Chapitre 2 (réécrit)
Après avoir prononcé ces mots, je laissai la jeune fille repartir. Elle ne se fit pas prier et s'enfuit, me laissant là pantelante, figée au milieu de la place. Je n'assimilais pas vraiment ces mots mais mon cerveau m'envoyait un message très clair. J'étais tétanisée au milieu de la place, n'entendant pas les gens courir de façon désorganisé autour de moi et pourtant je savais qu'il fallait bouger.
Soudainement je me rappelai de la présence de Lou et Luka, il fallait à tout prix que je les retrouve pour les mettre en sécurité. Affolée je regardai aux alentours, tournant sur moi-même au milieu de l'agitation. J'aperçus enfin un petit corps penché sur un autre contre le muret de la fontaine, Luka semblait parler à sa sœur en lui tenant la main. Cette vision attendrirait n'importe qui mais ce n'était franchement pas le moment. Je m'élançai vers eux en jouant des coudes parmi tous ces gens qui semblaient fous. Avec difficulté je finis par m'extraire du vortex et accourut vers eux.
- Lou, Luka ! Levez vous ! ordonnai-je sèchement pour parer au plus vite.
En attendant qu'ils se redressent j'essayais d'évaluer toutes les situations possibles pour nous sortir de ce pétrin. Il y avait de moins en moins de monde sur la place et nous allions finir par être des victimes de choix. Ce fut quand je sentis un bras tirer mon tee-shirt que je sortis de ma torpeur.
- Eri', va mourir ? demanda la petite voix apeurée de Lou.
Toute innocence avait disparu de son visage et de celui de Luka. Ils attendaient que je leur dise quoi faire, mais je ne savais pas moi-même. D'un coup, je sentis la terre vibrer, je tournai rapidement ma tête dans la rue que je venais de quitter et aperçu une armée ainsi qu'un camion. L'armée se dispersa sous mes yeux et attrapa les personnes encore sur place, les frappant sans remords. Dans l'urgence, je m'accroupis à la hauteur des jumeaux.
- Les jumeaux vous devez courir le plus vite possible et vous ne vous retournez pas Je vous interdis de vous retourner, sinon ce soir vous n'aurez pas de câlins.
J'allais me relever mais Luka m'arrêta et me donna son doudou.
- Pou' pas que tu as la peur.
Je lui souris ne répondant rien car la situation pressait.
- Maintenant vous courrez ! Allez !
Je suivis aussi mon propre ordre en courant aussi vite que je le pouvais, le doudou de Luka dans la poche arrière de mon jean. La place était immense, je finis de contourner l'énorme fontaine situé au milieu et commençai à reprendre confiance, on allait s'en sortir, dans quelques minutes nous serons tous à la maison, en train de rire de cette affaire.
Les jumeaux semblaient avoir bien compris mon ordre puisqu'ils étaient déjà devant moi, courant vers la maison. Peut-être pensaient ils que tout ça n'était qu'un jeu ? Je l'espérais fortement mais j'en doutais vu la peur qui avaient traversée leurs petits yeux tout à l'heure. L'avantage était qu'il pouvait se faufiler entre les jambes des autres sans réellement gêner. Moi au contraire, je devais couper la marée humaine effrayée comme du bétail mené à l'abattoir. Tout était plus compliqué une fois grand.
Agacée je me mis à ralentir pour éviter une collision en essayant de ne pas perdre de vu Lou et Luka, ce qui me fut fatal. Je sentis une main s'abattre sur mon épaule avant d'être projeter contre le mur d'une épicerie non loin de moi. Mon corps s'abattit sur la pierre si fortement que j'en perdis mon souffle, je tombai ensuite durement au sol la respiration bloquée. J'hoquetai en essayant de respirer correctement, une larme involontaire s'échappant de mon œil droit. La respiration sifflante je me relever en chancelant, m'aidant du rebord de fenêtre. Je n'eus pas le temps de faire un pas que quelqu'un me plaqua au mur, un avant bras sous ma gorge.
