Chapitre 25 - partie 2

Je suis affalé sur l'herbe trempe du terrain, sous la pluie battante, quand la voix de Memphis me fait tourner la tête, les yeux plissés pour le voir à travers les gouttes d'eau. A l'abri sous le hall, ses mains en porte-voix, il me hurle dessus.

— Tu vas chopper froid, imbécile ! Rentre immédiatement !

Pour l'emmerder, je fais bouger mes bras sur le sol, comme lorsqu'on fait des anges dans la neige. Je ne sais pas quelle expression il affiche, il est trop loin, mais le majeur qu'il lève m'indique clairement qu'il est en colère. Je soupire et ferme les yeux, me réinstallant correctement sur l'herbe. Elle est fraiche, je suis gelé et c'est exactement ce qu'il me faut pour calmer les fourmillements.

— Mais tu as quel âge ? Trois ans ?

— T'as passé un bon week-end ? je réponds à Jonas sans bouger.

— Ça va. J'ai oublié de te prévenir que je rentrais plus tard que prévu, désolé.

J'ouvre un œil quand la pluie arrête de s'abattre sur moi et pince les lèvres à la vue du parapluie noir, où un smiley sadique me sourit. Puis je croise le regard amusé de Jonas qui s'est accroupi à côté de moi.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je me suis entraîné, je marmonne en relevant la main sur mes cheveux. Il est quelle heure ?

— Dix-huit heures et quelques.

— D'où le fait qu'il fasse presque nuit noire.

Jonas acquiesce et j'accepte la main qu'il me tend pour me lever. En trainant les pieds, on rejoint le coach qui n'a pas bougé, les bras croisés. Ses yeux me foudroient mais je me contente juste de retirer mon sous-pull et d'enfiler le sweat sec que j'ai laissé traîner sur un des bancs, dans le hall.

— C'est peut-être les vacances, mais ce n'est pas une raison pour tomber malade.

— J'habitue mon corps à la rue.

Mon capitaine étouffe un rire en plaquant sa main sur sa bouche et j'esquisse un sourire en croisant le regard de Memphis. La touche d'humour ne lui plait pas, tout comme je déteste le fait qu'il s'immisce dans ma vie sans y être invité. Qu'il se serve ou non de Ness n'enlève pas le fait qu'il a compris que quelque chose déconnait chez moi. Je n'ai aucune envie de lui montrer mes faiblesses, de lui offrir le moindre indice.

— Tu as raison, c'est sûrement la seule solution qui s'offre à toi.

J'écarquille les yeux, plus que surpris, mais je n'ai pas le temps de le remballer qu'il se tourne vers Jonas et lui tend une petite pile de papiers.

— Les infos pour la suite de la League One, les statistiques des autres équipes, mais il n'y a pas encore la liste officielle de celles qu'on pourrait affronter, explique Memphis quand il hausse un sourcil. Ce ne sont que des estimations donc on ne s'emballe pas. Sinon, vous faîtes quoi pour les fêtes ?

— Je retourne chez ma tante pour Noël, sourit Jonas en feuilletant les pages. Rien de prévu pour le nouvel an encore. Et toi, Max ?

Je croise son regard et enfonce mes poings dans mes poches. Je sais où je passe Noël et ça ne me dérange pas de lui dire, mais devant Memphis ? Pour lui donner la satisfaction d'en connaitre un peu plus sur moi ? Quelle horreur. Pourtant, j'inspire et me résous à dire la vérité, parce que je le dois à Jonas.

— Au centre, Margareth me l'a proposé pour Noël.

— Je passerai vous voir en fin d'après-midi dans ce cas ! s'exclame Jonas. Les gars m'ont harcelé par message pour savoir quand je revenais.

Ouais, ils m'ont envoyé pas mal de textos aussi. J'acquiesce simplement lorsque je sens le regard de Memphis peser sur moi puis Jonas se tourne vers lui.

— Et vous, coach ? Avec Selena et votre filleul ?

— Exact. Vous n'avez rien de prévu pour le nouvel an ? demande le coach en nous dévisageant tour à tour et Jonas secoue la tête. Pourquoi vous ne venez pas à la maison ? Ce sera mieux qu'ici ou dans un bar, avec les tarés qui trainent.

Je veux refuser mais Jonas m'en empêche, son bras sur mes épaules et sa main plaquée sur ma bouche. Memphis ricane quand je grogne.

— C'est avec plaisir coach, on sera là !

