posa les pizzas et attacha la sangle avec un sourire.
« Ne me remercie pas, cassos. »
Daphné étrangla un rire et rentra à l'intérieur du bâtiment après avoir écrasé sa cigarette sur le mur.
Je rentrais chez moi avec la désagréable impression d'avoir un noeud dans l'estomac. On entendait la voix de Chester à travers les murs de chez moi. Les voisins ne devaient pas apprécier mais de toute façon vu le bruit qu'ils faisaient à longueur de temps ils ne pouvaient pas se plaindre.
Déotile était installée sur mon canapé, calée dans le coin, le menton sur les genoux, les yeux tristes. Ma mère n'était pas en meilleur état. J'eus l'impression de couper leur discussion.
« C'est comme perdre un ami. Le seul ami qui me comprend.
— C'était ça. Pour moi aussi. J'ai eu Augustin très tôt, j'avais à peine dix neuf ans. Et quand j'étais seule, que Marcus était à l'autre bout du pays, que ma mère me reniait presque, que je ne savais même pas comment éduquer un enfant parce que j'en étais un moi-même, ça faisait du bien d'avoir un ami. »
Je posais les pizzas sur la table basse après m'être débarrassé de ma veste. Déotile agrippa mon poignet et me força à m'asseoir à côté d'elle.
Pas par violence, juste que, comme ma mère, elle avait besoin d'un soutien. Qui n'était autre que ma présence. En l'occurrence, c'était un soutien physique plus qu'autre chose.
« J'ai l'impression d'avoir perdu mon meilleur ami, ajouta ma mère.
— Quand mes parents ont voulu divorcer, j'étais en train de pleurer et Domitille, ma sœur, est venue, et toutes les deux on a écouté Numb en boucle. C'était comme si quelqu'un mettait les mots sur ce que je n'arrivais pas à décrire moi même. C'était comme mon hymne. »
La main de Déotile tremblait sur mon genou. Ma mère se racla la gorge, but une autre gorgée de vin avant de reprendre :
« J'ai été à leur concert, c'était un des meilleurs moments de ma vie, annonça ma mère. Si ce n'est le meilleur. J'étais entourée de gens comme moi, qui me comprenaient, je le voyais là, sur scène, ce meilleur ami. »
Sa voix se brisa et les larmes emplirent ses yeux d'un coup. Ma copine frissonna et je posais la main sur son épaule.
« Tu n'as pas de vidéos de moi qui danse sur In the End ? demandais-je pour détendre l'atmosphère.
— Peut-être. Déotile, tu veux un verre ? On a du vin, si tu veux. »
Ma copine sourit et acquiesça. C'était un comble ça ! J'étais sûr que j'allais avoir le fond de soda que j'avais laissé au frigo.
Elle revint, un verre avec un fond de vin rouge dans la main et un avec du jus de fruit dans l'autre.
Alors ça.
« Je vais chercher les vidéos, proposa-t-elle en s'éloignant. »
Au fur et à mesure qu'elle s'éloignait, on entendait ses reniflements devenir de plus en plus fréquents.
« T'as eu une bonne idée, au fond. Ça fait du bien d'en parler.
— Tant mieux si ça vous aide à aller bien. Mes deux femmes préférées au monde vont mieux, c'est le principal.
— Mhh. C'est comment que tu m'as appelé déjà ? Étoile ?
— Exact, marmonnais-je, gêné.
— J'aime beaucoup. »
Elle posa son index sur mon nez avec un sourire.
« Vraiment beaucoup. »
Déotile abaissa son doigt sur le bas de mon nez avant de tracer les contours de ma pommette, ma mâchoire, mon menton, mon cou pour achever avec mes clavicules. Je sentis ma peau frissonner sous le contact de son index.
J'ai cru qu'elle allait m'embrasser mais son doigt se suspendit dans le vide.
« Numb, murmura-t-elle d'une voix triste.
