Chapitre 26

C'est à peine croyable. Il y a deux semaines, j'esquivais mon coach. Ce soir, je suis dans sa cuisine. A couper des champignons. Putain.

— Fais au moins semblant d'être content d'être là, murmure Jonas en se penchant vers moi. Souris !

— Ou ne souris pas, renchérit Memphis en ouvrant le frigo. Tant que t'es sous mon toit, ça me va.

— Je dois comprendre quoi ?

Memphis glisse trois bières sur l'ilot de sa cuisine que Jonas attrape et décapsule. L'idée qu'ils ont déjà fait ça me traverse l'esprit mais je pince les lèvres pour enfouir ma curiosité. Le coach s'accoude à côté de moi et ses tatouages sont plus nettes de près. En haut à manches courtes, il fait baraqué et je m'écrase soudainement. Il ne me terrifie pas plus que ça mais je sais qu'il peut me mettre KO d'un coup.

— Comprends ce que tu veux Max, finit par répondre Memphis. Et coupe les champis mieux que ça !

— Non mais je ne vois pas comment faire ! je râle en le dévisageant, couteau pointé vers les légumes. Je ne suis pas cuisinier ! Ou faites-le !

— Je te nourris, tu cuisines. Tu feras comment quand tu auras ton appart ? Des pâtes, un steak haché et ce sera bon ?

— N'oubliez pas le gruyère, marmonne Jonas dans un rire. Avec du ketchup.

— Ferme-la !

Je lui lance un morceau de champis qu'il réceptionne avant de le croquer, tout heureux. Puis je prends ma bière, bois une longue gorgée et la repose avant de me remettre à couper les légumes. Je ne sais pas comment Jonas a réussi à me trainer ici mais c'est fait. Memphis tinte sa bière contre celle du capitaine en me dévisageant, narquois.

— Tu es lent, ricane-t-il. Même mon filleul fait ça plus vite que toi.

— Encore un mot et je repars.

— N'importe quoi, s'amuse Jonas. Tu n'iras nulle part. Coach, dites quelque chose !

— File-lui un coup de main Jo, se marre Memphis en sortant de la pièce.

Je n'hésite pas une seconde avant de tendre les carottes à Jonas et un couteau. Il se décale pour attraper l'autre planche à découper et face à face, on continue de préparer l'apéro. Mes yeux survolent pour la quinzième fois la pièce, histoire d'être sûr de n'avoir loupé aucun élément. Une petite maison à étage, de l'autre côté de la ville, à l'opposé de l'orphelinat. Un jardin avec une niche pour son berger allemand et des arbres fruitiers un peu partout. Jonas a ouvert la porte sans toquer et on a traversé un petit hall avant d'entrer dans un salon immense. Le canapé, la télé, la table et les six chaises autour. Une déco simpliste dans les tons taupe et béton. Puis Memphis est sorti de sa petite cuisine où on peut à peine bouger à cause de l'ilot central. Mais elle est pratique, jolie et j'ai été étonné de voir qu'il a des goûts. Les escaliers montent à l'étage et j'ai refusé de suivre Jonas quand il a proposé de me faire visiter. Je ne veux pas plus m'insinuer dans la vie intime de Memphis au risque qu'il me demande de raconter la mienne.

— C'est vraiment si affreux d'être ici ce soir ?

— Ça aurait pu être pire, je marmonne en ignorant son regard. T'as eu les autres gars ?

— Charleston a rejoint les perruches et Lael ce matin. Je crois que Brett a proposé à Ishan, Daren et d'autres de les rejoindre ce soir s'ils sont pas trop loin, continue Jonas et je hoche la tête. Kim reste avec sa famille et pas de nouvelles de Ness.

— Tout le monde est bien occupé.

— Et vous, vous glandez ! Comment j'ai pu croire que mon meilleur buteur et son petit cavalier étaient des rapides ?

Je jette un regard dédaigneux à Memphis alors qu'il sort une assiette de fromages. Je finis mon dernier champignon et pousse les morceaux vers le coach pour qu'il s'en débrouille. Je récupère ma bière et les écoute d'une oreille discuter des papelards qu'il a filé à Jonas. Je reprends le couteau de mon coéquipier quand il manque de se couper et termine de faire les carottes. Je sens le regard de Memphis mais j'arrive à en faire abstraction. Ce n'est peut-être pas horrible d'être chez lui, ça reste quand-même le type qui a lu à travers moi en un après-midi. Je préfère ne pas voir jusqu'à quel point il peut comprendre que ça déconne dans ma tête.

