Chapitre 3 :
JE NE savais pas si c'était normal d'avoir passé quelques minutes de plus devant mon armoire ce jour-là. J'avais choisi mon jean préféré avec un tee-shirt qui allait bien avec et pas trop gamin.
Les mots de Valérie me revenaient en tête, vous jouez pas dans la même catégorie. Est-ce qu'elle me voyait comme un gamin ? Est-ce que tout le monde me voyait comme un gamin ? Est-ce que Déotile me voyait comme un gamin...?
Pourtant c'était elle la plus gamine des deux. Oh, j'y comprenais rien à ce qu'on me disait et aux filles tout court.
*
Arrivé au lycée, je m'installais à ma place habituelle, aux côtés d'Othilie Galiret.
« Salut. Dis, apparemment tu sors avec Déotile Talleyrant. C'est vrai ?
- Vous voulez pas l'appeler Déotile tout court ?
- Augustin ! me reprocha Othilie. »
Elle jeta un œil inquiet à la prof avant de reprendre :
« Des gens disent qu'ils vous ont vu. Ça les a surpris que ce type de fille dévergondée sorte avec un mec comme toi.
- Qu'est-ce que t'entends par comme moi ?
- Bin, t'es simplement vu comme un petit puceau coincé, marmonna Othilie, gênée. »
Je levais les yeux au ciel, passant une main sur mon visage.
« C'est les paroles de Cynthia. Ne t'inquiète pas, c'est juste qu'elle peut pas supporter Déotile. Donc elle dénigre tout son entourage.
- Arrête ton hypocrisie, Othilie.
- Pardon ?
- Ta meilleure amie c'est Mathilda. La fille qui a d'énormes problèmes avec Déo, justement. Toi non plus, tu peux pas la supporter. »
La brunette sourit timidement en remettant son haut drapé en place.
« Si tu veux mon avis, vous feriez un beau couple, Déotile et toi.
- Ah, euh, merci ?
- Je la connais plus que tu ne le crois. Vous iriez bien ensembles. Vraiment. Et t'es dingue d'elle.
- Dingue de qui, mademoiselle Galiret ? »
Notre prof d'histoire tenait fermement son stylo entre les doigts, mécontente que personne n'écoute son cours.
« Dingue de la L ! Augustin voulait faire un CAP, dites lui que c'est une mauvaise idée. Il est vraiment dingue de la L, insista Othilie.
- Avec des notes comme ça en histoire, un CAP pourrait s'envisager, rétorqua ma prof d'histoire sèchement. »
Othilie resta muette et écarquilla ses yeux bleus.
« Je déteste cette prof, marmonna-t-elle.
- Et moi donc. Sinon, je suis pas dingue d'elle.
- Tu souris quand tu parles d'elle, mec ! »
Notre prof nous fixa à nouveau, suspicieuse. Othilie lui adressa un large sourire hypocrite.
« Je veux te voir l'embrasser avant la fin de la semaine. »
J'approuvais mollement et passais la majorité de ma matinée silencieux, griffonnant dans ma marge.
Les cours se passèrent à la lenteur habituelle, et je voyais les secondes bouger à la vitesse d'une tortue en plein sommeil. Ok, j'étais possiblement amoureux de Déotile.
Quelle ne fut pas ma surprise, d'ailleurs, lorsque je croisais son regard bleuté.
« T'as pas ECE ?
- J'ai fini avant. Bon, j'ai fait de la merde, mais j'ai fini avant.
- Merde...
- Non, t'inquiète, j'ai l'habitude d'avoir de sales notes en physiques. »
Elle esquissa un sourire espiègle. Othilie, non loin de nous, nous fixait étrangement.
« Ne te fais pas d'idées, j'ai pas fini en avance pour toi !
- Comme si j'étais du genre à penser ça.
- C'est exactement comme je te vois, avoua Déotile. Bon, on y va ? »
Elle déposa un rapide baiser sur mes lèvres et attendit que je commence à marcher pour me suivre docilement.