— Je sais, je sais. »
Quand elle a enfoui sa tête dans mon cou et a serré mon torse de ses bras, mon cœur s'est soulevé d'une pensée glaçante.
Et si elle était malheureuse au point d'en finir un jour ? Ce genre de cas n'arrivait pas que chez les célébrités...
Je traçais des petits cercles dans le bas de son dos, du bout des doigts, dans le but d'apaiser ses larmes.
« Je suis là, murmurais-je après le refrain, sachant qu'elle avait horreur que celui-ci soit couvert par un autre bruit.
— C'est bizarre de dire ça maintenant mais...tu sens bon, constata-t-elle à voix basse.
— Je sens la pizza, je sais.
— Plutôt...la clope. Gus, tu fumes ? Ta mère fume ?
— Ça arrive pour elle comme pour moi mais je fume qu'avec toi, l'informais-je sans hausser le ton.
— Ton tee-shirt est infesté de nicotine. Qui c'est ?
— Daphné. Du théâtre. Elle bosse à la pizzeria. Elle a un copain ! me défendis-je.
— Je te fais confiance, murmura-t-elle, le nez enfoncé dans mon cou. »
Elle appuya sa tête contre mon épaule en écoutant la musique.
« Il va me manquer. Très fort. J'aurais adoré voir Numb en live.
— Elle est très triste cette chanson.
— Oui, aussi. Tu penses qu'elle va bientôt revenir, ta mère ? »
Elle était effectivement partie depuis un petit moment.
« Va l'aider, suggéra ma copine.
— Elle va revenir, t'en fais pas. Elle pensait sûrement qu'on avait besoin d'un moment tout les deux.
— Je suis venue pour ta mère, je te rappelle. »
Elle avait dit ça en plaisantant mais j'avais l'impression d'être touché en plein cœur.
« Allez, va l'aider et j'envisage de rester dormir, ajouta-t-elle en plantant un baiser dans mon cou. »
Elle me rendait faible, très faible.
« Tu restais pas déjà dormir de base ?
— Merde, mon argument tombe à l'eau. »
Ma mère entra alors, les yeux rouges de quelqu'un qui avait trop pleuré et un disque à la main. Elle avait visiblement profité de cette isolation pour pleurer un bon coup.
« Mon frère adore tout ce qui est montage vidéo, il m'a fait un petit cadeau.
— Tu as un frère, maman ?
— Je me suis disputée avec lui.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Tu peux préparer les pizzas ? Elles vont refroidir. »
Je ne savais pas si c'était une tentative désastreuse de me faire comprendre que "pas quand ta copine est à la maison" ou que tout simplement "je ne te le dirais jamais".
Quelques minutes après, j'eus l'immense honneur de me voir à l'écran de la télé dans un body jaune Augustin le chien – top – et des cuisses aussi potelés que des escalopes.
« Excellent, commenta Déotile en trempant les lèvres dans son vin.
— Il était mignon hein ? demanda ma mère fièrement.
— Je sens déjà que je vais regretter ma proposition. »
Au début, ce n'était pas si terrible : le frère de maman, Pierrot, filmait ma mère qui me faisait des chatouilles et moi qui riait comme un bienheureux.
Je fus choqué par la jeunesse de ses traits – elle avait presque mon âge actuel !
Elle était belle avec ses longs cheveux bruns et ses yeux verts, sa bouche rouge, son sourire et le regard qu'elle me jetait.
« Prend le dans les bras, Pierrot ! insistait ma mère à l'écran.
— J'aime pas les gosses, t'approche pas de moi, Fifi. »
Le plan suivant était un adolescent d'environ seize ans, une épaisse chevelure brune et des yeux bruns, un imberbe qui me tenait dans les bras. Il tenta de tirer la langue pour faire rire le bébé de l'écran.
Un inconnu qui était si proche de moi. Mon oncle.
« Tu vois, il t'aime !
— Reprend le, je veux pas qu'il m'appelle papa ton gosse. »
Ma mère soupira et rendit la caméra à mon oncle avant de me prendre dans les bras, de me lâcher un énorme baiser baveux sur le front et de m'abandonner sur le lit.
