Chapitre 7 :
LE MONDE ne s'arrêtait pas de tourner. Mes parents s'engueulaient, Valérie était en nouvelle Zélande, ma petite cousine Lilith squattait chez moi, Thoballe aboyait comme un abruti.
Mon monde s'arrêtait de tourner.
Je restais sur mon lit à remplir mes journées de vide. Je touchais à peine à ma nourriture. Je jouais à peine avec ma cousine. Je vivais à peine.
C'était dur de revenir à la normale quand on avait eu l'habitude de croquer la vie à pleines dents. Y en avait qui prenaient de l'héroïne, de l'ecstasy ou des joints. Moi ma drogue c'était elle. C'était Déotile qui me faisait planer.
Mélissa devait arriver d'une minute à l'autre. Je n'avais même plus la foi de lui offrir ses cadeaux qui traînaient dans ma chambre depuis une semaine.
Lilith était très excitée à l'idée de revoir sa cousine. Voir était le terme plus précis, parce que Mélissa n'avait joué avec Lilith que lorsque celle-ci portait encore des couches.
On sonna à la porte. Ma mère ouvrit avec un grand sourire.
Une grande blonde aux yeux glacés entra en souriant. Elle n'avait plus rien à voir avec la petite Mélissa qui s'était cassé le bras en tombant d'un arbre. Ses cheveux étaient blonds très clairs tirant sur le blanc, elle portait un haut court et décolleté sans soutien-gorge avec un pantalon taille haute. Des lèvres rouges, pas de liner, un grand sourire et un piercing sur l'aile du nez.
Dans la famille, tout le monde avait la même tête. Des grands yeux bleus, une peau pâle, un nez droit et des cheveux d'une blondeur à rendre jaloux les anges. Sauf moi. Parmi mes cousins je faisais tâche, avec mes cheveux et mes yeux bruns.
Mélissa fit la bise à ma mère, embrassa le bout du nez de Lilith et me lança un regard scandalisé quand elle me vit affalé sur le canapé comme une larve.
« Tu viens pas me dire bonjour ? s'indigna-t-elle. Il est malade ?
— On peut dire ça.
— Sa tourterelle s'est envolée, s'égosilla Lilith qui ne prenait pas mes histoires de cœur au sérieux. »
Mélissa fronça les yeux à l'entente du mot tourterelle.
« Depuis quand Tintin met des oiseaux en cage ? C'est lui qui regardait les mouettes voler, eh.
— Sa copine tourterelle avec qui ils roucoulaient à longueur de journée, ajouta Lilith en ramassant sa peluche canari. »
Satanés volatiles.
« Ooooh, je vois. Tu t'es fait larguer ? demanda Mélissa avec son tact légendaire.
— C'est un sujet fragile, chuchota ma mère comme si je n'entendais pas.
— Ça fait combien de temps ?
— Une semaine.
— Vous pouvez arrêter de parler comme si je n'étais pas là ? Ça devient super lourd.
— Je te parlerais quand tu m'auras dit bonjour. Je t'ai connu plus poli. »
Je me levais et Mélissa me serra dans les bras. Elle sentait bon, elle était belle. Toujours.
« Tu es sorti depuis une semaine ? gronda ma cousine.
— Je promène Toto avec Lilith.
— Et tu veux pas aller au port ! protesta la concernée. Tu veux pas t'en approcher, t'es même pas drôle !
— Eh bin tu sais quoi ? On va aller au port tout les deux se boire un verre et prendre l'air, ok ? »
Elle me fixait si intensément que je ne pouvais pas dire non.
« Et moi ? geignit Lilith.
— Tu veux regarder un film ? J'ai le DVD de Mulan, Louloute, intervint ma mère. »
À ces mots, Lilith abandonna et courut partout dans le salon en beuglant les paroles de comme un homme.
Mélissa attendit que je m'habille correctement et nous allâmes à pieds voir la mer.
« Laisse moi deviner, elle habite tout près du port ?
— Exact, grognais-je. On vit à cinq minutes à pieds l'un de l'autre. On va passer dans sa rue, là. »
Heureusement pour moi, il n'y avait personne. Juste la devanture de chez elle qui me rappelait de mauvais souvenirs. Ses parterres fleuries de marguerites et d'autres plantes.
Mélissa nous commanda deux pressions pendant que je regardais la mer fendre. Pourquoi tout s'était terminé si vite ? Pourquoi je me rappelais de sa voix qui me parlait d'avenir en regardant les nuages, de ses promesses en lorgnant les vagues.