— Parfait. Ramenez juste de quoi grignoter, j'aurai ce qu'il faut pour prendre un verre. Ou deux.

— En plus d'y aller, je dois payer à bouffer ? je parviens à marmonner. Je suis pas un pigeon !

— Tu n'as plus le choix, se marre Jonas en me retenant contre lui. Passez un bon Noël, coach !

— Vous aussi les garçons ! On se voit la semaine prochaine !

Je tente de me dégager de la prise de Jonas pour envoyer balader Memphis mais il s'éloigne dans le couloir en nous faisant signe de la main. Dès que la porte de sortie claque, Jonas me relâche, toujours en riant et je lui balance mon haut trempé au visage.

— Espèce d'ordure ! J'ai aucune envie de passer la soirée avec lui !

— J'ai bien compris, se marre le capitaine. Tu le fuis comme la peste !

— Et tu t'es dit que c'était une bonne idée du coup ? je fulmine et il hausse les épaules.

— Je pensais surtout que ce serait mieux que se retrouver tous seuls dans le dortoir.

— Personnellement, ça m'allait très bien !

— C'est quoi ton problème avec Memphis ? souffle alors Jonas en croisant les bras. Il est loin d'être un connard.

— Je l'aime pas.

Jonas ne dit rien pendant une seconde, en attendant que je rajoute quelque chose. Sauf que je ne vois pas ce que je pourrais expliquer : ça ne passe pas, pour une multitude de raisons qui ne regarde que moi. Mais Jonas doit avoir un sixième sens parce que son regard s'illumine brusquement et je sais qu'il vient d'additionner deux plus deux.

— Tu lui en veux pour la clef du toit, parce que Ness a fini par t'expliquer pourquoi tu l'as.

— Entre autre, je marmonne.

— Memphis fait juste gaffe à ses gars, n'y vois rien d'autre que ça.

Je plisse les yeux en détaillant les rougeurs qui apparaissent sur ses joues. Cet abruti vient de se vendre en une phrase et il s'en rend compte. Il m'a dit qu'il ne savait pas ce qu'elle signifiait mais il s'est bien payé ma tête.

— Ok, je sais que je t'ai menti, s'explique vivement Jonas, mais c'était contre ma volonté ! Memphis savait que tu te méfiais déjà de lui alors il a refusé que je t'explique pourquoi je devais te la donner.

— Et Ness ? Pourquoi il me l'a dit, lui ?

La vraie question est : est-ce que déjà, à ce moment-là, il ignorait les recommandations de Memphis pour veiller sur moi ? Pourquoi il me l'a dit, en sachant très bien que le coach ne le voulait pas ? Il est évident que s'il a demandé à Jonas de se taire, il a fait la même chose avec Ness. Mais personne ne lui dicte quoi faire...

— Ça, j'en sais rien, marmonne Jonas. Je pensais vraiment qu'il ne te dirait rien, vu qu'il applique à la lettre ce que lui dit Memphis d'habitude.

— Génial ! En plus d'un coach qui se méfie autant de moi que je me méfie de lui, je dois me taper le coéquipier qui fait des trucs complètements illogiques ! je râle en récupérant mon haut au sol. Je vais devenir dingue.

— Memphis ne se méfie pas de toi.

— Oh, alors c'est quoi ? je ricane. De l'inquiétude ? C'est sûr, étant donné qu'il veut gagner.

— Tu le détestes à ce point ?

Je secoue la tête en entrant dans les vestiaires, Jonas sur les talons. J'enfile mon manteau et récupère mon sac avant de le suivre dehors. Je ne réponds pas jusqu'à ce qu'on soit sur le parking. Je monte dans sa jeep et plaque mes mains sur le chauffage dès qu'il l'allume. Je vais vraiment réussir à chopper la crève.

— Laisse-lui une chance au nouvel an, soupire alors Jonas en nous ramenant au dortoir. Il a sorti la plupart des gars de leurs galères sans rien demander en retour. Il ne t'obligera jamais à parler donc fais un effort. Pas pour lui, mais pour moi dans ce cas.

Je serre les dents et me contente de regarder à travers la vitre. Quel enfoiré, de se servir de lui comme moyen de pression. Il sait que je lui dois beaucoup, pour me sauver la mise avec le bulldozer à chaque fois que j'ai l'impression d'être au pied du mur. Il sauve les apparences, et ma misérable vie au passage.