— Au fait, Max, tu es toujours d'accord pour reprendre du service à partir de la semaine prochaine ?

— Je préfère ça au banc. Etonnant, non ?

— Il a la forme ce soir, rit Memphis en posant sa main sur l'épaule de Jonas quand je réponds avec ironie. Et j'ai comme l'impression que tu recommences à supporter ma présence.

Je me tends. Ness ne lui a rien dit, Jonas n'aurait eu aucune raison de lui parler aussi. Fais chier, il a aussi un sixième sens ? C'est sûrement pour ça qu'ils s'entendent aussi bien, tous les deux. J'ouvre la bouche, pour tenter de me défendre, sauf que Memphis lève la main et tient de deux doigts sa bière en m'indiquant de me taire.

— Pas besoin de te justifier Max. C'est ton droit de ne pas m'apprécier et très franchement, tant que c'est moi et pas un gars de l'équipe, ça me va.

— C'est pas ça, je commence mais il sourit en m'arrêtant.

— Je veux quand-même que tu entendes ça : tu es un Racoon, tu es un de mes gars et je te protégerai, comme je l'ai fait avec les autres. Si tu as besoin de quelque chose, je suis là. Ma porte est ouverte.

— Vous comptez me filer une clef pour celle la aussi ? je crache et il hausse un sourcil. Après le toit, votre maison.

— Ce n'est pas pareil, il souffle en reposant sa bière. Ma maison, c'est mon aide que je te propose. Le toit, c'est avec les garçons que tu es.

— Pour qu'ils me surveillent. C'est pour ça que Ness me colle, hein ?

Memphis fronce les sourcils et l'étonnement étire le visage de Jonas. J'ai envie de croire Ness, de lui faire entièrement confiance. Sauf qu'une part de moi a connu ça et ne s'en est pas encore relevée. Je ne risquerai pas ma santé mentale, et l'équipe par la même occasion, pour une question de confiance qui n'existe que dans ma tête. J'ai besoin que le coach me dise la même chose que Ness, qu'il m'assure qu'il n'a rien à voir avec ça, que son objectif n'est pas de me mettre sous surveillance.

— Non, lâche enfin Memphis en plongeant son regard dans le mien. C'est seulement dans le but de t'offrir une échappatoire, le jour où tu étouffes, où tu sens que tu as besoin de partir. Je préfère savoir que tu peux y monter quand tu veux, pour hurler ou seulement sombrer, que d'apprendre un matin que mon libéro s'est tiré sans un mot.

— Pourquoi je partirai ?

— Tu n'en as jamais eu envie ?

Je baisse les yeux sur le couteau dans ma main alors que les souvenirs de la première fois que je suis monté sur le toit glissent sournoisement dans mes pensées. J'ai failli me casser d'ici ce soir-là, si je n'avais pas vu la clef pendre au bout de mes doigts. J'aurai pu disparaitre pendant un moment, pour me ressaisir, mais je suis resté. J'ai rejoint le toit et je me suis sauvé de mes pensées, grâce à Ness.

— Seulement pour ça ? je chuchote en attrapant la dernière carotte. Une échappatoire ?

— C'est l'unique raison. Ness ne te surveille pas pour moi, ni Charleston, ni Jo, ni aucun autre. Je prends soin de mes gars, je ne les espionne pas.

Il recule vers la porte et je lève mes yeux pour tomber dans les siens, déterminés. Il se pince les lèvres une seconde, jette un regard à Jonas qui respire à peine puis revient à moi.

— Mais j'aimerai que tu me parles si tu as un problème.

— Merci...

Il acquiesce à mon semblant de murmure et sort de la pièce avec un sourire. Je fuis le regard de Jonas qui rit doucement en se penchant sur l'ilot, les coudes appuyés dessus.

— Rassuré ?

— Va te faire voir.

— Rassuré donc, se confirme Jonas à lui-même.

J'esquisse un sourire parce qu'il a raison. Les battements de mon cœur se sont calmés, je me sens plus serein qu'à mon arrivée et je prends seulement conscience que j'appréhendais cette discussion. J'avais peur de me retrouver avec Memphis et d'apprendre qu'en effet, il se servait de Ness. Il a vu que je pouvais vriller à tout moment, il l'a constaté au dernier match et je ne pourrais pas lui mentir. Mais il n'a pas cherché d'explications, il ne m'a pas posé de questions. Il se contente de ce que je lui donne, du peu qu'il récolte en me regardant ou en m'écoutant.

