Chapitre 28 - partie 1
Je ne comprends toujours pas pourquoi je regarde la première période, sur le banc de notre équipe, au stade des Toffees pour le match amical qu'on joue. Je devrais être sur le terrain depuis quarante minutes car c'est ce qui était convenu. Mais Memphis a décrété que je devais reprendre en douceur. Kim a écarquillé les yeux, Brett lui a rappelé que je jouais déjà avant les vacances et Jonas a croisé les bras. Au milieu des trois, je me suis contenté de bouillonner intérieurement sans rien dire, vu le regard menaçant que m'a lancé Charleston.
Une part de moi se sent soulagée parce qu'elle n'a pas à subir le contact des autres joueurs, les coups d'épaules qu'envoient les Toffees, ou la main que Lael pose sur moi dès qu'il peut. L'autre part crache sa haine à chaque fois que j'aperçois le bulldozer faire son plus beau sourire à Jonas et louper toutes les occasions que j'aurai pris. Je devrais y être.
— Arrête ça.
Je desserre le poing autour de mon sous-pull vert menthe quand Charleston glisse ses doigts sur mon poignet. Dans nos cages, Ness s'étire tranquillement en attendant que nos adversaires s'approchent. Ça s'avère difficile pour eux, vu la rage que met Brett dans ses actions.
Je soupire en fermant les yeux pour ne pas crisper mon dos, mon corps ayant déjà assez mal. L'élastique du short frotte contre les compresses propres et échauffe les plaies. Je vois les coups d'œil que me lance Charleston, inquiet, parce qu'il n'a pas réussi à me dissuader. Jouer dans mon état est une idée débile, voire complètement irresponsable, ça m'éclate au visage maintenant qu'on y est. Sauf que je ne peux pas faire autrement : j'en ai besoin.
— Si tu ne te bouges pas le cul Romeo, je te jure que tu vas laver les carreaux des chiottes un à un au stade !
— A la brosse à dents, coach ? se marre-t-il dans un cri.
Il longe la ligne blanche en trottinant et j'esquisse un sourire, amusé, alors qu'il me fait un clin d'œil. Memphis lui ordonne de la fermer alors qu'Omare éclate de rire avec Brett. Charleston a un petit rire en se penchant en avant, les coudes sur les genoux et mes yeux se déportent sur lui une courte seconde. Trois jours qu'il s'occupe de moi comme si j'étais un pauvre chiot, à soigner mes plaies et s'assurer que je survis. Trois jours aussi qu'il m'en veut, forcément. Mais à aucun moment, il ne m'a trahi : il est resté à sa place à chaque entrainement, ne s'est pas interposé et il n'a rien dit à personne.
Quelques minutes plus tard, la mi-temps est sifflée. Lael agrippe l'épaule de Jonas en sautillant partout : on mène le match deux-un. L'équipe nous rejoint et Kim se laisse tomber sur le banc à côté de moi en attrapant la bouteille que je lui tends. Un merci passe ses lèvres mais je rêve toujours de lui enfoncer mon poing dans la tronche. On fait constamment un pas en avant, deux en arrière et je n'en peux plus d'être une poupée à cause de lui.
— Vous faites les ballerines maintenant ? crache Memphis en cognant l'épaule de Romeo. Bordel, dis-moi quand je t'ai appris à gémir et à te rouler au sol. Jamais, hein ? Alors pourquoi tu l'as fait ?
— Je voulais voir si ça marchait, sourit-il en haussant les épaules. Je suis déçu, parce que non.
— Abruti, grogne le coach. Et toi, c'était quoi ton problème ?
Je fronce les sourcils alors qu'il se tourne vers Jonas. Le capitaine garde les yeux sur ses pompes et je remarque le mouvement que Lael fait, son coude qui frappe doucement celui de Jonas. Mais ça n'a aucun effet, il reste stoïque.
— Oh, Jo ! Je te parle !
— J'ai rien à dire.
— C'est une première, lance joyeusement Ness. Par contre, j'ai deux mots à dire personnellement. Je peux, coach ?