Jonas change totalement de sujet quand il comprend que je ne dirais pas un mot de plus concernant Memphis et son invitation. C'est comme ça que je me retrouve assis devant la table-basse de son appartement, en train de dévorer des sushis, alors qu'on étudie les statistiques des autres équipes. Rien d'extravagant mais ça me permet d'éloigner tout ce qui tourne dans ma tête depuis que Kim a pris son vol. Jonas est ma porte de sortie et je la prends avec plaisir pour souffler un coup.

Je passe le début de la semaine à traîner avec lui, au stade et au centre. Puis Noël arrive et je me retrouve au centre Marie-Elizabeth, le cœur léger. Assis sur un des sièges en osier du jardin d'été, je souris à Margareth en serrant mes doigts autour de la tasse à café. Les quelques éducateurs qui travaillent aujourd'hui sont dehors, avec les plus petits du centre. Il n'a pas neigé mais ça ne les empêche pas de s'éclater tous ensemble dans une chasse au trésor.

Les genoux remontés contre mon torse, je profite de la chaleur de l'intérieur en attendant que Jonas arrive. Il ne devrait plus tarder et les jeunes sont déjà sur le terrain, à s'échauffer en espérant que ça les aide à l'humilier. Ils peuvent continuer de prier un peu, ça ne leur fera pas de mal.

— J'ai cru comprendre que vous avez été sélectionnés pour faire les quarts de finale. Félicitations !

— Merci, je souris à la directrice. Ce n'est pas encore officiel mais on est premier de notre groupe, donc on ne s'inquiète pas trop.

— Tu as vraiment l'air plus épanoui.

En même temps, ça fait quatre jours que je n'ai pas l'impression d'avoir l'épée de Damoclès au-dessus de la tête. Le bulldozer est à l'autre bout du pays, je ne croise pas Kim à chaque seconde et je me sens serein. Loin des problèmes, loin de ce qui réveille les souvenirs.

— Je commence à trouver ma place.

— A la retrouver aussi, murmure Margareth en croisant mon regard. Tu n'as pas eu besoin de m'en parler pour que je remarque à quel point ça te rendait vivant, de partager à nouveau le terrain avec Kim.

Je baisse les yeux sur mon café. Mike et Pedro ont suivi tous nos matchs et ils m'ont sorti la même connerie, quand on a réussi à se retrouver tous les trois pour boire une bière, il y a quelques jours. J'avale une gorgée pour retarder le moment où je suis censé répondre à Margareth. Je dois lui dire quoi ? Qu'elle a raison, que j'ai retrouvé un sens à ma vie quand je suis avec Kim, sur le terrain ? Mais à quel prix, il est là mon problème. Je me rembrunis immédiatement et m'enfonce dans le coussin.

— Ça ne se passe pas bien ? demande Margareth qui n'a pas loupé mon changement d'humeur.

— Si. Bien sur que si, sinon je serai parti, je souffle en glissant ma main dans mes mèches qui redeviennent trop longue. C'est juste que... Tu savais qu'on lui avait interdit de me voir ? Il y a deux ans.

Je me suis senti obligé de préciser mais Margareth connait l'histoire sur le bout des doigts. C'est elle qui est venue me sortir de l'horreur, lorsque la vérité a éclaté. Elle m'a récupéré et m'a enfermé ici pour me protéger de tous ceux qui me demandaient de rendre des comptes, de parler, de raconter l'histoire. Elle m'a tenu la main, elle m'a soutenu, elle a eu confiance en moi. Elle m'a aidé à éviter le pire.

— Je le savais, oui, souffle-t-elle. Je suis désolée, j'avais essayé de les dissuader de faire ça mais l'inspecteur n'a rien voulu savoir...

— Donc tout le monde a préféré me dire que c'était Kim qui refusait de me voir ? Pourquoi ?

— Pour t'empêcher de t'enfuir d'ici et d'aller le retrouver.

La vague de rage qui éclate en moi me fait grincer des dents mais je me retiens d'exploser. Ce n'est pas Margareth qui a pris cette décision, c'est écrit sur les traits désolés de son visage. Elle aurait voulu que les choses se passent autrement. Sauf que cette putain d'équipe en charge de mon dossier a été pourrie du début à la fin. Ils m'ont tout retiré et n'ont pas cédé à une seule de mes demandes.

— Vous en avez parlé, Kim et toi ?