« Écoute ça Pierrot, Gusgus danse sur du Linkin Park ! Faut que tu vois ça.
— Au moins, il a bon goût ce gosse. »
Ma mère, toute guillerette, sautilla vers une chaîne hi-fi, manipula quelques boutons et me pointa du doigt.
Le refrain d'In the End s'éleva et je le mis à sourire en grand avec des gazouillis d'oiseau heureux et remuait les pieds dans tout les sens.
Ma mère de trente cinq ans regardait l'écran en riant d'un air attendri avant de fondre en larmes. Soit c'était que la vidéo était hilarante et qu'elle riait aux larmes, soit il y avait un problème.
« C'était un très beau bébé, commenta Déotile face à mon silence. »
Elle me fusilla du regard comme pour m'accuser de mon inaction.
Je regardais ma mère, impuissant.
« Vous voulez qu'Augustin s'en aille ? demanda ma copine avec une voix confortante. »
Je ne savais pas ce qui était le pire entre cette question et ma mère qui hocha la tête en contenant ses sanglots tant bien que mal.
« Va t'occuper de Toto, murmura Déotile avec un sourire contrit. Ta mère parlera pas sinon.
— Seulement si tu restes dormir ce soir, répondis-je tout bas. »
Je savais très bien qu'elle allait rester. J'avais ridiculement besoin d'être rassuré, de l'entendre dire ça. Je voulais savoir que j'avais encore du temps.
« J'ai amené ma brosse à dents et un pyjama très moche. »
Je me levais alors et quittais la pièce.
Une fois la porte refermée, Déotile lui dit qu'elle était désolée.
« Ça me rend tellement triste que quelqu'un qui ai réussi à me faire aller mieux se sentait si mal que la seule solution pour qu'il soit heureux c'était le suicide.
— Vous avez Augustin, lui il sera toujours là pour vous. »
Mon cœur se serra et je m'éloignais dans ma chambre – pas question de pleurer. Thoballe, qui voyait ma détresse, me donna un grand coup de langue affectueux sur le visage.
*
Ma mère venait de poser les pizzas réchauffées sur la table du salon. Elle avait essuyé les traces de maquillage sous ses yeux, avait remit du mascara comme pour se promettre de ne jamais plus pleurer.
Déotile était installée dans le coin du canapé en angle et grattait le crâne de Thoballe qui s'était endormi à côté d'elle.
« Tu restes dormir, Déotile, je suppose.
— C'était le plan initial. Je peux toujours m'en aller, si vous voulez. »
Ma mère intercepta mon regard scandalisé.
« Non, pas question de te laisser rentrer à pieds et j'ai trop bu pour te remmener. Par contre, tu dormiras dans la chambre d'amis, le lit est fait. »
Allons bon. Déotile approuva d'un signe de tête et ignora mon regard outré. Et puis quoi encore ?
« Bon appétit, déclara ma mère qui s'empara d'une part de pizza.
— Bon appétit, répondis joyeusement Déotile. »
Le repas se passa dans une ambiance un peu spéciale : on ignorait si elle était réellement posée et détendue ou si elle était teintée de faux semblants.
Le film nous changea les idées à tous. Captivée, Déotile avait fini par pleurer à la fin, me frappant du coude lorsque je la taquinais à ce sujet.
Après coup, ma petite amie s'enferma dans la salle de bain et en ressortit avec un tee-shirt trop large avec inscription entre le niais et le mignon et un short.
« I'm in outer space ?
— Oui bon hein. J'avais que ça, c'est Dom qui me l'a offert.
— Magnifique. »
Elle rit et je devais avouer que ça faisait du bien. J'avais l'impression de passer ma soirée à essuyer leurs larmes, essayer de les faire rire, et voir un soleil dans ses yeux c'était une récompense.
« Je vais aller me coucher, je suis fatiguée.
