Chapitre 26
Notre hôte n'avait finalement pas d'arme sous son tablier. Nous lui avons rendu ses chaussons en mouton et nous nous sommes sauvés en vitesse. Dehors, la température frise le calvaire et l'air chaud m'incendie les poumons.
- Donc, on fait le tour du bâtiment et on passe par la fenêtre des WC ?
- C'est ça, me confirme Thibaud.
Je serre les dents.
- C'est parti.
Nous nous mettons en route sans un mot de plus. Les gens se retournent à notre passage, il faut bien avouer que nous avons fière allure. Nous coupons dans une petite allée sombre pour pouvoir passer derrière le bâtiment et je pose involontairement une main sur mon holster de cuisse. L'endroit ferait un parfait guet apens. Une grille monte à plus de deux mètres devant nous et nous n'avons pas d'autre choix que de la sauter pour atteindre notre destination. Je pense pouvoir facilement passer de l'autre côté, mais je ne suis pas sûre que Thibaud puisse en dire autant.
Il la regarde d'ailleurs avec une petite mimique soucieuse.
- Hum, comment on passe par dessus ? Me demande-t-il.
- Il va falloir grimper.
Il déglutit.
- Je passe devant, le prévins-je en remontant mon sarouel sur mes chevilles. J'inspire profondément et me lance. Je cours jusqu'à mon obstacle et saute à pied joint pour prendre appui au milieu de la grille. Dans la foulée, j'y coince mes mains, passe par dessus et me laisse atterrir lestement de l'autre côté.
- Tu vois ? Facile, lui dis-je quand mes pieds touchent le sol.
Il a un sourire coincé.
- Oui, facile.
Il s'approche sans prendre d'élan et commence à grimper maladroitement. La grille se contorsionne dangereusement sous sont poids. Arrivé en haut, il passe par dessus et descend de mon côté de la même manière.
- Avoue, c'est moins classe quand même, dis-je mi-figue mi-raisin, soulagée qu'elle n'ai pas cédé.
- Peut-être, m'accorde-t-il, mais au moins mon pronostic vital n'est pas engagé.
Vexée, je monte sur les poubelles pour essayer d'atteindre la fameuse fenêtre.
- Fais moi la courte échelle, ordonnais-je à Thibaud.
Il monte à son tour sur la poubelle.
- Mais si tu rentres par là, comment je fais moi ?
Je désigne la porte qui se trouve à deux mètres sur notre droite.
- Je t'ouvrirai de l'intérieur.
Il hoche la tête, un peu perplexe et se baisse en joignant les mains.
J'y pose mon pied précautionneusement et m'accroche aux briques pendant que Thibaud se relève avec lenteur.
- Tu sais que t'es lourde ?
- Chut, ferme-la. Et t'amuses pas à me faire tomber ! Murmurais-je en me rapprochant de l'ouverture.
Le spectacle que je vois ne me plait pas particulièrement. La fenêtre donne sur les toilettes "Femme" de la discothèque et une foule incroyable s'y presse déjà. La cabine juste en dessous de moi est occupée.
Il me faudrait sauter sur la paroi qui sépare les WC et garder l'équilibre assez longtemps pour pouvoir glisser au sol en douceur, pensé-je en ne trouvant aucune autre option d'atterrissage.
Je plie alors un peu les genoux, agrippe le rebord de la fenêtre et me tire vers l'intérieur. Thibaud titube au moment ou ma tête passe par l'ouverture. Mon corps entier plonge par la petite fenêtre et je me rattrape in extremis au cadran quand le battant se referme. Les deux pieds posés l'un derrière l'autre sur la fine cloison, je me laisse glisser contre le mur jusqu'à être assise, les jambes pendant dans deux cabines différentes. La fille sur ma droite sort sans se rendre compte de ma présence et sans plus attendre, je saute au sol et sors des WC sous le regard d'une dizaine de personnes.
Je fais une petite révérence à mes spectatrices et pars rapidement à la recherche de la porte que je trouve dissimulée sous un panneau en bois. Je jette un coup d'œil aux alentours, l'ôte et tire avec force sur la poignée rouillée. Thibaud s'engouffre à l'intérieur sans attendre et je replace le panneau derrière lui en bloquant la porte ouverte à l'aide d'un des battants de la sortie de secours.
- On va se séparer, enfile moi ça, dis-je en désignant la lentille/oreillette qui est au creux de ma paume.
- Tout ce que tu veux, dit-il avec un ton lourd de sous entendu.
