Chapitre 24 - partie 1
Assis, les jambes croisés, je regarde Kim et Jonas échanger des passes. Un peu plus loin, les perruches se réchauffent en faisant des tours de terrain, Lael enfile sa doudoune en se dirigeant vers moi et Charleston semble discuter avec le coach.
— Pas trop froid ?
— Je survivrai, je réponds à Lael alors qu'il s'assoit à côté de moi. Pourquoi Memphis est là ?
— Il a vu les projecteurs allumés alors il s'est arrêté.
J'acquiesce en dévisageant notre coach. Ça fait six jours depuis le match contre les IrvinScale et on a le dernier match des sélections demain. Ce matin, Memphis nous a fait le récap des points de notre équipe et peu importe la finalité de demain, on sait qu'on est pris pour les quarts de finale. Pourtant, quand j'ai dit que j'allais à mon entrainement ce soir, les garçons m'ont suivi. Brett est reparti dès qu'on a eu fini pour se reposer mais je n'ai pas bougé en constatant que les autres voulaient rester un peu plus longtemps. Aucun de nous n'est vraiment fatigué : on veut tout déchirer demain et finir premier de notre catégorie.
— Tu ne nous as toujours pas dit : tu vas où ce week-end ?
— Ce week-end ? je répète en croisant son regard.
— C'est les vacances de Noël vendredi.
Je cligne plusieurs fois des yeux avant d'attraper mon portable dans ma poche. J'étais tellement débordé par tous mes problèmes que je n'avais même pas réalisé qu'on s'en rapprochait. Ce n'est pas une si mauvaise chose quelque part.
— Tu rentres chez toi ? je finis par demander à Lael qui attend une réaction. Comme les autres ?
— Je vais chez mon parrain oui. Les perruches m'accompagnent jusqu'au vingt-quatre puis ils vont chez les parents de Romeo. Tout le monde part sauf Jonas, vu que sa famille est par ici. Et toi ?
La mention de la famille du capitaine m'étonne parce qu'il ne m'en a rien dit. Je sais que les autres ne savent pas réellement ce qu'il lui est arrivé mais Jonas ne m'a pas parlé de famille. Je refoule ça dans un coin en lançant un regard dans la direction de nos tireurs et je réponds au blond.
— Je ne bouge pas non plus.
— Pourquoi ?
— Mes proches sont ici aussi, je murmure et il écarquille les yeux.
— Donc tu as de la famille ?
— C'est compliqué, je ricane. Je t'ai dit des proches, pas des membres de ma famille.
— Je vois. Si tu veux, tu peux venir chez moi, me propose Lael en haussant les épaules. Ça ne gênera pas mon parrain et on te ferait découvrir le coin avec les gars.
— Ça ira, je refuse en lui souriant doucement. Merci quand-même.
— Vous parlez de quoi ?
Je relève les yeux sur Jonas et Kim qui s'agenouillent devant nous avant de s'asseoir. Je leur donne leur bouteille d'eau et ils me remercient.
— Des vacances, Max avait oublié que c'était vendredi.
— Je n'ai pas dit ça !
— Ça s'est vu sur ta tronche, se moque Lael. Tu pars quand Kim ?
— Samedi matin. Tu peux me déposer à l'aéroport ?
— On part vendredi soir... Désolé.
— Pas de soucis, le rassure Kim en se tournant vers notre capitaine. Et toi ?
— Je pars vendredi soir chez ma tante et je rentre dimanche midi, souffle Jonas. Mais je peux faire l'aller-retour si tu veux.
— Si l'un des gars me laisse sa voiture, je te déposerai.
Toutes les têtes se tournent vers moi et je remonte la capuche de mon pull sur l'arrière de mon crâne dans un geste mécanique. Kim fronce les sourcils alors que Lael tire sur mon bras pour attirer mon attention.
— Tu sais conduire ?
— J'ai le permis oui, je marmonne. Mais ici, ça me sert à rien.