— On évite le fond du sujet, je réponds en souriant en coin. Quand je l'ai déposé à l'aéroport, il m'a dit comme il l'avait vécu. Je crois qu'on lui a aussi menti...

— Tout le monde essayait de vous protéger.

— Ils nous ont juste bousillé, je réplique et elle hausse un sourcil. Ne me regarde pas comme ça. Tu sais que c'est vrai : je n'étais plus rien et de son côté, ce n'était pas mieux.

— D'accord. Et toi, tu lui as dit comment tu avais vécu ces derniers mois ?

— Non.

Jonas me sauve de cette conversation en entrant dans la pièce, un sourire immense aux lèvres et le téléphone à l'oreille.

— Attends Kim, il lance dans le combiné avant de le baisser et de me prendre dans ses bras rapidement puis de passer à Margareth. Joyeux Noël ! Je suis à toi dans deux minutes.

J'acquiesce quand il s'écarte mais il revient tout de suite en posant son portable sur mon genou et je remarque qu'il a mis le haut-parleur.

— Tu es où ?

— Avec Max, je t'ai mis en haut-parleur, répond Jonas. Plus simple.

— Max ? répète Kim et j'entends la perplexité dans sa voix. Mais c'est Noël...

— Joyeux Noël d'ailleurs, je souffle en roulant des yeux.

— Toi aussi. Mais qu'est-ce que vous faîtes ensemble ? Tu n'es pas au cen...

Il s'arrête de lui-même quand il réalise que Jonas écoute aussi. Je me crispe en constatant que les sourcils de mon capitaine se froncent alors qu'il regarde son portable. Derrière lui, Margareth a un sourire aux lèvres et elle boit son café, les yeux posés sur les enfants dehors.

— Finis ta phrase Kim, il n'est pas où ? marmonne Jonas. Au quoi ?

— Au dortoir ! Ou chez Memphis, ou...

— Laisse tomber, je le coupe. Jonas est avec moi au centre, ça fait déjà plusieurs fois qu'il vient.

Le silence froid qui remplit la pièce fait disparaitre le sentiment d'euphorie qui me gagnait. Jonas a les yeux fermés, les mains enfoncées dans ses cheveux, et j'entends à peine Kim respirer. Mais il finit par reprendre la parole, sous le choc :

— Il sait que tu vis au centre ?

— Depuis presque deux mois, je confirme.

— Il sait aussi pour tes parents ? Attends, ça veut dire qu'il a rencontré Margareth, Mike, Pedro et les autres ?

Margareth a un petit rire et je la fusille du regard. Ce n'est franchement pas drôle et je redoute carrément la réaction de Jonas qui ne bouge plus d'un iota. Il va exploser dans peu de temps.

— C'est ça, je murmure incertain. Mais je crois qu'il a aussi compris qu'on se connaissait déjà avant.

— Oh. Tu crois ? grince Jonas avec ironie. Putain, vous me prenez pour un con depuis le début !

— On avait nos raisons ! réplique Kim. Et personne ne t'a pris pour un con, on s'était mis d'accord pour ne rien dire.

— Mais tu viens de faire une méga boulette, je râle alors que Jonas se relève. Kim a raison, on ne voulait pas en parler parce que...

— Je m'en fiche. Mais il a été ignoble avec toi quand tu es entré dans l'équipe alors que ça a clairement l'air d'être ton pote depuis des années !

C'est là que ça bloque. Quand Jonas réalise qu'on n'a perdu la voix, c'est Margareth qui intervient. Elle repose sa tasse sur la table et attrape doucement le poignet de Jonas pour le faire asseoir à côté d'elle. Il papillonne des yeux en me regardant.

— C'est une longue histoire qu'il y a entre eux, lance-t-elle en captant son regard. Et elle n'est pas faîte pour Noël. Attendez de vous retrouver tous les trois quand Kim rentrera pour en discuter. S'ils le veulent, ajoute-t-elle à Jonas quand je grimace.

— Margareth, toujours la voix de la raison, souffle Kim dans le téléphone. Ecoute Jo, je suis désolé. On t'expliquera plus tard, d'accord ? Ma mère m'attend.

La mention de sa mère me fait serrer le poing autour de ma tasse et je la finis d'un mouvement. Jonas soupire en se frottant le visage puis il acquiesce silencieusement avant de prendre la parole.

— Ok. Je vous jure que je ne vais pas vous lâcher jusqu'à ce que vous m'expliquez ce délire. Putain, tu parles d'un cadeau de Noël.

