Chapitre 13 :
ALORS QUE je crispais les poings, à deux doigts de m'énerver et de surgir dans le salon pour prévenir ma mère qu'elle était cocue, j'entendis un moteur vrombir. Je regardais à la fenêtre et reconnut la voiture gris métallisé de mon père qui arrivait et me surprit à laisser échapper un sourire de soulagement.
"Ca me fait plaisir de te voir, reconnut Lilith, assise en tailleur sur mon lit.
- Moi aussi, Louloute.
- T'es toujours avec ta tourterelle ?
- Oui, toujours.
- Cool."
Elle se débarrassa de ses baskets et me regarda comme si j'étais un oiseau rare et curieux qu'elle n'avait jamais vu auparavant.
"Ma mère m'a dit qu'on cherchait des gens qui ressemblaient à nos parents. Du coup, ta tourterelle, elle ressemble à ta mère ?
- Physiquement, non. Mais sinon, oui, assez. Elles ont le même chanteur préféré et elles prennent leur café trop sucré.
- Alors elle doit être drôlement gentille."
Drôlement gentille, ce n'était pas le terme que j'aurais employé.
Mais ça lui allait bien, aussi.
"Tu sais, mon père m'a dit ça, aussi. Mais je pense que c'est pas vraiment ça. On cherche pas à trouver nos parents, on cherche à trouver une figure qui nous a éduqué.
- Bah j'suis mal barrée, conclut Lilith d'un ton grognon en groupant ses genoux."
La pauvre gamine avait été élevée par différentes nounous puisque sa mère la délaissait au profit du travail et que son père était mort quand elle était toute jeune.
"Tu veux que je te présente Déo, un de ces jours ?
- C'est qui Déo ?
- Ma tourterelle, comme tu dis. Elle s'appelle Déotile.
- C'est vraiment moche comme surnom, Déo. Tu l'aimes pas pour l'appeler comme ça, ou quoi?
- Tout le monde l'appelle comme ça, tu sais."
Lilith roula des yeux, l'air de dire que j'étais vraiment un abruti.
"Justement ! Elle voudrait peut-être que tu l'appelles d'une autre manière que tout le monde. T'es son copain ou t'es monsieur tout le monde ?
- T'as raison, Louloute.
- Regarde, tout le monde m'appelle Lili. Et vous vous m'appelez Louloute. Vous êtes des gens spéciaux pour moi, alors vous avez un surnom spécial pour moi."
Elle avait l'air d'avoir beaucoup réfléchi à la question. Je m'assis sur le lit à côté d'elle, pendant qu'elle fixait le plafond. Il y avait encore quelques étoiles phosphorescentes qui ne brillaient plus collées dessus, vestiges de mon enfance et de l'époque où je voulais être astronaute.
Maintenant, je ne savais plus vraiment où j'en étais; mais je savais, d'un côté, que je n'étais pas perdu. Ma vie allait bien. Ma vie ne tombait pas en morceau. Je ne savais pas où j'allais, mais je n'avais pas peur de la destination.
Je me sentais suffisamment bien pour ne pas appréhender le futur. Tant que j'avançais avec la main de Déotile lotie dans la mienne, je n'avais pas peur d'où je posais les pieds.
"Mais sinon, je veux bien la voir, ta copine.
- On ira s'enfuir par la fenêtre après le repas, alors, d'accord ?
- Tu sais que je fais ça, des fois ? confia-t-elle."
Je la regardais d'un air curieux, l'invitant à poursuivre.
"Des fois, maman passe son temps devant son ordi, à bosser encore et encore. Alors des fois, je prends un livre et une lampe-torche et je vais dans la cabane au fond du jardin pour voir si elle me cherche. Et puis des fois j'en ai marre, il est tard et je rentre et je vois qu'elle est partie se coucher sans même me chercher."
Elle avait l'air réellement peinée par ce qu'elle racontait.
"Et toi, t'as déjà fugué ? Pour aller en boîte, j'suis sûre.
- Non, même pas. Je suis juste parti y'a pas longtemps parce que papa m'avait dit de me casser. Alors j'ai pris mon téléphone et je suis parti par la fenêtre pour aller chez Déotile.