— Vas-y...
— A quel moment tu as pensé que tu devais te tourner le pouce ?
Je suis le premier à me lever et je me glisse entre eux, face à mon capitaine, alors qu'il relève la tête brusquement, enragé. Ness ne se sépare pas de son sourire narquois, ce qui attise un peu plus la colère de Jonas avant qu'il pose ses yeux sur moi. L'arc-en-ciel rit en se rapprochant de mon dos, sans gêne et tout mon corps se tend quand ses doigts se posent entre mes omoplates.
— Je n'ai pas besoin d'un chevalier, murmure-t-il. Vire de là.
— Tu devrais l'écouter, grince Jonas. C'est lui que je vais cogner.
— Personne ne touchera personne, je siffle en affrontant mon capitaine. J'ai envie de jouer la seconde période, c'est clair ?
— Tu as vraiment une priorité des choses qui m'échappent, ricane Ness et je me tourne vers lui. Quoi ? Si Jonas n'est pas concentré, tu ne...
— Ça suffit, Ness.
Et je comprends pourquoi Charleston est levé, ses doigts autour du poignet de Ness, quand je vois la main de l'arc-en-ciel proche de mes côtes. Celles qui sont lacérées, abîmées et qui m'arrachent une grimace dès que Charleston les frôle, quand il les nettoie. Notre trio attire tous les regards, la pression de celui de Memphis pèse plus que les autres sur ma nuque. Pourtant, je ne lâche pas les doigts de Ness des yeux en essayant de noyer la terreur qui naît au creux de mon cœur.
— Max, marmonne alors Charleston. Va t'échauffer avec les perruches.
Je m'apprête à renchérir mais Lael me tire en arrière, les lèvres pincées, et je secoue la tête en le suivant. Je ne veux pas insister alors que Jonas est à cran face au sourire mauvais de Ness, qui s'étire un peu plus quand nos regards se croisent. Puis Memphis claque ses doigts sous ses yeux et l'oblige à s'éloigner du groupe avec lui. Je me vide la tête avec les garçons pour me concentrer sur le jeu et la seconde période qui m'attend.
Et lorsque je me retrouve sur le terrain, derrière Kim et Jonas qui cognent leur poing, je me sens à ma place. Daren a pris celle de Georges en défense et je me suis violemment mordu la langue quand il m'a souri, comme si de rien n'était. Je sens sa présence dans mon dos qui me tétanise. Mais en tournant la tête, je vois d'abord le sourire de Lael qui saute sur place, prêt à tout donner. Le coup de sifflet retentit, nous donnant le top départ pour ces quarante-cinq minutes. L'adrénaline court dans mes veines et je reprends ma place, là où Kim désire que je sois. Son regard parle pour lui, quand il s'assure que je ne suis pas loin.
Les vingt premières minutes passent rapidement, entre les cris de frustration, les tactiques mises en place et les quelques rires que lâchent les perruches. J'arrive à esquiver les corps, les mains, les bras mais je vois que les Toffees sont de plus en plus tendus. Mon numéro sort souvent de leur bouche quand on se rapproche de leur zone de réparation, juste parce que je contre leur défense en deux secondes. Ils ne font pas partie des équipes pour la LO parce qu'ils ont un niveau largement en dessous du nôtre. Non pas qu'on soit les meilleurs mais face à eux, on peut jouer tranquillement sans s'inquiéter.
— Le prochain qui laisse passer le 16, je lui arrache les yeux !
— Ils t'ont dans leur collimateur, me souffle Lael quand je passe à côté de lui. Fais attention.
— C'est bon pour moi, je le rassure en épiant le Toffees qui vient de crier sur ses coéquipiers. Surveille leur capitaine par contre, il a l'air de vouloir te casser la tronche.
— Ce serait une regrettable erreur, si tu veux mon avis. Je suis beaucoup trop beau.