Pourquoi je me rappelais de ses yeux couleur mer ?
« Pourquoi vous avez rompu ? »
Je lui racontais la scène, assez gêné de ces événements que je ne comprenaient pas. Au fond c'était totalement ridicule et c'était ça le pire.
« C'est sérieux ? s'indigna Mélissa. Des ruptures j'en ai entendu mais alors celle-là...
— C'est laquelle ta pire rupture Mel ?
— Je me suis jamais intéressée à ce genre de choses. Je suis aromatique je te rappelle. »
Elle but à nouveau et observa tout le monde au café du regard. Puis elle reporta son attention vers moi.
« Oh, et, vous l'avez fait ?
— Non.
— Ceci explique cela. Elle s'est pas rendu compte qu'elle t'aimait vois-tu. Selon les légendes urbaines, c'est comme ça que tu sais si tu aimes vraiment quelqu'un.
— Enfin là, on s'en fout, on veut plus savoir si elle m'aime mais quand est-ce que je peux l'oublier.
— Tu te fous de ma gueule là ? »
Mélissa me frappa le dos de la main avec un air énervé.
« Tu te complais dans ton malheur alors que votre rupture c'est un misérable caprice ? Elle t'a couru après, elle t'a dit qu'elle était amoureuse de toi mais toi tu vas dire "oh bah non je dois l'oublier ouin ouin" ?
— Elle m'a aussi dit que je savais pas m'y prendre avec les filles.
— Sans blagues, ronchonna Mélissa avec mauvaise humeur. Tu vas avoir dix sept ans Tintin, tu te comportes comme si t'en avais dix. Parfois, tu me désespères. À dix ans, je me casse le bras, à dix ans, tu te casses le cœur. »
Elle finit sa bière d'une traite et je fis de même. Alors elle reprit la route en sens inverse.
« Mel, où on va ?
— À ton avis gros bouffon ? On va réparer tes petites erreurs, ok ?
— C'est pas moi qui ai fait une erreur ! Met toi à ma place. Après un disparais bordel, tu te retournes quand l'autre te demande de revenir ? »
Mélissa s'arrêta subitement.
« Exact, concéda-t-elle. Mais, dis moi. Qui a embrassé l'autre le premier ? Qui a demandé à ce que vous sortiez ensembles ?
— C'est elle.
— Dans ce cas, c'est qu'elle voulait sortir avec toi. Si c'était toi qui l'avait fait, les questions pourraient se poser. Là, non. On va lui parler. »
Et malheur de malheur, Déotile était dehors, en train de glisser des pâquerettes dans les mèches éparses de ses cheveux. Elle croisa mon regard trop insistant qui la détaillait de fond en comble en plissa les yeux.
Puis son regard se tourna vers Mélissa et elle s'approcha de nous avec un air mécontent.
« Je vois que tu m'as très vite remplacée. Tout ce que tu m'as dit c'était des disquettes et de la manipulation en fait. Ok...
— Je suis sa cousine, en fait, expliqua posément Mélissa. Et pour ta gouverne je suis vraiment pas fan de l'inceste. Donc non il est encore célibataire.
— C'est pas mes affaires. Au pire je m'en fous, vous faites ce que vous voulez. »
Elle tourna les talons et revint à ses occupations.
« Tintin, là elle te demande implicitement de lui courir après, je crois. Va-y, gâche pas ta chance. Je rentre à la maison je vous laisse parler. »
Et Mélissa s'en alla. Et je restais pétrifié. Déotile regarda derrière elle et je croisais son regard trempé de larmes.
« Déo, je...
— Fous moi la paix.
— Pardon ?
— Fous. Moi. La. Paix. Tu veux que je le dise en quelle langue ?
— C'était pas ce que tu me disais quand tu me courais après. »
Elle soupira et essuya ses yeux qui s'emplirent de nouveau juste après.
« Déo, cette rupture elle rime à rien. Sérieusement ! On va pas rompre juste à cause d'une dispute ! Imagine, ce serait pas tenable. Faut-
— Augustin tu te casses maintenant ou j'appelle la police, cingla-t-elle d'une voix sifflante. »
Et de tout les gens que j'avais rencontré, Déotile était la plus incompréhensible.