- On a vraiment un problème dans la famille. Tu crois qu'ils connaissent le mot amour, ou ils l'ont juste appris dans le dictionnaire pour le réciter dans une dissert ?"
Ma mère passa la tête par la porte, l'air épuisée.
"Les enfants, vous venez manger ?
- Deux secondes, j'arrive."
Je saisis mon téléphone et tapais un message à Déotile.
< 'rendez-vous sur le port vers 23h, ça te va? ma cousine veut te voir'
Elle répondit une trentaine de secondes plus tard, alors que je remontais la fermeture de mon sweat.
'ça t'as pas suffi de te faire punir une fois ? mais sinon d'acc, vous avez pas intérêt à être en retard parce qu'il va cailler' >
Je souris et lui envoyais une rapide réponse avant de partir manger.
Mon père resservait du vin à sa soeur, Lilith était en bout de table à tirer une tronche de six pieds de longs, ma mère avait les doigts crispés autour de son verre de vin et je découvris que j'avais la chance d'être à côté de ma tante.
Mon père posa la quiche sur la table puis vint le sujet tant attendu.
"Alors, Augustin, une fille ? demanda Elena avec un ton narquois."
Elle était sûrement persuadée que j'allais répondre par la négative, mais la réalité était tout autre.
"Oui.
- Oh, comme ton père, alors. C'était un vrai tombeur à ton âge, je vois de qui tu tiens, répondit-elle avec un clin d'oeil.
- A quatorze ou dix sept ans ? fit remarquer Lilith avec un sourire narquois.
- Et ça va faire combien de temps ?
- Ca va faire un peu plus de deux mois.
- Oh, c'est sérieux alors."
Son ton semblait très ironique, comme si elle se moquait clairement de moi.
"Oui, ça a l'air plutôt sérieux. On l'a déjà rencontrée et elle est très gentille. Comme quoi, cacher une relation, ça a pas l'air d'être du genre de Tintin, commenta ma mère avec une agressivité soudaine sur la dernière phrase."
Il y avait définitivement des choses que je ne savais pas dans cette famille.
"Oh, vous l'avez déjà rencontrée, en deux mois ? On espère que ça va tenir alors, répondit Elena d'un ton mielleux. Et l'école, ça va comment ? Tu passais le bac de français, récemment, non ?
- J'ai eu des bonnes notes en sciences et aux TPE. Un peu moins bonnes en français, mais c'est le cas pour tout le monde. Enfin, presque."
Je repensais à la surprise de Déotile qui avait vu son quinze à l'écrit et qui fait tournoyer son chat en criant qu'elle était le nouveau Romain Gary.
"Tout va bien pour toi alors. Tu m'en vois ravie.
- On est fiers de lui, oui, approuva mon père."
Je le fixais étrangement : il ne m'avait jamais clairement dit qu'il était fier de moi. Alors pourquoi le faire en face de sa soeur ? Comme si nous n'avions jamais eu de disputes, comme si nous étions une famille parfaite. Comme si ce genre de situations pouvait réellement exister dans une famille comme la notre.
Le reste du repas fut assez désagréable. Ma mère et ma tante échangeaient des piques à longueur de temps, mon père essayait d'apaiser les tensions. D'un commun accord, Lilith et moi avons conclu que nous allions sauter le dessert, quitte à se lever en plein milieu de la nuit pour aller piquer des gâteaux dans le placard.
"Je dors dans la chambre de Tintin ! s'exclama Lilith.
- Je vais te chercher le matelas, alors, Louloute, proposa ma mère, bien contente de sortir de table."
Elle fut ravie de nous aider à le gonfler et quitta ma chambre presque à regrets.
"Bonne nuit ! s'exclama Lilith en refermant la porte."
Puis, elle prit la clé que je lui tendais et verrouilla ma chambre. Je la repris et l'enfonçais au fond de ma poche de jean, puis mis un gros pull. Les températures du soir étaient assez froides, même en plein été. Je prêtais mon sweat rouge à Lilith et constatait qu'il lui allait comme un gant. Au détail près des manches tombantes sur ses doigts.
Je m'agenouillais et roulais les manches jusqu'à ce qu'elles arrivent à ses poignets, avant de constater que c'était quelque chose que Déotile aurait pu faire. Et que ma mère avait fait.