J'ai un mouvement de recul et je tends une main devant moi pour le maintenir éloigné.
- C'est la discothèque qui te mets dans cet état ? Parce que si c'est le cas, rappelle moi de ne plus t'y emmener.
Il sourit sans rien ajouter et je reprends mes explications.
- Ça va nous permettre de voir ce que l'autre voit.
Thibaud me dévisage, fasciné.
- Comme dans I Spy, avec Eddie Murphy.
- C'est ça.
Il pose la lentille sur sa pupille et me fait un signe de tête.
- Bon, notre but est de trouver Sachka et de l'isoler, d'accord ?
Il acquiesce et sans un mot se perd dans la queue de personnes alignées. J'allume ma propre oreillette et vérifie son fonctionnement.
- Tu m'entends ?
Il me répond après quelques secondes.
- Je t'entends.
Je sors des toilettes et atterris dans la salle principale.
L'ambiance est étrangement envoûtante. Il y a une sorte d'apesanteur dans les mouvements des personnes qui sont sur la piste, une légèreté presque surnaturelle. Il fait sombre, des spots projettent des têtes d'animaux sauvages fluorescentes sur les murs bleu nuit. La musique est troublante, on entend un éléphant qui barrit, un lion qui rugit, des cris et une voix grave qui prononce quelques mots de temps à autre. Il n'y a pas de scène, ni de DJ, remarquais-je en progressant lentement sur la piste. Il ne s'agit pas vraiment d'une discothèque, plutôt d'un bar lounge sans autre chose pour s'asseoir que des tabourets. Mais quelque chose ne tourne pas rond, j'ai une drôle de sensation entre les côtes. J'arpente la foule en quête de mon mafieux russe, mais rien à faire. J'ai du faire trois fois le tour de la piste en long et en large en prétendant de danser, sans rien trouver. De temps à autre, la tignasse brune de Thibaud émerge de la vague de monde, et il me regarde en secouant la tête négativement. Il faut que j'arrête de me déplacer, on va finir par me remarquer. Thibaud allume sa lentille quand je commence à prendre la direction du bar.
- Vient aux WC, j'ai trouvé quelque chose.
Je le vois traverser la partie qui sépare le côté "Homme" de celui des femmes et aller jusqu'au fond de la pièce.
- Ne bouge pas.
Je me fraye un chemin à travers de l'infernale fourmilière et arrive enfin à notre point de rencontre. Thibaud vérifie que nous ne soyons pas observés et m'entraîne jusqu'au recoin sombre ou se trouvent deux portes face à face. Une main posée sur ma cuisse, j'attends patiemment qu'il nous ouvre. Mais quand Thibaud tourne la poignée, la porté reste verrouillée. Contrariée, je l'écarte et sors de ma perruque deux épingles qui servent à la tenir en place.
- Préviens moi si quelqu'un arrive, lui ordonnais-je.
J'en tords une, l'insère dans la serrure puis rentre la seconde à tâtons et recherche à pousser les goupilles. La première se soulève et je tricote pour faire de même avec les autres. La deuxième et la troisième la suive mais la quatrième me fait peiner. D'un mouvement sec du poignet je la heurte et elle cède. Je tourne de le tout et appuie sur la poignée.
La porte s'ouvre et je jette un coup d'œil à l'intérieur avant d'entrer. Thibaud se faufile derrière moi et et ferme la porte.
La pièce dans laquelle nous nous trouvons est très semblable au bureau de mon patron. Seul le fauteuil noir manque. Des parois en verres d'un mètre cinquante de hauteur donnent sur d'autres nombreux bureaux mais il n'y a pas âme qui vive. J'ouvre les tiroirs en espérant dénicher quelque chose mais ne tombe que sur de la paperasse administrative. Thibaud soulève la moquette, je me couche au sol pour voir sous le bureau, mais rien ne nous indique que Sachka soit jamais passé ici.
Au bout d'un moment, je m'assoie dans le siège et réfléchis. Il n'était pas sur la piste, pas au bar ni derrière le bar et il n'est pas dans les bureaux.
Plusieurs options s'offrent à nous: soit nous avons manqué quelque chose, soit mon russe n'est plus là, ou encore... Il est l'homme invisible.
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Hey everyone ! Désolée, ça fait tellement longtemps que je n'ai plus posté ! Je vais essayer de vous faire du la publication massive ;)
Dites moi ce que vous pensez de ce chapitre, j'ai carrément galéré pour l'écrire :')
Kiisseess <3
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