« Tu sais quoi Déotile ? Va te faire foutre. »
C'était puéril et bas. C'était nul. Ridicule. Je m'en voulais tout de suite après mais je tournais le dos. Mais lorsque je me retournais pour voir sa réaction, elle tenait son visage crispé entre ses mains et s'était laissée tomber par terre.
*
Mélissa hurla en voyant son cadeau, éclata de rire et me serra dans les bras. Mais c'était exagéré. Lilith faisait des théories sur les tourterelles alors je lui ai dit que si elle aimait tant les piafs pourquoi elle mangeait du poulet. Ma mère passait sa main sur mon front d'un air inquiet. Mon père rentrait tard le soir et ne remarquait pas mes yeux brillants, pour changer.
Je suffoquais j'avais envie de hurler, de prendre l'air.
Je détestais tout le monde parce que Déotile c'était tout mon monde.
*
Le lendemain, j'étais d'humeur massacrante malgré Mélissa qui essayait de me remonter le moral en faisant des grimaces et de mettre des musiques les plus joyeuses possibles.
Lilith et elle improvisait une chorégraphie sur Uptown Funk en me suppliant de me joindre à elles. Je savais pas danser à part sauter en levant les bras en l'air.
Je quittais le salon pendant que Mélissa se servait un verre d'eau et je décidais d'enfiler une chemise parce que nous allions au restaurant ce soir-là.
J'entendis la sonnerie retentir et enfilais mes écouteurs. Je ne voulais pas me charger de parler au facteur. Je ne voulais parler à personne.
Sauf à Déotile. Pourquoi est-ce que j'avais été lui lâcher d'aller se faire foutre ? Pourquoi est-ce que j'avais été aussi con ?
Mon plus grand souhait aurait été de lui reparler. Là. De lui dire tout ce que j'avais sur le cœur. Maintenant. J'entendis ma porte craquer à la fin du morceau et ouvrit les yeux.
« Qu'est-ce que tu fous là ? »
Je ne savais définitivement pas m'y prendre avec les filles.
Déotile était livide et me faisait face, la main tremblante.
« Me coupe pas, c'est très important.
— Y'a intérêt. »
Je me détestais pour sortir ça. Les mots s'échappaient de ma bouche sans que je puisse y changer grand chose. Elle fit la grimace et s'assit sur le bord de mon lit sans oser me regarder dans les yeux.
« Hier je savais pas quoi faire. Je voulais te laisser faire. Mais en même temps, j'ai dit des conneries. Toi t'as rien dit. C'était pas à toi de t'excuser. Juste à moi. Alors j'ai décidé de te demander de partir. Juste pour que je vienne m'excuser moi le lendemain. Je sais c'est con. Mais c'est à moi de m'excuser. C'est moi qui ai mal agi. J'ai été débile, je suis désolée. J'espère vraiment que tu vas m'excuser mais...
— Mais ?
— Mais si tu veux pas, je comprendrais parce que je ferais pareil à ta place. »
Elle baissa les yeux, ses mains tremblaient. Ça me fendait le cœur de la voir comme ça.
« Je t'ai dit qu'on allait pas rompre à cause d'une dispute. Ça veut dire que je pardonne. Bien sûr que je te pardonne. »
Elle se mit à pleurer. Assise sur le bord de mon lit, elle pleurait. Elle enleva ses sandales et me rejoignit au milieu du lit en pleurant. Les larmes coulaient sur ses joues comme les gouttes de pluie sur les fenêtres.
« J'étais très énervée, je pensais pas ce que je disais. Je voulais être seule. J'aurais pas dû te parler comme ça. Je sais que j'aurais pas dû mais...
— Arrête d'en reparler, le débat est clos.
— Excuse moi... »
Ces rappels des événements étaient comme un poignard qui fouillait les décombres de ma poitrine.
Elle posa la main dans le creux de mon cou et embrassa mes lèvres plus doucement qu'on ne l'avait jamais fait.
Tout me revenait en tête. Avec un bonheur malheureux. Le goût, la forme de ses lèvres. Les feux d'artifice. Tout.
Le baiser s'intensifiait. Le goût du renouveau probablement. Il durait, sans qu'on veuille qu'il s'arrête. Les yeux bandés par l'amour.
Elle aventura ses mains contre moi pour me serrer à elle comme pour faire fusionner nos cœurs. Tout en m'embrassant, elle tentait de défaire un bouton de ma chemise. Puis un deuxième.
Et lorsque j'aventurais mes doigts sur ses omoplates, elle se recula immédiatement comme par réflexe.