Je hausse un sourcil alors que Lael fait la diva en s'éloignant vers Jonas. On vient de marquer un point et on rejoint notre partie du terrain, dans la bonne humeur. Sauf que mes plaies me tirent, je suis en sueur et je galère à respirer sans avoir l'impression que l'intérieur de mon corps se déchire. Je lève mon pouce vers Brett quand il me demande si ça va puis je prends une inspiration et me place face au rond central, à quelques pas de Kim.
Le ballon est remis en jeu et cette fois, les Toffees se déchaînent. Leur nouvel attaquant vient d'entrer et il est bien plus en forme que moi. Avec ses coéquipiers, ils parviennent à leurrer nos milieux de terrain et je grogne quand un gars en jaune me frôle. Je me glisse rapidement entre Brett et Daren, prêt à défendre nos cages. Derrière moi, Ness tape ses mains l'une contre l'autre dans un bruit étouffé à cause de ses gants. Mon cerveau analyse les mouvements de nos adversaires qui se dirigent vers nous, gênés par Omare et Romeo. Les perruches se retrouvent vite évincées, Daren tente de prendre le dessus mais il se fait ruser sans problème.
Mes jambes agissent dès qu'une opportunité se crée. Je rejoins le tireur adverse, bloque le ballon et le renvoie vers Ishan, plus en retrait, qui se le fait voler par un autre. On se tourne autour deux bonnes minutes pendant lesquelles mon corps me hurle d'arrêter de bouger. J'ai comme l'impression que les compresses ont glissé et ce n'est pas bon signe. Mais si je m'arrête, ils vont marquer. Je grimace soudainement quand mon bras percute celui d'un joueur et que sa main tape ma hanche. Les yeux plissés, je perds le match de vu un instant, et c'est suffisant pour eux.
Le Toffee fait alors une passe à un gars qui est passé derrière moi. Brett est trop loin, Daren pas assez rapide, je suis seul à pouvoir intervenir. La seule solution qui s'offre à moi est de loin la pire mais je ne réfléchis plus. Le canard jaune s'apprête à tirer et je bondis sur mes pieds avant de glisser entièrement sur le sol, les pieds en avant. Mon corps frotte le sol, je gémis alors que des gars crient et mon talon cogne le ballon pour l'envoyer hors du terrain avant que le Toffee tire. Je le vois écarquiller les yeux et sauter pour éviter de me démolir le genou. Je regrette presque qu'il ne l'ait pas fait. Le sifflet retentit pour signaler la faute et je reste sur le dos, la respiration rapide, alors que j'ai affreusement mal. Mon dos est en compote, les coupures sur mes hanches me font un mal de chien et je plaque ma main sur ma bouche, mordant la peau pour retenir le cri qui veut passer mes lèvres.
— Risqué.
Je ferme les yeux quand Ness se penche vers moi. Il faut que je me lève sauf que je suis presque sûr de ne pas en être capable. A tout moment, il y a du sang sur le bas de mon haut. Ness ne me laisse pas le temps de m'en préoccuper, il attrape mon poignet et en une seconde, je suis debout. L'air quitte mes poumons, j'ai la tête qui tourne et je vais vomir.
— Max !
Fais chier. Je repousse Ness d'un mouvement brusque et il fronce les sourcils, son foutu sourire placardé aux lèvres. Je tourne la tête vers Charleston, dont l'inquiétude me transperce. A la limite de franchir la ligne blanche, il tremble alors que ses yeux glissent sur mon corps puis percutent les miens. Je secoue la tête, pour l'interdire de parler, d'entrer sur le terrain. Il pince les lèvres et enfonce ses poings dans la poche de son sweat, l'air furieux. Je ne m'en préoccupe pas plus et jette un œil au panneau : encore dix minutes. Je ne vais pas les tenir. Pas quand je sens que chaque mouvement est une torture, que mon ventre est à l'agonie et que le contact des fringues sur ma peau est en train de me bousiller.
— Ça va ? me lance Omare quand il vient vers nous. T'es tout pâle...
— Je suis en forme, je crache en le dépassant. On a un match à jouer.