— Il te faut juste une voiture du coup ? me demande Jonas et je hoche la tête. Omare te laissera la sienne alors, je déposerai les gars à l'aéroport avant de partir.
— Tu penses que ce sera bon pour lui ? ricane Lael. Sa bagnole est une vraie tombe.
— Pour un aller-retour, ça devrait le faire. Et si on survit pas, n'oubliez pas de graver nos noms sur le trophée de la LO, je souris avec ironie en tapant dans la jambe de Lael.
— Promis.
Jonas roule des yeux avant de revenir sur le match de demain et la tactique qu'ils veulent employer. Etant donné que le bulldozer peut reprendre du service, il revient sur le terrain en tant que milieu défensif à la place de Georges. Ça signifie qu'on va se retrouver ensemble en défense, ce qui n'est pas arrivé depuis plusieurs semaines. Ça ne m'enchante pas mais je sais aussi que la défense sera mieux assurée. Tout en écoutant les garçons, je regarde Charleston rejoindre les perruches alors que Memphis part. Romeo fronce les sourcils en attrapant son téléphone et Omare hausse les épaules tandis que notre coloc leur dit quelque chose.
— Max, ici la Terre.
Je cligne des yeux alors que Lael secoue sa main devant mon visage. Un sourire moqueur au visage, Kim se fout de moi tandis que Jonas se relève avant de lui tendre ses doigts. Je les imite au moment où Romeo nous appelle pour qu'on rentre.
— Ça va ?
— Bien sûr, je réponds à Lael alors qu'il me dévisage, inquiet. Pourquoi ?
— J'ai l'impression que tu es ailleurs.
— Il s'imagine déjà comment on va fêter notre victoire de demain ! s'exclame Omare quand on les retrouve. On doit absolument faire un truc de malade !
Lael reste sceptique une autre longue seconde, ses yeux qui continuent de m'étudier comme s'il s'attendait à ce que je m'écroule. Puis Jonas passe son bras autour de ses épaules et il m'oublie enfin. En silence, je les suis jusqu'au parking et Charleston reste à côté de moi, les yeux sur son téléphone. J'y lis rapidement le nom de Ness en haut de sa conversation et détourne le regard.
Je viens de passer les derniers jours à éviter Memphis et Ness parce qu'à chaque fois que je pose mes yeux sur eux, je ne vois que leur compromis. Le coach me tient à l'œil grâce à l'arc-en-ciel et ça m'écœure. Ça ne devrait pas, je suis censé avoir retenu la leçon : garder les gens assez éloignés pour ne pas en souffrir quand tout vrille. Pourtant, malgré son attitude, Ness m'a prouvé que je pouvais lui accorder ma confiance, il a tenu parole à chaque fois qu'il me l'a donné. Pour, au final, que j'apprenne que c'était un ordre de Memphis ? Il ne l'a pas dit clairement mais le sous-entendu était là, si clair que ça m'a dégouté. Je ne veux pas leur parler.
Tout comme je devrais éviter de me retrouver avec Kim, qui n'a encore rien dit aux sujets des coups qui ont laissé des marques sur ma peau. Qui ne m'entraine plus, qui se retrouve simplement avec moi sur le terrain, qui n'affiche aucune expression. Je remonte la capuche sur l'arrière de mon crâne alors que mes yeux suivent son dos. Puis il s'adosse à la jeep dans le parking et écoute Jonas et Lael sans me jeter un regard, même lorsque je suis face à lui, entouré des gars qui se mettent d'accord sur les deniers détails pour partir en vacances.
Je ne sais même pas pourquoi je lui ai proposé de l'amener. C'est le bulldozer qui va me tomber dessus et me réduire en poussières à cause de ça, et je prends encore des risques de sauter aux prochains matchs. Si tu me la fous à l'envers, je te bute. Il a été assez clair dans ses propos. Mais je ne peux pas me résoudre à laisser Kim devant moi, sans tenter de retrouver ce qu'on avait. Tout ça parce qu'il continue de m'appeler Maxie, qu'il n'a pas oublié la comptine. Parce qu'il compte sur moi.
