Chapitre 8 - partie 2
La respiration hachée, je croise les bras sur le bord de ma fenêtre. Deux petits coups contre la porte de ma chambre me font sursauter et je n'ai pas le temps de dire un mot que la tête d'Omare passe dans l'ouverture.
— On t'a entendu... Tout va bien ?
J'acquiesce avant de lui tourner le dos. J'ai besoin d'air frais. La porte s'ouvre un peu plus et je serre les dents. Ce n'était qu'un cauchemar, rien d'important. Mais mon cerveau continue de se rejouer la scène et mon regard capte le moindre changement dans la pièce. C'est en train de me rendre dingue.
— Besoin de quelque chose ?
Je secoue la tête quand Charleston entre à son tour. Juste qu'ils sortent, qu'ils me foutent la paix. Ce n'était rien. Je prends une inspiration en fermant les yeux. J'entends Charleston dire à Omare de retourner se coucher et la porte se referme légèrement. Soudain, la pression dans ma nuque me fige brusquement et Charleston ne bouge plus. Le bout de ses doigts frôlent à peine ma peau mais ça suffit à me faire ouvrir les yeux, les sens en alerte.
Lentement, il se met à côté de moi et ses yeux, d'un marron très clairs même la nuit, tombent dans les miens. Je ne sais pas ce qu'il cherche jusqu'à ce qu'il parle.
— Je peux ?
Il me faut un moment pour comprendre. Sa main n'a pas bougé, il attend mon accord pour me toucher. Je déglutis en tressaillant tandis qu'il reste à distance. La désagréable impression qu'il a compris me broie de l'intérieur. Après le repas de la cérémonie d'ouverture, je commençais à avoir des doutes : entre Ness, mon esquive, l'attitude de Charleston, ses mots. Aujourd'hui, je me prends en pleine poire ce que j'ai tenté de cacher et qu'il a remarqué.
Je me tends un peu plus. Le contact des autres est un vrai problème dans ma tête, depuis des années. Cette nuit, après Daren, je suis incapable de l'accepter. Et Charleston l'a remarqué.
— Non.
Ses doigts s'écartent immédiatement de ma peau tandis qu'il recule légèrement. Juste de quoi me donner plus d'espace, me permettre de respirer. Mes yeux suivent instinctivement ses mains et il les enfonce dans la poche ventrale de son sweat. J'attends pourtant quelques secondes de plus avant de me détendre.
— Merci.
— Ne me remercie pas, réplique-t-il en croisant mon regard.
Je fronce les sourcils, prêt à lui demander pourquoi, mais il fait un infime geste de la tête et je me retiens. Un sourire en coin étire ses lèvres puis il s'écarte pour sortir de ma chambre. Je me retrouve alors seul, la porte fermée et je me penche par la fenêtre pour respirer l'air frais. Je lie mes doigts entre eux pour arrêter les tremblements et frissonne en réalisant ce qu'il vient de se passer.
Charleston a vu, remarqué, compris, demandé et respecté mes limites. Il n'a rien dit, il ne m'a pas forcé à expliquer, à supporter son contact. Il a éloigné l'angoisse en s'écartant dès que j'ai refusé et il a accepté mon silence.
Mon front retombe sur mes bras et je repousse de nouveau toutes ces sensations qui essayent de s'incruster sur ma peau. C'est fastidieux et lorsque je retourne dans mon lit, je suis épuisé. Mais je ne parviens pas à me rendormir : le reste de ma nuit est alors très longue. Je la passe à me tourner, retourner, regarder le plafond, les photos sur mon mur sans rien distinguer.
Puis quand la machine à café se lance et que le soleil se lève, je laisse tomber. Les pieds qui trainent, je rejoins Omare qui sort une seconde tasse lorsqu'il me voit. Le silence nous englobe le temps que les boissons soient prêtes et on s'affale dans le canapé, la télé rediffusant un match. Romeo débarque avec des viennoiseries quelques minutes plus tard et il se glisse dans l'autre canapé en les déposant sur la table-basse. Peu de temps après, Charleston se lève et nous rejoint avec un thé. Aucun de nous ne parle, nos yeux suivent les joueurs et mon esprit vagabonde. Pas de questions, pas de regards, pas de gestes. Mon corps a dû mal à s'apaiser mais je réussis à éloigner ce qui me dérange.
Brett toque à notre porte lorsqu'il est temps d'aller au stade pour notre entrainement et je reste en retrait quand on retrouve le reste de l'équipe dans le hall. Depuis la cérémonie, Ness ne m'a pas reparlé et ce matin ne fait pas exception. Il reste entre Brett et Anton, ignore Jonas et sourit à Charleston. Lael me fait un signe de main et je réponds à peine d'un signe de tête avant de détourner le regard. Il doit saisir le message, ou Omare le retient en attirant son attention, parce qu'il ne vient pas vers moi. On finit par rejoindre le parking et je m'installe derrière Omare, Charleston à ma droite alors que Romeo monte devant.