Nous arrivâmes à un restaurant non loin du port, tenu par un adorable couple de filles que je connaissais bien. Elles m'appréciaient beaucoup et venaient souvent me parler quand je mangeais ici.
« Salut, nous sourit la serveuse, Krysten. Vous mangez tout les deux où vous attendez des amis ?
- Tout les deux, répondit assurément la brune.
- Vous pouvez manger près de la fenêtre. Il y a beaucoup de soleil. Apéritifs ? »
Elle marqua une pause puis éclata de rire :
« Eh non les jeunes, vous avez pas le droit de boire de l'alcool ! Oups. Vous voulez de la citronnade ? C'est fait maison. »
Nous nous installâmes après avoir commandé deux citronnades. Déotile se débattit avec les feuilles de l'aloe vera. Elle portait un chemisier, un pantalon noir et une paire de sandales vernies.
« Ça me fait plaisir de manger avec toi. T'es un mec intéressant.
- Je te retourne le compliment.
- Oh, allez, mens pas, rigola la brune. Je suis aussi creuse que la cervelle de mon prof de physiques.
- Rien que ces rumeurs qui fusent à ton propos prouvent que t'es une personne relativement intéressante. »
Krysten arriva et nous servit nos citronnades. Puis, elle ajouta, d'un clin d'œil :
« On a un distributeur de capotes dans les toilettes, si jamais.
- On y pensera, dit Déotile d'un ton nonchalant. »
On aurait presque pu croire qu'elle prenait ça avec désinvolture mais ses joues avaient rosi.
« Ne me parle pas de ces rumeurs, elles sont toutes fausses, maugréa la brune avant de prendre une gorgée de sa boisson. Je déteste Mathilda, on va pas en faire tout un fromage.
- Des filles sont à deux doigts d'écrire une fanfic, tu sais. Matile, l'amour plus fort que la haine, Je t'haine, un truc du style.
- Beurk. »
Elle ne disait pas ça à propos de la citronnade qui était relativement bonne mais bien à propos de Matile.
« Les gens sont cons.
- Oui, je sais. Ils se nourrissent de ragots, comme des vautours. Ils te bouffent jusqu'à puiser tout de toi et que tu deviennes inintéressant et vont ronger quelqu'un d'autre.
- Mais qu'est-ce qu'il s'est passé pour que tu détestes Mathilda comme ça ?
- J'ai pas envie d'en parler. C'est complètement con mais ce truc me donne envie de chialer. »
Elle but une grande gorgée de citronnade et j'eus une terrible envie d'aller cueillir un baiser sur ses lèvres. Seulement, il y avait la table et j'allais me la prendre dans les hanches.
Et puis, je manquais de courage aussi. J'embrassais pas très bien, j'avais pas beaucoup d'expérience. Et elle...
Je posais mes doigts sur son genou, sous la table, et elle en recouvrit sa main. Puis, mon misérable index se fit écraser sous sa poigne - lui plus que les autres.
Elle réussit à me faire tourner la main et à y loger ses doigts avant de resserrer fort. Comme si c'était une falaise à laquelle se raccrocher pour ne pas tomber dans le vide.
« Tu prends quoi ?
- Comme toi.
- J'ai pas encore choisi, m'étonnais-je.
- Je m'en fous, je prend comme toi. Je veux prendre comme toi. »
Elle pressait mes doigts sous la table comme si le simple rappel de Mathilda l'avait assommée.
« T'es jolie.
- Toi aussi.
- Je le pense vraiment, moi. »
Elle sourit. Pour de vrai. Avec les lèvres qui s'écartaient et ses dents alignées.
Ses yeux brillaient comme les ciels d'été pleins d'étoiles.
« T'es vraiment...spécial, comme mec.
- Non, je suis juste différent de Gaëtan, confond pas.
- Encore heureux, sinon j'aurais lâché ta main depuis belle lurette. »
Nous échangeâmes quelques autres paroles futiles en mangeant le plat que j'avais choisi - un burger, tout simplement.