— Ah. Bonne nuit, marmonnais-je.
— Bonne nuit Gus, et merci pour cette idée. »
Elle déposa un baiser sur mes lèvres avant de partir dans la chambre d'amis. Ma mère m'embrassa après coup la joue et s'en alla dans sa propre chambre.
Je me glissais dans mon lit et cherchais le sommeil pendant ce qui me semblait être une éternité. Le silence de la nuit m'enveloppait.
Mine de rien, la mort de Chester Bennington m'avait plus atteint que je ne le pensais ; je n'avais pas pleuré mais ça n'aurait su tarder. Tout les secrets m'éclataient en plein visage comme une canette trop secouée.
Je sentis mon parquet craquer et arrêtait de respirer, inquiet.
« C'est que moi, je vais pas te tuer.
— Sait-on jamais, fis-je en sortant mon nez de la couverture.
— Ta mère pensait honnêtement que j'allais dormir dans le petit lit de la chambre d'amis ? chuchota ma petite amie en se glissant sous mes draps.
— Elle voulait se donner bonne conscience.
— Eh bien moi je suis une très mauvaise fille qui désobéit. Oups. »
Elle posa sa tête sur mon oreiller avec un soupir de soulagement.
« Il est confortable ton coussin.
— J'ai cru que tu allais dormir sur mon gras, je suis très déçu.
— Seulement si tu es torse nu. »
Son rire étouffé par mes draps ; je réalisais que c'était la première fois qu'on partageait un lit depuis la soirée de Julie.
« Et tu n'as pas peur de dormir avec moi ?
— Pourquoi j'aurais peur de toi ? »
Et là, quand elle lâcha ça d'une voix si ingénue, comme si elle était sincèrement étonnée, je sentais l'amour exploser dans mon cœur et le désir me brûler la poitrine.
« J'ai encore plus peur de dormir seule après le film, ricana-t-elle. »
Chaque fois qu'elle disait quelque chose de gentil elle se sentait obligée d'ajouter une méchanceté, cette garce.
« Appelle moi encore comme tu m'as appelé, s'il te plaît, demanda-t-elle en se collant à moi.
— Mon étoile ? »
Elle rit et je sus que c'était ça qu'elle voulait.
Avant de m'embrasser, comme rarement, ces baisers qui coupaient la respiration et brûlaient la poitrine ; sa jambe s'enroulait autour de la mienne, sa hanche que je ramenais à moi.
Et le lendemain au petit déjeuner, ma mère nous regardait avec un sourire complice en buvant son jus de fruit.
« Je ne refais pas le lit de la chambre d'amis, je suppose ? »
Déotile avait pris la couleur d'une confiture de fruits rouges.
« J'ai fait un cauchemar à cause du film, inventa-t-elle en tirant une chaise pour s'y asseoir.
— Déotile, j'ai eu ton âge, ne me prend pas pour une vieille. »
Niveau parents, j'avais de loin les plus jeunes ; c'était difficile de les prendre pour des vieux. Chez tous mes amis, ils tournaient à la cinquantaine tandis que les miens n'en avaient pas encore quarante.
« Je voulais savoir si vous étiez dignes de confiance, affirma ma mère en mordant dans sa tartine.
— C'est ma faute! s'exclama la brunette.
— Vous ne l'êtes pas, mais votre couple tiendra. Au passage, tutoie moi. »
Ma mère monta le son de la musique et Coldplay se fit entendre.
bonne saint valentin les bebs
(non je la passe avec personne, sûrement avec mon aquarelle et ma musique mais en vrai j'suis grave bien comme ça j'aurais juste aimé du soleil)
bref mes bébés m'avaient manqué 😿
(pas trop parce qu'il se passe pas une semaine sans que j'écrive un chapitre avec eux mais le truc c'est que je sais pas le localiser genre j'ai écris la fin avant le chapitre 12 et j'ai écris d'autres trucs qui se passent dans super longtemps donc je sais pas bref)
passez une bonne journée ☀️☀️
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