- Marcel ! Hurla mon agresseur, J'en ai une, et belle d'autant plus, murmura t-il pour lui-même en prenant une mèche de mes cheveux cuivrée, Je pense que je ne vais pas te vendre tous de suite, on va d'abord s'amuser toi et moi. Le gouvernement ira bien se faire foutre cette fois ci.
Il me sourit perversement d'un air qui se voulait bienveillant pour m'amadouer et glissa une main brulante sur mon cou, la remontant délicatement sur mes lèvres rosées. Son contact me répugnait, j'avais envie de vomir mais je me retins, il fallait que je trouve quelque chose pour me sortir de cette mascarade.
- J'en avais marre des blondes, petite rouquine. Tu arrives à point nommé.
Je le scrutai décontenancée, je n'avais en aucun cas envie de savoir ce qu'il préférait.
- Dorian, retentit une voix derrière lui.
Il soupira en jetant un coup d'œil derrière lui, relâchant légèrement son étreinte sur le haut de mon torse.
- Oui ?
- Tu comptes prendre le thé avec elle ou c'est bon ? s'agaça le nouvel arrivant.
Sans que je comprenne, il se retira de moi en se tournant vers l'autre.
- C'est bon j'arrive, on a même plus le droit de s'amuser c'est fou !
J'écarquillai les yeux, ne sachant pas s'il fallait que je rigole de sa bêtise. Je préférais tout de même lui donner un coup de pied derrière le genou droit avant de me remettre à courir comme jamais je ne l'avais fais auparavant. Je ne savais pas si un quelconque Dieu avait fais exprès de me confronter à un vampire stupide mais en tout cas je ne pouvais pas laisser passer cette seconde chance. La place était presque déserte, me permettant d'avancer comme je le voulais
Je poussais de toutes mes forces sur mes jambes, refusant d'abandonner. Je ne voyais pas pourquoi je ne réussirais pas à y réchapper. J'atteignis, après une dernière poussée, l'entrée de ma rue. Je voyais Thibault au loin, devant ma maison, en train de récupérer les jumeaux tout en me faisant de grands signes. J'y croyais, j'y croyais tellement que ça me rongeait de l'intérieur. J'étais paniquée voir même terrorisé mais j'y croyais durement.
On disait toujours que tous ces trucs horribles ne pouvaient pas se passer chez nous, que ça se passait chez les autres. On se croyait intouchables juste parce qu'une rue, un quartier, une ville ou un état nous séparait de la catastrophe mais quand c'était chez nous, devant notre porte, nous étions dans l'incapacité de répondre. On avait toujours cru à un mythe. Nous étions des idiots, relégués aux faits divers tandis que des milliers d'autres familles se croyaient intouchables jusqu'à ce que ça leur arrive.
C'était exactement ce qui c'était passé pendant la grande insurrection, chaque pays pensait que les créatures n'atteindraient pas leurs frontières, préférant ignorer la menace, n'aidant pas les autres. C'était comme ça que le monde avait été conquis rapidement, car nous étions tous dans une philosophie du chacun pour soit. Peut être que si nous avions été unis nous aurions pu repousser un minimum la menace mais nous avons mal joué et on répète encore une fois, inlassablement les mêmes erreurs. A croire que pour les êtres humains la vie était un jeu.
Mais pour l'instant c'était ma vie qui était en jeu. Mon cerveau me disait que j'allais y arriver tandis que mon corps me persuadait du contraire, et quand des doigts s'agrippèrent à ma taille, m'arrêtant sèchement dans mon élan, mon cerveau rejoignit le corps.
C'était fini.
Je me mis alors à hurler le nom de mon frère et toute ma haine envers le monde. Des larmes de rage et de désespoir coulaient sur mes joues. Je tentai tant bien que mal de retirer les mains sur mon ventre mais l'emprise était trop forte, je lui avais échappé une fois, il ne me laisserait pas faire une deuxième tentative. Je relevai alors peu à peu la tête vers mon frère, ce dernier me regardait dévasté, les bras ballant, l'air vide. Je criai son nom en tendant les bras vers lui, puis dans un ultime acte de rébellion je lui soufflais un « Je t'aime » rempli de regrets et d'adieux. C'était tout ce que je pouvais lui dire, je ne pouvais pas lui promettre que je reviendrais, que je tiendrais, que je m'en sortirais, car ça serait un mensonge. J'allais sûrement vers l'enfer et on ne ressortait pas de l'enfer. Je me contentais alors de trois mots simples et sincères.