— Ça te va Max ?
J'acquiesce quand Omare se tourne vers moi. J'ai à peine suivi le fil de leur discussion, mais peu importe ce qu'ils ont décidé, ça m'ira. En détournant le regard, je vois le froncement de sourcils à Lael. Je m'écarte avant qu'il décide d'approfondir ce qui lui traverse l'esprit et Omare me suit tirant Romeo à sa suite. En montant à l'arrière de sa voiture, j'ignore Charleston qui est toujours sur son portable.
Le trajet jusqu'au dortoir est rapide et je me détourne des garçons quand ils prennent l'ascenseur. Lael m'appelle mais je monte les escaliers avant de m'apercevoir que Charleston est derrière moi et que Ness m'attend sur le palier du premier étage.
— J'aimerai qu'on discute cinq minutes, le troisième.
— On a un match demain, je marmonne en lui passant à côté. Je dois me reposer.
— Max.
Je me crispe sur la première marche qui mène au second étage. Puis je m'arrête et tourne la tête vers Charleston qui se tient à côté de Ness. Son foutu sourire narquois à lui est bien en place, ses yeux sont aussi flamboyant qu'à chaque fois que je l'énerve mais ce soir, je m'en fous. Je suis épuisé, je n'arrive pas à rester concentré, mes pensées partent dans tous les sens et j'ai l'impression que je n'avance pas.
Kim, Ness, le bulldozer, la League One. C'est tellement d'informations qui tournent en boucle que je ne sais plus laquelle gérer en priorité. Je suis incapable d'avoir une discussion, je ne vais pas réussir à garder mon sang froid. J'ai besoin qu'on me foute la paix. Pourtant, face aux regard de Charleston, je me retrouve à ne plus bouger et je fronce les sourcils.
— Quoi ?
— On a dit qu'on te laissait t'occuper de...
— Si c'est de ça que vous voulez parler, je le coupe brusquement, j'en ai franchement pas envie. A demain.
Ness est rapide. Je le sais depuis qu'il a arrêté un but à un de nos matchs sans que je ne le vois se mouvoir. Là, c'est pareil. Il a ses doigts autour de mon poignet, que je ressens comme des millions d'aiguilles malgré mon sweat. Lentement, je tourne la tête vers lui, tétanisé. Car il s'agit de Ness, parce que son sourire s'est volatilisé et qu'il ne va plus me lâcher.
— Je commence à en avoir marre, murmure l'arc-en-ciel entre ses dents. Je te fous la paix avec Daren, comme tu me l'as demandé, alors évite de me pousser à bout.
— Lâche-moi.
— Pour que tu retournes te cacher sous les jupes de Jonas ? Comme tu le fais depuis des jours ?
— Je ne veux pas te parler, je crache en tirant mon bras qu'il retient. Putain, Ness. Immédiatement.
— Pas avant que tu me dises ce qu'il t'arrive.
— Pour que tu ailles le répéter à Memphis ? Que tu accomplisses ta B.A de la journée ?
Ironique, je le surplombe alors que je suis sur la première marche. Je n'ai pas besoin de lever les yeux, pour la première fois, et ça me fait disjoncter. La main de Ness se resserre sur ma peau mais je l'ignore : c'est un carnage dans ma tête. Et il doit s'en douter parce que ses épaules se tendent quand j'affiche un sourire identique au sien, mauvais.
— Oh, Ness, me prends pas pour un con non plus, je ricane froidement. J'ai peut-être été stupide de te faire confiance, de croire que tu n'étais pas comme tous ces connards. Mais faut se rendre à l'évidence, non ?
— Explique-moi, j'ai dû mal à te suivre, siffle-t-il.
— Tu es sûr ? Si seulement tu faisais vraiment attention aux autres, si tu ne faisais pas ça juste pour être le petit préféré.
— Fais très attention à ce que tu dis...
— Tu aurais dû y penser avant.