« Ça rime à rien de le faire maintenant. Excuse moi mais...
— T'as raison, y a ma petite cousine en plus.
— Puis t'as pas de capotes. »
Ça c'était faux, j'avais toujours celle de Krysten et Clarisse. Quoique elle était peut-être périmée. Comment une capote pouvait-elle périmer d'ailleurs ?
« Et puis ça fait vraiment trop cliché. Genre les ex désespérés et tout, c'est vraiment ridicule, ricana-t-elle, les yeux encore brillants. »
Mais ses yeux étaient marqués de peur. La véritable excuse, c'était qu'elle avait peur. C'était pas cliché d'avoir envie de quelqu'un. C'était humain. Comme c'était humain d'avoir peur. Elle était humaine, elle redescendait de son grade de déesse sur Terre où je l'avais placée.
Elle était humaine et c'était encore mieux.
J'avais toujours peur de si mal agir que ça pouvait me détourner d'elle, je marchais constamment sur des œufs. J'étais sous pression. Plus maintenant.
« Des ex ? répétais-je, sceptique.
— Je sais pas...est-ce qu'après ce que je t'ai dit t'aurais vraiment envie de retourner avec moi ?
— Je t'ai déjà dit que je t'avais pardonné.
— Pardonner et recommencer sont deux choses différentes. Tu peux me pardonner et dire "Déotile casse toi parce que j'ai pas envie de souffrir avec une grosse connasse comme toi". Tu peux me dire "oui on ressort ensembles" sans m'avoir pardonné juste parce que je te fais pitié et dans mon dos tu te tapes quelqu'un d'autre. »
À cet instant et dans toute sa splendeur, les fissures de Déotile m'apparaissaient ; elle n'était pas cette fille assurée comme j'avais longtemps pu le croire. Elle voyait un psy, écoutait de la musique sombre, avait des complexes. Beaucoup de complexes. Elle était comme tout le monde, finalement.
Ce n'était pas de cette fille dont j'avais cru tomber amoureux. Je n'étais pas amoureux de ses beaux yeux et de son sourire à faire trembler la terre. Ça c'était le superficiel.
C'était sa manière qu'elle avait de me comprendre. Que la dévergondée et le puceau, comme dirait Othilie, ils écoutaient la même musique, ils avaient peur, ils n'avaient pas vraiment d'amis, ils avaient un problème avec leur père.
Valérie et moi étions proches parce que nous étions les deux meilleurs de notre classe en anglais. Un climat de rivalité s'était installé, plus taquin que méchant. Un jour elle s'était assise à ma table au self en me disant qu'elle aimait la même chanson que moi et de là était née notre amitié. À ce jour, je détestais cette chanson : je n'avais en théorie rien à quoi me raccrocher.
Et là, j'avais trouvé quelqu'un qui me comprenait. Personne n'aurait parié sur nous, mais au final ça pouvait marcher.
« Je te pardonne et on recommence. Tout le monde mérite une seconde chance.
— Quelle disquette.
— La vraie disquette ça aurait été "on reste amis". Mais je veux pas rester ton ami. Je suis amoureux de toi, je peux pas être ton ami.
— Tant qu'on est dans le niais, j'ai réalisé un truc. C'est que pendant une semaine j'me sentais vide. Fin je sais pas comment te dire, mais... tu m'as manqué. Beaucoup. »
Et une dernière larme roula sur sa joue, symbole de la guérison, signe que tout était terminé, signe que tout irait mieux.
Que la tempête avait arrêté de souffler.
*
Nous étions sur le point d'aller au restaurant, en famille. Mon père avait lui aussi opté pour une chemise, ma mère et Lilith portaient une robe et Mélissa une combinaison noire assez décolletée.
« Tu ne veux pas mettre autre chose, Mel ? demanda ma mère. Tu vas avoir froid.
— Ça m'étonnerait que Julia te laisse sortir comme ça, ajouta mon père.
— Je m'habille comme je veux. En plus, si, maman me laisse sortir comme ça parce qu'elle, elle essaye de m'encourager dans la vie. J'ai fait du karaté je sais me défendre. »
Mon père haussa les épaules. Sa chemise dépassait de son pantalon noir, le premier bouton était déboutonné. Ma mère eut un petit sourire contrit en prenant son bras.