Le ricanement sarcastique de Ness tend mes muscles mais je l'ignore en rejoignant Lael et Anton alors que le match a repris. Je me redresse et fronce le nez quand les tiraillements se sont plus violents. Doucement, je passe une main autour de mon taille en replaçant l'élastique de mon short, pour m'assurer que tout est en place. Ça a l'air. Je me mords la langue lorsque je me remets à courir pour suivre Kim. Cette fois, c'est certain, j'ai déchiré certaines plaies qui commençaient à cicatriser.
Mais ça ne m'empêche de me confronter à nos adversaires quand ils tentent de nouveau de marquer. Mon cerveau est une véritable éponge et je suis débordant d'énergie en retrouvant toutes ses sensations. Le contrôle, l'analyse, l'anticipation, la frustration des autres. La rage accompagne mes mouvements et je savoure le regard hargneux que me lance le capitaine des Toffees. Il n'y a que moi qui m'éclate, visiblement.
Je contourne un de ses gars quand on arrive une nouvelle fois dans notre surface de réparation. En un coup d'œil, je remarque la crispation de Ness et en conclus qu'il y a peut-être un problème. Il ne va pas retenir le tir.
— Le 16 !
Je me fige quand mon numéro passe encore la barrière d'un jaune, lancé dans mon dos. Je fais un demi-tour rapide pour m'assurer que mes autres coéquipiers sont à leur place. C'est le cas. Devant moi, Omare essaye de reprendre le ballon au tireur des Toffees et je le rejoins. Ses yeux à lui croisent alors les miens et je ne me souviens pas lui avoir fait quoi que ce soit pour mériter autant de haine. Mais elle est présente dans son regard. Pourtant, je n'en prends pas cas et parviens à bloquer sa passe. Il hurle en dégageant la main d'Omare de son épaule tandis que je m'écarte d'eux. Sauf qu'au bout de trois pas, les cheveux collés à mon front à cause de la sueur, je sens que j'arrive au bout de mes forces. Alors j'envoie la balle à Lael qu'un enfoiré lui vole la seconde d'après. Les mains sur les genoux, je n'arrive plus à suivre le jeu, à respirer. Je vois des points noirs danser, la douleur remonte jusqu'à ma nuque et c'est insoutenable.
— Max, putain !
Je serre les dents en relevant les yeux sur Brett, qui essaye d'empêcher un Toffee de marquer. Tous les gars sur le terrain forment une masse autour de nos cages, où ils essayent tour à tour de prendre la balle. Les Toffees commencent à s'écarter et je me crispe en voyant notre défense faire la même chose. On leur ouvre des putain de portes, là ! Je repousse la douleur et je fonce vers Ness qui me lance des coups d'œil répétitifs.
— Reste concentré ! je lui hurle.
Brett paraît soulagé de me voir lui passer devant mais je me préoccupe surtout de l'attaquant adverse qui vient de récupérer le ballon. Je tente de le ruser mais mes mouvements sont plus longs, moins logiques dû à la douleur. J'évite le contact, je me retiens, j'esquive. Et c'est une erreur que je ne devrais pas faire.
Ce sont eux qui me rusent. L'attaquant me fait un petit pont et passe la balle à son tireur. Je le poursuis, tente de le tacler même si c'est interdit. Il y échappe, comme le ballon qui se retrouve au pied d'un autre jaune. Mais cette fois, Daren et Omare sont là pour défendre Ness et il ne parvient pas à tirer. Alors il renvoie la balle dans ma direction.
Sauf que j'ai oublié le tireur dans mon dos. J'ai oublié comment ils étaient placés parce que mon cerveau n'arrive plus à suivre les mouvements. Alors quand on saute en même temps pour donner un coup de tête, j'écarquille les yeux au contact de son corps qui me propulse en avant. Le coup de sifflet retentit au même instant, je m'étale au sol et Ness réussit à dévier la balle. Les mains plaquées sur l'herbe, je respire mal. Trop saccadé, trop rapide, ma tête s'apprête à exploser.