C'était vraiment idiot de penser ça. N'importe qui roulait les manches. Mais je me prenais à penser qu'avant, je ne l'aurais pas fait. J'aurais laissé les doigts de Lilith engloutis par le coton rouge.
"Allez, tu viens ? On va rencontrer Déo.
- Tile, compléta Lilith."
Je souris et l'aidais à passer par la fenêtre avant de la suivre. Le vent était suffisamment froid pour ne pas me faire regretter mon gros pull.
Je retrouvais une ombre qui fumait, adossée à un mur, la capuche sur la tête. La silhouette leva la tête, enleva sa capuche et je fis face à une charmante brune aux yeux océans avec un grain de beauté sur le menton, qui écrasa sa cigarette contre le mur avant de m'embrasser.
- Euh, alerte enfant présent, se manifesta Lilith. Tu fumes aussi ?
- Mh, oui, répondit Déotile, ne sachant sur quel pied danser. Comment ça, aussi ?
- J'ai vu un paquet par terre dans la chambre de Tintin."
Les deux échangèrent un regard, sans savoir quoi faire. Je me raclais la gorge.
"Lilith, Déotile. Déotile, Lilith.
- C'est vrai que mon cousin t'appelle Déo ?
- M-mh, approuva Déotile avec un sourire.
- Et tu veux pas le larguer ? Parce que ça pue comme surnom. Enfin, c'est pas le cas de le dire mais...
- T'es une marrante, toi. L'humour doit être de famille.
- Euh pas franchement.
- On sort d'un repas glauque à mourir, expliquais-je."
Lilith fut prise d'inspiration théâtrale puisqu'elle se mit à singer sa mère et toutes ses petites remarques désobligeantes.
"Faut croire que les repas de famille ça craint universellement. Vous voulez pas bouger ? On crève de froid ici."
En sandwich, je tenais la main de Lilith et de l'autre celle de Déotile. La main de ma copine était glacée, aussi passais-je mon pouce contre sa paume pour tenter de la réchauffer.
"T'accélères pas un peu les choses peut-être ? me glissa Déotile à l'oreille.
- C'est pas poli les messes basses ! protesta Lilith."
Le reste du trajet continua ainsi, jusqu'à ce qu'on trouve un petit coin dans la rue où s'installer. Lilith s'assit en tailleur, je m'appuyais au mur, la tête de Déotile sur l'épaule. Elles parlèrent un petit moment de tout et n'importe quoi, même de moi. Comme si je n'étais pas là.
"Tily ! s'exclama Lilith d'un coup.
- Quoi, Tily ? demanda Déotile.
- Ton surnom. C'est mieux que Déo, Tily.
- C'est vrai. C'est mignon, comme surnom, j'aime bien, merci Lilith.
- Non, à toi de me trouver un surnom."
Déotile se mit à réfléchir, entrelaçant ses doigts dans les miens.
"Vous croyez que je vous vois pas ? déplora Lilith. Vous vous tripotez tout le temps !"
Elle continua à se plaindre si bien que le sujet du surnom fut évité. Déotile se leva, déclarant d'une voix claire :
"Bon, je vais devoir rentrer. C'était sympa de faire ta connaissance, Lilith.
- Eh, mon surnom !"
Oups, sembla faire ma copine.
Déotile se mordit la lèvre, épluchant des idées de surnom à toute vitesse.
"Lithium ? capitula-t-elle.
- C'est une chanson de Nirvana, ça, pas un surnom.
- C'est surtout un élément du tableau périodique, énonça ma copine.
- Et ça sert à quoi le lithium ?
- C'est un médicament très efficace qu'on utilise plus parce que c'est toxique, simplifia la brune."
Lilith croisa les bras.
"Bah dis donc, entre le lithium toxique et Lilith le premier démon, je suis vraiment gâtée.
- Je te trouverais un meilleur surnom, s'excusa Déotile en se grattant la nuque d'un air gêné. Bon, bonne nuit !"
Elle se pencha vers Lilith et lui embrassa la joue avant de se relever vers moi.
"Alors comme ça on a vu Emilie ?
- Euh, oui ?
- Faudrait qu'on se fasse des sorties à trois, alors. Rendez-vous demain ?"
Je n'eus pas le temps d'approuver - ou de désapprouver, qu'elle posa la main sur mon épaule et m'embrassa.