Jonas me sort une autre assiette dans laquelle on met les légumes puis il attrape les paquets de conneries à grignoter sur le plan de travail avant de sortir de la cuisine. Je lui emboîte le pas, ma bière entre les dents et les deux assiettes dans les mains. On pose le tout sur la table basse tandis que Memphis est assis dans le canapé, sur son ordi. Jonas prend la place à côté de lui et je m'assois sur un des deux pouffes, mis de chaque côté de salon. La cérémonie du nouvel an passe à la télé et je regarde l'heure rapidement. Dans un peu moins de deux heures, on change d'année.

Le coach me donne ensuite son ordi et je le pose sur le meuble de la télé. Je suis alors surpris par l'aisance avec laquelle Jonas et lui se parlent, la facilité qu'ils ont de rigoler et de partager des anecdotes avec moi. La soirée que je pensais ignoble est finalement sympa. Les cadavres de bières s'entassent à mes pieds, sous la table pendant qu'ils me racontent tout ce qu'ils leur passent par la tête au sujet de l'équipe, de leurs précédents matchs, des trajets... Ma curiosité les aide à délier leurs langues et je souris tout au long du repas. Memphis n'est plus le coach dur et froid de mes entrainements, il est un autre : plus détendu, plus mesquin, plus détaché de son titre de sportif. On est sur un pied d'égalité et je n'ai aucun mal à comprendre pourquoi Jonas l'a suivi, pourquoi il a cru en ses rêves utopiques, il y a quatre ans. C'est la cinquième année de vie des Racoons et ils peuvent être fiers de l'équipe qu'ils ont monté.

Je ne vois même pas le temps défiler jusqu'à ce que Jonas monte le son de la télé et que le décompte résonne dans la baraque de Memphis. Nos voix se superposent sur toutes celles qui sortent des enceintes et Jonas m'attrape le bras pour me tirer vers lui quand on arrive à zéro.

— Bonne année ! Et elle va être bonne car on va botter le cul des autres équipes et gagner la LO !

— Bien parlé Jo !

Mon sourire éclate alors que j'attrape la main du coach et le laisse m'enlacer une courte seconde. Puis nos téléphones sonnent et j'envoie un message collectif à l'équipe pour leur souhaiter la bonne année. Memphis décroche son portable en s'éloignant de nous et Jonas fait un message vocal à Lael auquel je me joins. Sa réponse fait rire Jonas parce qu'ils sont tous bourrés et qu'on comprend à peine ce que raconte Romeo.

— Max ?

Je me tourne vers Memphis qui me tend son téléphone au moment où Jonas passe carrément en appel vidéo avec les perruches, Lael et Charleston. Je grimace mais prends le portable du coach en saluant mes coéquipiers. Puis je m'éloigne dans la cuisine lorsque Memphis hurle à son tour pour saluer les garçons.

— Alors comme ça, tu es chez Memphis ?

— Ness ?

— C'est moi, ricane-t-il et je roule des yeux en ouvrant le frigo pour prendre une bière. Je ne m'attendais pas à t'avoir. Qu'est-ce que tu fais chez Memphis ?

— Il nous a invité, avec Jonas, je marmonne en me battant pour décapsuler ma boisson. Je n'ai pas eu le choix de venir en réalité.

— Et tu ne t'es pas enfui ? Je suis surpris.

Je réussis à ouvrir ma bière et je jette la capsule à la poubelle avant de m'asseoir sur l'ilot. Les jambes qui battent dans le vide, je me rends compte que je suis content d'entendre Ness. Un petit rire lui échappe et je bois une gorgée avant de lui répondre.

— Je l'ai accusé de se servir de toi, je souffle en me mordant la lèvre. J'avais besoin d'être sûr.

Il soupire et je tapote mes ongles contre le goulot de ma bouteille.

— Ok. Et tu me crois maintenant ?

— Je te fais confiance, Ness.

Je n'ai pas besoin de le voir pour être certain qu'il sourit, avec son air narquois.

— Ravi de l'entendre, il chantonne. Oh, attends.

Je fronce les sourcils alors qu'il parle à quelqu'un d'autre, tout en buvant ma bière. Dans le salon, j'entends encore le rire de Jonas, la voix de Memphis gronder Omare et j'esquisse un sourire sans bouger de la pièce. Si le coach veut récupérer son portable, il viendra le chercher. Mais je ne veux pas raccrocher tout de suite avec Ness.