— Victoire des Racoons ! Trois-deux !
Je grogne pour la forme et serre les poings sur le sol en m'agenouillant. La douleur est de pire en pire. Puis je me redresse entièrement en prenant une inspiration, les yeux fermés. Assis sur mes talons, j'écoute mes camarades rire en saluant nos adversaires. Des mains serrent mon épaule en me félicitant et je hoche juste la tête, les lèvres entre-ouvertes pour respirer.
— Max...
— Aide-moi à me lever s'il te plait, je souffle à Charleston.
J'ouvre à peine les yeux pour le voir secouer la tête mais sa main attrape déjà mon bras et je tiens sur mes jambes par un miracle. Il doit s'en douter parce qu'il ne me lâche pas alors qu'on rejoint notre carré. Jonas, Lael et les perruches me prennent dans leur bras rapidement, accentuant la douleur, Brett me colle une énorme tape dans le dos et Memphis tape dans ses mains avant de nous faire son discours de coach ravi et fier. Je ne l'entends pas, mes oreilles bourdonnent. Tout mon corps est tendu, que ce soit à cause de la douleur ou des sensations qui me flinguent. Je suis incapable de faire la différence entre ce qui est vrai ou imaginé. Je tangue un instant et Charleston attrape mon poignet discrètement. Ce rappel à la réalité me fait serrer les dents et je ne le repousse pas, même si sa peau m'écœure. Je ne ressens toujours rien, alors qu'il était le seul à avoir un putain d'effet. C'était l'unique et même ça, Daren me l'a arraché.
Je contiens difficilement ma rage, les poings serrés alors que mes ongles s'enfoncent dans ma peau. Ça ne soulage pas la douleur, encore moins mes pensées, et je m'éloigne précipitamment dès que Memphis nous ordonne d'aller nous doucher. Charleston ne me suit pas et je claque la porte de la cabine sans dire un mot aux autres. Autour de moi, ils se félicitent, éclatent de rire en allumant l'eau mais je serre juste les dents, le front contre la porte. Je ne peux pas me doucher. Pourtant, je retire lentement mon haut en ignorant le miroir face à moi, au-dessus de l'évier, et enlève mon short aussi. Puis je baisse les yeux sur les bandages qui cachent la misère. Ou qui ne cachent plus grand-chose. Mon cœur s'enfonce dans ma poitrine quand je réalise que les compresses n'ont pas toutes tenues. Celles sur mes hanches sont au sol, et mes doigts tremblent quand je les passe sur ma peau, autour des plaies rouge vif. Je saigne. C'est à peine mieux dans mon dos, les compresses sont brunes et quand je les retire, je suis obligé de fermer les yeux. Les coupures ne sont plus sèches, elles se sont bien réouvertes.
Je ne peux pas affronter ça maintenant. Je ne vais pas réussir à m'en occuper. J'attrape mon sac, le pose dans le lavabo et en sors un pull large que j'ai acheté hier, ainsi qu'un jogging. J'enfile les deux, le pantalon sur le bas de mes hanches et resserre le lien pour éviter qu'il tombe. Je range le reste dans mon sac et sors de la cabine sans attendre. Dans nos loges, Charleston me suit des yeux alors que je le rejoins, Memphis à côté de lui.
— Tu ne t'es pas lavé, remarque le coach en haussant un sourcil. Tu avais le temps.
— Je suis fatigué, je veux juste rentrer.
— Tiens, monte dans le bus. On arrive dans dix minutes.
J'acquiesce en le remerciant et je prends les clefs qu'il me tend. D'un mouvement du menton, Memphis dit à Charleston de m'accompagner. Dès qu'on quitte la pièce, il récupère mon sac et je rebaisse le pantalon.
— Tu n'aurais pas dû te jeter comme ça au sol, siffle alors Charleston. Tu es complètement inconscient.
— Tu pourras me faire la morale quand je n'aurai plus mal ? je marmonne en montant dans le bus avec une grimace.