"Bonne nuit Tily."
Elle rit avant de m'embrasser une dernière fois et de s'éclipser.
Mes parents n'avaient rien remarqué, toujours à table. Lilith se laissa tomber comme un sac sur mon lit mais je mis quelques temps à m'endormir, sur mon matelas gonflable.
Je repensais à tout ce qui se passait. Je repensais à ma - longue - journée, où j'avais fait la rencontre d'Emilie et de ses fabulations diverses. Au final, elle ferait une assez bonne amie, si on arrivait à en placer une sans qu'elle n'aborde un sujet un peu tordu.
Je fermais finalement l'oeil, à force de fixer le plafond.
Le lendemain, Elena nous leva aux aurores. J'avais l'impression de ne pas avoir dormi mais ma tante s'en fichait : les cheveux tirés en arrière dans un chignon si serré qu'il devait lui lifter le visage, elle portait un tailleur impeccable de propreté. Elle courrait partout comme si elle était levée depuis deux heures et au top de sa productivité, pendant que mon père se traînait comme une vieille loque. Un peu comme moi.
Lilith, habituée à ce genre de situations, se servit un grand verre de jus d'orange et entreprit de tresser ses cheveux en attendant que ses tartines grillent.
"Pourquoi partir si tôt, Ele ?
- L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Tu devrais en profiter pour faire un jogging, Marcus. Un esprit sain dans un corps sain, qu'ils disent. Et toi, Augustin, tu devrais l'accompagner.
- Euh, je suis pas branché footing moi...
- Sans blague !"
Elle leva les yeux au plafond et je grommelais dans ma barbe inexistante en plongeant le nez dans ma tasse de thé.
"Sophie n'est pas levée ?
- Non, elle a fait une insomnie. Elle s'est endormie il y a deux heures à peine, je la laisse dormir."
Elena claqua la langue avant de poser bruyamment la tasse sur la table.
"Bon, eh bien, nous allons vous laisser alors. Nous avons de la route. Merci de nous avoir accueilli.
- C'était un plaisir, revenez nous voir quand vous voulez."
Elena se pencha vers mon père pour lui faire une bise rapide, puis vers moi. Du bout des lèvres, en coup de vent, avant de prendre sa valise et de presser Lilith.
Dès qu'elle fut partie, mon père soupira bruyamment.
"Je vais me recoucher, bonne nuit Tintin."
Il ébouriffa mes cheveux et repartit vers la chambre familiale.
Je regardais l'heure. Il était à peine sept heures et je ne me sentais pas fatigué. J'allais en profiter pour aller faire un tour en vélo dans la ville : il n'y aurait personne et j'adorais sentir l'air contre mon visage.
Je terminais ma tartine, enfilais mon sweat et enfourchais mon vieux vélo rouge.
J'errais dans les rues de Saint-Palais, écouteurs dans les oreilles à sentir le vent fouetter mon visage, et à cet instant présent, je me sentais vraiment bien. Je pédalais sans savoir où allait sans avoir peur d'être perdu.
Soudain, j'entendis une voix. Persistante. Je crus qu'on criait mon nom. J'enlevais mon écouteur.
"Eh, Gus ! Tu m'ignores ou quoi ? Gus Gus ! Comme la souris de Cendrillon ! Eh, m'ignore pas gros con !"
Je me retournais. Gene, le maquillage coulé, qui marchait de travers. Son débardeur était froissé, tâché et la bretelle de son soutien-gorge baillait sur ses épaules.
"Hey, Gene, qu'est-ce que tu fais là ?
- Une balade de santé qu'est ce que tu crois."
Elle arriva si proche de moi qu'elle se laissa crouler sur moi : je faillis tomber à la renverse mais la soutint du mieux que je pouvais.
Elle empestait l'alcool.
"Laisse moi deviner, t'es bourrée et tu rentres chez toi, c'est ça ?
- Shhh. Mes parents doivent pas le savoir.
- T'es mal barrée si tu veux mon avis.
- Non je veux pas ton avis."
Elle écrasa un index accusateur vers moi en rigolant comme une vache.
"Et toi tu fais quoi ? T'es en route pour baiser ta copine ?
- Gene !
- Quoi ? C'est naturel. Tu peux m'en parler tu sais je suis pas en sucre, et puis je sais les baiser les filles moi."