Petit, j'avais envie de dire que quand ils faisaient ça, ils étaient un beau couple. J'avais envie d'avoir une femme comme ça. A qui tenir le bras, qui souriait quand elle me voyait et s'achetait pleins de jolies robes, de chemisiers et d'escarpins pour que je la trouve belle.
Maintenant, je savais que les femmes s'achetaient des vêtements pour se plaire à elles-même, et que de toute manière, ce qui était le plus beau chez elles c'était leur sourire. Et que si ma mère lui attrapait le bras, c'était une manière de dire à mon père qu'il allait trop loin.
« Moi aussi je veux faire du karaté ! s'exclama Lilith. Non, mieux, je veux combattre avec une armée les méchants, comme Mulan.
— Combat déjà les gens qui font des remarques déplacées sur toi, c'est déjà beaucoup, minouchette. »
Mélissa venait de dire minouchette ? Qu'avait-on fait de ma cousine ?
Elle me tira la langue tout en m'ébouriffant les cheveux :
« Tu es jaloux, mon pinçon ?
— Reste en à Tintin, c'est très préférable. »
Je ne savais même pas pourquoi elle m'avait attribué ce surnom Lilith se mit à sauter partout en scandant "mon pinçon" jusqu'à ce que mon père en aie marre et nous dise d'aller dans la voiture.
Nous nous installâmes sur la table quand mon père et ma mère s'absentèrent pour prendre l'air – ils ne voulaient pas décemment dire devant Lilith qu'ils fumaient et à Mélissa et moi que c'était un prétexte pour parler.
« Alors, cette Déotile, mon Tintin, elle t'a dit quoi ?
— Je sais pas moi-même, c'est trop compliqué, soupirais-je en portant mon jus d'orange à mes lèvres.
— Dis plutôt que tu ne veux pas m'en parler, rétorqua ma cousine, vexée.
— Non, c'est juste que...elle veut qu'on ressorte ensembles sans le vouloir vraiment tout en le voulant.
— Rien compris, lâcha Lilith, dont j'avais oublié la présence. Pourquoi elle voudrait plus être ton amoureuse d'abord, elle est débile.
— C'est parce qu'il n'aime pas Mulan, répondit Mélissa en faussant un air scandalisé. »
Lilith cessa subitement de mâcher son bout de pain et me regarda comme si j'avais décapité sa Barbie préférée.
« Bien sûr que si Lili, j'ai vu quinze fois Mulan et j'ai chanté comme un homme en pleine rue.
— Les dégâts de l'alcool, murmura Mélissa.
— Bref, pour en finir avec Déo, je crois qu'on ressort ensembles.
— Il va enfin arrêter de chouiner, s'extasia Lilith. »
Mélissa éclata de rire et Lilith souriait fièrement, avec sa dent de devant manquante.
Sans mes cousines, je n'aurais pas arrangé les choses avec Déotile.
Je levais mon verre de jus à moitié fini, souhaitant les remercier, mais Mélissa haussa un sourcil sceptique :
« Attends, tu veux porter un toast avec du jus ? A concept.
— Mais Meli, il porte pas un toast là, il porte un verre. Moi je porte un toast regarde, fit Lilith en brandissant son bout de pain.
—Lili, lili, lili, porter un toast c'est faire son intéressant en utilisant des mots pour les grands et des phrases si longues qu'on en oublie le début.
— Comme maman au mariage de son ami quoi ?
— Ouais carrément, dit Mélissa qui n'était pas présente à ce mariage. »
Lilith hocha la tête et engloutit son bout de pain pendant que j'avalais ma grenadine l'air de rien.
Le lendemain, au départ de Mélissa, qui était toujours aussi bien habillée et qui avait un crayon dans les cheveux - ce qui amusait fortement Lilith, je la serrais dans les bras.
« Merci pour Déo, murmurais-je.
— De rien p'tit gus, envoie moi des nouvelles de temps en temps. Et passe me voir à Londres. Ca me ferait plaisir de te voir. »
Elle embrassa ma tempe, le nez de Lilith et les joues de mes parents avant de s'en aller, sa valise à la main, faisant des grands signes comme la reine d'Angleterre. Ce qui était presque sûr, c'est qu'elle en serait la reine de beauté.
« Quand je serais grande, décréta Lilith, je veux être jolie comme Méli. »
Et elle retourna à barboter dans la piscine gonflable, la jupe remontée à la naissance des cuisses.
Ma famille c'était la chose la plus précieuse que je pouvais avoir, au fond.
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