— Il faut que je le dise à Mem...
— Non ! J'irai mieux dans deux ou trois jours. Là, j'ai juste besoin de dormir.
— Montre-moi.
Je soupire en me laissant tomber sur le banc d'une rangée au fond. Charleston s'accroupit dans l'allée après avoir balancé mon sac à sa place. Lentement, il remonte mon pull et comme toujours, je fixe un point devant moi pour ne pas avoir à affronter l'expression de son visage. Quand il laisse retomber mon vêtement, il ne dit rien et s'assoit simplement sur le banc derrière moi alors que je me recule pour coller mes omoplates à la fenêtre. C'est la seule position dans laquelle le bas de mon dos ne touche rien, et que mon torse n'est pas tiré. Ça allège à peine la douleur, je ne m'endors pas et l'équipe finit par arriver. Je ferme les yeux, les bras croisés sur ma poitrine en évitant comme je peux d'appuyer là où j'ai mal. J'entends Lael râler et il s'assoit à côté de Charleston sans essayer de me décaler. Parfait. S'ils croient que je dors, je ne vais pas leur dire le contraire.
Le retour jusqu'au stade ne me berce absolument pas. Les voix des Racoons non plus. La douleur me tient bien éveillé, la chaleur qui court dans chaque recoin de mon corps aussi. Charleston me secoue doucement quand Memphis se gare et je me redresse en enfonçant mes dents dans ma langue. Le monde se floute, mes jambes sont en compote et je laisse les autres descendre, en faisant semblant de me réveiller. Je passe la main sur mon front en ignorant les vertiges et je parviens enfin à me lever pour sortir du bus. A l'extérieur, les gars sont déjà en train de se séparer pour monter dans les voitures et je papillonne des yeux, avant de constater que Charleston a mon sac sur l'épaule. Il ne cache plus du tout son inquiétude. Il me rattrape quand je trébuche et le regard des perruches glisse sur moi alors qu'ils s'installent dans le tombeau d'Omare. Je les imite, sans grimacer, et pose mon front contre la fenêtre gelée, pour mon plaisir.
Au dortoir, je regarde les escaliers et Ness qui s'arrête sur la première marche, la tête penchée. Mais Charleston ne me laisse pas réfléchir, il tire sur mon bras et me pousse dans l'ascenseur avec les perruches et Lael alors que les portes se referment derrière lui. Je ne proteste même pas et écoute Omare d'une oreille. Mais les mots rentrent et s'effacent, je ne retiens absolument rien. Sur le palier de notre étage, je lève la main vers Lael qui rejoint son appartement et Charleston ouvre le nôtre.
— Je peux rester, si vous voulez, murmure Omare quand il sort de sa chambre, un sac sur l'épaule. T'as vraiment pas l'air bien, Max.
— Je suis juste fatigué, je tente de sourire mais il fronce les sourcils. C'est rien, on se voit demain à l'entrainement.
— Pas de soucis... Tu m'appelles si il y a un souci.
Je soupire quand il glisse ça à Charleston puis la porte se ferme enfin. Je m'assois sur une chaise et retire mon pantalon. Mes yeux tiennent à peine ouvert mais je vois Charleston revenir avec de quoi désinfecter les coupures. Doucement, il m'aide à enlever le pull et je capitule : je ferme les yeux.
— Max, c'est vraiment moche.
— Ça va guérir tout seul, je réponds dans un souffle. On peut faire ça demain ?
— Non, j'ai peur que ça s'infecte. Je nettoie et tu vas te coucher, d'accord ?
Je hoche la tête et tout mon corps se fige quand il pose une compresse sur une coupure. Les doigts enroulés autour de la chaise, je gémis et essaye d'échapper aux doigts de Charleston. La douleur empire de seconde en seconde, les vagues de chaleur qui me traversent vont me faire tourner de l'œil. A la fin, il me porte presque jusqu'à mon lit et je gémis en essayant de me caler confortablement. Sauf que, peu importe comment je m'installe, j'ai mal. Affreusement mal.
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