Je songeais sérieusement à l'abandonner sur la route mais à y repenser, c'était dangereux. Alors je restais avec mon amie, qui puait un mélange de cigarettes et d'alcool et dont le mascara s'étalait sur la moitié de son joli visage.
"Je m'en sors très bien tout seul, merci de ton aide, Gene.
- Aaaaaaah ! Alors vous l'avez enfin fait, oh dieu merci j'ai cru que vous attendriez jusqu'au mariage ! Enfin c'est votre droit après vous êtes libre de faire ce que vous voulez mais si vous voulez une nuit de noce au top faut s'entraîner avant hein.
- Non, c'est pas ce que je voulais dire !"
Elle haussa un sourcil puis vacilla.
"Donc tu veux dire que t'es toujours puceau. Merde Gus ! Me dis pas que t'en as pas envie, tu la bouffes du regard putain. Et elle aussi d'ailleurs !
- Gene, je vais te raccompagner chez toi et on en parle plus, d'accord ?
- Si tu crois t'en tirer comme ça."
Elle bougonna, se laissant traîner par le bras en traînant des pieds. Puis soudain sa tête se leva et elle se remit à s'égosiller :
"Dis, t'es amoureux d'elle ?
- On peut pas tomber amoureux en trois mois.
- C'est pas ça la réponse que j'attends. Tu l'aimes oui ou non ?
- Je t'ai dit que-
- Oui ou non ? s'entêta-t-elle.
- Oui ! Evidemment que je l'aime, qu'est-ce que tu crois ?"
Elle me serra dans les bras avec vigueur, si fort que je faillis en faire tomber mon vélo.
"Tu lui as dit ?
- Non.
- Tu devrais. Ca fait toujours plaisir à entendre.
- C'est la première fois que je t'entends dire quelque chose de sensé quand t'es bourrée.
- Je décuve, là, m'informa-t-elle en se tapotant la tempe."
Elle posa son doigt poisseux sur mon nez comme une réprimande.
"Tu sais que je parle sérieusement ? Dis lui.
- Elle le sait déjà.
- Pas si tu lui as jamais dit. Elle a l'air de beaucoup douter d'elle-même tu sais, ça peut toujours lui faire plaisir. L'amour ça te donne envie de soulever des montagnes. Ou de soulever quelqu'un tout court.
- Et elle est repartie, soupirais-je."
Gene sourit, d'un grand sourire avec les dents.
"Oh, je sais, on a qu'à se faire une soirée ensembles !
- Je ne vois pas le rapport.
- Je vais faire votre thérapie de couple, s'exclama-t-elle comme si c'était une idée de génie."
Je soupirais bruyamment pour lui faire comprendre que ce n'était pas du tout une chose intelligente.
"On a besoin d'une thérapie quand les choses ne vont pas. Mais tout va bien entre nous, sérieusement, ne te mêle pas de ça.
- J'ai une vie sentimentale nulle, laisse moi me mêler de celle des autres.
- Pas la mienne en tout cas.
- T'es pas drôle, protesta Gene comme une enfant à qui on refusait un dessert.
- C'est pas vrai, je suis très drôle."
Elle secoua la tête comme si elle était un robot sur le point d'exploser.
"Celle d'Heidi et Daphné, alors.
- Elles sont toujours pas ensembles, elles ?
- Ah si peut-être. Il serait temps, quand même, y'a une telle tension sexuelle entre elles.
- Ca me rappelle ton coming-out, ricanais-je."
Gene rougit en me frappant l'épaule à plusieurs reprises.
"C'était pas drôle, t'étais un vrai crétin !"
Un jour, alors que nous nous rendions au théâtre tout les deux, Gene se comportait bizarrement. Puis elle s'était raclé la gorge et avait déclaré d'une voix rauque :
"Toi et moi on a quelque chose en commun.
- On a quinze ans, oui, je sais, avais-je répondu."
Le sourire de Gene s'était effacé.
"Ouais, et j'aime les filles, aussi. Comme toi."