Pourtant, quand on arrive au stade, la vue de Daren me donne envie de vomir. Ma portière claque plus violemment que prévu et je soutiens le regard d'Omare, qui fronce les sourcils. Il ne dit rien, je ne m'explique pas et c'est Romeo qui nous ordonne de nous dépêcher. Les épaules tendues, je surveille chacune des personnes qui composent mon équipe, évitant le moindre contact. Memphis nous attend dans le salon et indique du menton les verres et bouteilles de jus d'orange sur la table.
— Servez-vous puis allez vous changer. On n'a pas de temps à perdre.
— Bonjour à vous aussi coach, lance Ness avec sarcasme. Il fait beau, vous ne trouvez pas ? Ça a donné le sourire à toute l'équipe ! Oh, pardon. Tout le monde, sauf Max.
Je me mords la langue pour éviter de l'envoyer valser. Le coach se tourne vers moi et me jauge de haut en bas avant faire face à Ness. L'équipe nous regarde, sans oser participer. Toujours à l'écart, je sais que mon comportement ne m'aide pas mais les yeux de Daren me rappellent ses mains. La journée risque d'être insupportable.
— Tant qu'il est là, c'est qu'il va bien, finit par dire Memphis en croisant les bras. Quelqu'un a autre chose à rajouter ? Parfait. Maintenant, bougez-vous.
Mes coéquipiers se dirigent déjà vers les vestiaires et je reste planté là, près de l'entrée, à les suivre des yeux. Ness accompagne Brett, son sourire qui me dégoûte plaqué sur le visage. Charleston vient vers moi alors qu'Omare et Romeo continuent leur chemin. Devant moi, il jette un regard au coach qui s'est déjà détourné puis plante ses yeux dans les miens.
— Un problème ?
Je ne réponds pas. Mentir est peine perdu, Charleston ne sera pas berné. Mais je ne peux pas non plus mettre des mots sur ce qu'il se passe. Je fixe soudainement sa main lorsqu'il la lève vers mon poignet. Je sens son regard étudier mon visage fermé et il arrête son mouvement, ses doigts si près de ma peau.
— Max.
— Je peux les éviter, je murmure sans quitter sa main des yeux. J'en suis capable.
— D'accord.
Pourtant, il ne bouge toujours pas. Ses doigts restent en suspens et je sais pourquoi. L'hésitation vibre dans ma voix, remplit mon regard et je desserre le poing. Pouvoir éviter le contact, je sais faire. Mais je ne suis pas certain de le vouloir. Ce serait revenir en arrière et renverser tous mes efforts des dernières années. Je ne peux pas faire ça, pas après tout ce que j'ai sacrifié. Je ferme les yeux, refoule ce qui me transperce et accorde à Charleston le droit de me toucher d'un murmure.
Doucement, ses doigts glissent sur mon poignet. Juste un contact, sa peau contre la mienne. Aucune pression, pas de prise, simplement un fourmillement. L'instant d'après, il s'écarte et j'expire. Les sensations ne sont pas revenus. Le soulagement me serre le cœur et j'ouvre les yeux pour voir Charleston me faire signe vers les vestiaires. Je le suis, continuant de guetter le moindre signe que quelque chose ne va pas. Pourtant, il n'y a rien qui me donne envie de vomir, rien qui me tétanise, rien qui me pousse à fuir le monde dans les vestiaires. Et le silence de Charleston apaise les battements de mon cœur, qui est terrifié à l'idée de devoir s'expliquer.
Les perruches et Lael m'ont laissé une place sur le banc et je les rejoins, l'esprit un peu moins bordélique. Leurs mains ne s'approchent pas de moi mais ils m'incluent dans leur conversation en un battement de cil. Ils éloignent mes pensées, mes angoisses et je finis par sourire en coin.
Petit à petit, j'accepte le contact, aussi bourru soit-il. L'entrainement m'exténue, je suis difficilement le rythme de Brett mais de savoir que j'ai repris le contrôle me donne l'énergie nécessaire pour finir la session. Romeo me bouscule lorsque je le dévie, Lael tape sa main dans mon dos quand il me dépasse, Jonas tape son index sur mon torse à chacune de mes fautes et Omare ne se lasse pas de serrer mon épaule pour me féliciter lors de mes réussites.
A la fin, le bras de Lael se pose sur mes épaules et Ness me lance un regard mesquin en faisant un sourire sur son visage avec ses index. Je l'ignore et réponds à la question d'Omare concernant le repas de ce soir. Finalement, on réussit à négocier les sushis et Romeo abandonne son programme de remise en forme.
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