Clarisse vint me saluer, après le repas. Elle avait le tablier tout tâché et portait son col au drapeau de l'arc-en-ciel en imitant celui du meilleur ouvrier de France.
« C'était bon ?
- Super, Clarisse.
- Tu m'en vois ravie. Et toi, miss, ça t'a plu ?
- Oui, oui, beaucoup. »
Déotile fouilla dans son sac pour en extirper une cigarette.
« Je t'attends dehors. »
Elle tendit un billet de dix euros à Clarisse. Son burger coûtait six euros. Elle m'offrait presque le repas ou quoi ?
« J'ai que ça comme monnaie. Je te paye la part, Gus. Enfin, ce que je peux.
- Garde ton billet, je paye tout.
- Ah non.
- Ah si.
- Par pitié ne lui rendez pas la monnaie et laissez le payer ce qu'il lui reste, débita très vite Déotile en secouant son billet chiffonné devant le nez de Clarisse. »
Krysten lui piqua alors en le fixant d'un air ravi. Puis, elle regarda Déotile sortir et m'observa ensuite.
« Passe aux toilettes, Augustin.
- Non merci, pas besoin.
- Distributeur de capotes, expliqua Clarisse en levant les yeux au ciel.
- N'importe quoi !
- Si là elle t'a pas carrément dit "fais moi l'amour les fenêtres ouvertes en écoutant Fauve" je rend mon tablier, soutint Krysten.
- Allô, génie, c'est moi qui ai le tablier ici. Toi, t'as que le tablier de serveuse. »
Krysten éclata de rire en battant des cils.
« Mais tu sais bien que nous ne faisons qu'un, mon amour, minauda-t-elle.
- À d'autres. Bref, cette fille, c'est le gros lot. Elle t'invite à déjeuner, si c'est pas génial.
- Pas exactement.
- Si, je sais ce que je dis, soutint Clarisse. »
Je rejoignis Déotile, un préservatif dans la poche de mon sac, soigneusement offert par les deux compères. "Cadeau à notre meilleur et plus beau client sur le point de choper" C'était inutile.
« T'en as mis du temps.
- Je trouvais plus mon argent.
- Merde alors, heureusement que j'ai pas attendu que tu m'invites à déjeuner. Vive l'an deux mille !
- J'ai toujours de l'argent, moi.
- Et j'ai fumé la dernière clope de mon paquet, appuya Déotile d'un air ennuyé.
- Je te paye pas de clopes, c'est hors de question. »
Elle éclata de rire.
« Non, jamais. Par contre, t'en as pas dans ton sac ? »
Non. En revanche j'avais un préservatif, mais je n'étais pas sûr que ça l'intéresse.
« Je ne fume pas.
- C'est vrai, j'avais oublié. Comme on s'est rencontré en soirée et je t'en ai passé une. »
Nous marchâmes un peu jusqu'au port. Elle regardait la mer puis moi. Du fond des paupières. Son regard était intense, du bleu profond de l'océan. Son nez droit, bien dessiné. Ses jolies lèvres rosées. Ses cheveux longs, doux, ses sourcils droits, son cou gracieux.
Pourquoi voulait-elle de quelqu'un comme moi ?
« J'adore la mer. Petite, je voulais être une sirène, pas une princesse.
- Petit, je voulais être cosmonaute et côtoyer les étoiles.
- Petite, je voulais être heureuse. »
Elle avait gagné.
« Moi, je voulais rencontrer quelqu'un qui m'aimerait et me ferait aimer aussi fort que mes parents s'aimaient.
- C'est beau.
- Pas tant que ça, parce qu'ils arrêtent pas de s'engueuler. »
Déotile eut un sourire désolé et resta dans le silence. Puis, elle prit ma main et elle m'embrassa. Doucement. Juste histoire de dire je suis là.
« On les connaît pas, les gens à côté ?
- Ils sont au lycée. Ils s'embrassaient une fois dans les escaliers.