Ca je le savais, parce que c'était évident qu'elle n'était pas attirée par les garçons. Elle dégageait quelque chose, on le savait, qu'elle les aimait autant que nous, ces filles. Elle avait expliqué qu'elle avait un gros crush sur Heidi, la petite brune qui ne parlait à personne. Mais elle n'avait jamais osé lui proposer quoi que ce soit parce qu'Heidi n'était même pas réceptive à ses tentatives d'amitié.
Repenser à ce jour-là, me faisait toujours sourire puisque ce jour-là, Gene et moi étions devenus plus que des potes de théâtre. Elle faisait partie de mon cercle proche d'amis et je faisais partie du sien. Je lui avais tout confié sur Déotile, de mon crush sur elle aussi énorme que la faille de San Andreas à mes envies désespérées d'aller lui parler.
"T'sais, je repense au jour où je t'ai fait mon coming-out et t'as vraiment changé depuis. Mais t'es encore plus cool et j'suis contente d'être ton amie, p'tit Gus.
- C'est beau, ça, Gene."
Elle me décocha le plus beau sourire qu'il me fut donné de voir de la journée.
"Tu vois, ça fait du bien d'entendre que les gens nous aiment même si on le sait.
- Quelle démonstration de qualité.
- Gneugneu. Propose lui un ciné, y'a un bon Teen Movie apparemment. Ca finit bien, ils s'aiment. Et à la sortie tu lui dis "tu vois j'échangerais pas leur histoire contre la notre parce qu'on peut pas t'aimer plus que je t'aime" et là t'as son coeur pour toute la vie.
- Rien que ça."
Gene s'appuya à mon épaule.
"Je suis sûre que t'as déjà son coeur pour toute la vie. Elle t'aime déjà trop trop trop je comprends pas que vous sortiez ensembles que depuis trois mois. Et que vous ayez toujours pas couché merde !
- Gene.
- Pardon, fait l'amour."
Elle revenait toujours inlassablement sur le sujet. Je soupirais.
"C'est pas la question, Gene.
- Désolée. C'est que je vous ship, vous savez.
- Débile."
Elle rit et s'appuya à moi comme si elle allait s'endormir.
"Tu veux passer chez moi pour dormir un peu ? Vu que tes parents veulent pas te voir comme ça.
- Non t'inquiète, j'ai l'habitude de les décevoir. Ils espèrent toujours que je sois pas vraiment lesbienne et que ce soit juste une passe. Alors être bourrée, tu sais...
- T'es sûre ?
- T'inquiète, Gus, t'occupe pas de moi. T'es chou."
Elle me prit la main et me guida vers chez elle : une grande maison avec étage, joli jardin et 4x4 garé devant.
"On est arrivés.
- Repose toi bien.
- T'en fais pas pour moi. Repense à ce que je t'ai dit."
Elle m'embrassa rapidement sur la joue avant de s'éloigner. Avant d'entrer dans la maison elle me fit un coeur avec les mains et mima du bout des lèvres :
"Oublie pas le cinéma!"
Et la porte se referma.
Je sortis mon téléphone et après un instant d'hésitation, envoyais à Déotile :
< 'ça te dit un ciné dans l'aprem ? j'ai besoin de partir un peu de la maison'.
Elle me répondit vers onze heures, probablement levée depuis à peine cinq minutes.
y'a rien qui me tente au ciné mais j'ai super envie de commencer AHS, passe à la maison on regardera ensembles. Sauf si tu tiens vraiment au ciné!! >
Je repensais à Gene dont le premier réflexe allait être de me bombarder de messages pour me demander comment ça s'était passé.
Puis, je repensais à ce que je voulais moi. Et ce que je voulais, en ce moment, c'était sortir avec ma copine dans un endroit nouveau.
< une autre fois pour AHS, j'ai envie de sortir avec toi
< dis oui stp je paye le pop-corn :((
on sort déjà ensembles abruti. (d'acc, tu passes me chercher ???) >
Et ce message me fit sourire.
oui, j'ai décidé de publier ce truc que j'ai écris y'a un an ..
parce que j'ai commencé la réécriture mais cette fois jvais sûrement publier en étant SÛRE que y'aura la suite et que jvais pas arrêter ptdr (la pire)
bref profitez des trois chapitres qui sont assez importants parce qu'on apprend beaucoup de choses au final, même si selon moi y'a des trucs à revoir, je laisserais ça à la version que je suis actuellement en train d'écrire ✨
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