Je t'aime mon frère, pour toujours et à jamais.
*****
J'avais été tirée jusqu'au camion dans un état second, une trentaine de personnes étaient déjà présentes, se trouvant sûrement dans le même état mental et physique que moi. Ils m'avaient ensuite menottée et bâillonnée avant de me balancer à l'intérieur comme un vulgaire objet.
Maintenant que j'étais recroquevillée au fond de la camionnette, les genoux contre ma poitrine, j'avais mal. Mon dos me faisait souffrir et mes cuisses me brûlaient. J'avais aussi mal au cœur, je sentais une plaie béante sur le côté gauche de ma poitrine. Mon poing était serré contre cette blessure irréversible et je tentais de toutes mes forces de me retenir. Je me retenais de je ne savais quoi, mais je me doutais que si j'avais le malheur, ne serais ce que de retirer ma main, tout serait fini.
Je basculai ma tête contre la paroi du camion une question trottant inlassablement dans ma tête : Qu'allait il se passer ensuite ?
Jusque là, tout ce qui m'arrivait était déjà connu du grand public, on savait exactement ce qu'était un raid ; Opération éclair menée en territoire ennemi par des éléments très mobiles et peu nombreux ayant pour mission la reconnaissance, la destruction d'un objectif ou la capture de prisonniers ; mais la suite n'était qu'une grande page blanche. Comme ci l'auteur de l'histoire n'avait pas encore écris la fin, comme ci, lui non plus, ne savait pas ce qui allait arriver. Plusieurs hypothèses avaient été émises mais comment savoir laquelle était la bonne ? J'avais autant la probabilité de servir de garde manger que de nettoyer la maison d'un noble.
Je reconnaissais autour de moi, de nombreuses personnes allant au lycée Edgar Powell. On était tous apeurés, sur nos gardes, se regardant dans le blanc des yeux. J'essayais de voir si je distinguais de proches amis mais dans la pénombre je ne parvenais à apercevoir que des formes et ombres. Epuisée, je finis par m'endormir comme tout le monde.
*****
- Arrêt de Rubis ! On se réveille les inférieurs ! Et on se dépêche ! hurla une voix lointaine.
A ces paroles, je me réveillai en sursaut, paniquée.
Où étais-je ? Que se passait-il ?
Mon dos me faisait toujours mal et ma bouche avait un goût pâteux. Ce fut quand je voulus me passer la main dans les cheveux pour remettre une de mes mèches mais que mes deux bras se levèrent que je repris rapidement mes esprits.
Je m'appelais Erine Kostas. J'avais 18 ans et j'avais été enlevé lors d'un raid dans l'Etat de Tourmaline.
La lumière du soleil m'agressa quand je me relevai en position assise et je peinais à voir les silhouettes devant les portes ouvertes de l'arrière du camion.
- Putain mais dépêchez vous ! On n'a pas toute la journée !
Prenant peur on sortit tous précipitamment tandis que les hommes nous mettaient à genoux sur le trottoir. Je pris le temps de regarder autour de moi et constatait que l'on se trouvait devant un hangar à l'écart d'une ville. Je ne savais pas ce qui allait suivre et cette incertitude me rongeait. Nous étions donc tous à genoux, en ligne, la tête baissée en signe de soumission complète. Les quatre vampires qui nous avaient amenés ici se placèrent face à nous, les mains dans le dos nous détaillant du regard. Un silence de mort s'était installé, où même les oiseaux ne chantaient pas une douce mélodie. Le ciel était gris et le temps lourd, si bien que nos épaules semblaient s'être encore plus affaissées sous l'oppression. J'avais l'impression qu'on allait me tirer une balle dans la tête comme dans ces films du XXème siècle.
- Une partie de votre vermine va s'arrêter ici ! Les autres, si vous n'êtes pas sélectionnés vous resterez sur le trottoir sans faire d'histoire !