— Ma sœur avait besoin d'aide.

— Ta sœur ? je répète, surpris. Depuis quand ?

— Depuis toujours.

— Pourquoi tu n'en as jamais parlé ? je demande en ignorant le sarcasme dans sa voix. Tu n'as rien dit quand on a demandé qui allait où.

— Elle t'intéresse ? s'amuse Ness et je ferme les yeux, blasé.

— Pas du tout, je suis juste curieux.

— Seulement ça ? Ou tu n'oses pas dire la vérité ?

— Laisse tomber, je marmonne en prenant une énième gorgée. Je te repasse Memphis.

— Je n'en parle pas parce que ça ne regarde personne. Je te l'ai dit : c'est une histoire de confiance, le troisième. Je livre ma vie seulement si je le veux.

Je saisis le sous-entendu rapidement mais Ness ne me laisse pas le temps de réagir.

— Elle s'appelle Elora. Je passe toutes mes vacances chez elle, la plupart du temps.

— C'est ta grande sœur ?

— Ce sont les filles plus âgées qui t'intéressent du coup ? ricane Ness et je soupire. D'accord, d'accord... Ma grande sœur oui.

— Vous êtes proches.

— Tu affirmes ça pour quelle raison ?

— Du fait que tu passes deux semaines chez elle, je réponds honnêtement. J'ai tort ?

— Toujours aussi surprenant, le troisième...

— Je suis un divertissement, c'est mon devoir.

— Tu as peut-être un peu trop bu aussi, lance Ness dans un rire moqueur. Une soirée avec Memphis et tu deviens un déchet.

— Faut que je te pose une question.

Je ne m'attendais pas à ce que ma voix sorte aussi distante. Ça a coupé Ness dans sa phrase et il ne rit plus. Il n'y a plus que sa respiration qui résonne dans mon oreille. Puis il me dit d'y aller et je me mords le bout du pouce en laissant ma bière à côté de ma cuisse. Mes pensées s'emmêlent alors que je ne sais plus comment formuler ma phrase. Ça trotte dans ma tête depuis quelques jours et j'ai besoin d'une réponse. Je finis par soupirer et je me lance :

— Pourquoi tu veilles sur moi ? Attends. Ce n'est pas juste ça, je reprends quand il inspire. C'est...

— Je sais ce qu'il y a derrière ta question, me coupe Ness. Pourquoi je le fais ? Pourquoi Memphis passe après toi ? Qu'est-ce qui me pousse à briser tes limites ?

— Ness...

— Je ne veux pas répondre à ta question au téléphone. Tu peux attendre que je rentre ?

— Quand ? je souffle en me penchant en avant.

— Je te manque tant que ça ?

Je regarde la porte du frigo et laisse le silence s'installer alors que son rire narquois s'estompe. Personne ne m'a jamais vraiment manqué, à part Kim. Je ne sais pas ce que c'est d'avoir besoin et envie que l'autre soit là. Ce que j'avais avec Kim était à part, et n'est pas comparable avec tous mes autres relations. Alors je ne sais pas quoi répondre à Ness, parce que j'aimerai qu'il soit là. C'est plus simple de le savoir pas loin de moi, prêt à intervenir quand je me tourne vers lui. C'est oppressant de le chercher dans les escaliers du dortoir, en paniquant parce qu'il n'est pas là, jusqu'à ce que je me rappelle qu'il est parti. Même quand je l'évite, il y a toujours ses yeux qui me suivent, qui me rassurent car il me garde à l'œil. Parce qu'il tient sa promesse silencieuse.

— Je rentre dimanche soir. Réserve-moi ta soirée et achète une bouteille. Tu me repasses Memphis ?

— Ouais, je souffle en descendant de l'ilot pour rejoindre le salon. Coach ?

Memphis me lance un sourire par-dessus le dossier du canapé alors que son ordi est déplié sur la table basse et que la tête des perruches est en gros plan sur l'écran. Mon cœur s'emballe alors qu'ils me saluent en hurlant et j'indique le téléphone au coach qui se lève.

— Je te le repasse, je lance à Ness.

— Merci. Et...

— Bonne année Ness.