- T'as vraiment une super mémoire, m'étonnais-je. »
Elle haussa les épaules avec désinvolture.
« J'sais pas. Tu peux aller leur demander s'ils ont des clopes ?
- Si la fille fume, je me crève les yeux. On ne fait pas plus niais et propre sur soi, comme chemisier.
- Gabriel doit fumer.
- Pas Ana-Rose. Chouchoute des profs celle-là, je la supportais pas. Beurk.
- Oh, arrête, la pauvre, soutint Déotile d'un sourire narquois. »
Je me dirigeais donc vers Ana-Rose et le dit Gabriel. Lui, il avait l'air cool.
Je leur exposais ma requête et nous échangeâmes un peu. Cette idiote se rappelait bien de moi.
« Hey. Gabriel c'est ça ? »
Déotile continua à échanger avec les deux autres jusqu'à proposer de manière très subtile à Gabriel de s'en aller.
Si je rêvais de pisser dans la mer. Quelle idée.
Je tirais Gabriel par le bras jusqu'à l'éloigner suffisamment.
« Tu sors avec cette fille ?
- Ouais, pourquoi ?
- Elle a l'air assez difficile à vivre non ?
- Parfois ouais. Mais elle me rend heureux. Je crois que...
- Que ?
- Laisse tomber mec, on se connaît pas, soupira Gabriel en passant la main dans ses cheveux plus que désordonnés. »
Il avait l'air rebuté. Je n'insistais pas et coulais un regard en coin à Déotile. Elle me rend heureux.
« Les filles, c'est con, hein ?
- Ça rend dingue, confirmais-je.
- Ouais, elle me rend fou. Fou d'elle. Oh c'est sorti. »
Il inspira un coup avant de tendre les bras.
« Putain je me sens libre. Mes potes me jugent tellement, c'est dingue. Alors je me lève en pensant à ça, je mange en pensant à elle, je me couche en pensant à ça. Et tout les jours, j'me rappelle que si on me proposait un gâteau au chocolat énorme ou embrasser Ana, j'prendrais Ana. J'adore les gâteaux au chocolat.
- Elle pense ça aussi. Ça se voit quand elle te regarde.
- J'suis pas sûr, mec. Vraiment pas sûr.
- Fais moi confiance. »
Il ricana. Et me tapota l'épaule avec un sourire triomphant.
« Toi, je crois que tu sais ce que tu dis. Déotile a l'air d'être une fille à problèmes, au fond. Tu dois avoir un maximum de réflexion.
- Elle est pas si compliquée, au fond.
- Si mec, elle l'est. »
Ces trois mots me donnèrent l'impression d'avoir croqué dans une dragée au poivre. Elle est compliquée. Pourtant, parler avec quelqu'un m'avait rarement paru aussi simple, aussi fluide.
Déotile vint vers nous, suivie d'Ana-Rose. Elle me prit la main avec un sourire éclatant et me proposa de sécher la première heure de cours avant d'y retourner.
« En fait, on a tout l'aprem de libre.
- Eh, je suis en S moi, je peux pas me permettre de sécher.
- C'est rempli de clichés ça. En L aussi, on bosse, c'est pas parce que tu fréquentes Gloria qui se roule ses clopes pendant le cours et qui sèche la moitié des cours de sciences qu'on fout rien. »
Elle se mit à rire. D'un rire frais qui me donnais l'impression d'entendre "tais-toi et embrasse moi".
Gabriel et Ana-Rose étaient partis et je n'avais même pas fait attention à eux.
Je ne voyais qu'elle, qui plissait les yeux sous le soleil et le regardait à pleins dents.
Le bonheur, ça devait être ça.
*
Je rentrais chez moi, fatigué mais heureux. C'était sans compter ma mère qui me sauta dessus dès que je posais un pied sur le perron.
« Je peux savoir où tu étais ? Je me suis fait un sang d'encre ! Un portable ça sert à quoi, Augustin ? Je te l'ai pas acheté pour que tu passes tes journées sur YouTube, je te l'ai acheté pour qu'on puisse communiquer et que tu répondes aux appels ! T'avais pas cours cet aprem, où t'étais ?