Mon murmure le crispe alors que je penche la tête vers lui. Je comprends mieux ce qu'il ressent quand il domine nos putains de conversation. Je fais exprès de frôler ses lèvres des miennes, pour lui rappeler cette putain de soirée où je lui ai donné le pouvoir, ma confiance, mon corps, mes pensées. Il a tout eu parce que je croyais en lui, parce que j'étais certain qu'il était vraiment derrière moi, que je comptais un minimum pour lui. Je pensais qu'il me protégeait, qu'il m'aidait car il le désirait. Peut-être que c'était le cas pour une part de lui, mais l'autre agissait pour Memphis, pour garder le contrôle du petit troisième qui a l'air de perdre les pédales.
— A quoi tu joues ? souffle Ness sans lâcher mon regard.
— Je ne joue plus. Tu peux aller te faire foutre. Et n'oublie pas de prendre Memphis avec toi.
Ness écarquille les yeux et je m'arrache à sa main avant de grimper les escaliers quatre à quatre. Mon cœur bat à tout rompre et je retiens mes larmes. Bordel. J'entends mon prénom quand j'arrive au quatrième étage mais je trace jusqu'à mon appart en secouant la tête. D'un geste rageur, j'efface les traces sur mes joues et entre en fracassant la porte contre le mur. En la fermant, j'aperçois des cheveux pastel et je m'empresse de refermer à clef. Le front contre la porte, je ne sursaute même pas quand des poings s'enfoncent dans le bois.
J'entends à peine la voix de Charleston de l'autre côté et je me laisse tomber au sol, fatigué. Epuisé de me battre, de chercher une solution à tout ce qu'il m'arrive. Je ne suis même pas foutu de pleurer : mes yeux me brûlent mais aucunes larmes ne s'échappent. J'ai mal à la tête, au cœur, au ventre. Mon corps commence lentement à fourmiller, un nouveau coup sur la porte et je gémis en fermant les yeux.
— Tu peux courir pour que je te foute la paix !
C'est trop. J'ai la tête prête à exploser et Ness continue de me prendre pour un con. J'ai un vertige quand je me relève trop rapidement mais en un tour de main, j'ai ouvert la porte et Ness me fait face, son sourire arrogant aux lèvres.
Je craque. Mon poing part tout seul. Sauf qu'il l'esquive habilement et en une fraction de seconde, je suis dans mon appart, bloqué contre le mur alors que Charleston referme derrière nous. Le poids de Ness sur mon corps me coupe le souffle. Je ne peux pas. Les sensations glissent sur ma peau. Les souvenirs brisent une à une les barrières. Je vais vomir.
— C'est quoi ton putain de problème avec Memphis ? crache Ness.
— Lâche-moi. Tout de suite. S'il te plait.
Ness refuse mais Charleston réagit. Il éloigne l'arc-en-ciel sans réfléchir et je me retrouve assis au sol, le cœur fou. Mon coloc s'accroupit devant moi mais il retient sa main quand je m'écarte précipitamment de lui, m'enfonçant un peu plus dans le mur. Pendant un instant, il a ses traits à lui, il n'est plus Charleston mais cette ordure. Pendant un instant, j'ai peur pour ma vie.
— Recule.
Il fait un pas en arrière et retient Ness quand cet abruti tente de se foutre devant moi. Aucun d'eux ne sourient. Assis, ils me font face et mes yeux ne quittent pas leurs mains, qu'ils laissent en évidence. Ness croise alors ses doigts en posant ses coudes sur ses genoux, relevés et je suis son mouvement, avant de tomber dans son regard. La colère a disparu, par contre l'inquiétude est de retour. Je le déteste. Mais ça m'évite de penser à ma peau qui frissonne, à la sensation du doigt qui court sur ma gorge et descend sur mon bras. A ce souvenir brouillon qui veut me briser.
— Il me faut une bouteille.
Je fronce les sourcils et me fige quand il se lève brusquement. Mais il s'éloigne tout de suite vers la cuisine pour fouiller dans nos placards. Je repose mes yeux sur Charleston dès qu'il bouge d'un millimètre et il s'arrête immédiatement. Ness revient, un bouteille de vodka à la main et un sachet de chips.