Je l'entends à peine me le souhaiter en retour alors que Memphis récupère son portable et monte à l'étage. Je le suis des yeux dans les escaliers puis je capitule et m'affale dans le canapé à côté de Jonas, dont les yeux pétillent de bonheur. Un sourire flotte sur mes lèvres, Charleston lève son verre dans ma direction alors que Lael me hurle presque dans les oreilles. Même à plus de cinq cents kilomètres, et à travers un écran, j'ai la sensation qu'il est à côté de moi avec son bras sur mes épaules.

J'aimerai que ce soit le cas. Passer le nouvel an avec les perruches qui rient en me lançant des défis plus décalés les uns des autres, sous le regard de Charleston qui calme les ardeurs d'Omare quand il part trop bien. Partager un verre avec Lael en essayant de l'humilier au billard, pour le voir râler. La compagnie de Memphis n'est pas aussi horrible que je le pensais, mais j'échangerai cette soirée pour être avec eux. Et ça, sans aucune hésitation. Est-ce que c'est ça le manque ? J'en sais rien. Mais ça fait une dizaine de jours que je ne les ai pas vu et il me tarde dimanche, qu'ils soient rentrés et que Romeo nous prépare à manger pendant qu'Omare nous sert à boire.

Et de ne pas savoir si ça signifie qu'ils me manquent me perturbe, même quand on rentre au dortoir, à presque cinq heures du matin. Memphis nous a laissé partir seulement après avoir fait soufflé Jonas dans un éthylotest et je suis resté bouche-bée un moment. Maintenant que je suis allongé dans mon lit, j'attrape mon portable et constate que j'ai une foule de messages. Les gars en visio ont accaparé toute mon attention puis, quand on a raccroché, c'est Memphis et Jonas qui m'ont captivé. Même si mes pensées partaient en tout sens, je n'ai pas retouché à mon portable et j'ai donc oublié d'envoyer un message aux jeunes du centre, qui, eux, n'ont pas oublié. Je leur réponds, renvoie un message à Lael pour lui rappeler de s'arrêter de boire puis j'ouvre le dernier texto qu'il me reste. Numéro inconnu. En le lisant, je n'ai aucun mal à savoir de qui il vient.

Pour qu'on soit sur la même longueur d'onde : je ne te fais toujours pas confiance. Bonne année, le troisième.

Ness. S'il me parle de sa sœur alors qu'il ne le fait pas devant les autres, c'est pourtant bien pour cette raison : une part de lui sait qu'il le peut. Il ne l'admet pas, je m'en fiche, mais ça me suffit qu'il me partage ce bout de lui. Mes doigts tapent déjà une réponse et je suis surpris quand il répond dans la seconde.

On en reparlera. Bonne année à toi aussi, Ness

Tu peux courir (:

Tu ne me manques vraiment pas

Je n'ai pas réfléchi en envoyant cette dernière réponse et plus les secondes s'égrènent, plus je me crispe. Je ne déteste pas Ness mais dire que je l'apprécie est peut-être exagéré. Sauf que je me suis habitué à sa présence, je suis rassuré quand il est dans la même pièce que moi. Et ça me frustre d'avoir à l'admettre. Il a fait craquer mes barrières, il m'a poussé à bout plusieurs fois pour obtenir ses réponses et je ne suis même pas foutu de le haïr pour ça, alors que j'aurai démoli un autre s'il avait agi ainsi. Mais Ness a le pouvoir, il a le contrôle et il le sait.

Si seulement c'était vrai...

Je repose mon portable sur ma table de chevet sans lui envoyer de réponse et passe une main dans mes cheveux. Il faut que je demande à Ishan de me les couper, quand il rentrera. Je ferme les yeux, tente de m'endormir, de penser à autre chose qu'à Ness, au bulldozer, à Kim dans sa famille. Je ne veux pas me torturer mais ma tête est pleine de ce bordel qui me ronge de nouveau. Seul, je ne peux pas me débarrasser de ces pensées empoisonnées.

Je finis par me lever et j'enfile mes chaussures avant de prendre mes clefs et de sortir sur le toit. L'air gelé me frigorifie, je m'assois au bord avec les coudes sur la rambarde avant de soupirer. Les yeux baissés sur le vide, j'évite de penser en me concentrant sur mes doigts qui tremblent à cause du froid. C'est long, ça m'épuise mais à un moment donné, je suis tellement engourdi que je peux seulement garder les yeux ouverts et regarder les étudiants revenir de leur soirée de nouvel an, bourrés, dans les allées du campus pour rejoindre leur dortoir.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top