- Avec une fille, maman.
- Parfait, parfait, s'énerva ma mère qui trouvait ça tout sauf parfait. Tu nous dis même pas quand t'as une copine.
- C'est pas ma copine.
- Oh, excuse moi, on joue pas sur les mots. La prochaine fois que tu as un rencard, tu m'envoies un message, que je sois au courant ! »
Ma mère s'énervait beaucoup. Ça me faisait rire, moi. Pas mon père. Ils passaient leur temps à faire le concours de celui qui s'énervait le plus vite, celui qui criait le plus haut et celui qui claquait la porte le plus fort.
« Promis. Mais t'inquiète, je suis assez grand pour gérer tout seul.
- Pas trop, poussin.
- Maman !
- Tu sais pourquoi tu n'avais pas cours cet après-midi ?
- Raison secrète, j'aimerais bien savoir aussi.
- Je vais téléphoner à Anita Angelin. Elle, elle devrait savoir. »
La mère de Mathilda, en plus d'être une véritable commère, était présidente des parents d'élèves et devait donc savoir tout sur tout.
Ma mère m'embrassa la joue et me laissa tranquille.
Au dîner, après le coup de téléphone, elle était pâle et remuée, touchant à peine à la ratatouille de mon père.
« Alors quoi, Sophie, elle est pas assez bonne pour toi, ma ratatouille ?
- J'ai pas faim, murmura ma mère d'une voix étranglée.
- Ouais, elle est mauvaise quoi.
- J'ai jamais dit ça, arrête de prendre la mouche pour rien !
- Moi je prend la mouche pour rien ? Est-ce que je dois te rappeler la fois où-
- C'EST BON ! explosa ma mère en se levant. Fous moi la paix, Marcus ! »
Elle partit en claquant la porte. Je restais muet devant ce spectacle. C'était le deuxième en une semaine. Certes, ce n'était pas inhabituel, mais c'était franchement trop. La peur me nouait le ventre.
« Ah, un sacré caractère, ta mère.
- Pourquoi tu t'es marié avec elle, papa ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Maman et toi, vous vous aimez pas. Pourquoi vous vous êtes mariés ?
- Les disputes ça fait partie du couple, t'apprendras ça plus tard. Hausser le ton ça ne veut pas dire que je ne l'aime plus. Ta mère est une femme extraordinaire, dans tout les sens de femme. »
Ses mots étaient aussi convaincants que les promesses des présidents. Je suis sorti de table sans demander mon reste.
Je lançais ma playlist préférée en envoyant un message à Déotile. J'hésitais à lui dire que je voulais la voir, oublier ces merdes, m'amuser, parler, dire que putain, l'amour parfois on y croyait plus et quand on la revoyait on avait à nouveau espoir.
Mais j'ai rien fait. J'aurais pu envoyer un smiley larmoyant, un cœur, mais j'ai rien fait.
Mon message était simplement : « merci pour ce repas avec toi, on recommence quand tu veux »
Sans attendre sa réponse, je me couchais, une boule dans la gorge.
*
Le lendemain, lorsque je sortis de mon cours d'anglais, la tête remplie comme une pastèque, bourrée de superlatifs et de comparatifs, je n'eus qu'une envie c'était de prendre l'air.
J'indiquais à Valérie la cour extérieure d'un mouvement de menton lorsque quelqu'un me frappa la tête.
Gloria tenait un petit carnet noir dans sa main - celui qui faisait office de lexique - et me regarda avec ses yeux perçants. Elle était toujours aussi intimidante, avec ses lèvres marrons, l'épais crayon qui noircissait sa paupière et les mèches blondes qui encadraient son visage allongé.
Son style était toujours aussi improbable, des Vans déglinguées avec une robe noire et une veste en cuir carmin. Elle en jetait, cette fille.
« Oui ?