— On ne bouge pas d'ici tant que tu n'auras pas parlé.
— Va te faire foutre, je cingle et il hausse un sourcil.
— Ça, je l'ai déjà entendu mais ça ne m'aide pas.
— Ness, soupire Charleston. Bois et tais-toi.
L'arc-en-ciel ouvre la bouteille sans soucis et s'enfile quelques gorgées avant de la reposer entre nous. Je n'y touche pas, j'affronte simplement les deux gars qui me font face, déterminés. Pendant une longue minute, personne ne parle. Je ne peux pas aligner deux mots sans vouloir exploser mon poing dans la tronche à Ness. Dans ses mensonges.
— Trop long, finit-il par lâcher. Tu détestes Memphis ?
— A ton avis ?
— Il ne t'a rien fait, marmonne Charleston en nous regardant tour à tour. C'est même le contraire.
— Il m'a aidé peut-être ? je ricane en pointant Ness du menton. En me foutant ce connard sur le dos ?
— Aïe, mon égo, chantonne l'arc-en-ciel en reprenant la bouteille puis il fronce les sourcils. Attends. Tu insinues quoi ?
La rage revient lentement réchauffer mon visage. Ce n'est pas moi qui insinue quelque chose. C'est lui qui s'est foutu à la botte du coach et qui garde un œil sur moi à cause de ça. Charleston doit faire le rapprochement parce qu'il a l'air surpris avant de soupirer en se massant les tempes.
— Je t'avais dit de la fermer à propos de ça, grogne-t-il pour Ness.
— Ça m'a échappé.
— Tu le savais aussi ? je m'emporte en croisant le regard de Charleston. Merde !
— Tu as interprê...
— Ferme-la ! je hurle à Ness. Il n'y avait rien à interpréter ! T'as été très clair : tu t'es occupé de mon cul juste pour satisfaire Memphis ! A aucun moment t'as veillé sur moi parce que t'en avais envie ! C'était qu'un putain de jeu !
— Effectivement, j'aurai dû me taire, pouffe Ness en retrouvant son sourire. Tu te fais toujours des films comme ça ?
Je m'appuie sur mes talons et d'un bond, je me retrouve au-dessus de lui, mon poing serré prêt à embrasser sa joue. Mes doigts autour de sa gorge, je le plaque au sol et il ricane. Soudain, une de ses mains s'enroule autour de mon poignet pour le retenir tandis que l'autre remonte sur ma nuque et agrippe mes cheveux pour m'obliger à me baisser.
— J'adore cette position, murmure-t-il. Mais j'aime encore plus quand tu as cette rage au fond des yeux.
— Je vais te le faire payer.
— Faut-il encore qu'il y ait quelque chose à me faire payer.
Ma respiration se coupe quand il se redresse, ses lèvres qui frôlent mon oreille.
— Je n'ai pas besoin de Memphis pour veiller sur toi. Personne ne me dicte quoi faire.
Brusquement, je me propulse en arrière et, dos contre le mur, j'écarquille les yeux alors que Ness se redresse en replaçant correctement son pull. Je remarque à peine que Charleston a rattrapé la bouteille avant qu'elle se vide sur le sol et le souffle court, j'attends que Ness développe. Il plante son regard dans le mien, tapotant ses doigts sur ses genoux, son sourire mesquin en coin.
— C'est vraiment comique. Des jours que tu m'évites comme la peste pour rien, murmure-t-il.
— Tu as dit qu'il allait...
— Tu es le troisième meilleur élément de son équipe, me coupe Ness en étirant son sourire. Bien sûr qu'il va m'éclater si tu ne peux pas jouer, parce qu'il sait que je suis derrière ton cul. Tu imagines la suite ? S'il découvre que je sais pour Daren, et que je ne lui ai rien dit pour répondre à tes caprices, c'est ma tête qui saute.
— Il t'a demandé de me surveiller ! Il me file les clefs du toit, il te colle avec moi dès qu'il peut, il...