Kim éclate de rire avant de nous souhaiter une nouvelle fois un joyeux Noël puis il raccroche. J'ai le cœur qui s'emballe quand Jonas pose les yeux sur moi et j'ai l'impression de l'avoir trahi, d'une certaine façon. Il m'a fait confiance, il m'a déballé son histoire en détail en début de semaine, il a répondu à mes questions, a satisfait ma curiosité. Et moi, je lui ai caché ça sans hésiter, pour me protéger. Je n'arrive pas à aligner deux mots pour m'expliquer, pour m'excuser mais Margareth ne m'en laisse pas le temps non plus.

— Rejoins les garçons dehors, Max. Il faut que je parle à Jonas deux minutes.

— Quoi ? Non !

— Je ne lui dirai rien, me rassure-t-elle. Absolument rien sur votre histoire.

— Tu veux lui dire quoi alors ?

— S'il te plait, Max. Tu me fais confiance ?

Je meurs d'envie de lui hurler traitresse mais je me contiens et quitte plutôt la pièce en refermant la véranda d'un mouvement brusque. Tant pis si c'est gamin, tant pis si ça froisse Margareth. Je souris aux éducateurs en leur passant à côté puis je réceptionne une petite qui me saute dans les bras. Elle éclate de rire en me mettant le bonnet de noël sur les cheveux puis repart en courant. Mike me repère et me hurle de me dépêcher alors je le rejoins rapidement avant d'enlever ma veste rembourrée.

Pedro éclate sa main sur mes omoplates et je me mets à courir avec eux, tranquillement. On fait quelques mètres en silence, à cause de la tête horrible que je dois tirer. Kim a réagi sous la surprise mais je m'en serai bien passé. Jonas est convaincu qu'on s'est foutu de lui et c'est moi qui vais ramasser sa colère. Génial.

Mais lorsqu'il nous rejoint, c'est avec le sourire. Il retire son écharpe, son manteau et ses gants qu'il dépose à côté de mon sweat. Puis il passe au-dessus de la barrière en hélant Mike. On ralentit l'allure et il nous rattrape. Je suis surpris quand il passe son bras autour de ma nuque et m'oblige à me baisser avant de frotter ses doigts dans mes cheveux. J'essaye de m'éloigner mais Mike saute sur mon dos, Pedro me retient et ils s'en prennent à moi, tous les trois. Jonas m'ordonne de ne plus bouger, Mike éclate de rire, Pedro soutient Jonas. Et au lieu de me sentir seul, enseveli sous leurs mains, avec le poids de leur corps qui me tétanise, je me sens bien. Juste ce qu'il faut pour faire taire mes inquiétudes, pour calmer mes pensées qui partent dans tous les sens.

Jonas me rapproche alors de lui un peu plus près et rapproche son visage du mien, collant quasiment ses lèvres sur mon oreille.

— Je vais te faire passer l'envie de me mentir.

Je suis figé avant de croiser son regard amusé. Il secoue une énième fois mes cheveux puis rejoint son équipe avec Pedro tandis que Mike me tire vers nos cages. La panique me quitte aussi vite qu'elle est arrivée. Je suis chez moi, avec les gamins qui me tiennent le plus à cœur, et le capitaine de mon équipe.

Le match est entrecoupé de rires, de cris frustrés et je prends un plaisir dingue à ruser face à Jonas. La triche devient carrément un nouveau mode de jeu et nos doigts tirent nos hauts, Mike déchire carrément le t-shirt d'un gamin. Jonas se roule dans la boue en attrapant le ballon, un petit d'une dizaine d'années l'accompagne en riant à gorge déployée.

Mike est plié en deux, les éducateurs nous encouragent contre les barrières avec les plus petits qui ne peuvent pas jouer. Il y a du bruit de tous les côtés, la pluie recommence légèrement à tomber et on a pourri nos fringues. Sauf que ça ne nous arrête pas et on finit le match dans la bonne humeur. L'équipe de Jonas gagne, les petits bambins nous rejoignent et j'en attrape un entre mes doigts pour le chatouiller avec l'aide de Pedro.

On est peut-être abandonné dans un système où on n'existe pas. Mais c'est une famille dans laquelle j'ai grandi et qui m'a porté à bout de bras quand je me suis écroulé. Je veux aussi leur prouver que si on se bat assez fort, on peut réussir à remonter la pente puis gravir les échelons.

Je dois gagner la LO pour Kim, mais aussi pour eux.

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