- Tu es en train d'ignorer stupidement la reine de ton cœur, pauvre imbécile. »
Valérie leva les yeux au ciel et Déotile qui avait un écouteur dans l'oreille gauche se mit à rougir.
« C'est toi qu'elle attend, déclara ma meilleure amie avec un soupir. Pas Gus.
- Il n'empêche qu'il pourrait la saluer.
- Salut ? tentais-je sous le regard pressant de Valérie.
- Salut, laissa-t-elle échapper d'une voix étranglée. »
Gloria m'asséna un nouveau coup de carnet sur le crâne, ce qui fit froncer les sourcils à Valérie, hausser les sourcils à Déotile et moi, ça me fit mal. Tout simplement.
« C'est bon, Glo, arrête, on va pas avoir assez de temps pour aller fumer après, la coupa la brune.
- Quant à nous, on va aller prendre l'air, bon vent. »
Valérie tourna les talons et marcha d'un pas rapide, irritée tout en marmonnant des bribes de phrases qui s'apparentaient à une succession d'insultes.
« Qu'est-ce qui t'a pris de t'enticher de l'amie de l'autre pouffiasse ? cracha mon amie une fois dehors.
- C'est pas ma faute !
- Si j'avais un carnet à la main, je te le jetterais à la gueule.
- Je crois qu'elle essaye simplement de faire avancer les choses.
- Vous vous débrouillez très bien tout seuls, de ce que je vois. Super romantique l'idée de l'emmener devant le port.
- Tu m'espionnes ? »
Valérie secoua la tête et fit remuer ses petites ondulations blondes.
« J'allais à la salle de sport, je coupe par le port. Le prend pas mal, mais je me fous carrément de si vous avez mis la langue ou pas.
- Je te l'aurais pas dit, je te rassure.
- Mytho. »
Elle éclata de rire et me parla d'un sujet totalement différent.
À la sortie des cours, Valérie me salua rapidement parce qu'elle allait être en retard à son entraînement de rugby. J'allais enfiler mes écouteurs et rentrer chez moi à pied, mais la vision de Déotile qui fumait sa cigarette toute seule, adossée au mur en face de moi, m'immobilisa.
Je restais planté là, à regarder ses cheveux bruns qui ondulaient autour de son cou, ses lèvres rosées, son trait de liner, son jean et son joli chemisier noir.
Elle releva les yeux vers moi et c'était comme si le temps se figeait, s'étirait, j'avais l'impression d'être en slow motion.
Ses yeux bleus dans lesquels on se noyait sans mourir.
Elle me sourit, et je sus que je ne pouvais pas partir comme si de rien n'était.
Déotile écrasa son mégot sous son talon sans me lâcher du regard. J'eus comme l'impression qu'elle était là simplement pour me parler.
« Je suis désolée pour Gloria.
- Arrête de t'excuser pour elle, sérieusement.
- Ouais. »
Elle tenta un sourire avant de prendre une grande inspiration :
« Écoute, je sais pas trop où on en est.
- Comment ça ?
- Bin, écoute, on a passé notre soirée ensembles, le lendemain on se reparle, deux jours après on a un rencard, tu m'as dit que t'étais amoureux de moi... mais au final, on fait...
- Viens en au fait, proposais-je.
- Est-ce qu'on sort ensembles ? demanda-t-elle brusquement. »
Je ne sus trop quoi répondre - crier que oui évidemment n'était pas mon option favorite.
« C'est toi qui vois, tentais-je.
- Tu sais vraiment pas t'y prendre avec les filles, soupira finalement Déotile.
- Ce qui veut dire ? »
Elle haussa les épaules en me regardant dans les yeux.
« À ton avis, que je veux faire des nouilles avec toi ?
- Peut-être, t'es tellement tordue. »
La brunette me frappa l'épaule du plat de la main avant d'en profiter pour me ramener vers elle et m'embrasser.
Et dans ma fête, c'était comme un feu d'artifice.
trop de références dans ce chapitre ouhhhh :)))))
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