Personne ne répondit car tout était évident, si jamais on avait le malheur de contredire un seul de leurs ordres, nous peignerons le bitume de notre sang.
- Attrapez-le !
D'un coup, tout le monde releva la tête et on vit un jeune garçon en train de sprinter vers la forêt derrière. Il courrait très vite mais on connaissait tous l'issu de cette fuite. Deux vampires se mirent à leur poursuivre et en même pas cinq secondes il fut plaqué au sol. Ils le traînèrent ensuite vers le camion tandis qu'il se débattait férocement, mordant et griffant ses assaillants. Le pauvre devait avoir 10 ans tout au plus, comment avait il pu se retrouver au moment du raid, c'était impensable ! Le petit continuait de se débattre quand tout à coup sa tête fut arrachée dans un bruit déchirant de chair. D'un coup. Comme ça. Personne ne s'y attendait et personne ne semblait réaliser jusqu'à ce que la tête roule à terre jusqu'à toucher mes genoux. J'étais horrifiée. Ses deux grands yeux remplis de terreur et figés dans une ultime expression me scrutaient. J'étais sur le point de rendre mon déjeuné tellement ça me répugnait.
- Maintenant vous savez à quoi vous en tenir, prévint ce qui semblait être le chef d'une voix trop calme.
On attendit plusieurs minutes dans un silence religieux jusqu'à ce qu'un deuxième camion blanc arrive. Quatre personnes en sortirent et se mirent à parler avec les hommes qui nous avaient amenés. Au bout de quelques minutes de discussions, mon agresseur et son acolyte s'approchèrent de nous.
- Tous ceux à qui je touche l'épaule vous montez dans le camion qui vient d'arriver, les autres vous restez sans bouger, le premier qui sourcille il finira comme le petit gars, c'est clair ?
Personne ne répondit, trop apeuré pour oser ouvrir la bouche.
- J'ai dit ... est-ce que c'est clair ? s'exclama-t-il.
D'un même mouvement nous hochâmes tous la tête tandis qu'il passait derrière nous pour faire durer le suspens. Qui serait choisi ? Où allaient-ils nous emmener ? Que feront-ils de ceux qui vont rester ? Tant de questions se mélangeaient dans nos têtes, ne pouvant se fier à aucune des solutions qui s'ouvraient à nous. Nous étions comme des rats de laboratoires aux quels nous testions différents vaccins ou produits, ne sachant l'issu du résultat. Je vis plusieurs personnes à ma droite se lever, toutes des jeunes femmes de presque mon âge se dirigeant la tête baissée vers le sol en signe de soumission et d'obéissance, vers le camion. Puis ce fut à mon tour, une main toucha mon épaule sauf qu'au lieu de continuer elle s'arrêta et raffermit sa prise sur ma clavicule. J'entendis un léger craquement d'articulation et de suite un souffle froid passa sur ma nuque. Le vampire, mon agresseur, s'était accroupi juste derrière moi. Je retenais mon souffle ne sachant pas où tout ça me menait.
- Toi ... chuchota t-il au creux de mon oreille, tu es en tête de la liste, ne me déçois pas ... Je reviendrai te voir pour savoir l'issu de ta vente ... sois en sur ...
Je restai stoïque tandis qu'il me laissait dans ma béatitude et passait aux personnes à ma gauche. Comme hypnotisé je me levais difficilement, les jambes engourdis et me dirigeai doucement vers l'arrière du camion, le doudou de mon frère dans ma poche arrière de jean. Qu'entendait-il par une liste ? Une vente ? Qu'allait-il se passer ? J'arrivais parmi le groupe des sélectionnés et montai à l'intérieur de la camionnette, me plaçant le plus au fond possible, en espérant qu'ils m'oublieraient rapidement. Quelques personnes en plus montèrent dans un silence mortuaire et glaçant. Plusieurs minutes plus tard les portes se refermèrent dans un mouvement sec qui nous fit sursauter et le moteur démarra. Nous étions ainsi partis on ne sait où, vers on ne sait quoi mais une chose était sure, nous étions partie pour un aller simple vers l'enfer rouge. Rubis.
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