— Il sait des choses que tu ne sais pas. N'oublie pas que Memphis est la seule autre personne à qui je fais confiance.
Je tremble, sans savoir si c'est de colère, de fatigue, ou simplement d'incompréhension. Ness plisse les yeux en regardant mes mains puis il remonte sur mon visage. Son expression redevient aussi froide, noire, que dans le bureau de Selena.
— Et, pour toi, je suis en train de piétiner sa confiance. Alors ne t'amuse plus jamais à me tourner le dos comme tu l'as fait. Tu as décidé de me donner ta confiance, ne la reprends pas.
— Qu'est-ce qui prouve que tu ne me mens pas ? Et ne te sers pas de Charleston, je crache quand il lève la main vers lui. Je te parle de toi.
Ness laisse ses doigts retomber sur sa cuisse en prenant conscience de ce qui me traverse l'esprit. Si je l'ai fui, c'est bien parce que c'est à lui que j'en voulais, parce que j'ai cru que c'était lui qui se payait ma tête. Charleston n'a rien à voir avec ça.
— Pareil, c'est une histoire montée de toutes pièces avec Memphis, je lance et il serre les dents. J'en sais rien en réalité.
— Je t'ai aidé à chaque fois que tu me l'as demandé, siffle Ness. Je n'ai rien dit pour Daren. Je me retiens de te foutre sur le banc dès que t'as un pied sur le terrain parce que je sais ce que tu risques.
— Je ne risque rien.
— A part de te faire tabasser ? ricane-t-il en reprenant la bouteille. Si tu ne veux pas que je te mente, évite de le faire en retour.
Mon corps décide que c'est le moment pour se relâcher. Mes épaules se détendent, mon cerveau arrête de tourner brusquement et je ferme les yeux, le front contre mes genoux alors que je passe mes bras autour de mes jambes. La fatigue se repose sur moi comme une couverture et je soupire, complètement éreinté. Cette fois, je sais que je n'arrive pas à reprendre le dessus. Je suis à côté de la plaque, ma peau frissonne, mon corps se rappelle des sensations et je n'ai pas la force de me battre contre. Pas ce soir, pas maintenant.
— Je vais me coucher.
C'est à peine si j'arrive à me lever. Je garde les yeux sur le sol, là où Ness pose sa main pour s'aider à se mettre sur ses pieds. Ceux de Charleston s'éloignent vers la cuisine et je m'appuie contre le mur pour fuir Ness. Mais évidemment, ses doigts agrippent déjà mes cheveux alors qu'il me force à relever la tête. Son sourire est toujours là, la flamme dans son regard aussi, jusqu'à ce qu'il croise mes yeux.
— Je déteste cette expression sur ton si beau minois.
— Tu me détestes, je lui rappelle. Laisse-moi aller me coucher, on a match demain.
Il reste silencieux quelques secondes pendant lesquelles on entend Charleston ouvrir et fermer un placard. Puis Ness me relâche et enfonce ses mains dans ses poches quand mes yeux glissent sur ses bras.
— Je ne te mens pas, le troisième.
— On en reparlera demain, je souffle en lui passant à côté.
— Garde bien à l'esprit ce que je t'ai dit, lance-t-il alors que j'ouvre la porte de ma chambre. Personne ne me dit quoi faire.
Mais ce n'est pas ça qui me permet de sombrer une fois que je suis allongé dans mon lit. C'est la phrase qu'il m'a soufflé juste avant, à l'oreille, et qui calme ma rancœur. Ness a toujours joué franc jeu, il n'a aucune raison de mentir maintenant. Pas quand l'équipe de Memphis est à deux doigts de réussir à entrer en quart de finale. Il veille sur moi parce qu'il le veut. Aussi un peu pour Memphis, pour être certain qu'on ne file pas droit dans le mur, mais ce n'est pas juste ça.
Pourtant, même si une part de moi est rassurée, une autre continue de se torturer. Demain, je joue avec Daren. Et Ness a raison sur une chose : je risque gros à fouler le terrain aux côtés du bulldozer.
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